Bonjour tout le monde, voici la partie 4 (pensez à lire la partie 3 arrivée hier si jamais...)

Merci à Dana LMM pour toutes les corrections et les commentaires, merci à Shippeusesamnjack pour ses encouragements et aux deux pour leur présence, leurs relectures et surtout leur amitié ! Je vous attends en commentaire si le cœur vous en dit ;)

Balises d'épisode: courant saison 5 avant Zenith


Partie 4 :

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Pour couvrir ce qu'était devenu la réalité de leur nuit, il fut prétexté que les membres de SG1, au vu de leur nouvelle condition physique, avaient besoin d'une surveillance médicale rapprochée et Janet les installa dans l'une des chambres privées, à l'écart des regards curieux. La pièce avait été aménagée pour contenir quatre lits une place, alignés, séparés et attribués nominativement : Jack tout à droite, Sam tout à gauche, Daniel et Teal'c au milieu. L'irritation de Sam à la découverte de ce point n'avait échappé à personne et n'avait fait qu'inciter George et Jacob à multiplier les subterfuges qui, s'ils remplissaient effectivement leur rôle, rendaient l'ambiance du SGC électrique.

— Pourquoi est-ce que je ne peux pas les voir ? s'emporta encore Sam.

Jacob inspira et se passa une main sur le visage pour tenter de garder la maitrise de lui-même. L'adolescence de sa fille n'avait pas exactement été sa période préférée dans la parentalité, et il n'était que moyennement réjoui à l'idée de la revivre.

Tu devrais prendre ça comme une seconde chance, lui glissa Selmak.

Une chance de quoi ? Qu'elle me déteste encore plus ?

Le symbiote laissa échapper un rire doux qui tinta comme une clochette sous son crâne :

Elle ne te déteste pas.

Jacob grogna mentalement :

Dans la partie que tu connais, oui. Mais à seize ans, bien sûr que si.

Pfff, non. N'importe quoi !

Serais-tu en train de me traiter d'idiot ?

Selmak gloussa dans son esprit :

Non ! Jamais ! Loin de moi cette idée !

À d'autres…

À l'époque, c'était juste une enfant dévastée et terrorisée par la perte de sa mère…

Tu n'étais pas là ! la coupa-t-il brutalement.

Jacob n'avait pas envie de revenir là-dessus, de discuter de ça, surtout avec Selmak, pas comme ça, pas maintenant, voire pas du tout !

Pourtant, ça va être nécessaire, soupira cette dernière.

Arrête de lire mon esprit.

Mais je vis dans ton esprit ! se défendit le symbiote.

Pas exactement et tu le sais très bien, corrigea gentiment Jacob. Tu ne peux juste pas t'empêcher de fouiner dans ce qui ne te regarde pas.

Silence. En face de lui, Sam bougonnait sur son calcul tout en lui lançant des regards meurtriers à intervalles réguliers. Jacob se sentait mal, il avait besoin de légèreté et peut-être aussi de passer ses nerfs sur quelqu'un :

Tu es devenue muette ? Je t'ai mouchée, enfin ?

Tu sais bien que non, railla le symbiote. Mais puisque mon avis ne t'intéresse pas…

Tu ne vas pas t'y mettre !

Écoute, je n'étais pas là, mais je sais tout ce que tu sais, commença Selmak soudain beaucoup plus sérieuse, et même si tu penses le contraire, tu sais bien au fond de toi qu'elle ne t'a jamais détesté. Vous étiez tristes, démunis, perdus, tous les deux, tous les trois même, Marc a aussi sa place dans cette équation. Sam venait de perdre sa mère, elle avait peur de te perdre aussi, elle avait besoin de toi…

Et je n'ai pas été là, ni avant, ni pendant, ni après.

C'est faux. Depuis quatre ans, tu es là.

Jacob soupira tristement :

Qu'est-ce que quatre ans pour une vie ?

Rien, confirma Selmak. Et possiblement tout. Tu venais de perdre ta femme, toi aussi tu étais perdu. Vous vous aimiez mais aucun de vous deux ne le savait, ni comment faire avec, ni comment le montrer, alors vous avez fait ce que vous avez pu : Marc a choisi le rejet, Sam la colère et toi… la fuite. Tu sais qu'elle t'aime, même là.

Ouais, admit-il de mauvaise grâce et Selmak tinta encore sous son crâne. Ne sois pas suffisante.

Les tok'ras ne sont jamais suffisants.

Cette fois, c'est Jacob qui pouffa, sans doute un peu trop visiblement, vu le regard courroucé que Sam lui lança.

— Tu en es où ? lança-t-il pour changer de sujet.

Elle lui balança, plus qu'elle ne lui tendit, la feuille :

— Fini. Pourquoi est-ce que vous nous séparez ?

Il reposa la feuille et leva les yeux vers sa fille :

— Tu plaisantes, j'espère ? On vous a installé une chambre commune, je n'appelle pas exactement ça « vous séparer ».

Elle croisa les bras sur son ventre :

— Ça fait trois jours qu'on se voit à peine !

— Ils travaillent et toi aussi !

— Mais…

— Mais rien du tout ! Daniel est encore sous surveillance à l'infirmerie et il est sans doute préférable qu'il y reste jusqu'à ce qu'on trouve une solution à tout ceci !

Sam plissa le nez :

— Il va parfaitement bien, il pourrait être dehors !

Elle avait raison, évidemment, mais cela soulageait tout le monde de savoir Daniel dans un lieu sécurisé comme l'infirmerie, il botta en touche :

— Il a deux tok'ras avec lui pour l'aider aux traductions.

— Et Teal'c ? insista-t-elle, mais Jacob n'était pas dupe et savait parfaitement où elle voulait en venir.

— Bra'tac a décidé de l'entraîner à nouveau, au cas où votre condition deviendrait permanente, ce qui est, selon moi, une bonne idée.

— Je veux m'entraîner aussi !

Jacob soupira :

— C'est prévu, mais en attendant, j'aimerais surtout que tu te concentres sur le fait de vous faire retrouver votre âge normal.

Elle grommela en se tournant vers son ordinateur, Jacob reprit le calcul en laissant le soin à Selmak de faire ce qu'elle avait à faire, il n'était pas d'une grande aide en la matière…

— Et Ja… le colonel ? lâcha-t-elle enfin.

— Il travaille Sam…

Elle laissa échapper un rire mauvais :

— Ben voyons.

— Sam… il essaie de reconstituer ce qui s'est passé avec une équipe sur place. On a besoin de comprendre précisément à quoi vous avez touché là-bas.

— Avec une équipe, c'est ça, mais oui, bien sûr…

Son énervement manifeste irrita Jacob, dérangeant Selmak qui jura dans son crâne dans une langue inconnue héritée d'une ancienne hôte.

— Quoi ? Il est avec l'équipe de Reynolds ! Il y a un problème avec Reynolds ?

— Et avec Anise ! cracha Sam.

— Et il y a un problème avec Anise ?

Sam se tourna vers lui, les yeux lançant des éclairs et un rictus mauvais sur les lèvres :

— Est-ce qu'il y a un problème avec Anise ? Ah-Ah !

Ok, il y avait un problème avec Anise.

Za'tarc, souffla Selmak dans sa tête comme une mauvaise rumeur.

Il grimaça, il avait lu le rapport d'Anise sur « l'incident »et s'était attaché à essayer de ne pas lire ce qu'elle y avait insinué entre les lignes, Selmak, elle, ne s'en était pas privée.

Je sais de source sûre qu'Anise a fait des avances à O'Neill et comme Sam…

Chut, tais-toi !

Tu sais ce que j'allais dire, souffla la tok'ra.

Oui et justement, tais-toi ! Et puis source sûre, source sûre…

Daniel est une source de première main ! s'indigna Selmak.

Il avait bu quand il nous a dit ça…

Une bière ! contra-t-elle.

On parle de Daniel, dans son cas ça suffit !

Tu sais que j'ai raison, fanfaronna le symbiote.

— Ils doivent revenir à quelle heure ? reprit Sam.

— Je ne sais pas, répondit Jacob avec la voix de Selmak pendant qu'elle relisait pour la quatrième fois la même ligne.

— Je vais aller demander, déclara-t-elle en se levant de sa chaise.

— Non, l'arrêta Jacob en reprenant le contrôle, Selmak sous son crâne bougonna, l'ignorant, il reprit : peu importe l'heure de leur retour, tu le verras ce soir.

— Mais s'il rentre tôt, il pourrait passer ici.

Reste calme, lui rappela Selmak.

— Tu as du travail Sam…

Elle carra ses poings sur ses hanches :

— Mais en temps normal, Jack traîne sans arrêt dans mon labo quand je travaille ! Ça ne change rien.

— Jack, hein ?

Sam rougit brutalement avant de dissimuler le tout sous une couche de colère fraîche :

— Rahhhh.

— Tu dois te concentrer, on a déjà perdu beaucoup trop de temps, on n'avance pas Sam !

Jacob sentait son joli vernis de père attentif et calme se craqueler, il avait déjà monté le ton.

Respire, ironisa Selmak.

N'en rajoute pas, gronda Jacob alors que chaque fibre de son corps se contractait sous l'exaspération.

— Parce que tu es là ! C'est toi qui me ralentis !

Cette fois, elle dépassait les bornes ! Jacob ouvrit la bouche mais Selmak immobilisa son diaphragme si brutalement qu'il eut l'impression d'étouffer :

Stop ! Lui crier dessus ne changera rien.

Laisse-moi au moins respirer, ordonna Jacob. Tu veux nous tuer ou quoi ?

Il te faudrait bien plus que ça ! s'esclaffa Selmak.

Alors quoi ? Je la laisse s'en tirer.

Non. Tu lui prouves que tu as raison, son calcul est faux.

— Quoi ?

Jacob avait été si surpris qu'il avait parlé à voix haute. Sam fronça les sourcils.

— De quoi « quoi » ?

— Ton calcul est faux.

Il vit l'incrédulité traverser le visage de Sam avant que son égo d'adolescente ne reprenne le dessus :

— Impossible.

— Selmak dit que tu t'es trompée.

Sam lui arracha la feuille des mains :

— C'est elle qui se trompe !

Certainement pas, ricana la voix dans sa tête.

— Elle est certaine du contraire, regarde mieux, vraiment, sans apriori s'il te plaît. Une erreur peut arriver à tout le monde, Sam, ajouta-t-il radouci.

Elle plissa le nez, les mâchoires serrées :

— Pas à moi !

— Ton égo te perdra, siffla-t-il et Selmak frétilla de désapprobation.

— Il ne vient pas de nulle part mon égo, grinça Sam en consultant son calcul.

Selmak explosa de rire, ce qui revenait à peu près à avoir un carillon à vent dans le cerveau un jour de tempête :

Elle a de la répartie, j'adore, c'est presque dommage que l'adultat l'ait rendue si obéissante et politiquement correct !

Jacob essaya de l'ignorer et accusa :

— Tu es distraite Sam, tu n'arrives pas à te concentrer et tu fais n'importe quoi !

— Absolument pas !

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Jack soupira en émergeant sur la rampe, il retira sa casquette, maintenant moins bien ajustée, et se passa une main dans les cheveux. C'était assez agréable finalement, il ne se rappelait pas les avoir eus un jour aussi épais.

— Bienvenue à la maison fiston ! lui lança Hammond en entrant dans la pièce. Tout va bien ?

— Oui mon général, mais rien de nouveau pour le moment, ajouta-t-il en grimaçant.

— Vous m'en voyez désolé, Jack. Allez vous changer et nous reparlerons de tout ça dans mon bureau. Anise n'est pas avec vous ?

— Non mon général, elle avait encore « des trucs à faire ».

Il mima des guillemets avec ses doigts. La vérité, c'est qu'il avait insisté pour repartir pour être bien certain qu'Anise ne le suivrait pas. Cette femme, ou le serpent, ou les deux, il échouait, par mauvaise volonté manifeste, à savoir qui était Freya et qui était Anise, lui tapait sur le système. Trois jours ! Trois jours qu'il se farcissait son blabla scientifique et ses questions suspicieuses du matin au soir pour rien. Il n'y avait rien de plus à dire, rien de plus à faire, ils avaient dû rejouer la scène des dizaines de fois sous ses indications. Certes, la machine s'animait un peu sous sa main contrairement aux autres, si l'on considérait qu'un malheureux voyant qui s'allume compte pour quelque chose, mais elle restait globalement inerte. Il balança ses affaires en boule dans son vestiaire et fila en direction du bureau de Hammond, bien décidé à ce que cette journée « aidons Anise » soit la dernière. Sa voix de crécelle lui filait des petits frissons désagréables qui remontaient son dos jusqu'à le faire grimacer. Brrr. Et puis le blabla, pffff ! Bon, s'il était vraiment honnête, ce n'était pas le blabla le problème, il avait l'habitude avec Daniel et Sam, et cela ne le dérangeait pas en temps normal. D'accord, s'il était complètement honnête, il aurait pu écouter Carter lui réciter le tableau périodique des éléments ou n'importe quoi d'autre pendant des jours, mais là n'était pas la question… pas vraiment… ou peut-être que si. Il se secoua et frappa à la porte.

— Entrez Jack !

Il ouvrit la porte, tiquant quand même sur le fait qu'on l'appelait de moins en moins colonel. Il prit la chaise indiquée et se lança :

— Mon général, il est hors de question que je retourne sur cette planète avec Anise…

— Jack…

— Laissez-moi finir, s'il vous plaît, général, je suis sur cette fichue planète depuis trois jours, j'ai tout répété quinze fois, Anise n'a aucune idée de ce qu'elle fait.

— Colonel…

— C'est dit sans méchanceté, mais le fait est que rien ne marche. Le truc est peut-être déchargé ou prévu pour ne marcher qu'une fois, je ne sais pas, mais je n'ai plus rien à faire là-bas ! Et je ne comprends même pas pourquoi Carter n'était pas avec nous pour tout ça.

Un sourire étira discrètement les lèvres d'Hammond :

— Vous avez raison colonel, elle verra peut-être quelque chose que nous avons loupé. Elle sera autorisée à y aller demain…

Jack sentit une vague de soulagement le traverser, puis le général termina sa phrase et le bel enthousiasme de Jack fut douché :

— Vous resterez à la base et participerez à l'entrainement de maître Bra'tac.

Jack soupira.

— Un problème colonel ?

Il essaya de se redresser sur sa chaise :

— Non, aucun mon général, c'est juste que… il hésita, permission de vous parler librement monsieur ?

— Allez-y, Jack.

— Et si nous restons comme ça ?

George secoua la tête :

— Nous n'en sommes pas là fiston.

Jack tordit le nez :

— Mais si ça arrivait… Nous sommes toujours SG1, nous manquons un peu d'exercice, peut-être, je veux bien l'admettre, mais dans ce cas, renvoyez-nous en entrainement intensif, on sera tous partant mon général ! Et ça ne sera pas bien long, ce sera juste une redite.

— Colonel…

— Mon général ! Vous n'allez pas vous priver de SG1 alors que nous sommes là, prêts au service !

— Jack…

George affichait son air ennuyé, celui qui disait « c'est mort », celui que Jack détestait. Le général entrelaça ses doigts, faisant tourner doucement son alliance : c'était pire que ce que Jack pensait.

— Vous n'allez pas nous renvoyer sur le terrain… sa voix sonna comme un glas, même s'il ne l'avait pas forcément voulu comme ça.

En face de lui, George prit son air le plus navré et compatissant :

— Comprenez-moi fiston, vous êtes mineurs… je ne peux pas faire ça.

— Alors quoi ? Qu'est-ce que vous allez faire de nous ? Il va falloir qu'on retourne au lycée ? À l'université aussi ? Sam s'y est déjà fait remarquer la première fois, à votre avis, qu'est-ce que ça donnera avec la masse de connaissances qu'elle a maintenant ? Et Daniel ? Vous allez le renvoyer à l'école primaire ? Avec ses trente-sept langues ? Et Teal'c, hein mon général ? Qu'est-ce qu'on fait pour Teal'c ? Reynolds m'a dit que vous lui aviez confié la mission.

— Il n'aurait pas dû, commenta laconiquement le général.

— Je ne lui ai pas laissé le choix, précisa immédiatement Jack avant d'enchaîner. Mais même si ça réussit et qu'on le sauve, ils ne le laisseront jamais sortir, n'est-ce pas ? Ils ne nous laisseront jamais sortir ? Vous allez nous enfermer ici ? En zone 51 ?

Son cœur s'emballait, Jack pensait à Teal'c, Daniel, Sam, enfermés, utilisés, ou pire. Ses mots filaient hors de sa bouche, lui coupant le souffle, George arrêta brutalement sa logorrhée en plantant son regard dans le sien :

— Tu as une si piètre opinion de moi, fiston ? Tu penses vraiment que je laisserais ce genre de chose vous arriver ?

La langue de Jack claqua contre son palais et ses poumons s'emplirent d'air :

— Non.

— Merci, soupira George en se réadossant à son fauteuil.

— Mais je sais aussi qu'ils peuvent ne pas vous laisser le choix, grinça quand même Jack.

— J'ai aussi prévu cette éventualité, se contenta de répondre George.

— Et vous ne me direz rien…

— Comme je le disais tout à l'heure, colonel, nous n'en sommes pas encore là.

Jack souffla :

— Sam… Carter, corrigea-t-il presque immédiatement mais une seconde trop tard quand même, est le plus gros cerveau de cette galaxie et elle est au point mort, Daniel et les tok'ras aussi, il est temps d'envisager le plan B mon général.

— Ça reste encore à prouver.

Un mauvais pressentiment hérissa en aigrette la racine des cheveux de Jack :

— Qu'est-ce que vous voulez dire ?

George inspira et une boule d'angoisse se forma à l'arrière de la gorge de Jack. Le général chercha ses mots une interminable minute :

— Il semblerait que le major Carter ne soit pas forcément au mieux de ses capacités…

Jack avait déjà, sans réfléchir, bondi de sa chaise :

— Est-ce qu'elle va bien ?

George le fixa avec une tête étrange, à mi-chemin entre la grimace et l'hilarité :

— Elle va parfaitement bien, mais Selmak a noté plusieurs erreurs dans ses calculs tout au long de cette journée, et elle reconnaît elle-même une certaine lenteur et des difficultés.

Jack fronça les sourcils.

— Elle est peut-être seulement fatiguée, ajouta le général.

Jack fronça les sourcils encore plus fort, ce qu'il n'aurait pas cru possible : quelque chose clochait, Carter ne se trompait jamais, pas en calcul, même épuisée :

— Est-ce que je peux la voir ?

Cette fois, George laissa un sourire étirer ses traits et Jack n'était pas certain d'aimer cela, mais il y avait plus urgent que de s'attarder là-dessus :

— Je me doutais que vous demanderiez cela. Jacob a décidé qu'elle devait se reposer, elle est dans ses quartiers.

— Pas à l'infirmerie ?

— Non.

— Est-ce que…

George le congédia d'un geste de la main.

— Jack ! l'interpela-t-il alors qu'il ouvrait déjà la porte. Ne faites rien d'inconsidéré.

Jack hocha la tête, enregistrant l'avertissement ou le conseil, sans toutefois être vraiment certain de ce que le général sous-entendait.

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Sam roula sur son lit, encore, enfouissant sa tête dans la couverture, étouffant un cri qu'elle gardait pourtant muet. On frappa à sa porte, un coup, sa colère monta d'un cran. On l'avait congédiée de son propre labo ! On l'avait renvoyée et consignée dans sa chambre comme une petite fille ! « Pour que tu te reposes » tu parles ! Son père l'avait envoyée au lit ! Il pouvait toujours courir pour qu'elle se lève et vienne lui ouvrir. Il voulait qu'elle dorme, et bien voilà, elle dormait, pour tout le monde. Ils voulaient faire sans elle ? Et bien qu'ils le fassent et elle leur souhaitait bien du plaisir, surtout s'ils voulaient utiliser ses affaires, son ordinateur était truffé de codes et de protections, ils seraient vite coincés dans tous les cas, même Selmak, même son père, aucune chance qu'ils ne trouvent les codes. Nouveau coup. Elle grogna méchamment et tira la couverture sur sa tête.

Les coups reprirent, doux et nets :

Deux brefs.

Un long.

Trois brefs.

Deux longs.

Un bref.

La couette vola tandis qu'elle bondissait de son lit.

« It's me ».

Jack.

Elle ouvrit la porte d'un violent mouvement de bras, guidée par la joie avant de se souvenir de la nécessité de tempérer ses emportements, et bloqua in extremis la porte du pied pour éviter de l'ouvrir en grand :

— Mon colonel ?

— Carter… Je peux entrer ?

Sam regarda leur garde respectif et Cerbère soupira :

— La porte reste ouverte.

Sam se fendit d'un sourire carnassier à son intention et se décala pour laisser entrer Jack. Le colonel. Son commandant. Elle grimaça, avança vers le lit et se retourna. Il enfonça ses mains dans ses poches, se balançant légèrement sur ses talons : mal à l'aise. Sam balaya la pièce du regard : lit, bureau, chaise de bureau, options d'assises réduites. Tant pis, elle décida de tenter le lit et s'assit dessus. Elle laissa glisser son regard dans le sien, essayant de le rassurer, de l'inviter à s'asseoir peut-être, elle aurait voulu parler mais ne savait pas quoi dire.

En cinq ans, ils avaient développé leur propre langage et atteint un niveau de compréhension qui l'effrayait autant qu'il la portait au quotidien. Il n'y avait pas de mots dans leur langue, juste des regards, des effleurements, un sourcil relevé, une main déplacée, un bras qui rapproche, un pas qui éloigne, un dos qui se redresse pour soutenir, une main qui s'y pose pour guider, des sourires qui disent « vas-y » et des non-dits qui supplient « fuis et survis ». Et tellement plus dont elle avait conscience sans réussir à les nommer, mais qui aurait pu faire d'eux de grands magiciens à un numéro de télépathie devant une foule crédule.

Mais les mots… non. Comme si cette chose entre eux échappait à toute définition, se refusait aux mots, comme si la nommer pouvait la détruire ou les détruire. Sans doute parce que nommer revenait à la faire exister, matériellement, à tel point qu'il ne serait plus possible de la cacher, la nier, et les obligerait, eux et les autres, à y faire face. Ce qui n'était pas possible. Donc ils avaient renoncé aux mots, et en temps normal, Sam s'en accommodait mais là, elle devait bien admettre que cela les coinçait.

— Un problème, mon colonel ? arriva-t-elle finalement à articuler, la gorge sèche, les mains moites et le cœur battant beaucoup trop fort.

— Est-ce que tu vas bien Carter ?

Sa main trembla sur le « tu », elle hocha la tête, ne faisant pas confiance à sa voix. Jack inspira et fourra un peu plus les poings dans ses poches :

— Hammond m'a dit que… il grimaça… la journée avait été difficile…

— Difficile ? Hammond a vraiment dit « difficile » ?

Jack recula d'un pas en levant un peu trop ses sourcils et Sam percuta qu'elle avait dû s'énerver, un peu, un peu trop, elle bafouilla un ton en-dessous :

— Je suis désolée mon colonel, c'est juste que… Hammond n'était pas là ! Et puis j'ai juste fait une erreur de calcul ! Ou deux ! Et à les entendre, c'est la fin du monde ! Alors quoi ? Je n'ai pas le droit à l'erreur ? La brillante Carter, la géniale Carter, la matheuse Carter n'a pas le droit de se tromper et si elle commet la moindre petite erreur, pouf, on en fait une affaire d'état, on la juge inapte et on l'enferme dans ses quartiers ! Je me suis trompée sur une constante ! Un chiffre, dans la valeur d'une constante ! Un malheureux chiffre ! Ça leur arrive tout le temps aux autres ! Mais moi ? Ah non, Carter jamais ! Carter n'a pas le droit ! Et si jamais ça arrive, il faut forcément que toute la base soit au courant ! Tu sais quoi ? C'est injuste ! Voilà, c'est injuste mon colonel et…

Elle s'immobilisa brutalement prenant soudain conscience qu'elle avait tournée en rond dans toute la pièce et que maintenant, elle était plantée devant Jack qui mordait sa lèvre inférieure avec de l'amusement dans le regard. Elle s'effondra intérieurement :

— Je suis ridicule, grinça-t-elle en opérant un demi-tour, les épaules basses avec la ferme intention de se traîner jusqu'à son lit et de s'y enfouir à nouveau.

— Carter… il posa sa main sur son bras et une décharge les parcourut tous les deux, il baissa d'un ton alors que sa voix se faisait déjà velours : Sam. Tu n'es pas ridicule. Jamais. Ne laisse personne le dire. Et je t'interdis de le penser.

« D'accord », bredouilla son esprit mais rien ne sortit de sa bouche pourtant ouverte. Elle avança d'un pas de plus, faisant glisser la main de Jack dans la sienne, et serra avant qu'il n'ait eu le temps de l'enlever, l'entrainant avec elle jusqu'au lit où elle s'assit vers la tête et lui, prudemment vers le pied. Elle avait lâché sa main mais leurs doigts reposaient à quelques centimètres l'un de l'autre, posés sur la couverture.

— Qu'est-ce qui vous manque le plus ? Mon colonel, pensa-t-elle à ajouter bien trop tard.

Elle l'entendit inspirer et hésita une seconde à le regarder, avant de finalement laisser glisser son regard. Il avait croisé ses mains sur ses genoux et laissé tomber sa tête vers l'arrière.

— Les missions, je suppose, répondit-il en fixant le plafond.

— Et encore, vous avez pu traverser la porte, souligna-t-elle.

— Ouais, si c'est pour être obligé de passer ma journée avec Anise et Freya, je préfèrerais encore éviter, répondit-il du tac au tac.

— Vous n'aimez pas leur compagnie ?

Cette fois, il se redressa brutalement et tourna la tête dans sa direction :

— Vous plaisantez ? Pas vrai ? Vous n'êtes pas sérieusement en train de me poser cette question ?

Sam grimaça, elle sentit bien que la réponse attendue était non, avec un éclat de rire, mais la vérité était que cette question la taraudait et qu'elle avait envie de savoir. Cela ne la regardait pas bien sûr, et elle refusait de se pencher sur le pourquoi du comment cette question pouvait la torturer comme elle le faisait, mais le fait est qu'elle trainait là, en tache de fond, comme une vilaine comptine de cauchemar dans un coin de sa tête. Jack la fixait toujours et quelque chose dans ses yeux changea :

— Tu te poses vraiment la question, pas vrai ?

Sa voix aussi avait changé : douce, triste, déçue ? Est-ce qu'elle l'avait déçu ? Prenait-il cela pour un manque de confiance, ou au contraire pour une incursion dans sa vie privée ? Sam se mortifiait de minute en minute.

— Hé…

Le contact de la main de Jack sur la sienne la poussa à inspirer brutalement. Elle regarda entre eux. Par réflexe, il esquissa un geste de recul, elle remonta les yeux, rencontrant les siens dans une demande silencieuse. La main de Jack resta à sa place :

— Carter, je préfèrerais récurer toutes les toilettes de cette base que de passer du temps avec Anise, maintenant, avant, plus tard. D'accord ?

Elle hocha la tête mais quelque chose grouillait encore en elle, le monstre noir du doute qui rampait sur ses organes, caressant son cœur, torturant son esprit encore et encore :

— Daniel m'a dit…

Jack haussa un sourcil.

— …pour Freya, sa proposition, l'année dernière.

Jack mima un « ah » silencieux :

— Et vous auriez préféré que je vous mette au courant directement ?

Vous.

Sam secoua la tête alors que l'ombre mordait dans son cœur. Elle se pinça la lèvre pour retenir une larme traitresse, dieu qu'elle détestait ce bain d'hormones qui la rendait complètement émotive :

— Non monsieur, cela ne me regarde pas, je n'aurais pas dû aborder la question.

— Carter…

— Non monsieur, pas de soucis, tout va bien.

Elle fit mine de se lever mais la main de Jack ne bougea toujours pas.

— Sam…

Il s'interrompit, les lèvres un peu pincées vers l'intérieur, le regard intense et doux, celui qui l'attrapait comme un poisson dans un filet, celui qui disait aussi un peu « s'il te plaît ». Il se racla la gorge et passa son autre main sur sa nuque :

— Si Daniel t'a tout dit, il a dû te dire à quel point j'avais trouvé ça…

— Bizarre ?

— Ouais et dégoutant aussi, un peu.

Il mina un dégout exagéré et comme attendu, Sam prise de court éclata de rire. Elle avait beau le savoir, ça marchait toujours, il trouvait toujours le moyen de la faire rire et elle ne savait jamais vraiment si elle l'aimait ou le détestait pour cela. Elle leva les deux sourcils et un coin de sourire :

— Le baiser d'une belle femme, dégoutant ?

— Elle a un symbiote dans le crâne, Carter !

Il grimaça de plus belle mais cette fois, le rire de Sam manqua à l'appel, évaporé, rongé par les ombres. Il pencha légèrement la tête, cherchant à sonder ses yeux bleus, elle le laissa entrer, elle n'avait jamais eu la force de l'en empêcher de toute façon :

— Écoute, à l'époque, la seule chose que j'avais en tête c'était toi, te sauver, laissa-t-il échapper dans un souffle, ça n'a pas changé.

— Je ne suis pas en danger.

Un éclat de tristesse brilla dans son regard et un sourire lent étira doucement ses lèvres.

Un ange passa et le vague à l'âme pris Sam par surprise, les missions lui manquaient à elle aussi, l'équipe lui manquait, bien sûr ils étaient toujours là, tous les quatre et ils allaient bien heureusement, mais plus rien n'était pareil et encore, elle avait toujours son labo et la possibilité de travailler, le colonel avait perdu tellement plus. Elle essuya machinalement le coin de son œil gauche avec sa manche.

Le pouce de Jack dessina de petits cercles sur le dessus de sa main et le cœur de Sam se serra un peu plus :

— Je suis désolée.

— De quoi encore ?

De l'autre main, elle balayait l'air :

— De tout ça, de nous coincés, comme ça, d'avoir voulu étudier cette fichue machine…

— C'est le job ça, Carter.

— Est-ce que ça en vaut la peine ?

Une ride soucieuse marqua le front de Jack :

— Tu sais bien que oui.

Une angoisse sourde serra la gorge de Sam, quelque chose d'enfoui et qu'elle refusait de regarder en face depuis longtemps roula hors de sa bouche :

— Ça en vaut vraiment la peine ou on espère juste qu'à la fin ce sera le cas ?

— Toi et moi Carter, Daniel, Teal'c, nous quatre, ça vaut la peine.

Elle baissa la tête :

— Même si je n'arrivais pas à inverser les effets de la machine ?

— Tu trouveras.

Un rire aigre la secoua, il était comme les autres, prêt à tout parier sur son génie. En temps normal, cela la flattait, mais pas là, plus rien n'était normal :

— Et si je ne trouve pas ?

Il haussa les épaules et força ce sourire gigantesque qui lui faisait remonter les pommettes aux oreilles :

— Alors nous n'aurons plus qu'à grandir.

Sam secoua doucement la tête.

— Le chemin le plus long ?

— Le chemin le plus long, répéta-t-il avec une brève pression sur sa main.

— Ce n'est pas si simple, n'est-ce pas ?

Elle ne le regardait pas, elle n'en avait pas besoin pour savoir qu'il ne répondrait pas, le léger tremblement de ses doigts contre les siens l'avait fait pour lui.

— Hammond a dit qu'il avait un plan, lâcha-t-il finalement.

— Ah.

— Ouais, il inspira et prit une voix plus légère : Si ça se trouve, il va nous renvoyer à l'école. Prête à refaire l'académie dans la même promo que moi, Carter ?

Le retour du colonel-clown… Elle secoua la tête, laissant échapper le rire dont elle avait besoin pour respirer un peu mieux, même si rien n'était vraiment réglé.

— C'est moi la plus vieille de nous deux…

— Un an Carter, juste un an et encore, on a aucun moyen d'en être sûr ! Il éclata de rire et planta son regard dans le sien : ils peuvent nous forcer à refaire l'Académie mais je ne les laisserai pas nous séparer.

Sam déglutit. Il avait dit ça avec son ton badin habituel, ce n'était qu'une phrase, une plaisanterie, ça ne voulait rien dire. Mais elle tournait en écho dans le crâne et le cœur de Sam, éclairant les coins, effrayant les ombres. Le sourire s'effaça sur le visage de Jack à mesure qu'il se perdait dans ses yeux et Sam avait l'impression que le monde s'effilochait lentement autour d'eux, puis ce furent les contours, puis le colonel lui-même qui devinrent flous, et bientôt elle ne vit plus que ses yeux, pendant quoi… une longue minute ? Une heure ? Une vie ? Une seconde… il cligna des paupières et c'était fini. Il secoua la tête comme s'il sortait du sommeil, et Sam pria pour un rêve plutôt qu'un cauchemar. Il lâcha sa main et sauta sur ses pieds, frappant ses paumes l'une contre l'autre :

— Faim ?

Elle écarquilla les yeux. Il souriait, charmeur et blagueur, le Jack O'Neill qui change de sujet, celui qui sait tourner autour de cette chose, caressant le gouffre, sautant au-dessus avec la confiance et l'agilité du félin. Sam lui enviait cette aisance, cette capacité à faire abstraction, à oublier dans l'instant, à pouvoir faire avec ou sans, selon comment on concevait la chose. Elle se sentait tellement petite et incapable de ne pas y arriver aussi La seule chose qu'elle parvenait à faire, en temps normal, consistait à tout mettre là, derrière la porte : verrouiller la porte et prétendre qu'elle n'existait pas tout en passant et repassant devant des dizaines de fois par jour, pas par obligation mais par nécessité, parce que s'éloigner de cette porte lui coupait le souffle, parce que ne plus l'avoir en vue lui tordait les entrailles.

Parfois, elle s'appuyait contre le chambranle, la tête pulsant contre le bois alors que son cœur s'emballait et que sa main tremblait en effleurant la poignée, et elle restait là, chavirée et incapable, immobile et chancelante, le cœur ouvert et morcelé, déchirant sa poitrine et se désespérant de rejoindre l'autre côté. Dans ces cas-là, elle devait se faire violence, s'arracher à elle-même pour se détacher de cette porte, ramasser son cœur, le contraindre, l'emprisonner, barricader la prison où elle le gardait et dont il avait encore réussi à s'enfuir, perdant des bouts d'elle-même au passage. Elle enviait Jack de réussir là où elle échouait lamentablement, de réussir à s'épargner ça.

Ravalant sa peine et sa colère, elle leva à nouveau les yeux vers lui et là, derrière l'éclat du rire, elle le vit, vraiment, le Jack sérieux, le torturé, celui qui de l'autre côté de la porte s'attachait les mains pour s'empêcher d'ouvrir, celui qui vivait avec mais portait les chaînes avec lesquelles il s'était contraint à s'entraver. C'était là. Peut-être qu'ils se trompaient depuis le début. Peut-être que la question n'était pas de savoir si ce qu'ils faisaient en valait la peine au regard de cette chose qu'ils enfermaient entre eux, mais si cette chose en valait la peine au regard de la souffrance qu'ils s'infligeaient l'un à l'autre en son nom. C'était sans doute cela la vraie question, celle qu'ils n'avaient jamais voulu regarder. Elle lui offrit un sourire triste et haussa les épaules :

— Faim, oui.

Il changea de position et les ombres de son regard glissèrent dans la tanière de son esprit où elles avaient leurs habitudes :

— À la bonne heure ! On y va alors !

Elle attrapa la main qu'il lui tendait pour la remettre sur pied et le suivit dans le couloir, leur escorte marchant deux pas derrière.

— Qu'est-ce qui vous ferait plaisir, Carter ? Attendez ! Laissez-moi deviner ! Gelée ?

Elle baissa la tête en riant :

— Gelée.

— Alors va pour la gelée !

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(À suivre.)