Nouvel équipage
- Je venais vous voir quand votre joujou s'est mis à cracher ses boulets de canon pour je ne sais quelle raison, expliqua Percy. (Il épousseta ce qu'il lui restait de T-shirt et désigna les câbles dans sa main.) J'ai fait le nécessaire pour protéger ma cité.
- Tu aurais pu t'abstenir ! explosa Léo, y pas moins malin que de charcuter mon installation électrique ! Je vais mettre des jours à_
- Tu aurais pu être plus rapide, opposa Percy.
Le fils de Poséidon retroussa la lèvre pour dissimuler son amusement. Alors que la situation était des plus alarmante et leur relation avec les Romains au plus bas, Percy arrivait à avoir un sourire.
- Percy, tu les connais ? demanda Hazel
- Seulement Annabeth. J'imagine que vous autres venez de la colonie des Sang-mêlés.
- Comment tu sais ça ? demanda Frank. Tu étais inconscient quand_
- Parce que je me souviens de qui je suis. Je suis aussi un Grec, dit-il d'une voix parfaitement calme avant de se tourner vers Annabeth, et que grâce à votre satanée machine, Reyna et Octave vont vous condamner à mort. Et je ne pourrais rien faire.
Un grondement retentit au loin, Annabeth interrogea Percy du regard. Elle comprit alors que ce grondement au loin était la légion Romaine se mettant en marche.
- Annabeth, dit Jason à contre cœur, il faut partir. La légion ne peut plus être raisonnée.
La Chasseresse ne détacha pas ses yeux de Percy, guettant la moindre de ses réactions, la moindre émotion.
- Je suis d'accord, partez.
- Pas sans toi, objecta Annabeth. Gaïa s'éveille, je sais que tu l'as senti. La prophétie des sept, celle énoncée par Rachel le jour de ton 16ème anniversaire, elle te concerne. (Elle désigna les sept demi-dieux rassemblés dans la salle des machines) Et le destin semble nous avoir tous désignés.
- Elle a peut-être raison, admit Frank. J'ai fait des rêves récemment… j'ai comme une impression de déjà-vu.
- Bon bah bienvenu à bord, mon pote, railla Léo. Déso y a pas de première classe ici.
- Es-tu sûre que ce sont eux, Annabeth ?
- Ce sont eux, déclara Piper, les yeux rivés sur son poignard.
Frank se tourna vers Percy, le visage tordu par le doute. Percy en cet instant avait bel et bien la prestance d'un préteur Romain, le profil d'un chef. Annabeth le trouva changé, il avait deux ans de plus après tout… mais il y avait autre chose, une assurance dans son regard, de la confiance, de la maturité. Il était bien loin de l'homme dévasté dont elle avait entendu parler, son passage au camp Romain avait-il réussi à apaiser sa peine ? L'idée que Percy ne l'aime plus la soulageait. Ils pourraient enfin sortir de l'impasse, deux ans après avoir laissé leur amitié en suspens.
- Une prophétie hein ? T'es sûre que y a pas erreur sur la personne encore une fois ?
- Je doute qu'Aphrodite et Apollon n'ai eu le loisir d'embobiner qui que ce soit, sourit-elle.
Percy lui rendit son sourire, à son grand soulagement.
- Bien, allons sauver Rome dans ce cas, répondit le fils de Poséidon.
Léo poussa un cri de victoire avant de se précipiter aux commandes, il était temps de déguerpir de ce lieu le plus vite possible. Pourtant les mots de Percy résonnaient dans sa tête. Sauver Rome. Était-ce devenu sa maison à présent ? Son ami avait trouvé un nouveau foyer, cette seule perspective l'effraya plus que la pièce brûlante dans sa poche. La salle des machines se vida peu à peu, Frank fit mine de donner une accolade à Percy mais celui-ci l'évita maladroitement.
- Pourquoi être venue ? interrogea doucement Percy lorsqu'ils furent seul.
- On a un monde à sauver, éluda Annabeth.
- Tu m'as compris. Pourquoi la colonie t'a envoyé, toi ?
- Ma vue t'est-elle si insupportable ?
- Ce n'est pas ça, s'agita Percy. C'est juste que je pensais pas que tu viendrais… après tout… On a dû te dire ce qu'il s'est passé après la guerre. Enfin, j'imagine que Thalia t'en as parlé quand elle a rejoint les Chasseresses…
- Thalia et moi ne parlons plus vraiment, grimaça-t-elle.
- Vraiment ? Je n'ai pas suivi, désolé. À cette période j'étais un peu perdu, je dois de l'avouer. Dans un brouillard constant, plus la mémoire me revient, plus je méprise celui que j'ai été ces dernières années.
- Je suis désolée pour ce que tu as traversé, désolée pour ta peine.
- Merci, mais ce n'est pas de ta faute. Tu as fait un choix et je le respecte. Ça… je n'ai jamais eu l'occasion de te le dire.
Un énorme poids dont elle n'avait pas conscience jusque là quitta ses épaules. Percy passa la main dans ses cheveux, les yeux baissés, se mordillant l'intérieur de la joue.
- Et moi je n'avais jamais eu l'occasion de te dire que je compatissais.
Un silence tomba entre eux avant que Percy ne ressenti le besoin de le rompre.
- En théorie faudrait se serrer la main, mais je vais éviter pour des raisons évidentes. J'en veux aux dieux de m'avoir effacé la mémoire, d'avoir levé ma malédiction pour ensuite me l'infliger de nouveau. C'est encore plus dur de songer à ce que je pouvais encore faire hier.
Si Annabeth remarqua que les joues de Percy avaient légèrement rougi, elle ne fit pas de commentaires. Elle n'en avait pas le droit.
…
L'équipage de l'Argo II progressait rapidement et en quelques jours ils avaient atteint Charleston. Percy errait sur le bateau, toujours perturbé par les récents évènements et déchiré à l'idée de ne pas avoir dit au revoir à Reyna. Sa collègue lui manquait, de même que sa vie au camp et la discipline imposée. Ses souvenirs de ses années d'errance après son 16ème anniversaire lui martelaient le crâne, il se rappelait la détresse qu'il avait ressenti, la solitude et l'abandon. Ces sentiments étaient revenus, certes moins forts, mais ils avaient réussi à refaire le vide dans une partie de son cœur. Il repensa à l'annonce de Nico quelques mois plus tôt «Ta mère attend un heureux évènement » un autre élément s'ajouta à la pile de ses regrets et remords.
Comment sa simple rencontre avec Annabeth l'avait-elle rendu si vulnérable et faible ? Il avait sans doute trop ouvert son cœur, Aphrodite l'avait placé au centre d'un jeu de dupe et Annabeth et lui en payaient encore les conséquences. Il se sentait désolé pour la Chasseresse et révolté de l'accueil qu'elle avait reçu à la Colonie, atterré par la réaction de Thalia. La fille de Zeus avait tourné le dos à sa meilleure amie à cause de Percy, à cause de sa ridicule dépression amoureuse.
L'amour l'avait mené trop loin à des bars mal famés pour noyer son chagrin, à des batailles contre des monstres dans le seul but de se faire du mal, à des heures passées au casino lotus pour tuer le temps.
Percy croisa son reflet dans le miroir. À 18ans et demi ses cernes le vieillissaient encore plus, alors qu'Annabeth aurait toujours 16 ans. Un jour il l'accepterait. Il passa sa main contre son menton rasé et se fit la promesse de se laisser pousser la barbe quand ce jour viendrait.
L'arrivé de Frank derrière lui le fit sursauter, le grand gaillard voulu lui donner une tape dans le dos avant de se raviser. Le fils de Mars lui lança un regard désolé, Percy réprima une grimace. Il détestait la pitié.
- Alors tu nous évites ? lança-t-il d'un ton faussement enjoué. Tu nous détestes tant que ça ?
Depuis le début de leur périple, Percy restait à distance pour éviter tout contact et s'adapter à nouveau à cette sensation de brûlure constante sur sa peau.
- Sauf si c'est à cause d'Annabeth.
- Pas vraiment… comment tu_
- Les infos vont vite ici, notamment sur ton histoire avec Annabeth.
- C'est Hazel qui t'envoie ?
Percy imaginait mal Frank venir lui parler sentiments de lui-même. Il hocha la tête, contrit.
- Il n'y a pas eu d'histoire avec Annabeth, répondit-il alors en se redressant. Je te le rappelle que c'est une Chasseresse. Et de toute façon quand je l'ai rencontrée j'étais déjà maudit, mon temps à Rome n'était qu'un sursis...
- Quand on est parti en quête en Alaska et que j'ai parlé à mon père… il m'a dit que tu étais tombé amoureux de la mauvaise personne. Tu es tellement… enfin tu es Percy Jackson, tu envoies un signal « héros » à des kilomètres… au début je pensais que tu avais eu une histoire avec une déesse, que tu avais dû gérer un mari divin jaloux…
- J'aurais préféré m'éprendre d'une Aphrodite ou d'une Hébé, j'aurais au moins eu l'espoir qu'elle me le rende.
- Une Chasseresse… Même tes histoires de cœurs sont exceptionnelles. Et Reyna ?
- Quoi Reyna ?
- Elle est au courant pour Annabeth ?
Frank avait toujours eu le don de poser les pires questions aux pires moments. Mais il le faisait avec une telle candeur et naïveté que Percy ne pouvait pas lui en vouloir.
- On ne peut rien lui cacher, donc oui elle sait. Elle pense sans doute que je l'ai quittée pour Annabeth donc elle doit être furieuse.
- C'est la vérité ?
- On ne peut être le compagnon de route d'une Chasseresse que pour un temps, dit-il avec un ton plus amer que voulu. À la fin, elles retournent à la Chasse, parce qu'elles lui appartiennent et y sont dévouées. J'ai espéré un jour être plus fort que la Chasse, j'ai cru l'être, mais ce n'est qu'une illusion. Je ne suis pas là pour Annabeth, mais pour le monde.
Je suis là pour le monde, pas pour elle. En se répétant ce mantra, Percy espérait qu'il deviendrait réalité. C'était sans compter ses rêves hantés par Annabeth et son désir brûlant pour elle. Une boule en fusion naissait dans ses entrailles dès qu'il pensait à elle, presque aussi douloureuse qu'un contact humain. Il crevait de ne pas pouvoir la toucher et se savait condamné s'il le faisait.
Mais sa gorge se noauit lorsqu'il songeait à Reyna et au mal qu'il lui faisait. Son affection pour la prêteur était sincère, seulement trop fade en comparaison. C'était leur tragédie.
Peut-être n'aurait-il pas dû venir.
- Alors j'espère qu'une fois cette quête achevée Reyna comprendra et que tout s'arrangera entre vous. Vous formez un beau couple !
- CHARLESTON ! hurla Léo depuis la proue, évitant à Percy de devoir répondre.
