2 ) Comme des cyprès…

Le petit sentier ombragé serpentait doucement le long d'une rivière claire et rapide. Sur ses rives s'épanouissait une végétation luxuriante. Des fleurs étranges aux couleurs vives côtoyaient des arbres aux larges feuilles qui se déclinaient dans tous les tons de vert. Il y régnait un climat de calme et de fraîcheur. C'était reposant.

Des libellules au long corps noir, les ailes jaunes et bleues rasaient l'eau d'un vol rapide et léger, cherchant quelque insecte à gober avant de se faire elles-mêmes avaler par de gros poissons carnassiers dont les têtes émergeaient parfois hors de l'eau. Ils se saisissaient avec avidité des imprudentes, les attrapant en un éclair dans leurs gueules aux minuscules dents tranchantes et tous deux disparaissaient au fond de la rivière.

Les deux hommes marchaient depuis une demi-heure. Le docteur McKay semblait absorbé par tout ce qui les entourait. Il poussait de temps en temps une petite exclamation, faisait une remarque sur telle ou telle plante. Le colonel Sheppard répondait par monosyllabes. Son attention était ailleurs : Il était lui plutôt absorbé par la contemplation du postérieur du scientifique.

C'était Ronon Dex qui avait fait découvrir les lieux au colonel trois semaines plus tôt. La promenade qui, si elle était charmante ne manquait pas d'embûches et Ronon lui avait dit :

-Colonel, c'est traître par ici , faites attention ou vous mettez les pieds.

Et John avait aussitôt pensé à Rodney. « Faites attention où vous mettez les pieds McKay », le militaire le répétait à chaque mission comme un leitmotiv au scientifique. Et bien sûr, cela ne servait à rien. Rodney s'étalait invariablement au sol. C'était comme ça. Le colonel avait fini par penser que c'était dans ses gènes, à Rodney. Une certaine accointance avec le sol que personne d'autre ne possédait. Une propension à la catastrophe. Quelque chose d'indéfinissable, propre à Rodney McKay.

Rodney était unique.

Et le colonel Sheppard était très amoureux de ce fichu canadien qui ne semblait pas s'en apercevoir. Il le voulait, le désirait. Alors il avait décider de prendre les choses en main et de donner un coup de pouce au destin.

Mais voilà qu'ils arrivaient à la première étape de son plan. Bien sûr, si celui-ci échouait, il avait prévu des plans de secours. Il fallait être prévoyant tout de même. Toujours penser aux impondérables. Surtout avec McKay.

A cet endroit là le chemin s'élargissait jusqu'à devenir une petite clairière boueuse .

Au bord de la rivière se dressaient des arbres immenses et le colonel qui connaissait un peu la Louisiane avait immédiatement fait le rapprochement avec les cyprès chauves. Ces arbres qui poussent souvent dans les bayous et dont les curieuses racines verticales émergent du sol comme d'étranges excroissances sur des dizaines de mètres dans leur périmètre. La prairie en était tapissée. Un véritable piège. Et McKay en traversant allait obligatoirement se prendre les pieds dedans et se ratatiner sur le sol spongieux. Il ne resterait plus qu'à le relever puis l'aider à enlever ses vêtements trempés parce que le pauvre tremblerait tellement de froid qu'il n'arriverait pas à se déshabiller tout seul. Et de toute façon, ses longs doigts seraient glacés et le colonel soufflerait dessus pour les réchauffer puis il déroulerait la petite couverture si utile et s' y enroulerait avec Rodney en arguant qu'il n'y avait rien de mieux que la chaleur humaine et…Bon, le colonel tout à ses projets futurs commença la traversée de la clairière pour le moins glissante. Ses pieds s'enfonçaient dans le sol spongieux et il les retirait à chaque pas dans un grand bruit de succion, soulevant à chaque fois un kilo de terre détrempée avec ses chaussures. Il avançait avec précaution. Ah, il fallait voir à quoi ça menait l'amour ! Mais s'il fallait en passer par là, il ferait avec. En attendant il aborda la lisière du pré avec d'énormes morceaux de boue collante et compacte accrochés au bas de son jeans et sur ses chaussures. Quelle poisse !

Bon, maintenant au tour de McKay. Le colonel ne se retourna pas, feignant d'être absorbé par la contemplation d'une énorme fleur pourpre sur le bord du chemin et attendit le cri caractéristique du McKay qui se prend le pied dans une racine suivi du bruit non moins caractéristique du corps de ladite personne s'étalant avec un grand splash dans la boue.

Mon petit Rodney, dans pas longtemps, toi et moi nous allons faire plus intime connaissance. Et crois moi, tu ne vas pas le regretter.

Il attendit donc.

Rien.

Bon, ça allait venir. Tout plan demandait son lot de patience afin d'accéder à la réussite.

Attente.

Mais qu'est-ce qu'il attendait pour se ratatiner celui-là ! Non mais c'est vrai à la fin, le colonel n'avait pas que ça à faire d'attendre que Môssieur McKay veuille bien s'étaler!

Il avait des projets lui !

-Ben colonel, vous comptez les libellules ou quoi ?

McKay venait de surgir à ses cotés.

-Dites colonel, vous auriez dû faire comme moi, contourner la prairie bien au sec. Vous avez vu vos chaussures ? Vous avez de la boue jusqu'en bas de votre pantalon !

Le colonel Sheppard le fixa, la bouche ouverte.

-Heu colonel, vous devriez fermer la bouche parce qu'avec tous les insectes qui volent dans le coin, vous allez finir par en avaler un. Et puis bon, vous n'avez pas l'air bien malin comme ça.

Le militaire serra les dents. OK, ça n'avait pas marché cette fois mais pas de panique, il avait tout prévu. Sa future victime ne perdait rien pour attendre. Il envoya son plus beau sourire au scientifique, sourire un peu forcé tout de même et entreprit de nettoyer tant bien que mal ses chaussures.

De toute façon, l'étape numéro deux n'était pas loin.

John eut un petit sourire diabolique.

Alors là, McKay, je t'assure que tu vas là sentir passer, celle là. Dans moins d'une heure, hop, tu te trémousseras dans mes bras ! Je suis vraiment impatient d'y être !

A suivre…