Dans la série : « J'ai pas de bol avec les mecs… »
Récit de Ludivine MacFolle, épouse Sacquet.
Je l'avais choisi parce que je le trouvais mignon, avec ses grands yeux bleus (maintenant que j'y pense, c'est vrai qu'on dirait des yeux de veau. Quand ma mère me l'a dit, je voulais pas y croire.). Mais, déjà à cette époque, quelques signes auraient dû m'alerter. Non, nous n'étions vraiment pas faits l'un pour l'autre…
D'abord, il y a sa taille. Evidemment, vous me direz, c'est pas important. Oui mais quand l'homme de votre vie vous arrive à la ceinture, ça devient gênant. Bien sûr, il y a des avantages (je n'entrerais pas dans les détails, et d'abord ça vous regarde pas !), mais quand vous vous promenez dans la rue et que les gens disent : « Il est trognon votre fils » , euh là vous avez l'air très con et vous dites, les dents serrées genre « fais un commentaire j'te tue » : « nan, nan, c'est mon mari… » . Je vous raconte pas la tronche des gens. En plus j'habite un patelin de vieux et ils ne sont pas très ouverts à la différence.
Deuxième chose qui aurait dû m'alerter : le jour de notre mariage. Moi, je me la pétais avec ma robe blanche et sa traîne de quinze kilomètres de (sur laquelle tout le monde marchait. Grrr !) . Bon lui il avait l'air un peu ridicule. Evidemment les Hobbits ont des pieds immenses, alors imaginez-le dans son costume taille huit ans avec des souliers taille quarante…Hem. Mais surtout, j'avais oublié…
L'Anneau.
Cet abruti (pardon. Mon cher époux, Frodon Sacquet) est obnubilé par les anneaux. Dès qu'il voit quelque chose qui ressemble de près ou de loin (même de très loin…) à un anneau, il part en courant. Du coup on mange dans des assiettes carrées, on boit dans des verres carrés, même le rouleau de P-cul est carré…J'en peux plus du carré !
Donc, le jour qui était censé être le plus beau de ma vie, on est devant M. le Maire, qui nous fait tout son baratin sur les devoirs des époux blablabla, puis quand il voit que je suis à deux doigts de lui écraser mon bouquet dans la figure, il passe enfin au moment le plus intéressant : les vœux.
"Mlle MacFolle, voulez-vous…"
"Ouiiii jeleveuxjeleveuxjeleveux !"
"D'accord…"
Il a un petit soupir désespéré je sais pas pourquoi…Il pose la même question à Frodon, qui dans son intérêt répond « oui », et là, Elanor, la fille de son grand pote Sam, nous présente les alliances…qui ne sont pas carrées, évidemment !
Frodon les regarde, la bouche ouverte et les yeux agrandis de terreur (ce qui lui donne un air profondément ridicule, j'vous jure) , puis il détale en hurlant :
"Aaaaaaaaaaargh ! L'Anneau ! Il n'a pas été détruit ! Il me poursuit ! Au secouours !"
Et là, je lui cours après lui en hurlant aussi :
"J'vais le tueeeeeeer !"
Après ces péripéties (et après avoir dépensé 15000€ pour trouver une alliance carrée à mon admirable époux) , nous avons commencé une vie maritale heureuse. Enfin presque…
D'abord, j'ai découvert qu'outre les anneaux, Frodon a d'autres terreurs : le feu, les araignées, les tours, les montagnes, les lames de Morgul (je lui ai expliqué cent fois que les couteaux à beurre n'allaient pas le transformer en spectre au service de Sauron-qui-de-toute-façon-est-mort-alors-arrête-de-me-faire-chier, mais visiblement ça ne rentre pas dans son crâne de piaf. Du coup, à la maison, on mange avec des couteaux en plastique) . Comme vous l'imaginez, la vie est extrêmement facile. En plus, il a des hallucinations : l'autre jour, il s'est réfugié derrière une poubelle parce qu'il a confondu un vieux avec un Orc. Tout ça parce que le vieux en question marchait courbé…
Et puis, la vie serait beaucoup plus simple sans ses potes. D'abord les deux abrutis dégénérés qui passent leur temps à faire des blagues. Bon le coup du seau sur la porte c'est drôle mais quand c'est sur TOUTES les portes c'est saoûlant…En plus ils sont toujours affamés, rien que pour eux je remplis trois caddies au supermarché…Surtout des champignons. Peuvent pas aller les cueillir leurs champignons ces deux ploucs ? Et se perdre dans la forêt en même temps ?
Et surtout il y a Sam. Frodon est toujours fourré avec lui, des fois je me demande s'il est pas marié avec lui en fait et pas avec moi. Dès qu'il a un petit bobo il faut qu'il aille voir Sam. Et moi alors ! Moi aussi j'peux lui faire un bisou sur son bobo ! Mais alors le pire, c'est qu'un jour où je revenais des courses à 21h, chargée comme un bœuf de boîtes de champignons pour les deux débiles, j'ai trouvé Sam dans ma chambre en train de lire une histoire à mon chéri (enfin là, je commençais à douter sérieusement de mes sentiments à son égard…) pour l'endormir. J'ai jeté mon manteau dans un coin et, d'une voix parfaitement maîtrisée, j'ai dit :
"Sam, dégage."
"Mais, Ludi…J'ai pas fini de lire l'histoire de Oui-Oui à la plage à Monsieur Frodon…"
"M'EN FOUS ! TA GUEULE ! DEGAGE DE MA CHAMBRE AVANT QUE J'T'Y AIDE A COUPS DE PIED AU CUL !"
Evidemment, ce qui devait arriver arriva.
"Ouiiiinnn !" (ça, c'est Fro.)
Là, je suis vraiment désespérée. Mais qu'est-ce qui m'a pris de me marier avec cette chose ! Mais le pire, c'est quand Sam prend Frodon dans ses bras pour le réconforter et que je l'entends dire :
"C'est rien, c'est rien, la méchante dame elle va partir."
Là, je hurle à pleins poumons (sachant qu'on est en appart', les voisins doivent apprécier) :
"QUOI ? C'EST MOI QUE TU TRAITES DE MECHANTE DAME ? ESPECE DE DEMI-PORTION ! SORS DE CHEZ MOI ET N'Y REMETS PLUS JAMAIS LES PIEDS !"
Je le chope par le colback et je le jette à travers la pièce. Il atterrit dans le couloir avec une glissade qui le mène directement à la porte d'entrée. Alors, je me tourne vers ce cher Frodon Sacquet, qui est toujours en train de chialer comme une tapette.
"FRODON SACQUET ! JE TE SIGNALE QUE TU ES CENSE AVOIR 52 ANS, PAS DEUX ! JE VEUX BIEN QUE SI T'ETAIS UN HUMAIN T'AURAIS MON AGE MAIS C'EST PAS UNE RAISON ! MEME ELANOR ELLE SE COMPORTE MIEUX QUE TOI ! J'EN AI MARRE ! J'TE QUITTE !"
"Ouiiiiinnn ! T'as pas le droit !"
"SI ! J'EN AI MARRE DES CHAMPIGNONS, DES COUTEAUX A BEURRE, DU P-CUL CARRE, DE LA BROSSE A CHIOTTES CARREE, DE PAS POUVOIR ALLUMER LE GAZ POUR CUIRE DES NOUILLES SANS QUE TU AILLES TE BARRICADER CHEZ CET EMMERDEUR DE SAM GAMEGIE ! T'AS QU'A ALLER VIVRE AVEC LUI ! MOI, J'M'EN VAIS !"
Sur ce, je le laisse à pleurnicher sur le lit conjugal et sors de la chambre. Mais, soudain, un éclair de vengeance sournoise survient dans mon esprit. Je retire mon alliance- ronde- et la lui jette d'une pichenette.
"Tiens ! Cadeau d'la maison !"
Et tandis que je m'éloigne dans la nuit en direction d'un hôtel de luxe (faut bien que je dépense SON fric !) , un cri résonne dans l'immeuble :
"NAAAAAAAN ! AU S'COUOURS ! SAAAAAAM !"
Voil0, un peu de temps a passé. J'ai contacté mon amie Gaëlle ( qu'est avec Superman en ce moment, enfin pas pour longtemps d'après ce qu'elle m'a dit) . Elle m'a conseillé de téléphoner à une copine, une certaine Hermione, qui visiblement s'y connaît en problèmes conjugaux. Hermione m'a conseillé de lire Désordres sentimentaux et déboires conjugaux vol. 3 : le coup de l'Anneau et du papier toilettes carré. J'ai lu un paragraphe, auquel je n'ai STRICTEMENT rien compris, mais j'ai pas pu continuer parce qu'à ce moment Sam Gamegie est arrivé, il m'a dit que Frodon était absolument dévasté par mon départ blabla, je lui ai dit que j'en avais rien à foutre et, pour souligner mon propos, je lui ai enfoncé le pavé de 3000 pages conseillé par Hermione dans le crâne.
Voilà, c'était mon histoire. Si je devais en tirer une conclusion, je dirais que les petits problèmes (ça, c'est Frodon) finissent toujours en gros soucis (ça, c'est toujours Frodon. Qui a cru que c'était moi. Faîtes gaffe, elle mord aussi la méchante dame !) .
The End
