Toi aussi
Les prisons de la nouvelle Rome se voulaient plutôt confortables, pensa Annabeth avec ironie, les chaines d'une longueur plutôt raisonnable, l'eau et la nourriture en quantité correcte.
- Refuser une audience au Sénat à des visiteurs est un manquement grave chez les Romains, déclara Jason qui ne revenait toujours pas de leur mise aux fers. C'est à l'encontre de ce que nous avons défendu pendant toutes ces années avec Reyna.
- Et bien, faut croire qu'elle a changé de point de vue, répondit Piper. Sa haine pour les Grecs l'y a sans doute poussé.
- Une haine injustifiée, Reyna est une personne censée. Je n'aurais jamais cru que…
Jason laissa sa phrase en suspens, les replongeant dans le silence. Léo tenta quelques plaisanteries pour détendre l'atmosphère mais son regard ne trompait personne. Annabeth voyait très bien que ses camarades désespéraient d'être enfermés. Ils auraient pu s'enfuir, grâce aux pouvoirs de Jason et Léo, à l'enjôlement de Piper ou encore grâce à l'expertise d'Annabeth qui avait déjà trouvé un moyen de rompre leurs chaines et de dégonder la porte. Mais s'ils s'échappaient leurs chances de réconciliation seraient réduites à néant, Jason leur conseillait d'attendre que Reyna revienne à la raison. Mais plus le temps passait, plus Annabeth doutait que ce jour arrive. Ses pensées se dirigèrent vers Percy, qui était là, quelque part à la Nouvelle Rome. Elle espérait qu'il serait en mesure de les aider, elle espérait qu'il voudrait les aider.
Le grincement de la porte retentit dans leur cellule, une fine silhouette en armure se détacha des ombres.
- J'ai fait de mon mieux mais je n'ai pas pu venir plus tôt.
- Hazel ? demanda Jason.
Annabeth reconnu l'un des soldats qui les avaient arrêtés trois jours plus tôt. La dite Hazel ôta son casque, révélant une longue chevelure ébène et un air encore enfantin.
- Ça faisait longtemps, préteur.
Jason se gratta la tête, embarrassé avant de jeter un œil à Piper. Annabeth suivit son regard, son amie semblait encore plus désorientée par la connivence entre Hazel et Jason.
- Je ne suis plus préteur, enfin j'imagine que j'ai été remplacé… Sais-tu si Reyna prévoit une séance au Sénat ?
La tristesse et la révolte parcoururent le visage d'Hazel, elle se pinça les lèvres et serra les poings.
- Elle a déjà eu lieu, en votre absence. Octave voudrait vous faire exécuter mais pour l'instant la majorité s'y oppose. Ils veulent entendre ce que tu as à dire Jason, mais Reyna et Octave s'y opposent. Ils disent que… (elle indiqua Pipier d'un geste du menton) ils disent que vos paroles sont pleines de magie, et qu'elles ne sauraient donner une quelconque vérité.
- C'est ridicule ! s'exclama Piper. Qu'ils osent parler de démocratie après ça !
La porte se rouvrit derrière Hazel, laissant apparaitre un grand gaillard aux traits asiatiques. Une lueur plus douce apparu dans les yeux de la jeune fille, ce qui laissa penser à Annabeth qu'ils étaient ensemble.
- Frank ?
- La relève des gardes est dans dix minutes, la prévint-il avant de disparaitre derrière la grosse porte.
- Hazel, pressa Jason, y aurait-il un moyen que nous parlions devant le Sénat ? Pour plaider notre cause ?
- Il faudrait que le nouveau préteur intervienne mais pour l'instant il est_
Une énorme détonation résonna dans la cellule, les murs se mirent à trembler. Que se passait-il ? Frank entra en trombe, le regard hagard.
- Le bateau ! Il tire des boulets de canon sur les murailles !
- Le bateau… attends MON BATEAU ? s'écria Léo.
Hazel posa un regard meurtrier sur le fils d'Héphaïstos.
- Qu'as-tu fais ?
- Moi ? Rien ! J'ai désactivé tous les systèmes comme m'a dit Annabeth, (il se tourna vers elle, tremblant) je te jure !
- Ne mens pas ! répliqua Frank. Vous tentez de vous évader !
- C'est une tentative de Gaïa pour nous désunir, répliqua Annabeth. Réfléchissez, pourquoi nous enfuir seulement maintenant ?
Une autre secousse parcouru la terre.
- Je vous crois, intervint Hazel à la surprise de tout le monde. Est-ce que vous sauriez le désactiver ?
- Où est le bateau ? demanda Annabeth. Il faut nous y conduire pour qu'on puisse_
- Non, que le mécano, opposa Frank. Hors de question que vous en profitiez pour vous échapper.
À peine eut-il le temps de terminer sa phrase d'un boulet de canon percuta un des murs de la prison, projetant des débris de pierre dans toutes les sens. Une vague de chaleur frappa Annabeth de plein fouet, lui coupant le souffle. Sa vision se brouilla quelques secondes puis son instinct de Chasseresse prit le dessus. Elle releva Léo et fit signe à Piper, Jason et aux deux soldats romains de la suivre. La vue d'un autre boulet de canon se dirigeant vers eux dissuada quiconque de protester. Sans plus réfléchir, préférant se référer à son instinct, Annabeth fonça droit sur l'Argo II.
Des dizaines de Romains se dirigeaient également vers le bateau, leur faisant barrage de leurs poings puisque la plupart étaient désarmées. Pourtant, sans doute grâce à leurs capacités combinées, le groupe parvint à atteindre l'Argo et à y grimper. Le coach Hedge, les y attendait, une batte dans la main.
- Coach Hedge ? Comment vous ave_
- On verra ça plus tard gamin ! Pour l'instant dépêche toi de régler sa satanée machine avant qu'elle ne tue tout le monde. Chez moi, les Romains on les éclate à la loyale : à grand coup de batte !
- Oui coach ! répondit Léo avant de foncer vers la salle des machines.
Annabeth jeta un regard à Hazel et Frank qui les avaient suivis jusque-là. L'adolescent, s'il ne les avait pas empêchés de rejoindre le bateau, semblait avoir la ferme intention de les ramener à Rome. Annabeth fut admirative de sa loyauté.
Les rugissements des canons se turent brusquement, les lumières rouges d'alerte cessèrent de même que l'assaut involontaire sur la Nouvelle Rome. Annabeth bénit en secret Léo d'avoir réussi à arrêter cette folie.
- Euh… les gars ? appela Léo depuis la salle des machines. Venez voir !
L'équipage rejoignit Léo comme un seul homme, Annabeth ne put retenir un hoquet en voyant Persée Jackson, couvert de cendre et de suie, les vêtements à moitiés carbonisés et une poignée de câble en cuivre à la main. Percy croisa son regard, il avait des yeux encore plus clairs que dans son souvenir, et tendit son épée, révélant une barre surmontée des lettres SPQR tatouées sur son bras droit. Enfin, Annabeth reconnu une broche en forme d'aigle accroché à la partie de son T-shirt qui n'avait pas brulée. La même broche que Reyna.
- C'est toi l'autre préteur ? souffla-t-elle, presque horrifiée.
- Tu as attaqué la Nouvelle Rome avec les canons de l'Argo, accusa Jason, la foudre dans les yeux.
Percy considéra le fils de Zeus du coin de l'autre, mais son attention était portée sur Annabeth. La Chasseresse crut un instant que son monde allait s'effondrer, secoué par le soulagement de le savoir sain et sauf, l'inquiétude de le savoir marqué Romain, l'impatience de pouvoir reparler à cet ami si cher après tant de temps, la peur qu'il ne la haïsse à l'instar de la plupart des pensionnaires de la colonie.
- Salut toi, dit-il d'une voix rauque, comme s'il n'avait pas parlé depuis des jours.
...
Quelques instants plus tôt.
De tous les mois qu'il avait passé à la nouvelle Rome et de tout le temps qu'il avait passé avec Reyna en tant que petit-copain, Percy ne l'avait jamais vue aussi tendue. L'infirmerie n'était pas le meilleur endroit pour briser la glace entre deux ex-amants, à moins qu'ils ne le soient encore, Percy n'en était pas tout à fait certain. La préteur de Rome, fille de Bellone au regard d'acier semblait le fuir, fixant obstinément ses deux chiens d'argent et or sagement couchés au pied de sa chaise. Percy était allongé sur le lit d'appoint, émergeant à peine de son sommeil.
- Depuis combien de temps…
- Trois jours. Tu es resté inconscient trois jours.
Étrangement Percy n'avait pas souvenir d'avoir rêvé pendant ce laps de temps. Depuis combien d'années n'avait-il pas eu de nuit sans rêve ?
- Ils sont donc arrivé ici depuis trois jours aussi…
- Tu veux dire elle ? le reprit-elle avec froideur.
- Où sont-ils ? Le sénat a-t-il été réuni ? Qu'ont-ils dit ? Ils sont venus pour moi ?
- Entre autres, dit Reyna, choisissant de ne répondre qu'à la dernière question. Ils ont parlé d'une prophétie à accomplir, nécessitant l'union des Romains et des Grecs, parmi d'autres foutaises.
- Je veux leur parler, dit Percy en tentant de se relever. C'est bon je me débrouille, la rabroua-t-il lorsqu'elle fit mine de l'aider.
- Tu n'es pas en état.
- Au contraire, je me sens mieux. Je peux marcher, regarde.
Pour appuyer son propos il entama un léger pas de danse avant de se rattraper à la barre de son lit. Reyna posa les yeux sur lui pour la première fois depuis son entrée dans l'infirmerie. Il comprit alors pourquoi elle l'évitait jusque-là. Reyna n'était pas triste mais furieuse, une telle colère qu'elle ne parvenait pas à la dissimuler. Elle était pourtant experte à ce jeu.
- Tu n'es pas en état mental de le faire. Tu viens de retrouver des souvenirs, ils pourraient te mener à des actes que tu regretterai après.
- Comme quoi ? demanda-t-il sèchement, vexé qu'elle doute de ses capacités. Tu penses que je vais leur tomber dans les bras ? Ne t'en fais pas pour cet aspect-là.
Reyna avait dit des souvenirs, comme s'il ne s'agissait pas vraiment des siens. Comme si sa mémoire retrouvée allait le dénaturer, le corrompre. En y repensant, il réalisa qu'il détestait le Percy d'avant la nouvelle Rome, un Percy faible, larmoyant, maudit, amoureux d'elle. Pourtant, l'idée de la savoir si proche lui procurait une chaleur au cœur qu'il n'avait jamais connu à la nouvelle Rome. Comprenant sans doute qu'il pensait à Annabeth, Reyna lui demanda.
- L'aimerais-tu autant si elle ne t'avait pas fait languir pendant tant d'années ? Si elle ne t'était pas inaccessible ?
Percy se crut transporté des années en arrière, alors qu'en pleine bataille contre Chronos Annabeth avait refusé ses avances.
- Crois le ou non, j'ai déjà entendu ces mêmes mots ailleurs.
Annabeth et Reyna n'étaient pas si différentes, songea Percy, plus il retrouvait ses souvenirs, plus il leur trouvait des similitudes. Certaines expressions chez Reyna -sa façon de replacer sa mèche de cheveux derrière l'oreille – lui faisait toujours fondre le cœur. À présent il savait qu'il aimait beaucoup d'Annabeth en Reyna, Percy se détestait de les comparer de façon aussi abjecte.
- Tu viens d'admettre que tu l'aimais encore, murmura-t-elle.
Percy désirait de tout son cœur pouvoir la prendre dans ses bras, de l'étreindre, mais c'était impossible. Il en était de nouveau incapable, sa malédiction l'avait rattrapé, entachant à jamais sa relation avec la préteur de la légion Romaine.
- Je t'aime aussi.
Elle s'avança vers lui jusqu'à le frôler, sa proximité lui provoqua de désagréable picotement sur toute sa peau, un premier avertissement.
- Alors prends moi dans tes bras, lui demanda-t-elle avec une autorité teintée de désespoir.
Reyna ne lui demandait pas la lune. L'homme était un animal social après tout, il avait besoin de contacts pour survivre dans le groupe. Percy tendit la main, comme il l'avait déjà fait mille fois lorsqu'il voulait lui caresser la joue avant de l'embrasser. Cette fois seulement sa paume tremblante s'arrêta sur le vide, de fines larmes d'impuissance coulèrent sur les joues de Percy.
- Je ne peux pas, la douleur… maintenant je me souviens de la douleur. Je ne veux pas… j'ai peur, avoua-t-il.
- C'est en étant terrifié du moindre contact que cette malédiction t'emprisonne.
Quand bien même la voix de Reyna était douce comme du miel, Percy se rembrunit à ces mots.
- Tu dis quoi ? Que c'est dans ma tête ? Qu'il suffirait que je fasse un effort ?
Elle haussa les épaules et pinça les lèvres, agacée.
- Je dis simplement que cette malédiction n'est revenue qu'en même temps que ta mémoire. Peut-être que ton esprit…
- La malédiction n'avait pas effet simplement peut-être parce que je suis en terre Romaine et que j'ai été maudit selon la tradition Grecques.
- Pourtant tu es toujours en terre Romaine, objecta-t-elle.
Percy se mit à faire les cent pas, réfléchissant à voix haute.
- Un bateau de guerre Grec vole au-dessus de la nouvelle Rome, soupira-t-il. Ils ont amené un morceau de Grèce avec eux. Peut-être est-ce l'explication ?
- Comme une Pandore déversant les pires maux sur le monde. Et tu veux que je les libère ? Imagines-tu le présage qu'ils représentent ? Octave a vu… il soutient ma décision, lui.
Les mots de Reyna lui retournèrent l'estomac, il tourna les talons, préférant fuir leur conversation.
- Je suis prêteur de Rome, j'ai des devoirs.
- N'oublie pas qui t'as fait prêteur Perce, dit-elle avec une voix qui lui rappela qu'elle avait été l'apprentie de Circé la sorcière. Et ne sous-estime pas ce que je peux défaire.
