28/07/20 NDA : Bonjour à tous ceux qui ont encore le courage de me suivre. Je sais que beaucoup d'auteurs ont su rentabiliser cette période terrible avec l'écriture de leurs chapitres, mais pas moi. Je suis encore et toujours à la bourre. Ce doit être ma marque de fabrique, en fait. Mais je ne vous dérange pas plus longtemps. J'espère que ce chapitre vous plaira, moi j'ai ris en le composant !

Merci à Panihi de toujours me suivre et commenter, tu es gentil

Bonne lecture !

5 - Everytime we touch

Agnèle était arrivée parmi les premières au déjeuner dans la cour que le roi Peter et son père avait organisé. Les deux sœurs royales, persuadées qu'elle viendrait au tout dernier moment après son malaise lors de leur démonstration sportive, furent surprise de constater sa présence à table. La princesse ne les avait pas remarquées, perdue dans ses pensées, un verre d'hippocras devant elle.

Sans même douter qu'elle était épiée, la demoiselle sortie de son corsage une chaîne en or, dévoilant par la même, un bijou d'une rare finesse. Les deux reines venaient de l'apercevoir et se rapprochait à présent d'elle. Cependant, les pas claquant le sol pavé de la cour lui rappelèrent les lieux, et aussi rapidement que possible, elle rangea son bien, avant de se relever pour s'incliner devant les deux jeunes femmes.

« Vos majestés »

« Je vous pensais encore fébrile, chère belle-sœur, vous avait su vous remettre ! » Annonça gaiement Susan.

La princesse n'offrit de réponse qu'un sourire et une inclinaison de la tête, et retourna s'asseoir après que les deux reines eussent fait de même. Crispée sur son assise, Agnèle respirait à petite goulée l'air et souffrait en silence. Elle priait pour que le déjeuner ne s'éternise pas afin de pouvoir rejoindre ses appartements et se reposer. Bien que le carreau fût retiré et la blessure pansée, la douleur n'en était pas moins présente.

Heureusement, Asilys et Thoumet avait pensé à tout. Et ses robes étaient de diverses teintes de rouge, afin de masquer les possibles traces de sang si elle bougeait trop. Et ce fut salutaire, puisqu'à l'arrivée des hommes, elle sentie quelque chose couler le long de sa hanche, chaud, tandis qu'elle se relevait pour s'incliner. Sa mère les rejoignit en dernier, ayant changé de tenue elle aussi mais pour des raisons de prestances et non de blessure trop visible.

On déposa les viandes sur la table au moins une heure après l'arrivée de tous. Le niveau de l'hippocras dans la jarre avait probablement baissé de moitié, et il n'y avait déjà plus d'hydromel ni de vin de pèche. Agnèle somnolait entre son fiancé et sa mère, cherchant mollement des yeux à suivre les échanges sans vraiment les écouter. On lui passa une planche couverte de viande dorée, qu'elle identifia comme un canard au miel et aux baies de genièvres, et piqua une tranche de sa fourche pour la déposer dans son assiette.

L'alcool et le manque de sang lui montait à la tête, tant et si bien qu'elle renversa un pichet de sauce en tentant d'attraper un plat de légumes bouillis dans du jus de viande. On la réprimanda à peine, étant donné qu'une naïade se précipitait pour ramasser les dégâts. Un léger rire franchit ses lèvres tandis qu'elle se servait, demandant pardon aux servantes pour ses bêtises, qui n'osèrent dire mots. Mais ces simples excuses firent mouche chez le juste. On l'avait dit peste, et elle avait montré cette part d'elle avec facilité la veille, mais qu'elle puisse être aussi douce envers les domestiques était une première.

Durant l'espace d'une seconde, le roi Edmund se questionna sur l'attitude de la demoiselle. Ils étaient fiancés à cause d'un arrangement politique, elle le savait, mais n'y avait-il pas d'autres souffrances supplémentaires qu'elle cacherait sous ce masque cinglant ? Il douta…

« Alors, mon frère, n'êtes vous pas trop attristé que cette biche dorée vous ait échappé ? » Demanda le roi Peter en soulevant sa coupe dans sa direction. Le concerné eu la décence de rougir un peu, et de ramener son attention vers les plus âgés.

« Non, Peter, bien qu'elle m'ait amoché, je sais que mon tir a fait mouche. » Répondit-il.

« Dommage que nous n'ayons pu attraper que ces canards et rongeurs, la biche était vraiment une beauté ! Roi Peter ! » Ajouta le roi Rupert.

« C'est bien vrai » réagit le roi. « Une créature divine vu sa parure ! » Et tous les hommes rirent de bon cœur en s'enfilant une rasade de vin.

« Je trouve ça triste, moi. » Gémit la voix d'Agnèle, devenue presque timide. Les convives se retournèrent.

La petite princesse Archenlandaise était beaucoup trop penchée sur la table, et tenait dans sa main droite une coupe pleine d'hippocras. Les yeux ailleurs, elle faisait tournoyer le liquide pourpre dans son contenant, et laissait des sourires tantôt amers, tantôt vrais, fleurir sur ses lèvres.

« Pourquoi triste, ma future belle-sœur ? » Entreprit de la questionner Lucie. « Que l'animal ait blessé votre fiancé et se soit enfuit ? » Aslan, que cette Reine était naïve.

« Oh non… » La princesse eu un immense sourire « Là c'était la bonne nouvelle du jour. » Cette remarque jeta un froid à table. Elle ricana avant de se redresser, renversant son fauteuil au passage et s'appuyant sur la table pour ne pas tomber. « Non. C'est le destin de cette biche que je trouve triste. Coincé par un chasseur incapable de l'achever directement. Condamnée à souffrir. Quel Roi blesserait ainsi une créature divine ? Pas un Juste en tout cas. »

La fureur se lisait sur le visage, devenu rouge, de son père. Et les Pevensie, eux, ne savaient absolument plus quoi répondre face à une telle offense. Un manant aurait été décapité sur le champ pour avoir osé prononcer ces mots. Mais là… C'était une princesse, qui plus est, une future reine, fiancée au concerné. Cela relevait-il du domaine privé, ou du public ? Ils l'ignoraient.

Agnèle s'étira sèchement, et son bras frappa de nouveau une jarre, mais cette fois-ci, l'objet roula jusqu'au bord de la table, avant de s'éclater au sol, projetant sur la robe de la princesse et partout autour, des éclats carmin. Elle s'excusa dans un rire, avant de se tourner vers Edmund, et de pointer un doigt fin dans sa direction. Soudainement, il retrouva la haine qu'il avait vu à son arrivée à travers les prunelles émeraudes, et déglutis.

« Ne touchez plus jamais, à cette biche. Aslan vous le fera payer. » Elle rit de plus belle, quittant la cour d'un pas saccadé et fut poursuivie par ses domestiques.

Agnèle passait tout juste la porte de ses appartements que ses jambes cédaient sous son poids de plume. À genoux sur les pierres froides des lieux, la main sur la tête, l'autre contre sa hanche. Et tout tournait bizarrement sous ses yeux.

« Je vais être mal. » Furent ces mots, tandis qu'elle basculait sur le côté, et se laissait rattraper par Asilys qui avait senti venir l'évanouissement.

Emmenée à la salle d'eau, on s'occupa de retirer ses vêtements et de rincer la plaie qui s'était rouverte. Il était évident que la demoiselle avait bu plus que de mesure, et que sa gestuelle gauche avait peu aidé les plantes cicatrisantes à faire effet. Les jumelles naïades s'occupèrent de refaire un bandage avec de la mousse et du miel, pour aider la cicatrisation et éviter que cela ne donne de la fièvre. Elles rhabillèrent ensuite leur maîtresse, cette fois avec des vêtements de nuit, et l'aidèrent à se coucher.

oOoOoOo

Les jumelles naïades quittaient la chambre de leur maîtresse avec dans leur bras, une bassine de vêtements humide et sanglants. Toutes deux discutaient à voix basse de la situation de cette dernière en se rendant à la laverie, qui se trouvait aux sous-sols du château. Elles ne perçurent donc pas que le roi Edmund venait du couloir opposé, ni qu'il s'était arrêté à la vue des linges maculé de sang.

S'il avait pensé au début confronter sa future femme sur son penchant pour le vin, et ses bêtises, il était évident que ce n'était pas du vin qui tâchait les vêtements qu'il venait de voir passer. Et il y en avait beaucoup trop pour que ce soit juste une écorchure. Soudainement inquiet, et peut-être un peu naïf, il toqua à la porte une fois les servantes disparues de l'autre côté.

Mais il n'eut pas de réponse.

Recommençant deux nouvelles fois, il finit par entrouvrir la porte. Les rideaux rouges étaient tirés, et seuls quelques rayons solaires filtraient au travers. Juste assez pour dévoiler les ombres du mobilier, et le grand lit à baldaquin, dans le fond de la pièce. Les rideaux de ce dernier étaient à peine tirés, cependant, et laissaient entrevoir la silhouette sombre qui y dormait.

Ou du moins qui y gisait, parce que ce n'était pas un sommeil réparateur qui berçait la princesse. Entendant des gémissements, le Juste se rapprocha du lit, et constata dans la pénombre le visage troublé de sa future épouse. Elle s'agitait, se tournait, gémissait des mots incongrus et incompréhensible. S'il avait toujours en tête son discours cruel lors du repas, il n'était pas un mauvais bougre, et la voir souffrante fit poindre une étrange douleur dans sa poitrine.

Alors il s'approcha.

Se posant au bord du lit avec mesure, il tendit sa main vers le front de la princesse, qu'il trouva brulant et en sueur. Clignant des yeux face à cette fièvre monstrueuse qui semblait la frapper si soudainement, il se posa encore plus de question. Ce ne pouvait être l'alcool, et le sang qu'il avait vu sur les vêtements… ? Non, ce n'était pas cohérent. Mais alors qu'il allait retirer sa main, celle de sa future épouse vint s'en saisir, tremblante et lourde. Ce contact ne dura pas, puisqu'elle laissa son bras retomber ensuite sur les draps, incapable de plus d'effort.

« Non… Ne pars pas… Restes… » Et alors qu'il allait hausser la voix pour comprendre, la figure pale se mit à pleurer, entre conscience et délire.

« Princesse… » Murmura le roi, incapable de faire le moindre geste à présent.

« Vous perdre… Est bien plus douloureux que cette flèche… Mon amour… Hélas, nous n'étions pas faits pour nous aimer… Je le sais à présent… Je ne suis pas née dans la bonne famille. Si j'avais pu… grandir dans une ferme, alors, tout aurait été possible… » Et la princesse se rapprocha d'Edmund, qui lui resta figé, comprenant enfin la haine qui animait cette dernière.

Elle était comme lui. On l'avait privé de l'amour qu'elle convoitait pour un mariage arrangé. Son cœur se serra à la pensée de sa douce Angèle, dont le visage caché par son masque blanc lui revenait sans cesse en mémoire. S'il ne comprenait pas cette histoire de flèche, cela dit, l'aveu avait changé ses pensées. Oui, il s'était juré d'être le pire mari qui soit, mais toutes ces informations changeaient la donne. Elle était une victime de son frère. Tout comme lui.

Soupirant de compassion devant la détresse de la pauvre princesse, il effleura de nouveau son front, et replaça une mèche blonde derrière son oreille. Mais c'est en frôlant la peau de sa nuque qu'il reçu une fine décharge au bout des doigts, et que son cœur s'effrita. C'était comme si, cette peau blanche dans la pénombre, venait de se changer en fourrure dorée, avant de reprendre son apparence initiale.

Ahurit, il frôle à nouveau la peau de sa nuque en une caresse, mais rien ne se produit cette fois. Persuadé d'avoir rêvé, il poussa un soupir, et se libéra finalement de sa curiosité. La pauvre avait l'air bien malade… Peut-être que ses sœurs sauraient pourquoi ? Mais alors qu'il va pour quitter la chambre, la porte s'ouvre sur les dames de compagnie de la princesse, et se sachant en faute, c'est la panique.

Se reculant dans l'ombre du grand lit à baldaquin, Edmund tenta de s'effacer totalement entre deux rideaux, et retint le plus possible sa respiration. Pourquoi était-il venu, déjà ? Ah oui, comprendre pourquoi il y avait autant de sang sur les linges de sa promise. C'était sa curiosité qui lui jouait des tours. Non vraiment, deux futurs époux ne devraient pas se retrouver dans la même chambre sans que leur union n'eût été prononcée.

Asilys et Thoumet passèrent donc les portes de la chambre avec de nouveaux draps, leurs yeux s'adaptant à la pénombre, et s'approchèrent ensuite du lit, forçant Edmund à reculer de plus belle. La première posa sa main sur le front de la princesse comme le roi l'avait fait plus tôt, et grimaça.

« Boire autant après une aussi grande perte de sang, c'est une bêtise… » Et Edmund approuvait par principe, tout en se demandant comment ladite princesse avait pu perdre autant de sang.

« Ça lui apprendra à courir en forêt pendant la chasse. » Répliqua l'autre.

« Comme si ce genre de blessure pouvait l'arrêter… » Les deux soupirèrent de concert, avant d'installer la princesse correctement et lui faire boire un peu d'eau.

Mais pendant l'espace d'une seconde, le Juste fut marqué par l'effroi. La princesse Agnèle s'était mêlée à leur partie de chasse ? Comment ? Il pensait qu'elle serait avec ses sœurs comme convenu ! Et cette flèche, cette blessure… L'un d'entre eux lui aurait tiré dessus en la prenant pour une bête ? Non. C'était insensé. Mais les naïades semblaient dire le contraire. De plus en plus mal à l'aise, le roi attendit, caché dans l'ombre, que les deux servantes disparaissent de nouveau, pour s'enfuir à son tour.

Bien qu'il jetât un dernier regard à la princesse alitée avant de quitter les lieux, cette impression de fourrure sur la pulpe de ses doigts le ramena à lui, et il franchit le couloir suivant en courant sans même s'en être rendu compte.