Chapitre 10 - Réalité


Vendredi soir - Gymnase du Lycée de Too :

Taïga n'avait pas eu de nouvelle de Daiki depuis l'autre soir au Maji. Son amant ne répondait ni à ses appels, ni à ses messages. Voilà pourquoi il se trouvait là, devant le gymnase du Lycée de Too. Il poussa les portes et s'installa dans les gradins, espérant le voir. Il savait qu'il devait y être comme tous les vendredis, mais connaissant l'animal, il aurait très bien pu sécher l'entrainement.

Contre toute attente, il était là. En tenue de sport, courant sur le parquet, balle en main. Il voyait d'ici son air contrarié sur le visage et il se doutait bien que son homme était en plein tourment. Il avait hésité à débarquer chez lui le mercredi soir mais Kuroko lui avait conseillé de le laisser mariner quelques jours. De le laisser se poser les bonnes questions pour qu'il puisse trouver les bonnes réponses. Alors il n'avait plus appelé, il n'avait plus envoyé de messages, mais ce n'était pas lui, ça. L'ignorance et la distance : il connaissait trop bien, et il ne voulait pas revivre ça.

Il était anxieux. Il ne savait pas ce qu'il se passait dans la tête du brun et il était prêt à parier qu'il voulait tout abandonner. Il l'imaginait déjà, l'air impassible et désintéressé lui dire que finalement, ils feraient mieux de s'arrêter là. Que ce n'était pas pour lui ce genre de relation. Qu'il préférait les filles, que ce serait plus simple.

Ouais, deux jours qu'il ne fermait pas l'œil de la nuit. Il avait les traits tirés et la mine grave, on lui en avait suffisamment fait la remarque ces deux derniers jours.

Il ne voulait pas que ça s'arrête. Pas maintenant alors qu'il venait juste de commencer une relation à deux. Pas maintenant qu'il ouvrait les portes de sa vie à quelqu'un. C'était bien trop tôt pour tout abandonner. Il voulait rester un peu plus dans sa bulle de bonheur. Est-ce que c'était trop demander ?

Il laissa son regard voyager sur les gestes de son amant sur le terrain. Il était totalement captivé par la fluidité de ses mouvements. Par la rapidité de ses gestes. Par la technique qu'il possédait, un beau mélange entre le street basket et les règles fondamentales de ce sport. Il avait une aura sur le parquet qu'il adorait, comme s'il devenait quelqu'un d'autre. Quelqu'un de sure de lui.

Bordel, pourquoi est-ce qu'il ne pouvait pas l'être aussi pour eux ?

Pourquoi est-ce qu'il restait silencieux comme ça ?

Il était juste parti, il avait fuis sans un mot. Il ne pouvait accepter ça. Pas sans explications. Pas sans réponse. Et pourtant, maintenant qu'il l'avait sous les yeux, il n'arrêtait pas de se demander ce qu'il faisait là. Ne devait-il pas le laisser réfléchir plus longtemps même si ça impliquait un arrêt de leur relation ? Ne devait-il pas le laisser partir finalement ? Ne devait-il pas lui laisser une chance d'avoir une vie normale, sans avoir à se cacher, à se prendre la tête ? Au final, il l'avait poussé à subir tout ça, même si le brun avait pris conscience que des sentiments étaient en jeu entre eux, c'est lui qui avait cherché à en être là. Daiki n'aurait jamais réalisé tout ça s'il ne l'avait pas poussé à le faire. Il était qui pour l'enfoncer dans ce genre de relation ?

Il serra le tissu de son pantalon entre ses doigts. Il était en train de douter et ce n'était pas bon. Il était venu dans le but de le récupérer, et voilà qu'il était en train de faire marche arrière ! Mais comment faire autrement ? Comment penser différemment lorsque le regard de votre amant passait constamment d'amoureux à ignorant. C'était pesant, même pour lui. Il imaginait très bien l'état d'esprit de Daiki et ce qu'il était en train de lui faire subir était malsain au final. Il attendait que le brun assume, mais il avait sa part de responsabilité dans tout ça. Pourquoi est-ce que Daiki devrait assumer quelque chose qu'il n'aurait certainement jamais eu à faire ?

Quelle vie il avait à lui offrir ? Une vie de bonheur mais ne dépassant pas les cloisons de son appartement. Une vie où, même si Daiki venait à assumer leur relation, ils devraient supporter les regards mauvais, les remarques déplacées, peut-être même le rejet de certain. Qui était-il pour lui faire subir ça ? Il ne méritait pas ça. Il méritait d'avoir une vie normale, une vie où il pourrait tenir la main de la personne qu'il aime dans la rue. Une vie où il pourrait assumer pleinement son amour sans se soucier de rien. Une vie avec une femme et des enfants.

Non, il n'avait rien à faire là. Il devait laisser Daiki se faire son jugement lui-même. Il devait le laisser faire son choix même si c'était douloureux. Il sentit quelque chose d'humide sur sa main et abaissa le regard.

Bordel...

Il amena sa main à sa joue et remarqua qu'il versait des larmes.

Cette situation le dépassait. Depuis quand était-il si attaché au brun ? Depuis quand avait-il autant remplis son quotidien ? Ça faisait à peine un mois qu'il partageait un bout de vie, et pourtant l'attachement était là. La perspective de le perdre était bien plus douloureuse qu'il ne l'aurait pensé. Il devait se barrer et vite. Il devait quitter ses gradins, ce gymnase avant que Daiki ne le voie. Il devait laisser le temps au temps. Forcer les choses ne serait bon pour personne.

Il se leva et observa une dernière fois le parquet, essuyant ses larmes. Il croisa au dernier moment le regard du brun qui perdit la balle sous l'étonnement, s'arrêtant en pleine course sous la surprise. Leurs regards s'accrochèrent un moment puis Taïga détourna le regard, quittant les gradins.

Il ne devait pas rester là.

Daiki n'aurait pas du lever les yeux.

Il n'aurait pas dû venir ici.


Courir. Dribbler. Marquer.

Courir. Dribbler. Marquer.

Courir. Dribbler. Marquer.

Taïga ...

Non !

Courir. Dribbler. Marquer.

Courir. Dribbler. Marquer.

Putain !

Daiki n'arrivait pas à se concentrer sur la balle. Il était totalement ailleurs, le discours de Kise se répétant inlassablement dans sa tête. Il avait peur de le perdre. Peur de ne jamais réussi à surmonter cette épreuve. Il ne lui restait que sa mère. Comment ferait-il si elle lui tournait le dos ? Comment pourrait-il se regarder en face s'il décevait une fois de plus sa mère ? Impossible. Ca lui ferait bien trop mal. Mais perdre Taïga ... Il avait du mal à l'envisager. Il avait gouté à ce bonheur, le perdre aussi rapidement et bêtement ... Sérieusement ! Il se détestait d'être comme ça. Il avait un caractère de merde et il était incapable de s'en servir dans ce genre de moment ! Il n'était qu'un lâche et un putain de froussard. Il blessait Taïga avec son comportement alors qu'il ne souhaitait que le contraire.

Courir. Dribbler. Marquer.

Courir. Dribbler. Marquer.

Courir. Dribbler. Marquer.

Il devait se vider la tête, il allait devenir fou si ça continuait. Il avait été tellement lâche ce soir-là. Kise l'avait piqué pile au bon endroit. Celui qui remettait tout en cause.

Ses choix.

Son amour.

Sa liberté.

Taïga.

Taïga qui avait capturé son cœur en un instant. Taïga qui avait su lui montrer que le bonheur existait, qu'il était juste sous son nez, qu'il n'avait qu'à tendre la main. Il l'avait fait pour le basket. Il essayait de le faire dans sa vie. Il sentait qu'elle était là, tout près, au bout de ses doigts, mais une barrière appelée peur s'amusait à s'ériger devant lui à chaque fois, comme un mur d'une hauteur vertigineuse.

D'où venait cette terreur ? Pourquoi la peur d'être seul le terrifiait autant ? Son père en était surement la cause mais se jeter dans cette relation en fermant les yeux sur reste était bien trop compliqué. Un couple ne durait jamais éternellement, ses parents en était la preuve vivante. S'il se mettait le monde à dos, et que sa relation prenait fin avec Taïga, il lui resterait quoi ?

Rien.

Voilà où le menait constamment ses pensées. Il avait beau se torturer l'esprit, il en arrivait toujours au même point. La peur le pétrifiait littéralement. Il avait beau avoir besoin de lui, la peur était omniprésente. Kise avait touché le point sensible. Il lui avait montré, non seulement que lui assumait ses choix et ses envies, mais qu'en plus, Taïga pourrait être plus heureux à ses côtés. Qu'avec lui, tout serait plus simple. Qu'ils n'auraient pas à se cacher, à dissimuler des gestes, des embrassades, des mots doux. Qu'avec lui il serait un vrai couple. Voilà ce que Kise lui avait balancé à la gueule, et c'était dur à accepter. Dur de prendre conscience qu'il était tout bonnement incapable de le rendre heureux.

La balle entra dans le panier et il la récupéra. Il leva la tête pour souffler deux minutes et une tignasse rouge attira rapidement son attention.

Taïga.

Son corps se figea et la balle lui glissa des mains. Merde. Il ne s'attendait pas à le voir ici. Il ne pensait pas qu'il viendrait jusqu'ici. Il ne distinguait qu'une silhouette de là où il était mais le bras qui venait d'essuyer son visage était assez parlant. Est-ce qu'il pleurait ? Il n'eut pas le temps de s'interroger plus que son homme détourna le regard, puis son corps entier suivit le mouvement, marchant en direction de la sortie.

Merde.

Merde, merde, merde.

Il regarda rapidement l'horloge du gymnase, il était bien trop tôt pour la fin de l'entrainement, mais si Taïga partait maintenant, c'est qu'il ne comptait pas l'attendre à la sortie. Il ne pouvait pas le laisser partir comme ça. Son cœur battait la chamade, mais ce n'était pas dû à l'effort, et il en avait parfaitement conscience.

Merde !

Il n'avait pas du tout prévu de le voir maintenant. Il n'avait même pas réussi à prendre une décision. Il se mordit la lèvre, imaginant son visage peiné et la douleur tirant ses traits.

"MERDE !"

Il jeta la balle rageusement et couru vers les bancs ou il attrapa son sac et sa veste. Il ne pouvait pas le laisser partir dans cet état-là. Il devait le rattraper, même s'il n'avait pas d'explication fiable à lui donner.

"HEY ! Tu crois aller où comme ça !" Gueula Wakamatsu.

"Je dois m'barrer ! Je suis désolé !"

"Hey ! AOMINE !"

Il n'écouta pas une seconde son nouveau capitaine et il quitta le gymnase, son sac posé à l'arrache sur son épaule, courant pour le rattraper.


"TAIGA !"

Son cœur loupa un battement et il s'arrêta en plein milieu de la cour du lycée. Daiki ... Daiki l'avait suivi. Il ferma difficilement les yeux mais ne se retourna pas.

"Taïga, attend !"

Il serra les poings et baissa la tête. Il n'était pas prêt à l'affronter. Pas maintenant. Il n'était pas dans son assiette et son esprit partait sur la mauvaise pente.

"Tu devrais y retourner Daiki. Je voulais juste voire si tu allais bien. Je ne voulais pas te déranger."

"Qu'est-ce que tu racontes... Tu ne peux pas partir comme ça."

Il entendait les pas de Daiki venir vers lui et il redoutait ce moment. Il avait une conclusion en tête et elle ne lui plaisait pas. Pas du tout même.

"Je ne faisais que passer. Je m'inquiétais, mais c'est bon."

Il amorça un pas pour s'en aller mais le brun fut plus rapide. Daiki entoura rapidement ses bras autour de sa taille, le retenant contre lui. Il sentait le front de son homme se poser contre l'arrière de sa tête. Il sentait son souffle rapide sur sa nuque et des frissons le parcoururent.

"Je suis désolé. Je n'aurais pas dû partir comme ça l'autre soir. Je n'aurais pas dû ignorer tes messages…"

Il posa ses mains sur les avants bras de Daiki, profitant de sa chaleur, de son étreinte, fermant les yeux pour s'en imprégner pleinement.

"C'est bon j'te dit."

"Non. Non, ce n'est pas bon. Ne me ment pas."

Il ferma les yeux plus durement. Son ventre se tordit désagréablement et sa gorge se serra. Il avait mal, et il n'arrivait pas à faire bonne figure. Il ne voulait pas que Daiki le voit comme ça. Pas dans cet état-là. Il se sentait perdu et totalement vidé. Impuissant sur leur relation. Il n'arriverait pas à convaincre Daiki si lui-même ne l'était pas. Comment pousser cet homme à continuer dans ce sens ? Comment lui dire de rester à ses côtés si lui-même ne pouvait lui promettre le bonheur. Ce serait quoi leur vie ?

Est-ce qu'elle se résumerait à rester dans son appartement à l'abris des regards ? A vivre caché ? A mentir à leurs amis ? C'était malsain et ils finiraient par en souffrir. Pourquoi le poids de la réalité semblait s'abattre d'un coup sur ses épaules ?

"Fini ton entrainement. On en parlera plus tard."

Les bras de Daiki se resserrèrent autour de lui pour l'empêcher de partir.

"Regarde-moi." Demanda le brun.

"Je dois y aller."

"Non, tu n'iras nul part."

"Daiki, s'il te plait…"

"Je ne peux pas. J'ai un mauvais pressentiment. Je ne peux pas t'laisser partir." Lâcha Daiki.

Ses mains se serrèrent autour des membres qui enserraient sa taille, comme pour monter que lui aussi, il avait ce pressentiment qui lui remuait les tripes.

"Ne part pas. Regarde-moi."

Taïga s'évertuait à rester de dos, si bien que Daiki le contourna pour être en face de lui, gardant ses bras autour de sa taille. Il gardait la tête baissée mais son amant le força à relever le regard d'une main. Cette dernière caressa son visage avant de se glisser dans ses cheveux. Son regard se perdit dans celui bleu marine de son amant. Il voyait toute l'inquiétude dans les yeux bleus et les siens, embués de larmes, prêt à déborder ne pouvaient pas le rassurer. Il ferma les yeux pour profiter pleinement de la caresse.

"Tai, ne fais pas ça."

Il se pinça les lèvres, tentant de retenir cette vague de peur qui le prenait aux trippes. Cette angoisse qui circulait dans ses veines. Il aimait cet homme. Du plus profond de son âme, ça, il le savait. Cependant il avait beau retourner le problème dans tous les sens, il ne voyait qu'une fin possible, et elle ne lui plaisait pas. Pourquoi ne voyait-il plus que le négatif ?

"Dai..."

"Viens par-là."

Daiki lui attrapa la main et le tira à l'abris des regards et son cœur se serra une nouvelle fois. Toujours la même chose. Ils passaient leur temps à se cacher. A dissimuler ce qu'ils étaient. Toujours ce sentiment, celui de ne pas pouvoir lui offrir la liberté qu'il méritait. Est-ce qu'il s'en rendait compte au moins ?

Ils se retrouvèrent tous les deux dans un recoin du bâtiment et son amant le força à s'appuyer contre le mur, se positionnant juste devant lui, comme pour le garder à l'œil, comme s'il avait peur qu'il ne s'échappe.

"Taïga, regarde-moi. S'il te pait."

Il leva les yeux vers lui et les traits inquiets du brun lui noua la gorge une nouvelle fois. Il ne voulait pas voir ce genre de regard sur ce visage.

"Je suis désolé. Désolé de m'être enfuis comme un lâche. Je … J'ai flippé !" Commença Daiki. "Entendre Kise dire ces mots, ça m'a retourné. Ça m'a jeté au visage toute la réalité de la situation et… je n'ai pas su quoi faire. J'avais besoin de réfléchir."

"Daiki ..."

"Ecoutes moi, s'il te plait... Je ... Putain, je ne sais même pas quoi te dire. Je tiens à toi. Vraiment. Mais je flippe. Je flippe totalement de perdre le peu que j'ai encore dans ma vie."

Il ferma les yeux, tentant de garder son calme, de ne pas craquer face aux paroles de son amant. Ça le touchait en plein cœur et il comprenait trop bien sa situation.

"J'ai peur de perdre ma mère, de te faire souffrir parce que je flippe grave. Peur que tu t'en ailles avec Kise, parce que lui, il peut t'offrir tout ça... Tout ce que moi je ne peux pas..."

"Dai..."

"Je ne veux pas te perdre. J'aime être avec toi. J'aime tout ce qu'on partage. J'aime tous ces moments qu'on passe ensemble. Je ne veux pas perdre notre complicité mais ..."

"Arrêtons-nous là." Le coupa-t-il en murmurant.

Un silence tomba. Froid et glaçant malgré le début du mois de juillet. Il garda les yeux clos, n'osant pas tomber dans l'océan ténébreux de son homme. Les mots étaient sortis tout seul de sa bouche. Il n'avait pas réussi à les retenir et il s'en voulait même de les avoir prononcés, mais comment faire autrement ? Comment ne pas les retenir quand on savait que c'était l'issus indéniable de leur relation. Il ne ne pouvait pas voir son homme s'enfoncer de la sorte dans des pensées noires. Il avait déjà une vie compliquée, il ne voulait pas être celui qui le détruirait pour de bon.

"Quoi ?" Coassa Daiki.

Taïga rouvrit les yeux et les plongea dans ceux perdu de l'homme qu'il aimait. Il sentit le chemin d'une larme sur sa joue et il répéta, la voix serrée.

"Arrêtons-nous là, Daiki."

Il vit son homme reculer et l'observer intensément, comme pour trouver une trace de blague, de mensonge mais il n'en trouverait pas. Les bras ballants et le cœur lourd, il voyait le brun totalement sous le choc de son annonce. Puis soudainement, il le vit serrer les poings et froncer les sourcils, les larmes emplirent ces yeux qu'il aimait tant voir rieur ou moqueur.

"Je ne te laisserais pas faire ça Taïga ! Tu ne peux pas faire ça !"

"Dai ..."

Le brun s'avança et attrapa le col de sa veste, rapprochant leurs visages l'un de l'autre, menaçant.

"Je ne te laisserais pas partir comme ça ! Pas maintenant."

" Ça ne peut pas continuer..."

Il vit Daiki se mordre la lèvre et froncer encore plus les sourcils.


"Arrêtons-nous là."

La phrase avait claqué dans l'air comme une bombe. Son cœur avait loupé un battement. Non, il devait avoir mal entendu, ce n'était pas possible. Taïga ne pouvait pas proposer une chose pareille. Il voyait bien son air abattu, impuissant et totalement perdu mais avait rêvé cette phrase, hein ? Il l'entendit plus clairement, répétée dans la bouche de l'homme qu'il aimait.

Non.

Non, non, non !

Il serra les poings d'impuissance et de colère et il sentit les larmes lui monter aux yeux. Ça ne pouvait se finir comme ça.

Ok, il flippait ! Non, il était terrifié par leur couple, mais il ne voulait pas l'abandonner. Pas comme ça. Pas sans avoir tout donné. Il attrapa furieusement son amant par le col, le plaquant un peu plus contre le mur et l'autre se laissa faire, totalement mou sous sa poigne.

"Je ne te laisserais pas partir comme ça ! Pas maintenant."

"Ça ne peut pas continuer..."

"Taïga, on ne peut pas arrêter maintenant !"

Un rire jaune sorti de la bouche de son amant et sous l'étonnement, il desserra un peu sa prise. Les yeux de son amant reflétaient toute la peine et l'impuissance qu'il éprouvait.

"Et on attend quoi Daiki ? Si ce n'est pas maintenant, ce sera demain, ou après-demain. Toi et moi...Damn it... Tu ne vois pas à quel point c'est dur ? Dur pour toi de supporter tout ça ? Dur pour toi de m'avoir auprès de toi ? Dur d'avoir peur de se faire choper par n'importe qui ? Tu as peur de tout ça ! Comment est-ce que je peux continuer à t'embarquer là-dedans en voyant que ça te bouffe ?"

"Taïga !"

"C'est dur pour moi aussi. J'ai peur de te perdre dès que je te vois avec une nana. Parce qu'à chaque fois je me dis que tu serais mieux avec l'une d'entre elles. Ce serait bien plus simple pour toi ! Je ne peux pas te rendre heureux, Daiki. Je ne peux pas t'offrir la vie que tu mérites. Je ne peux pas ... te rendre heureux."

Daiki tremblait. Il voyait sa main contre le tissu trembler de peur. La peur de perdre l'autre. Tous ses sentiments et ses angoisses étaient le reflet de ceux de Taïga et il ne le réalisait que maintenant. Il n'avait pas vu la douleur chez son homme. Il n'était pas le seul à souffrir. Il s'était appuyé de toute ses forces sur le mental d'acier de son amant, mais il n'avait pas vu toutes les fissures qu'il provoquait. Taïga souffrait autant que lui. Son homme avait tout prit sur ses épaules, il avait porté son fardeau sans rechigner mais aujourd'hui, sa peur, ce n'était même pas de souffrir lui-même. C'était celle de ne pas le rendre heureux.

"Tu t'trompes... Tu me rends heureux plus que n'importe qui, même si c'est dur. Je me contre fou d'ces nanas. Y'a qu'toi qui compte pour moi !"

"Daiki, ne fais pas ..."

"Tais-toi ! Ferme là, putain ! Tu me fou en rogne là ! Tu ne peux pas me dire ça, Taïga ! Ouais, ce serait plus simple d'être avec une fille, et après ? Si je ne suis pas heureux comme ça ? Tu m'as embarqué dans rien du tout, j'ai pris la décision moi-même !"

"Dai..."

"Ne parle pas à ma place ! Je ... Je t'aime bordel ! Tu comprends ça ?!"

Taïga n'en menait pas large en face de lui et pour cause, il lui criait ses sentiments sans s'arrêter. Il venait de lui cracher la vérité, sans filtre. Il plongea son regard déterminé dans celui de son homme et répéta lentement, pour qu'il comprenne bien.

"Je t'aime, Tai. Ok ?"

Les yeux sanguins se dissimulèrent sous les paupières, laissant des larmes couler sur la peau halée. Daiki prit le visage en coupe et déposa un baiser sur ses lèvres. Chaste, mais montrant par ce geste tout son amour.

"Ose me dire que ce n'est pas ton cas." Murmura-t-il contre sa bouche.

Les yeux se rouvrirent, et il posa son front contre le sien.

"Pourquoi tu compliques toujours les choses." Chuchota Taïga.

"Parce que je t'aime."

"Tais-toi."

"Non, je t'aime, et je te le répéterais jusqu'à ce que tu le comprennes."

"Dai, l'amour ne fait pas tout..."

"J'men fou."

"S'il te plait..."

"Non..."

"Putain !"

Taïga sortit de son étreinte et fit quelques pas, se passant la main dans les cheveux, essuyant ses larmes. Il le regarda de dos, tentant de faire le point. Son cœur tambourinait dans sa poitrine. Son homme lui semblait si loin alors qu'il pourrait le toucher du bout des doigts. Il était en train de le perdre...

Son amant se retourna et son cœur loupa de nouveau un battement.

"Je t'aime aussi, Dai. Je ne peux pas te mentir. Pas à toi mais ... On n'y arrivera pas Daiki. On va continuer à s'enfoncer là-dedans et c'est malsain. On va souffrir plus qu'autre chose. On doit arrêter ça maintenant."

"Je ne veux pas."

"Moi non plus, mais on n'a pas le choix..."

"On a toujours le choix. Bordel, depuis quand tu abandonnes comme ça ?!"

Taïga serra les poings et détourna le regard. Son homme savait qu'il arrivait toujours à l'avoir avec un peu de provocation, mais cette fois, ça semblait différent et il avait peur. La peur lui tordait les entrailles. Il n'arrivait pas à garder Taïga dans son sillage.

"Depuis que j'ai pris conscience que tu serais bien mieux sans moi. Ça va être dur, mais au final... Ce sera mieux pour tout le monde. Je suis désolé Daiki."

"Taïga..."

Il vit Taïga faire un pas en arrière, se mordre la lèvre et revenir vers lui d'un pas rapide. Il sentit les mains de son homme attraper son visage et l'embrasser brutalement, comme si sa vie en dépendait. Il passa rapidement les bras autour de son cou, l'emprisonnant dans ses bras, l'empêchant de partir. Il entrouvrit la bouche et Taïga y inséra sa langue. Ce baiser était grisant. Il avait un goût de passion et de désespoir. Il savait que son basketteur lui échapperait dès que leurs lèvres se quitteraient. Il laissa les larmes couler sans chercher à les retenir. Taïga le quittait, et il ne voulait pas l'entendre.

Ils s'aimaient, alors pourquoi ...

"Je suis désolé." Murmura Taïga.

"Je t'en prie... Fais pas ça..."

Leurs bouches se décolèrent et il tenta de maintenir sa prise sur lui, mais elle se faisait de plus en plus faible.

"Je t'aime Daiki. C'est pour ça que je pars."

"Fais pas ça."

"Pardonne-moi..."

Ses bras lâchèrent, retombant mollement le long de son corps et Taïga se décolla de lui. Il tentait de lui sourire mais les larmes coulants sur ses joues montraient toutes l'amertume de ses adieux. Il fit quelques pas, à reculons, gardant le plus possible son regard ancré dans le sien. Puis il se détourna et lui, il le regarda partir. Il observa ce dos qu'il aimait tant s'éloigner de lui, totalement impuissant. Il voyait de pas en pas la distance se mettre entre eux.

Comment ils avaient pu en arriver là ?

Ils s'aimaient, non ?

Ses jambes se dérobèrent sous son poids à l'instant où la silhouette disparue de son champ de vision. Il laissa toute sa tristesse sortir, ne cherchant même pas à dissimuler sa peine. C'était dur. Dur de le laisser partir comme ça.

Au fond de lui, il savait que Taïga avait raison mais il ne voulait pas y croire. Il ne voulait pas croire que leur couple était voué à l'échec. Il ne voulait pas croire qu'il était aussi lâche pour ne pas assumer son amour pour lui. Il ne voulait pas croire que Taïga venait de mettre fin à leur relation. Il refusait de prendre conscience de tout ça et pourtant...

Pourtant il avait encore le gout de ce dernier baiser sur ses lèvres. Il avait encore le gout salé de cette bouche contre la sienne, de la texture ferme et douce à la fois. Il sentait encore l'amertume sur sa langue, ce mélange d'amour et de regret. Ça avait le gout de la fin.

Celle de la défaite.

Il avait perdu.

Et cette partie était bien plus dure à accepter que celles sur le parquet. Celle-là lui déchirait le cœur parce qu'il en était la cause. Parce qu'il n'avait pas eu la force de se montrer, de crier sur tous les toits qu'il aimait cet homme. Il n'avait pas pu le retenir et assumer son amour. Il n'avait pas été capable de l'aimer à sa juste valeur malgré l'étendue de ses sentiments.

Et ça...

Ça c'était le pire, parce qu'il l'aimait, et que Taïga l'aimait.

Encore une fois, Taïga l'avait protégé contre sa volonté. Encore une fois, il portait tout sur ses épaules, et encore une fois, il se laissait porter.

"Je suis désolé Tai ... Pardonne moi ..."


A suivre...