Chapitre 22 - A cœur ouvert


Samedi soir - Maison des Kagami

Daiki était monté à l'étage dans la chambre d'enfance de Taïga et il en profita pour faire un tour plus poussé de la chambre d'adolescent qu'il avait sous les yeux. Il avait tellement souhaité découvrir cet environnement, qu'il ne pouvait pas s'empêcher de fureter ci et là, à la découverte d'une vie qu'il n'avait pas connue et qui n'était pas la sienne. Il partit donc à la recherche de petits secrets que son homme pouvait cacher dans des tiroirs, ou bien encore sous le lit. Il commença donc à farfouiller dans les tiroirs du bureau, dans des boites entreposées parfaitement sur des étagères, à fouiller les placards.

En réalité, plus que faire de nouvelles découvertes, il voulait surtout se changer les idées. Savoir son homme en pleine conversation avec son père lui retournait l'estomac. Il savait combien ce moment était important pour les deux hommes et ils priaient sincèrement pour que tout se déroule bien. Le père de Taïga avait l'air d'être un homme puissant et froid de prime abord. Un homme sûr de lui et qui ne laissait pas ses plans se dérouler autrement que comme il l'aurait décidé. Il avait l'air aussi carré que son amant, il avait l'air d'aimer que tout se passe comme prévu, mais avec Taïga et son foutu caractère, ce n'était pas gagné.

Son homme se braquait continuellement dès que son père était dans les parages, et il ne l'avait jamais vu aussi méfiant envers quelqu'un, s'en était même étrange de le découvrir comme ça. Il connaissait le passé des deux hommes dans les grandes lignes et le ressenti de Taïga face à cela, cependant l'homme qu'il avait eu sous les yeux semblait vouloir rattraper le temps perdu, rattraper les erreurs du passé. Bien qu'il n'ait pas vécu tous les désarrois de son homme, il restait persuadé qu'il devait saisir cette chance. Lui n'en avait pas l'occasion avec son père. Lui ne pouvait pas poser toutes les questions qui le taraudait depuis des années. Rester sans réponse était certainement le pire pour lui. Il préférait mille fois affronter des réponses dures que de rester dans l'ignorance. Peu importe la rancœur que les Kagami ressentaient, ils devaient poser cartes sur table, jouer l'honnêteté et la franchise.

Il attrapa un livre de photos posé dans la bibliothèque de son homme et se mit à le feuilleter, découvrant un Taïga bébé, entouré d'une famille aimante et un sourire naquit sur ses lèvres.


Taïga était mal à l'aise, et c'est pour cela qu'il prenait tout son temps pour ranger les verres dans le meuble haut au-dessus de l'évier. Son père l'attendait, assis devant la table du salon avec deux bières. Son estomac était noué et il redoutait ce moment plus qu'aucun autre. C'était la première fois qu'ils allaient se confronter de la sorte et il devait garder son calme. Il devait prendre sur lui pour ne pas exploser et crier durement tout le mal être qu'il avait ressentis jusque-là. Il avait peur de cracher son venin et de faire de ce moment un point de non-retour. Ils avaient tellement attendu pour se parler que la rancune s'était installée bien trop confortablement en lui et ça le terrifiait. Devrait-il parler le premier ? Devait-il d'abord l'écouter ? Aurait-il même la force de le faire ?

Il soupira et ferma le placard au-dessus de sa tête. Le plan de travail était vide, propre et il n'avait plus aucune excuse pour retarder une seconde de plus ce moment. Il prit donc une grande inspiration et se tourna vers cet homme aussi familier qu'étranger. Il s'approcha de lui et tira la chaise juste en face avant de s'y assoir lourdement. Il vit son père amorcer un mouvement et ouvrir les deux boissons, en poussant une vers lui pour l'inviter à s'en saisir. L'homme en face de lui leva sa bière, l'incitant à trinquer avec lui, ce qu'il fit sans un mot, le regard plongé dans celui similaire au sien, et il but une gorgée, mal à l'aise et silencieux, cherchant par où commencer, mais son père lui coupa l'herbe sous le pied en prenant la parole.

"A ton retour, Taïga."

"Ou...ouais."

Il observa son père boire quelques gorgées avant que la canette ne vienne se poser de nouveau sur la table. Il fixa la grande main autour de celle-ci, les gouttes d'eaux couler lentement contre le métal pour s'écraser sur la table pour former une auréole autour de cette dernière.

"Je suis content que tu sois là."

Il releva rapidement la tête, étonné de l'affirmation qui venait de sortir de cette bouche. Son père ne lui laissa pas le temps de répliquer qu'il enchaina de nouveau avec une question simple, mais qui le laissa encore une fois pantois.

"Comment vas-tu Taïga ?"

"Je... Je vais bien." Souffla-t-il.

"Vraiment ? Tu as l'air... en forme en tout cas."

"Tu t'en soucis vraiment ?" Demanda t'il plus sèchement qu'il ne l'aurait souhaité.

Il regretta sa phrase au même moment qu'elle sortit de sa bouche. Il soupira, se passant une main dans la nuque, gêné de son comportement. Il était nerveux, et comme d'habitude, il répondait sur la défensive.

"Pardon. Je n'aurais pas dû ... Je ..."

"Ce n'est rien, je comprends..."

"Non je ... merde, je ne sais juste pas comment agir avec toi. Je suis sur les nerfs et je suis... agressif. C'est juste que ... ce n'est pas habituel entre nous, ça."

"Je sais, et j'en suis désolé."

Taïga plongea de nouveau son regard dans celui de son père et ce dernier se laissa totalement tomber contre le dossier de sa chaise, son visage se relâchant subitement, comme s'il laissait d'un coup toute la retenue dont il pouvait faire preuve. Il se retrouva devant un homme à l'air abattu, triste et fatigué. Un soupire s'échappa entre ses lèvres, l'air résigné avant qu'un sourire mélancolique ne viennent étirer sa bouche alors qu'il remontait une fois de plus ses yeux dans les siens.

"Je suis désolé d'avoir gardé mes distances tout ce temps, de t'avoir ... mis de côté toutes ses années. Je ne peux pas t'en vouloir d'agir ainsi et à vrai dire, je te trouve même plutôt calme... Trop calme..."

"Calme ? Tu crois réellement que je suis calme là ?" Gronda t'il "Je n'ai rien de calme crois-moi. Je boue littéralement à l'intérieur et j'ai peur d'exploser, tu vois ?"

"Tu le peux Taïga. Tu en as le droit. D'exploser. De me hurler dessus... Tu en as le droit."

Taïga serra les poings à s'en faire blanchir les phalanges. Exploser ? Il en était à deux doigts. Il était tellement en colère. En colère contre lui, contre son père, contre ce passé maudit. Il serra la mâchoire, fronça les sourcils tout en fermant les yeux. Il devait se calmer. Ce n'était pas ça qu'il voulait. A quoi ça servirait de lui cracher ses quatre vérités ? Ça ne lui apporterais pas des réponses, bien au contraire. Il devait se contrôler, quand bien même son père voulait qu'il se lâche.

Il desserra ses poings, étirant ses doigts un instant avant de replonger son attention sur l'homme en face de lui.

"Je ne compte pas péter un câble, bien que l'envie m'en prenne. Je veux comprendre. Comprendre ce qui s'est passé, comprendre comment on en est arrivé, là toi et moi."

Son père se redressa dans sa chaise, attrapant sa bière pour en boire un peu avant de croiser les bras sur la table, lui donnant un air plus imposant mais qui ne le perturba pas un seul instant.

"Tu as grandi Taïga, je ne pensais pas que tu aurais ce genre réaction. J'avais envisagé beaucoup de scénario, mais pas celui-là ..."

"Et bien fais avec."

Leurs regards s'accrochèrent, comme si un combat silencieux devait se jouer en ce moment même, puis son père soupira, et acquiesça comme s'il venait de prendre une décision avec lui-même.

"Ok ... Je vais commencer... Le jour où l'école a téléphoné, je sortais d'une réunion qui s'était mal déroulé. On avait perdu un investisseur important et j'étais en colère. C'était le bordel au bureau, tout le monde avait des demandes et n'arrêtait pas de demander après moi pour tout et rien."

Son père fit une pause, observant le plafond au-dessus de lui, comme pour visualiser de nouveau les évènements de ce jour-là.

"J'ai appelé ta mère pour qu'elle y aille à ma place, et je n'ai pas été... agréable du tout avec elle. Elle ne trouvait pas les clefs de la voiture, et je l'ai envoyée bouler parce que je n'avais pas le temps de gérer ce genre d'idiotie. Je lui ai balancé que je travaillais contrairement à elle, que j'avais d'autre chat à fouetter... Elle ... Elle a donc pris ce foutu bus. C'est à cause de moi qu'elle a pris les transports, et elle était certainement contrariée par ma faute, donc peu attentive à son environnement."

Taïga serra les poings de nouveau, sentant les larmes lui monter aux yeux. Il n'avait jamais eu vent de cette version des choses, il n'avait même jamais envisagé que ça puisse s'être déroulé ainsi. Il lisait toute la culpabilité dans le regard de son père qui venait de nouveau de se poser sur lui, ému et bouleversé.

"La vérité c'est que j'ai fait passer mes émotions en premier, avec mon boulot. J'ai passé mes nerfs sur elle et elle en a subi les conséquences. Ta mère était quelqu'un qui prenait toujours les choses à cœur. Elle avait une empathie hors du commun, et tu étais pareil gamin...Tu te souciais toujours des autres, bien avant toi-même... Lorsque l'hôpital m'as téléphoné, je n'y ai pas cru. Je n'arrivais pas à croire ce qu'on venait de m'annoncer. J'ai tout lâché, j'ai pris ma voiture et j'ai foncé là-bas..."

Une larme coula sur sa joue mais il ne chercha même pas à l'essuyer. Entendre les paroles de son père et découvrir cette version de l'histoire le bouleversait. Il avait l'impression de revivre ce jour-là mais d'une autre manière. Comme si ses propres souvenirs se modifiaient pour laisser place à de nouveaux. Comme s'il prenait conscience que son monde, sa vie n'avait était qu'une histoire inventée, imaginée et modifiée selon ses propres critères, bien que la finalité de l'histoire soit la même. Cet homme devant lui avait ressentis la même chose. Une culpabilité sans nom, des remords sans fins.

"Elle était déjà... partie quand je suis arrivée. Ils n'ont pas pu la réanimer, le choc avait été trop ..."

Son père se passa une main sur le visage alors que ses yeux devenaient aussi humides que les siens. Revivre ce moment était aussi dur pour l'un que pour l'autre.

"Je n'ai rien pu faire... Ils n'ont même pas voulu ... que je la vois une dernière fois parce que ... elle était ..."

"Ça suffit ... T'as pas b'soin de ..."

"Si. Si je te dois la vérité Taïga. J'en ai assez de garder tout ça ... J'en ai assez que t'en veuilles alors que rien n'est de ta faute... Je sais que t'ai poussé à le croire. C'est à cause de moi que tu as culpabilisé toutes ses années ! Ce jour-là, tout s'est effondré pour moi. J'ai vu à quel point j'avais été égoïste et méprisable. Tu lui ressemblais tellement Taïga, j'avais peur de faire la même chose avec toi... Venir te chercher ce soir-là, c'était comme me prendre en pleine face ma culpabilité et pour la première fois de ma vie j'ai flippé. Je t'ai dit des aberrations. Je t'ai dit que c'était de ta faute alors qu'en réalité... j'étais incapable de te dire que c'était de la mienne."

"Arrête ..." Souffla-t-il.

"J'ai rejeté la faute sur toi parce que j'avais peur que tu me déteste pour ça. Tu étais comme ta mère, toujours prévenant, à t'excuser pour des fautes que tu n'avais pas commises. Alors j'ai fini par t'ignorer pour arrêter de te blesser. Je... J'avais peur de te blesser comme je l'avais fait avec elle. Peur que tu sortes un jour fâché de la maison, en colère, et que tu finisses comme elle."

"Arrête tes conneries bordel !" Cria-t-il." Comment tu peux dire ça ! C'était un putain d'accident !"

"Je sais..."

"Non tu ... ! Shit !"

Taïga frappa violement du poing contre la table en se levant, faisant trembler les canette sur la table. Il avait les yeux coléreux et emplis de tristesse. Il avait envie d'hurler, de frapper. Il devait faire sortir toute sa colère maintenant avant qu'elle ne le ronge. Il devait lui faire comprendre à quel point il avait raison, autant qu'il avait tort. Il devait lui expliquer ce qu'il avait ressenti toute ses années, à quoi avait aboutis tous ces mensonges, ces non-dits.

"Est ce que sais à quel point je me suis senti mal !? A quel point je m'en suis voulu toutes ses années ?! Est-ce que tu sais combien de fois j'ai voulu mourir à sa place juste pour te redonner le sourire ?!" Hurla t'il.

Il vit clairement le visage de son père se déformer en grimace, les larmes couler sur son visage usé mais il continua. Les vannes venaient de s'ouvrir et tout les mots sortirent sans qu'il ne puissent les retenir.

"Est ce que tu sais combien ça a été violent de perdre ma mère et mon père en même temps ! Toutes ces années... Putain, toutes ces années j'ai cru que j'étais coupable, que cette situation était de ma faute ! J'ai cru que tu me détestais, bordel ! Que tu passais ton temps à me fuir alors que ..."

Taïga s'éloigna, submergé par les émotions. Il entendit son père se lever mais ne bougea pas. Un flot continu d'image défilait sous ses yeux, retraçant tout le chemin parcouru jusqu'aujourd'hui. Tous les moments difficiles, tous les appels téléphoniques entre eux, tous ces moments de solitude lorsqu'il le laissait derrière lui pour aller travailler. Il voyait continuellement cette porte close devant lui, le dos de son père s'en allant. Il se revoyait gamin, délaissé dans cette grande maison.

Une main se posa sur son épaule et il se retourna violement, balayant d'un geste de la main celle de son père. Il le fusilla du regard avant de reprendre.

"Toute ses années j'ai cru être le seul à être aussi mal alors tu ressentais la même chose que moi ! Pourquoi tu as ... Putain, comment tu as pu garder ça aussi longtemps ! Pourquoi tu ne m'en a pas parlé ?! Pourquoi tu as fui comme ça !? J'étais là ! J'étais là pour toi !"

"Taïga ..."

Il essuya rageusement ses larmes avec sa manche. Il s'en voulait tellement de ne rien avoir vu, d'avoir été si aveuglé par sa propre colère. Son père avait dû tellement souffrir et lui ... Lui avait agi si égoïstement.

"J'aurais pu t'aider ... J'aurais pu t'aider à surmonter ça, à te montrer que ce n'était pas de ta faute, ni de la mienne ... C'était juste ... un accident. Je t'aurais montré qu'il ne me serait rien arrivé de tel, que je ..."

Soudainement, il se sentis enfermer dans deux bras puissants. Deux bras dont l'étreinte était à la fois timide et forte. Il tenta de se débattre mais son père le tenait fermement contre lui.

"Je suis désolé Taïga. Je suis désolé de t'avoir caché tout ça. Désolé d'avoir agis ainsi ..."

"Pourquoi tu as tout gardé pour toi..."

"Tu n'étais qu'un enfant, comment j'aurais pu te mettre une telle responsabilité sur les épaules …. Je suis tellement désolé d'avoir tout gâché."

"Je t'en veux tellement !"

"Je sais Taïga ..."

"Je t'en veux tellement de ne pas avoir partagé ça avec moi..."

Il nicha son visage dans le creux du cou de son père alors que la main de ce dernier se posa sur sa tête, caressant ses cheveux.

"Comment arrives-tu à ne pas me détester pour ce que j'ai fais ?" Demanda son père "Comment peux-tu te blâmer de ne pas m'avoir aidé alors que tu étais livré à toi-même, par ma faute."

Taïga passa ses bras autour de la taille de son père, s'accrochant fermement à lui.

"Comment je pourrais t'en vouloir en sachant parfaitement ce que tu as vécu..."

Ils restèrent un moment dans cette position, l'un contre l'autre. Les larmes se calmèrent, la colère s'évacua peu à peu, tout comme la culpabilité. Taïga s'éloigna un peu, croisant le regard de son père aussi abattu que le sien.

"Tu as souffert autant que moi ... Papa..."

Il vit le visage de son père se transformer, totalement bouleversé par l'appellation qu'il venait d'employer. Depuis combien de temps ne l'avait t'il pas appelé sincèrement comme ça ? Une fois de plus, il se retrouva dan l'étreinte paternelle de son père.

"Mon fils... Je suis tellement désolé ..."

Il tapota maladroitement le dos ferme de l'homme, le rassurant comme il le pouvait. Il n'avait pas coutume de ce genre d'étreinte, il ne savait pas s'y prendre.

"On a mal géré... tous les deux ... Je te dois tout autant d'excuse."

"Ce n'était pas ton rôle d'enfant Taïga."

"Je n'en suis plus un, j'aurais dû chercher à comprendre..."

Son père s'éloigna un peu, posant une main ferme sur son épaule.

"Je suis tellement fière de toi Taïga, de la personne que tu es devenu..."

Pour la première fois depuis longtemps, Taïga souri franchement à son père, ému d'entendre cette phrase dont il n'aurait même pas osé rêver il y'a encore quelques instants.

"Pa' ?"

"hm ?"

"Oublions tout ça, ok ? Je ... Je ne veux plus qu'on pense au passé ..."

Akira garda un moment le silence avant d'acquiescer.

"Tu as raison. Je pense qu'il nous a assez tourmenter comme ça."

"Plus de culpabilité ?"

"On va essayer, Fils."


Daiki se rongeait les sangs. Il avait rapidement prit une douche avant de se replonger dans les photos de famille de son homme mais les cris de Taïga l'avait affolé. Que se passait-il en bas ? Devait-il descendre ? Est-ce que Taïga avait pété un plomb une bonne fois pour toute ? Allaient-ils se battre ?

Il avait fait les cent pas dans la chambre, hésitant à plusieurs reprises d'empoigner la poignée de la porte pour dévaler les escaliers, puis ça s'était calmé. Il avait collé l'oreille à la porte et la conversation avait l'air moins tendue, plus calme, alors il s'était assis de nouveau sur le matelas, attendant.

Il avait patienté jusqu'à ce que la poignée de la porte bouge puis il s'était redressé au garde à vous, tel un militaire devant son capitaine. Taïga avait passé le pas de la porte et il l'avait examiné sous toutes les coutures du regard, n'osant pas approcher alors que son homme restait figé dans l'entrée. Il avait les épaules voutées, les yeux rougis, l'air épuisé et totalement vidé. Puis leurs regards s'étaient croisés, et son homme avait plongé dans ses bras, glissant son visage au creux de son cou, laissant libre court à ses émotions.

"Hey, bébé..."

Il passa ses mains dans son dos, le caressant tendrement pour le rassurer. Il avait l'envie maladive de l'assaillir de question mais il savait que ce n'était pas le moment. Il devait lui laisser le temps d'assimiler ce qui venait de se passer et Taïga se confierait à lui sans retenu. Il le savait. Là, il voulait juste savoir si son homme pleurait de soulagement, de peine ou de frustration. Il tenta de le calmer comme il put jusqu'à ce que l'autre se détende contre lui. Lorsque ce fut le cas, il força Taïga à le regarder, prenant son visage en coupe entre ses mains.

"Comment tu vas ?"

Son homme ferma les yeux et colla son front au sien.

"Ça va... je crois."

Daiki se mordillait la lèvre, impatient d'en savoir plus et Taïga devait le sentir, il ne le connaissait que trop bien.

"Ça s'est bien passé Dai, c'est juste... beaucoup d'info pour une seule soirée... Je suis épuisé ..."

"Va prendre une douche, je t'attends là, ok ?"

Taïga hocha la tête mais ne bougea pas pour autant, alors il l'embrassa doucement, pour le faire réagir, pour lui montrer qu'il était là, avec lui. A peine sa bouche frôla celle de son homme que Taïga raffermi sa prise autour de son corps et l'embrassa pressément, comme si sa survie en dépendait. Daiki lui répondit avec la même ferveur, entremêlant leurs langues. C'est à bout de souffle qu'ils se séparèrent mais Taïga ne semblait pas vouloir le lâcher, alors il l'accompagna dans la salle de bain, entreprenant même de le déshabiller. Il avait l'impression de faire face à un enfant perdu.

"Merci ..."

Daiki leva un regard surpris vers lui.

"Merci d'être là pour moi. C'est important Dai. Plus que tu ne l'imagines."

Taïga semblait si fragile en cet instant qu'il fut pris au dépourvu. Ce grand gaillard semblait totalement vide, épuisé, mais soulagé d'un énorme poids.

"Tu as eu tes réponses, n'est-ce pas ? Tu as l'air plus ... léger."

"Hm..."

Taïga retira de lui-même son boxer et se glissa dans la douche, lui, l'attendant et l'observant calmement, adossé contre le mur d'à côté. Il regarda chaque geste, chaque détail de lui. Chaque goutte d'eau qui ruisselait sur son corps, il le couvait du regard comme une mère l'aurait fait avec son enfant. Taïga se tourna vers lui, l'eau rinçant ce qu'il restait de savon.

"Tu avais raison Dai, ce soir-là ... quand tu m'as dit que ce n'était la faute de personne ..."

Daiki ne répondit pas mais resta attentif. Taïga allait vider son sac, et il était là pour lui, pour l'écouter.

"Mon père... a aussi commis une erreur ce jour-là. Il a culpabilisé tout ce temps et il a pris les mauvaises décisions me concernant, pour me protéger. On a vécu de la même manière lui et moi, mais chacun de notre côté. On a culpabilisé, s'est renfermé ... Quand je l'ai compris, j'ai repensé à tes mots et tu avais raison. Ce n'était pas de ma faute, et pas de la sienne non plus..."

Il lui lança un sourire. Il était heureux d'entendre ces mots sortir de sa bouche.

"Il va me falloir du temps pour l'assimiler, et comprendre pourquoi il m'a caché tout ça mais ... on peut y arriver Dai."

"J'en suis sure, Bébé."

Taïga coupa l'eau et il lui tendit une serviette. Son homme se sécha rapidement et enroula cette dernière autour de sa taille. Daiki attrapa une seconde serviette et la posa sur la tête de son homme, séchant tendrement sa tignasse cuivrée.

"Sèche tes cheveux, tu vas attraper froid..."

Taïga en profita pour se rapprocher de lui, le collant à son corps encore humide.

"Je n'attraperais pas froid si tu prends soin de moi cette nuit."

Daiki se sentit rougir puis se mis à rire sans gêne.

"C'est ta façon d'annoncer à ton père notre couple ?"

Taïga étira un sourire avant de l'embrasser chastement.

"C'est l'occasion d'apprendre à être discret... Fais-moi oublier cette soirée, s'il te plait."

"Comment je pourrais te refuser ça ?"


A suivre...