C'était la première fois depuis des années que l'on fêtait Halloween à l'extérieur du château. Une infime partie de la forêt interdite avait été balisée par l'ensemble des professeurs pour permettre aux élèves d'aller y chercher leur dose de frissons, et beaucoup d'entre eux s'étaient pris au jeu.

« Ce n'est pas aussi terrifiant que je l'avais imaginé, pointa Marlène en écartant une branche d'arbre devant elle avant de la lâcher par mégarde dans le visage de Peter et de s'excuser platement.

- J'ai beaucoup plus peur du premier match de ce week-end que de... »

Lily ne termina jamais sa phrase. Ses yeux fixés sur une grosse pierre tombale, au milieu du chemin sur laquelle l'on pouvait lire « Lily Evans, 1960 – 1977 ». A côté d'elle, Marlène, Mary, Rémus, et Peter s'arrêtèrent également de marcher.

Ils suivaient le chemin balisé depuis maintenant plusieurs minutes, et même si le terrain de quidditch restait très proche, ils étaient à l'endroit le plus éloigné du château. Quelques professeurs patrouillaient de temps en temps, mais Horace Slughorn semblait s'être endormi à son poste.

Le vieux professeur de potions était assis contre une souche et ronflait bruyamment, les mains posées sur son ventre qui se soulevait au rythme de ses respiration, tendant dangereusement les boutons de son veston en tweed.

Il était un peu plus de dix-neuf heures, la nuit était tombée, des chandeliers flottaient entre les arbres et Lily regrettait de ne plus avoir Sirius avec eux pour refaire des blagues sur l'audace dont les professeurs avaient fait preuve lorsqu'ils avaient décidé d'éclairer un sentier forestier avec du feu. Elle avait subitement besoin de rire.

« Qu'est-ce que... commença Peter, bloqué sur la pierre tombale.

- Qui a fait ça ? demanda Mary alors que des élèves passaient devant eux en poussant des exclamations de terreur.

- Un idiot, déclara Marlène en sortant sa baguette en même temps que Rémus pour essayer de faire disparaître l'objet en question, en vain. »

Une branche craqua derrière eux et Lily se retourna rapidement, éclairant du bout de sa baguette la végétation qui les entourait. Il n'y avait rien. Personne. Rémus et Peter échangèrent un rapide regard et Mary s'en aperçut.

« Comme si le match ne la stressait pas assez ! Si Sirius et James trouvent ça drôle, vous pourrez leur dire que...

- Ce n'est pas eux, la coupa Rémus. Ils n'auraient jamais fait ce genre de blague.

- Rémus a raison, l'appuya Lily en pivotant de nouveau vers la pierre tombale. »

Quelque part derrière elle, dans les fourrées, Cornedrue fit un pas en arrière. Les oreilles dressées en avant, les yeux vissés sur le groupe, il entendait à peine les aboiements de Patmol, au loin, qui courrait après une nuée de Billywigs.

« Vous croyez que ceux qui ont fait ça ont aussi assommé Slughorn ?

- D'une façon ou d'une autre, répondit Rémus en se penchant pour ramasser une petite bouteille d'hydromel à moitié renversée à côté du professeur.

- On devrait prévenir quelqu'un, souffla Peter en se rapprochant de Marlène, s'accrochant presque à son bras.

- C'est juste une mauvaise blague, tenta Lily pour le rassurer.

- De mon point de vue, elle est très bonne, intervint Mulciber qui arrivaient à contre sens, accompagné de ses fidèles comparses, Avery, Rosier, et Rogue.

- Il manque l'épitaphe : Abattue en plein vol par un cognard, ajouta Rosier, le batteur de l'équipe de Serpentard, et tous se mirent à rire. même Severus esquissa un sourire. »

Lily eut l'impression que ses entrailles étaient en train de prendre feu. Marlène fit un pas dans leur direction, mais Mary la retint solidement par le bras.

« Oh évidemment, ça ne risque pas de vous arriver à vous. Dès que quelque chose vous effleure, vous hurlez déjà à la faute !

- Si tu savais McKinnon... Certains spécimens de Gryffondor hurlent aussi la nuit, marmonna Severus en braquant son regard sur Rémus. »

Lily se liquéfia. Elle connaissait le secret de Rémus, elle était l'une des seules personnes en dehors des maraudeurs à être au courant, et la phrase de Severus, prononcée sur un ton glacial et menaçant, la fit sortir de ses gonds. En un instant, sa baguette se trouva devant son visage livide, et les trois garçons derrière lui dégainèrent les leurs aussitôt.

« Je te déconseille de faire ça, Evans, chantonna Avery.

- Non, elle a raison. Il faut qu'elle en profite avant qu'ils ne lui retirent sa baguette, ajouta Mulciber sur un ton railleur. »

« Ils », c'était le ministère de la magie. De plus en plus corrompu, plus personne ne savait à qui faire confiance, là bas. Plusieurs élèves de Gryffondor avaient des parents qui y travaillaient, et les histoires qu'ils racontaient dans la Salle Commune le soir étaient glaçantes. Voldemort était en train de prendre le contrôle sur la justice magique, et l'atmosphère s'alourdissait de semaine en semaine à Londres.

Les sorties à Pré-Au-Lard avaient été annulées parce que les professeurs ne pouvaient plus garantir la sécurité des élèves en dehors du château, et si Lily essayait de repousser la peur quand elle se trouvait à Poudlard, elle finissait toujours inexorablement par la rattraper.

« Stupéfix ! »

Le sort venait de Mary. Il passa sur la gauche de Lily et toucha directement Mulciber. Au même moment, les trois autres tentèrent de riposter, mais une gigantesque ombre bondit au milieu du sentier.

Là, à un mètre seulement de Lily, un robuste cerf plongea sur les Serpentards, les faisant hurler d'effroi et prendre leurs jambes à leur cou. Il les prit en chasse, disparaissant rapidement du champ de vision des cinq Gryffondors qui demeurèrent figés de stupéfaction pendant une longue minute.

Marlène fut la première à réagir. Son rire nerveux débloqua un peu les autres, et Rémus, comme s'il n'avait pas assisté à la même scène qu'eux, attrapa Mulciber par les chevilles, et le traîna à côté du professeur Slughorn. Peter l'aida à l'asseoir, laissant à son tour échapper un rire.

« C'était... C'était un foutu cerf, ou j'ai rêvé ? demanda Marlène.

- J'ai vu la même chose, confirma Mary en clignant rapidement des yeux.

- Est-ce qu'il nous a... défendu ?

- C'était un animal sauvage, Marly, répondit Rémus en lui lançant un regard appuyé. Il a juste foncé sur les premières personnes qu'il a vues.

- Quoi qu'il en soit, on lui en doit une, conclut Lily avant d'aller s'accroupir devant le professeur Slughorn.

- Qu'est-ce que tu fais ? L'interrogea Peter.

- On ne va pas le laisser comme ça, dit-elle en fouillant dans les poches de son veston. Normalement, il a... »

Elle laissa sa phrase en suspend, sortant plusieurs fioles une à une et les inspectant avec la lumière qui émergeait du bout de sa baguette jusqu'à trouver celle qu'elle cherchait.

« Voilà ! s'exclama t-elle. Il a toujours une potion de l'Oeil vif sur lui. Il dit qu'il en a besoin pour ne pas offenser le professeur Binns en s'endormant devant lui quand ils discutent ensemble.

- J'ignorais que vous vous faisiez des confidences. Votre relation ne cesse de progresser, se moqua Marlène.

- Est-ce qu'il a d'autres petits secrets dont on doit être mis au courant ? poursuivit Rémus, et Lily ne se donna même pas la peine de répondre, elle fit simplement tomber quelques gouttes de potion dans la bouche entrouverte du professeur avant de se redresser.

- Bien. Il ne va pas tarder à se réveiller, on devrait y aller.

- Et pour Mulciber ? s'enquit Peter.

- Je pense qu'il a encore besoin de dormir un peu, répondit-elle en jetant un regard froid vers le jeune homme en question. »

L'instant d'après, elle pointa sa baguette sur la pierre tombale à son nom, ferma les yeux, et murmura la seule formule à laquelle elle put penser. Lorsqu'elle les rouvrit, l'objet avait été métamorphosé en une charmante cabane à oiseaux sur pieds.

« C'est très beau, Lily, la complimenta Peter.

- Je me suis dit que puisqu'on ne pouvait pas la faire disparaître, autant la transformer, répondit-elle en haussant les épaules. Sirius et James auraient sûrement fait mieux que moi, mais au moins, on ne voit plus cette horrible pierre.

- C'est vraiment très joli, souffla Rémus alors que les deux jeunes femmes acquiesçaient à côté. »

Elle s'apprêtait à le remercier lorsque Slughorn bougea légèrement, faisant sauter étonnement loin le bouton de son veston qui manqua de peu l'oeil droit de Marlène. Ce fut le signe qu'il était temps qu'ils quittent les lieux.

Ils suivirent le chemin balisé et bifurquèrent vers le terrain de quidditch lorsqu'ils remarquèrent James, émergeant des vestiaires. Ses cheveux collaient à ses tempes comme s'il avait couru un marathon, et Marlène s'esclaffa.

« Tu sais que tu peux te laver, là dedans ? C'est littéralement fait pour ça, se moqua t-elle. »

Il laissa échapper un rire, et hocha la tête, sentant le regard de Lily s'attarder sur lui. Il attira le sien, et elle tourna aussitôt la tête vers le lac tout en se grattant l'arrière du crâne. Ce n'était pas la première fois qu'il la prenait sur le fait en train de le reluquer, mais il n'arrivait pas à s'y faire.

« Pas d'eau chaude, expliqua t-il finalement. Je vais monter.

- Tu es au courant que faire une pause dans tes entraînements pour Halloween ne va pas te tuer ?

- Je fais une pause maintenant, Marly. Vous devriez rester ici, Sirius a prévu un petit quelque chose, d'autres septièmes années devraient nous rejoindre, termina t-il avec un sourire malin avant de se diriger vers le château.

- Où est-il, d'ailleurs ? Je croyais qu'il était avec toi, pointa Mary. »

Il se figea une seconde, puis pivota pour lui répondre, mais au même moment, des pleurnichements venant du parc attirèrent leur attention. A une centaine de mètres de là, Avery, Rosier, et Rogue grelottaient et pointaient la forêt du doigt en prononçant des paroles que le groupe de Gryffondors ne pouvait pas entendre mais qui les firent quand même glousser. Tout était dans le ton et dans les chuintements.

De là où ils se tenaient, ils pouvaient presque voir les sourcils du professeur McGonagall qui écoutait leurs jérémiades se hausser. Un grognement particulièrement effrayant dans les fourrés fit sursauter les trois garçons, et Avery se décomposa. Cette fois, sa voix résonna en écho dans le parc.

« Mes parents feront remonter ça au ministère ! »

Juste après, ils fondirent tous les trois, comme une seule et même ombre, vers le hall d'entrée de l'école alors que McGonagall prenait la direction opposée, sa cape se soulevant derrière elle à chaque pas qu'elle faisait. Il n'y avait aucun doute, elle allait chercher Mulciber.

« On devrait peut-être faire profil bas, commenta Lily.

- Ils seraient bien idiots de lui avoir répété que Mary l'a stupéfixé, étant donné ce qu'ils ont fait, répliqua Peter.

- Ils ne sont pas exactement connus pour leur exceptionnelle intelligence, Queudver, lui rappela Rémus.

- Je n'attends que ça, qu'on vienne me chercher pour que je m'explique, intervint Mary, un poil sur les nerfs. J'aurais un paquet de choses à dire ! »

James n'entendit pas la suite de la conversation, il profita de la diversion pour filer vers son dortoir. Il croisa le groupe de Serpentards, trempés, dans le couloir, en train de réciter une histoire qui lui plaqua un sourire espiègle sur le visage quand il passa devant eux.

« Si j'avais été seul, j'aurais pu le maîtriser, mais Sev' et Evan m'ont gêné, déclara Avery.

- Tu as couru comme tout le monde, le contredit Rogue.

- Pour aller chercher de l'aide. Mulciber est toujours là bas. »

James monta les escaliers principaux tout en retenant un rire alors que les cris stridents qu'Avery avaient poussé lorsqu'il les poursuivait résonnaient encore dans sa tête. C'était la première fois qu'il se montrait à quelqu'un d'autre qu'à Rémus, Peter, ou Sirius sous sa forme de cerf, et il ne le regrettait absolument pas.

Les chasser jusqu'à les obliger à s'immerger dans le lac et les voir en ressortir couverts de vase quelques minutes plus tard avait été l'un des moments les plus jouissifs de ses presque dix sept années de vie. Il se demanda pendant un moment si ce serait si mal, d'en faire une habitude. Sirius disait toujours qu'il détestait les traditions. Peut-être qu'il était temps de lui montrer que certaines pouvaient s'avérer particulièrement satisfaisantes.

Lorsqu'il s'enferma dans la douche de leur dortoir et que l'eau tiède lui dénoua les muscles, il laissa échapper un soupir. Ces dernières semaines avaient été compliquées. Il savait, quand il avait recruté Lily, qu'il allait devoir faire face à un tout autre challenge cette année là, mais il n'avait pas imaginé qu'il perdrait autant pied. Il était clément avec elle. Patient, diplomate, compréhensif, indulgent. Beaucoup plus qu'il ne l'avait jamais été avec qui que ce soit. Sirius le lui avait fait remarquer une fois.

Il était tard et l'entraînement s'éternisait. Lily ne parvenait pas à attraper le vif d'or, et ses déplacements gênaient la vision du jeu de ses coéquipiers qui révisaient les dernières techniques offensives qu'ils avaient mises au point.

« Lily ? l'appela James, et il attendit qu'elle arrive à sa hauteur pour reprendre. Tu t'en sors bien, mais est-ce que tu as essayé de voler plus haut ? Peut-être que tu pourrais avoir une vue plus globale du terrain.

- Oh. Je gêne les autres, comprit-elle immédiatement en jetant un regard désolé par dessus son épaule vers les batteurs. »

James sentit ses intestins commencer à faire des nœuds. Il détestait devoir lui faire une remarque et il prenait toujours plus de pincettes qu'avec les autres. Il le savait, il le voyait à leurs regards ennuyés qu'il essayait d'éviter à tout prix.

« Ça ne fait rien, c'est juste des automatismes qui viennent avec le temps. »

Elle hocha lentement la tête et il lui adressa un sourire encourageant avant de retourner vers ses autres coéquipiers. Le regard de Sirius le suivit pendant plusieurs secondes, si bien qu'il ne put l'ignorer, et quand il tourna la tête vers lui, le jeune homme haussa les sourcils comme s'il l'avait pris en flagrant délit. Il n'y avait eu aucun crime de commis, aucun méfait, et pourtant, James savait exactement ce que ce coup d'oeil signifiait, et il en eut la confirmation quelques minutes plus tard, lorsqu'il n'y eut plus qu'eux dans la remise, à ranger les balles.

« J'ai toujours su que si tu me faisais faire des pompes après l'entraînement dès que tu estimais que mes doigts étaient mal placés sur le manche quand j'ai débuté, c'était pour rester avec moi plus longtemps, commença t-il sur un ton moqueur. Ca booste vraiment mon ego de voir que même Lily n'a pas droit à ce privilège. »

James lui lança un coup d'oeil ennuyé tout en s'agenouillant sur la malle pour la fermer avant que le cognard n'en bondisse. Sirius le toisait de toute sa hauteur, bras croisés contre son torse, et sourire mi amusé, mi agacé figé sur le visage.

« D'ailleurs, maintenant qu'on en parle. Je te trouve un peu dur avec elle. Et je ne parle pas d'un quelconque phénomène physiologique. Quoi que... Enfin, peut-être que la prochaine fois qu'elle manque de causer un choc frontal entre nous parce qu'elle vole trop bas, tu devrais t'excuser de notre part pour la gêne occasionnée, ironisa t-il.

- Est-ce que tu vas continuer longtemps ? »

Il se redressa et tendit le bras vers lui pour lui ébouriffer les cheveux, et ce dernier en profita pour lui enfoncer son index dans le ventre, lui faisant pousser un grognement guttural.

« J'avais oublié à quel point tu étais jaloux.

- C'est entièrement de ta faute. Je n'ai jamais eu droit au ton mielleux et aux regards langoureux sur le terrain, le taquina Sirius alors qu'ils sortaient de la remise en se poussant.

- Tu les as déjà à l'extérieur.

- Et tu crois que je peux me contenter de ça ? Potter, est-ce que tu me connais seulement ? répliqua t-il en prenant un air faussement outré qui fit pouffer James.

- Tu sais que tu seras toujours mon préféré, répondit-il en balançant son bras sur ses épaules alors qu'ils se dirigeaient vers le château.

- Prends ça, Evans. »

Le miroir de la salle de bain était complètement embué lorsqu'il en émergea, une serviette autour de la taille. Rémus était allongé sur son lit, un livre entre les mains, les jambes croisées au niveau de ses chevilles, et il soupira dès que James apparut dans son champ de vision.

« Tu te rappelles, quand on avait dit qu'on devait arrêter de se balader ici à poil ?

- Sirius ne se serait même pas fatigué avec une serviette, pointa James en ouvrant un tiroir de sa commode pour en sortir des vêtements propres.

- Est-ce que tu es vraiment obligé de le prendre pour exemple ?

- Pense à toutes les personnes qui aimeraient être à ta place en ce moment, Lunard. Tu leur dois de profiter du spectacle, d'apprécier ta chance, plaisanta t-il en se dirigeant toutefois de nouveau vers la pièce embrumée. »

Rémus se contenta de prendre une profonde inspiration et de lever les yeux au ciel, ses doigts jouant avec la page du livre qu'il essayait de lire depuis la veille, en vain, parce qu'aucun de ses camarades ne semblait décider à lui laisser plus de cinq minutes de paix.

« Désolé, vieux. J'essayerai de penser à mes vêtements la prochaine fois, entendit-il de la salle de bain. Mais pour ma défense, je pensais que tu serais sur le terrain avec les autres.

- J'y étais, je suis juste... il s'interrompit, déglutit, et reprit sur un ton assuré. Il y a trop de bruit pour moi. »

James ne répondit pas immédiatement. Il était en train de passer sa main dans ses cheveux en espérant pouvoir en tirer quelque chose, et il s'arrêta net. La condition de loup-garou de Rémus l'avait souvent rendu distant et anxieux lorsqu'il se trouvait au milieu d'une foule. James le suspectait d'ailleurs de n'assister aux matchs de quidditch que pour lui faire plaisir, bien qu'il lui assurait constamment le contraire. C'était pour cette raison qu'ils se contentaient habituellement des quelques Gryffondors les plus proches d'eux lorsqu'ils organisaient une soirée, mais cette journée d'Halloween avait été longue et probablement éprouvante pour lui, alors lorsqu'il réapparut, il se jeta sur son propre lit et ferma les yeux.

« Qu'est-ce que tu fais ?

- Je traîne avec toi, répondit-il en se redressant légèrement sur son coude.

- James. Va à cette soirée.

- Moins je suis autour de Lily, mieux c'est. »

L'excuse était bien trouvée, et ce n'était même pas totalement un mensonge. Ils passaient un temps fou ensemble, un temps qui avait une nette influence sur leur relation. Leur complicité était encore différente de ce qu'elle était au début de l'année, tout était devenu plus compliqué au moment où ils avaient commencé à être tactiles ensemble sans vraiment s'en rendre compte.

Il y avait eu quelques soirs où, avachis l'un à côté de l'autre dans le canapé à discuter de tout et de rien avec leurs amis, il s'était surpris à caresser son bras machinalement avec le revers de son index. D'autres fois, c'était elle qui se rapprochait de lui, et ils se retrouvaient épaules contre épaules, sa cuisse souvent à moitié sur la sienne parce qu'elle s'asseyait presque systématiquement en tailleur. Parfois, lorsqu'ils patrouillaient dans les couloirs, sa main effleurait la sienne d'une telle façon qu'il se demandait si ce n'était pas sa manière de lui demander d'entremêler ses doigts aux siens. A chaque fois, il finissait par enfoncer ses mains dans ses poches en essayant d'ignorer les battements contre ses tempes.

« Ce que tu as fait tout à l'heure... reprit Rémus. Tu n'aurais pas dû.

- Hmm ?

- Cornedrue, répondit simplement le jeune homme châtain en lui jetant un regard appuyé.

- C'était hilarant.

- C'était... Assez drôle en effet, avoua le lycanthrope en roulant les yeux, mais si quelqu'un s'était rendu compte que...

- Relax, Lunard. Personne ne sait.

- Et si quelqu'un savait, vous risqueriez tous gros.

- Qu'est-ce que j'étais supposé faire ? Les laisser s'en tirer comme ça ? s'indigna James en se redressant sur son lit. Ils devraient être reconnaissants que je ne les ai pas embrochés. Ce n'était pas l'envie qui manquait.

- Non, Merlin, absolument pas, répliqua aussitôt Rémus, mais c'est à ce genre de situation que sert notre réserve de Billywigs. »

Il conclut en se penchant sous son lit pour en sortir un gros bocal dans lequel des insectes bleus saphir pourvus d'un long dard bourdonnaient alors qu'un sourire en coin se dessinait sur le visage de James.

« Tu sais, Lunard, j'ai eu peur que tu sois devenu un modèle de sagesse pendant un instant.

- Je ne tiendrai pas vingt-quatre heures dans ce dortoir, lui rétorqua t-il en secouant la tête de droite à gauche, amusé. Bon, tu viens, ou je vais devoir y aller tout seul ?

- Laisse-moi prendre ma cape d'invisibilité. Sirius va nous détester, d'avoir fait ça sans lui.

- Et Queudver nous remerciera de ne pas l'avoir inclus là dedans. Ça contrebalancera. Allez Potter, prêt à ruiner les dortoirs de ces trolls ?

- Je n'ai jamais eu autant envie de te déclamer mon amour, vieux, lui confia James en l'étreignant.

- Garde ça pour Lily, souffla Rémus en le repoussant, éclatant tout de même d'un rire franc. »

Il poussa la porte de leur dortoir, et ils prirent tous les deux la direction des cachots avec le bocal de billywigs à la main, et l'envie ferme de venger l'une des personnes qu'ils appréciaient le plus dans ce château.