Bonjour tout le monde, voici enfin la partie 7 !

Tout d'abord je voudrai vous présenter mes excuses pour cette absence longue durée. Les vacances, les enfants, la rentrée, le travail et la maladie ont quelque peu perturbé mon emploi du temps mais me voici. J'espère que vous me pardonnerez et prendrez plaisir à lire la fin de cette histoire.

A partir de maintenant il ne devrait y avoir au maximum une semaine entre les MAJ pas plus.

Merci énormément pour vos commentaires qui m'ont beaucoup touchée. Pardon si je n'ai pas encore répondu, je reviens vers vous très très vite. N'hésitez pas à commenter à si le coeur vous en dit, vos mots m'accompagnent toujours.

Merci à Dana LMM qui n'est jamais loin pour corriger. Merci à Shippeusesamnjack pour ses encouragements et aux deux pour d'être de si bonnes amies !

Balises d'épisode: courant saison 5 avant Zenith

Référence aux épisodes : 4x15 Réaction en chaîne/ Chain Reaction; 7x15 Rien à perdre / Citizen Joe


Partie 7 :

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Cinq jours. Cinq jours et cinq nuits qu'elle n'était pas sortie de la chambre et qu'elle en refaisait la déco à coup de marqueurs. Jack, lui, faisait toujours ce qu'il faisait dans ces cas-là : attendre et veiller aux contraintes matérielles : penser à la faire manger et boire, à la faire dormir aussi, l'envoyer à la douche aussi parfois. Bref, rappeler à Sam qu'elle avait un corps quand son esprit entrait suffisamment en fusion pour l'oublier. Au fil des ans, il avait acquis un savoir-faire dont il tirait une certaine fierté, de façon un peu déplacée sans doute, mais il savait maintenant précisément repérer le moment où elle avait besoin de silence absolu, ceux où elle devait prendre une pause et celui où la faim ou la soif la ralentissait. Dans ce genre de période il se plaisait à se penser comme son fil d'ariane, sa ligne de vie et son ancrage avec le monde tangible, ce qui la rattachait encore un peu à l'extérieur quand elle se perdait en elle. Présentement, il la connaissait aussi suffisamment, elle et leur dynamique établie, pour savoir qu'il la laissait aller bien plus loin que d'habitude. Ils n'en n'avaient pas parlé avant, ils n'en n'avaient pas eu besoin mais ils avaient tacitement accepté le risque: nécessité faisait loi. La situation critique nécessitait des mesures inhabituelles alors il la laissait plonger en elle toujours plus loin, même en sachant qu'à mesure qu'elle avançait le lien qui la rattachait à eux se faisait plus ténu.

Au fil des jours, il avait senti en lui-même les limites qu'ils s'imposaient tomber une à une. A chaque fois, un vent d'horreur lui avait glacé la nuque avant de s'installer en lui, tout autour de son cœur qui maintenant battait au milieu d'un champ mort et glacé de frayeur. A la fin du deuxième jour, elle avait renoncé à retourner à son lit et il avait accepté de se contenter de la couvrir d'une couverture alors qu'elle somnolait, appuyée contre le mur. Depuis le troisième jour, il avait pris sur lui de porter lui-même la paille ou la cuillère de gelée à ses lèvres alors que sans le regarder ou y faire attention elle continuait de lire ou d'écrire. Elle avait renoncé à la parole le lendemain. 48h que Jack n'avait pas entendu le son de sa voix, tout en l'observant, assis sur le lit, un mètre environ derrière elle, il triturait sa mémoire à la recherche des sons qui allaient avec les images de Carter qui tournaient chaque seconde en fond dans son esprit comme un carrousel perpétuel.

« Monsieur »

« Colonel »

« S'il vous plait »

Le dernier répandit une lui une vague d'angoisse qui craquela son cœur et les entrelacs gelés qui l'avaient piégé. Il s'élança vers l'avant par réflexe, renonça au dernier moment alors que ses mains planaient une dizaine de centimètres au-dessus des épaules de Sam. Il voulait l'agripper, la ramener de force de là où elle avait accepté d'aller, bien au-delà de ses limites. La serrer contre lui et lui dire que rien ne valait son épuisement, que le risque de son effondrement était un prix bien trop cher payé pour leur problème. Mais il ne le fit pas, il n'en n'avait pas le droit. La décision lui appartenait, à elle, en premier lieu. Il se devait de la respecter. Il lui devait à elle, à Daniel, à Teal'c, à lui-même aussi. Elle faisait cela pour eux, il aurait fait la même chose s'il avait pu, il n'allait pas le lui reprocher. Elle n'avait même pas vu, pas sentit sa présence, un cap, là encore. Normalement cela n'arrivait jamais, elle savait toujours où il était, personne ne pouvait jamais l'approcher sans qu'elle le sache, pas même lui, pas même Teal'c mais à présent elle n'était plus ici. Ses ongles s'étaient brisés, ses doigts écorchés, à force d'entrer en contact avec les murs, bientôt son corps suivrait et Jack assistait à cela en impuissant volontaire, comme une façon de contribuer malgré tout, une façon de souffrir aussi, d'expier un peu la culpabilité qui le rongeait.

Elle faisait ça pour lui, à cause de lui. Qui la poussait toujours plus loin ? Lui. Qui avait activé la machine ? Lui aussi. Qui avait cultivé son sens de l'honneur et du défi jusqu'à ce qu'il en devienne maladif ? Qui lui avait appris à mourir pour le job ? Lui, toujours lui. Pas directement, ça non. Mais elle avait suivi son exemple et il n'avait rien fait pour l'en dissuader trop occupé à se regarder le nombril et se gaver de fierté de former un si bon second.

Maintenant il était condamné à la voir se déliter en elle-même, absorbée par son propre génie, ingérée et autodigérée par son esprit. Et il laissait faire. Il n'aurait jamais assez d'une vie pour se le pardonner. Le soir cédait la place à la nuit même si, à force de ne plus voir l'extérieur et de ne plus éteindre les lumières, cela ne voulait plus dire grand-chose. Jack, avec l'aide des gardes, avait bricolé une sorte de tente au-dessus des lits des garçons pour leur permettre de dormir dans le sombre tout en laissant les allogènes pour Carter. Lui ne cherchait plus à dormir, pas tant qu'elle ne le ferait pas. Elle avait atteint ce stade de l'épuisement où dormir n'est même plus envisageable, où dormir n'appartient plus à la réalité, ce serait surement le renoncement du jour. A défaut de pouvoir la lui glisser sur les épaules il ramassa la couverture et la passa autour de lui, heurté autant que réconforté par l'odeur de Sam qui l'enveloppa soudain.

Une minute, une heure, une nuit, une vie plus tard, Jack, comme hypnotisé par le geste perpétuel de la main de Sam traçant sur le mur, perçu du mouvement dans la périphérie de son champ de vision. Daniel émergea de la tente en se frottant les yeux, les cheveux en bataille et le t-shirt de travers. Sans un mot l'enfant avança vers lui et se cala sur ses genoux. Jack, assis en tailleur, ajusta sa position alors que la tête de son ami se calait déjà contre sa poitrine.

— Encore un cauchemar ? lui souffla-t-il a l'oreille.

Daniel agita la tête et renifla, déjà à moitié rendormi :

— Papa et maman.

Jack soupira, referma les pants de la couverture sur l'enfant et commença à le bercer doucement. D'eux quatre, c'était Daniel qui semblait le plus affecté par les effets de la machine, il avait, comme Sam essayé de réapprendre mais avait rapidement dû renoncer. A mesure que les heures et les jours s'égrainaient il se rapprochait de plus en plus du petit garçon de huit ans dont il avait maintenant le corps. Il les reconnaissait, les aimait et égoïstement Jack en était vraiment soulagé, mais tout le reste semblait douloureusement s'évanouir. Pourquoi lui plus que les autres ? Jack n'en avait aucune idée. Peut-être parce qu'il était le plus jeune ? Peut-être parce que l'adulte qu'il était souffrait tellement que ce qui leur arrivait en devenait une échappatoire acceptable où Daniel avait fini par se réfugier volontairement ou non ?

Ce dernier s'agita dans ses bras et Jack le serra un peu plus contre lui, embrassant ses cheveux. Il essaya d'ignorer à quel point les bons gestes lui venaient naturellement, à quel point la situation lui rappelait Charlie tout en appuyant sur le vide. Le vide de l'absence de son fils certes, mais aussi autre chose, des choses qu'il avait sues et qu'il ne savait plus, des choses qui avaient disparues et disparaissaient encore comme des grains de sable qui glisseraient entre ses doigts faute de savoir les nommer, les reconnaitre et les visualiser. Ils avaient perdu leurs corps puis leurs capacités d'adultes mais l'angoissante sensation qu'ils perdaient aussi leurs souvenirs ne quittait pas Jack. A chaque fois qu'il essayait de se persuader du contraire, cette certitude le giflait comme une vague, le plaquant sur le sable noir glacial et gluant de l'angoisse et il restait là, à suffoquer, noyé sous la conviction. Que resterait-il d'eux s'ils perdaient leurs souvenirs ? Daniel s'agita et leva deux grands yeux de chouette flous vers lui :

— On va rester tous les quatre, pas vrai ? Sam et toi vous allez vous occupez de nous ?

— Sam va trouver une solution.

La peur de l'abandon perça dans la voix de l'enfant :

— Et si elle ne trouve pas, si on reste comme ça, vous vous occuperez de moi ?

— Oui Daniel.

— Promets-le !

Jack avala durement. Il aurait voulu promettre mais malheureusement il savait bien que deux adolescents ne l'emporteraient pas face au Pentagone si quelqu'un en haut lieu venait à s'y opposer :

— Qu'est-ce que tu cherches à me faire dire ?

Daniel se redressa, son menton pointu tremblait dans la droite ligne de ses lèvres, il leva vers lui deux océans de larmes :

— J'ai déjà perdu mes parents, je ne veux pas que ça recommence.

Deuxième choc. Jack aurait menti s'il avait affirmé que l'image ne lui avait pas traversé l'esprit : Sam et lui faisant leur vie ailleurs, ensemble, loin d'ici, de l'armée, des Goa'ulds, des machines incompréhensibles et du reste, comme des gens normaux, s'occuper de Daniel et de Teal'c, fonder une famille. Peut-être que c'était cela au fond que leur offrait la machine ? La possibilité de toute recommencer à zéro, d'arracher à la vie ce qu'elle leur avait refusé : une vie simple, tous les quatre, une famille pour Sam et Teal'c qui en avait manqué, des parents pour Daniel, un fils pour lui…

— Promets-moi que vous resterez avec moi, insista Daniel.

Jack laissa ses yeux dériver vers Carter un bref instant puis énonça à voix haute le serment qu'il s'était déjà fait à lui-même il y a bien longtemps les concernant :

— Toujours. Daniel. Toujours.

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— J'ai trouvé.

Un souffle dans la nuit. Jack sursauta et l'enfant contre lui s'ébroua avant de se rendormir. Il ouvrit les yeux sur Sam qui le fixait, le regard hanté :

— Qu'est-ce que tu as Carter ?

— Je crois que j'ai trouvé, articula-t-elle lentement, presque difficilement comme si son corps ne lui obéissait plus tout à fait.

Il la connaissait assez pour savoir ce que cette première étape supposait :

— Ok, de quoi as-tu besoin ?

Un mince sourire étira ses lèvres blanches :

— La salle de test du dernier niveau.

Malgré lui Jack releva les sourcils :

— Qu'est-ce que tu veux faire exploser ?

Les yeux de Sam papillonnèrent et elle chancela légèrement mais un petit rire la secoua rendant un peu de vie à Jack :

— Je crois que la batterie d'origine de l'engin est déchargée, elle est trop sensible pour que l'on puisse envisager d'y brancher un réacteur à naquada mais je crois que j'ai trouvé le moyen de créer une nouvelle batterie, une sorte de mini réacteur, mais il faudrait que je fasse des tests, les simulations informatiques risquent de ne pas suffire.

— Ok.

— Ok ? répéta-t-elle incrédule. Tu crois que le Général va donner son accord ?

Jack avait bien conscience qu'il était en train de sourire niaisement mais peut lui importait tant qu'il pouvait entendre la voix de Carter :

— On n'a pas besoin de lui demander.

Les yeux de Sam s'écarquillèrent :

— Mais ?

Jack haussa les épaules, assez doucement pour le pas réveiller Daniel :

— On y va, tu fais ce que tu as à faire, il sera toujours temps demain matin de lui expliquer. Tu as toujours tes accès de toute façon ?

— Je pense que Selmak a rappelé à George et papa de les révoquer, grimaça Sam.

Jack laissa échapper un rire, presque malgré lui :

— Parce que ça t'a déjà empêchée d'aller quelque part ?

Elle plissa un instant le front et s'illumina :

— Non.

— Alors c'est réglé, on y va !

Jack chercha à se lever mais après des heures recroquevillé sur le sol, ses jambes semblaient d'un avis différent. Trahit par un corps de quinze ans ! Jack mesurait finalement que ses genoux n'avaient peut-être jamais été son point fort.

— Tu peux le prendre le temps que je me lève ?

Elle hocha la tête et Jack passa à genoux en grimaçant avant de déposer délicatement Daniel au creu des bras de Sam. Il se releva, faisant jouer ses articulations un instant et anticipa, fort heureusement, les mouvements de Carter qui chercha à se lever tout en portant sa précieuse cargaison.

— Non Sam, attends !

Epuisée, sous-alimentée et au sol depuis des jours, elle chancela et Jack la rattrapa in-extremis par les coudes :

— Ça va ? souffla-t-il.

Elle hocha la tête. L'un en face de l'autre, Daniel blottit entre eux ils étaient dangereusement proches, assez pour que Jack sente le souffle de Sam sur sa peau et que son cœur s'accélère. Il trembla légèrement en annonçant :

— Je vais le reprendre, d'accord ?

— D'accord, balbutia-t-elle les yeux rivés sur les siens.

Jack déplaça doucement ses mains pour répartir le poids de Daniel et en reprendre la plus grande charge, il essaya d'ignorer à quel point c'était facile d'être là, avec Sam, autour d'un enfant, à quel point cela semblait naturel de porter un enfant entre eux, à deux.

— Je vais le recoucher laissa-t-il échapper. Ça va aller tu tiens debout ?

Elle se mordit la lèvre et fit oui de la tête. Il s'éloigna d'elle à regret, encore captif de son regard vert d'eau qui, à travers ses longs cils le fixait toujours. A son corps défendant, il laissa un baiser papillon se poser sur nez. Mortifié il la regarda fermer les yeux puis sourire, lui rendant le souffle. Il emporta Daniel et, se glissant sous les draps tendus, il trouva Teal'c réveillé :

— Est-ce que tout va bien Jack ?

La question lui arracha un nouveau sourire : depuis que Sam le lui avait demandé, Teal'c faisait beaucoup d'effort pour les appeler par leur prénom :

— Oui, Sam doit aller vérifier un truc, on ne sera pas long, tu peux garder Daniel ?

— Ce serait un honneur.

— Super. Il était un peu agité, s'il se réveille, dis-lui qu'on va revenir vite.

Teal'c approuva d'un signe de tête et tendit les bas pour récupérer l'enfant et l'allonger contre lui.

— Est-ce que j'éteins en partant ?

Un coin de sourire étira les lèvres de Teal'c :

— S'il vous plait, oui. Il est quatre heures du matin, Jack.

Jack grimaça, il avait un peu perdu la notion du temps :

— D'accord, désolé mon vieux.

— Pas de problème, Jack.

— Super. A tout à l'heure.

Ouvrant la porte Jack tomba sur un seul garde. Alors qu'il cherchait une excuse valable, Sam se glissa devant lui à la stupéfaction du jeune soldat :

— Désolée mais il faut vraiment que j'aille manger quelque chose, est-ce qu'on peut aller voir ce qui reste au mess ? S'il vous plait ?

Jack reconnaissait le gars, c'était le premier garde qu'il avait eu, dans le couloir, celui à qui Sam avait lancé des œillades. Le type bafouilla :

— Bien-sûr Madame, attendez je vais faire appeler quelqu'un pour vous escorter …

Elle ne lui laissa pas le temps de finir et fondit sur lui :

— Oh ce n'est pas la peine de déranger tout le monde, et j'ai vraiment très faim vous savez. Je ne vais pas me perdre, je sais encore où se trouve le mess et puis je ne serais pas toute seule le colonel O'Neill sera avec moi.

— Mais…

— S'il vous plait, implora-t-elle, je veux juste manger quelque chose de chaud et pouvoir retourner travailler. Vous savez ce que je fais non ? Vous pensez vraiment que je vais rester longtemps éloignée de cette chambre ?

Elle l'avait eu. Il n'avait encore rien dit mais c'était gravé sur le visage de ce pauvre garçon.

— D'accord madame, mais revenez vite d'accord ?

— Promis, mentit-elle radieuse en le poussant dans le couloir.

Jack suivit le mouvement mais comme il l'avait craint, à peine avaient-ils tournée au croisement que Sam chancela et s'appuya sur le mur.

— Hé, murmura-t-il en tendant le bras dans sa direction. Vas-y doucement, tu n'as quasi ni mangé ni dormi depuis cinq jours.

Elle balaya son inquiétude d'un revers de main :

— Ça va aller, ce n'est rien, il faut qu'on se dépêche on n'a pas beaucoup de temps.

— Oui, mais toi tu dois y aller doucement, viens là.

D'autorité il glissa un bras dans son dos et l'obligea à prendre appui sur lui, elle n'y opposa pas vraiment de résistance.

— C'est par où déjà ?

Le rire de Sam, dans ses bras, traversa son corps et le marais glacé où le cœur de Jack s'était englué retrouva des couleurs à la lumière de son sourire :

— Par-là, gloussa-t-elle.

Ce son symbolisait à lui seul son retour parmi les vivants, rien d'autre n'avait plus d'importance que cela pour Jack, même pas l'embarras, alors pour la première fois il ne lui demanda pas d'arrêter. Il avait cru la perdre, elle tremblait d'épuisement mais elle irait bien et tant qu'elle allait bien, elle pouvait bien glousser autant qu'elle le voulait, Jack n'en n'avait plus rien à faire, au contraire, c'était la meilleure musique de l'univers.

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Appelez cela un sixième sens, ou peut-être la conjonction de deux intelligences parentales ou assimilées, habituées à gérer des têtes de mules, dont pour l'une d'elle depuis 2000 ans, ou juste un pressentiment, ou plus surement qu'un tok'ra avait le sommeil léger, mais tout avait commencé par Selmak s'éveillant en sursaut réveillant son hôte dont elle avait heurtée métaphoriquement le crâne :

On doit aller voir Sam !

Selmak il est…quatre heures du matin…

Et ?

Tu es sérieuse ?

Oui.

Evidemment elle avait raison …

Comme toujours !

Selmak !

De Sam et de Jack ils n'avaient point trouvé dans leur chambre, ni même au mess où ils étaient censés être, et, après les avoir enfin trouvés et arrêtés in-extremis alors qu'ils menaçait de faire exploser la base et la moitié des Etats-Unis, ils se trouvaient maintenant tous entassés dans le bureau de George que la colère rendait cramoisie, surtout au réveil et sans café. George avait toutefois la chance, contrairement à Jacob, de pouvoir compter sur la promesse d'un café à plus ou moins court terme alors que lui avait dû y renoncer.

Mais ce n'est pas de ma faute si…

Chut. Tu en vaux la peine ça suffit.

Le symbiote se lova un instant contre lui en remerciement. Outre que c'était vrai, Jacob avait autre chose en tête et pas assez d'énergie pour démarrer une nouvelle bataille de clocher avec Selmak.

Sam, blanche comme un ligne, avait toutefois bien assez de force pour vociférer et défier ce brave George, il était temps d'intervenir.

Attention à ce que tu vas dire, souffla Selmak.

— Jeune fille, ça suffit !

Selmak laissa échapper un sifflement désagréable dans son esprit :

Mauvais choix.

C'est ma fille, laisse-moi gérer ça…

Comme tu veux, mais je persiste à dire que ce n'est pas la bonne méthode.

— Si on m'avait laissée finir mon expérience…

— Tu aurais fait sauter la moitié de ce pays ! hurla Jacob encore plus fort.

— C'est faux !

— C'est vrai !

— C'est faux !

Sérieusement ? ironisa Selmak.

Jacob l'ignora royalement :

— Tu n'avais pas à accéder à cette salle sans autorisation ! Si tu penses avoir trouvé une solution tu aurais dû nous en parler avant !

Jack, debout vers la porte clause du bureau se balança sur ses pieds :

— Pour sa défense …

La voix de l'adolescent déclencha un frisson de colère chez Jacob :

— Oh toi Jack, reste en dehors de tout ça ! C'est à ma fille que je parle !

— Papa ! s'énerva Sam.

— Elle voulait demander la permission, c'est moi qui ne voulais pas perdre de temps, annonça Jack avec son insolence habituelle.

Jacob fit volte-face et aucun « calme-toi » de Selmak ne put l'empêcher de marcher droit vers le colonel en herbes :

— Et ? Tu te crois malin ? Tu es encore son supérieur ? Et tu l'encourage à désobéir ? Et tu trouves ça drôle ? Elle aurait pu tous nous tuer. Elle aurait pu mourir Jack ! Sam aurait pu mourir, tu aurais toujours trouvé ça aussi drôle ?

Selmak gronda de désapprobation mais Jacob avait au moins la satisfaction d'avoir rabattu le caquet de ce petit merdeux prétentieux qui avait blêmit de deux tons.

Sam le bouscula pour s'interposer entre eux et le toisa de ses petits yeux rendus aigus par la colère :

— Laisse-le tranquille ! Je t'interdis de lui parler comme ça ! Rien n'est la faute de Jack !

— Jack hein ?

— Oui Jack ! Tu trouverais n'importe quoi pour t'en prendre à lui de toute façon ! Tu sais bien que tôt ou tard je l'épouserai et ça te défrise qu'il devienne ton gendre c'est pour ça que tu le détestes !

Selmak hoqueta. Un silence de plomb tomba sur le bureau et Sam, à son regard affolé, prit brutalement conscience de ce qu'elle venait de dire. Les deux mains plaquées sur la bouche son visage hésita entre le rouge et le blanc en passant par le vert. George se laissa tomber sur sa chaise de bureau, secouant la tête avant de l'appuyer sur ses mains. Jack se passa une main, sur la nuque, gêné, avant d'enfoncer profondément ses poings dans ses poches. Jacob restant tétanisé, le symbiote prit le relais et força le corps à respirer.

Elle l'avait dit. Elle avait osé le dire. Devant lui. Devant Jack. Devant George. Devant son commandant et son général de base ! Jacob ne savait même plus ce qui l'emportait dans son cœur, entre la colère, la gêne compassionnelle pour sa fille et l'inquiétude.

Après une longue minute figée, Sam sembla retrouver ses esprits et, la lèvre tremblante et les yeux pleins d'eau, c'est d'abord vers Jack qu'elle se tourna. Son avis avant le reste, évidemment. Le garçon n'eut de regard pour personne d'autre qu'elle. Cela ne surprit pas tellement Jacob même s'il mourrait d'envie de le secouer, de les secouer tous les deux. Pour Jack c'était Sam avant tout le reste, Jacob l'avait immédiatement compris et c'est pour cela qu'il aimait Jack et le détestait aussi un peu. Là, tout de suite, Sam gisait, immobile et bouleversée, le cœur éventré par accident, debout et tremblante, alors Jack fit la seule chose qu'il pouvait en pareil circonstance, la seule qui puisse la soulagée elle, et la moins adaptée à leur condition militaire : il ouvrit les bras.

— Viens-là.

A l'instant où les corps des adolescents entrèrent en contact le soulagement de Sam fut si manifeste que Jacob le ressentit physiquement. Jack la plaqua contre lui, une main dans ses cheveux et lança vers eux des regards de défis où la violence planait, contenue mais jamais loin, prête à surgir si nécessaire. Jacob avait tout à la fois envie de le remercier et de l'étriper. Emotionnellement, il faisait ce dont Sam avait besoin, professionnellement en revanche c'était la catastrophe.

George se frotta le visage à deux mains, la mine ravagée par l'effarement :

— Retournez dans votre chambre, tous les deux…

— Mon général…

— Taisez-vous colonel ! S'il vous plait, taisez-vous. Nous reparlerons de cela au matin, à une heure décente, après un café, au moins.

— Général… renifla Sam.

— Dans votre chambre. Maintenant, la coupa George en appuyant sur chaque mot.

Jack ouvrit la bouche et George se releva les deux mains à plat sur le bois devant lui :

— Colonel, Major, sortez tout de suite de mon bureau !

Sam se détacha de Jack et, sans lui lâcher la main, ouvrit la porte et l'entraina à sa suite, sans réponse ni salut.

Eh bien…commenta Selmak.

Tu trouves toujours la situation amusante et instructive ? railla Jacob amère.

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Jack regardait Sam faire les cent pas dans la chambre. Ils étaient là depuis des heures. Elle n'avait pas reparlé de "l'incident" et même si ce qu'elle avait dit tournait en boucle dans son esprit, Jack estimait plus prudent de la boucler sur le sujet. Présentement, elle lui expliquait sa théorie, point par point et faute d'écouter avec assez d'attention il ne comprenait rien, trop distrait par la colère qui couvait en elle, bouillonnante comme un volcan prêt à déborder. Hammond était finalement repassé, après un café, leur passer un savon monumental. Sam restait pourtant certaine de sa théorie et sa rage ne retombait pas. Dans son dos, Daniel et Teal'c jouaient aux cartes, faisant assez bien semblant de ne pas être là. Pour la quatrième fois en cinq minutes elle essaya d'entortiller ses cheveux avec un stylo. Elle avait fait ça toute la journée. L'ensemble s'écroula misérablement, elle poussa un grognement et envoya valser l'objet avant de se laisser tomber sur une chaise. Jack le ramassa en se relevant :

— Attends, laisse-moi faire, proposa-t-il.

Elle lui lança un regard suspicieux.

— Cass, expliqua-t-il.

Elle haussa les épaules et se détendit. En rassemblant ses cheveux il effleura sa nuque et elle frissonna sous ses doigts. Après cinq minutes de manipulation il faisait moins le fier, Cassandra avait les cheveux plus dociles que ceux de Carter. Les mèches blondes indomptables glissaient systématiquement hors du chignon.

— Il nous faut un élastique, grogna-t-il.

— Ou les couper.

Il parla sans réfléchir :

— Je les aime bien long.

Sam tourna vivement la tête, le fixant par-dessus son épaule, le regard sévère et les sourcils froncés :

— Tu n'as rien dit quand Teal'c s'est rasé le crâne.

Ce dernier releva un sourcil dans leur direction mais sans un mot replongea le nez dans ses cartes.

Jack recula et déglutit par réflexe :

— Non, mais… bafouilla-t-il. Tu fais comme tu veux Carter, j'ai juste dit que je les aimais bien long, mais j'aime bien courts aussi…

— Bien. Alors on coupe.

Jack releva le capot de sa montre :

— Il est déjà vingt heures Carter, il va falloir attendre demain matin.

— Tu vas le faire.

Cette fois Jack pria pour avoir mal entendu :

— Pardon ?

— Tu as déjà coupé les cheveux de Daniel non ?

Jack grimaça il n'était pas certain d'avoir envie de se souvenir de cette histoire, il n'était pas non plus certain de s'en souvenir complètement :

— Il avait perdu un pari Carter…

Elle planta son regard dans le sien :

— Et alors ?

— Et alors ? répéta-t-il. Disons que si je ratais mon coup…

« Je m'en fichais un peu plus » compléta son esprit sans oser le formuler à voix haute.

— Tu essaies et si c'est raté on rase tout, affirma-t-elle calmement et tout à fait déterminée.

— Mais…

Il chercha un argument, un bon, n'en trouva pas. Un sourire carnassier se dessina sur les lèvres de Carter :

— Si tu ne le fais pas, je rase tout directement.

Jack savait qu'elle en était capable. D'ailleurs, joignant le geste à la parole, elle se leva et se dirigea vers la salle de bain. En grognant il lui emboita le pas et la trouva, un ciseau dans une main, ses cheveux rassemblés dans l'autre.

— Sam…

Elle leva un sourcil, le visage plein de défis et coupa, juste au-dessus de son poing serré.

— Et maintenant ? demanda-t-elle la voix à la fois riante et acérée.

Elle secoua la tête, deux tiers de sa chevelure tombèrent au sol, le reste s'ébroua en bataille autour de sa tête, comme un soleil. Il agita la tête et soupira :

— Ok c'est bon, assieds-toi.

Il attrapa un peigne et lui confisqua les ciseaux alors qu'elle obéissait et se calait sur un tabouret. Jack inspira un grand coup. Il n'avait jamais fait ça, pas vraiment en tout cas, même si une part de lui savait qu'il savait faire. C'était comme une sorte de pressentiment étrange, quelque chose enfouit en lui, une de ses bizarreries aussi : régulièrement il se rêvait coiffeur. Pas par envie, cette profession ne l'avait jamais vraiment attiré, d'ailleurs il n'avait même pas songé à cela comme une possibilité avant de commencer à faire ces rêves bizarres où au lieu de dormir il coupait des cheveux, ajustait des pattes et faisait des couleurs. Il glissa le peigne dans les cheveux de Carter, implorant n'importe quel dieu auquel il ne croyait pas, que ses divagations oniriques n'aient pas été victime du même sort que le reste de ses souvenirs. Il commença à couper, visiblement il en restait suffisamment. Il commença à se détendre au fur à mesure que ses mains trouvaient les gestes adéquats. Cela restait globalement assez maladroit et approximatif mais ça irait, pour un colonel de l'armée de l'air de quinze ans apprenti-coiffeur le résultat serait acceptable.

— Ça va mieux ?

Elle ébouriffa ses cheveux et lui offrir l'un de ses sourires les plus éclatant :

— C'est parfait ! Tu es doué tu sais.

Il se contenta d'un petit sourire en coin et évita de dire que c'était parce que, depuis plus de quatre ans maintenant, il se rêvassait régulièrement coiffeur dans l'Indiana. La joie de Sam s'évanouit rapidement de retour dans la chambre, Teal'c essayait de méditer dans un coin pendant que Daniel baillait devant les dessins animés. On leur avait livré à manger mais personne ne semblait vraiment enclin à y toucher. Sam souleva la cloche qui recouvrait une assiette, renifla vaguement, grimaça, referma le tout et sauta sur le lit le plus proche. Celui de Jack. Il hésita et alla s'assoir à côté d'elle. Elle se réinstalla pour que leurs épaules se touchent et remonta ses genoux sur son menton. La situation, potentiellement amusante au départ, devenait ennuyeuse. Être enfermés, même ensemble, dans une chambre au SGC leur plombait le moral. On toqua et un garde passa la tête dans l'entrebâillement de la porte :

— Le général Hammond souhaiterait voir Teal'c.

Ce dernier se releva, les yeux encore clos et se dirigea vers la sortie. Jack bondit imité par Sam :

— On vient aussi.

Le soldat regarda Jack en secouant la tête :

— Seulement Teal'c.

Il ouvrit la bouche pour protester mais Sam lui frôla la main, du coin de l'œil il la vit faire non de la tête : il ferma la bouche.

— Tout ira bien Jack, affirma Teal'c en sortant.

Jack regarda la porte se refermer sur son ami alors que la lassitude lui tombait sur les épaules. Daniel tourna un visage inquiet dans sa direction :

— Il va revenir n'est-ce pas ?

Jack fit de son mieux pour afficher un sourire doux et rassurant :

— Bien-sûr que oui. Qu'est-ce que tu regardes ? demanda-t-il pour changer de sujet.

Daniel grimaça :

— Je ne trouve rien.

Jack tendit le bras pour récupérer la télécommande :

— Il n'y aurait pas les Simson à cette heure-ci ?

Sam, derrière lui pouffa, il la regarda par-dessus son épaule :

— Quoi ?

Elle leva les deux mains, un sourire fendant son visage d'une oreille à l'autre. Il lui rendit une petite grimace en échange. Il se laissa tomber sur le bord du lit à coté de Daniel et Sam l'imita de l'autre côté de l'enfant. Ce dernier ajusta sa position, les poussant à se rapprocher de lui. Jack zappa jusqu'à tomber sur ce qu'il cherchait. Il passa un bras dans le dos de Daniel s'apercevant à cette occasion que Sam avait eu la même idée. Elle laissa ses doigts courir le long de son bras et attrapa son coude. Il se laissa aller à faire la même chose, s'inclinant vers elle jusqu'à ce que leur tête se touche. Homer sur l'écran commit une nouvelle ânerie et Daniel éclata de rire. La douceur et le rire contre la tristesse, c'était déjà ça. Et ailleurs qu'ici, sans la menace de la commission, des Goa'uld et des cuivres, Jack se dit que cela pourrait même suffire.

( à suivre)