James faisait nonchalamment tourner sa plume sur ses doigts depuis une bonne demie-heure, bien conscient que son parchemin ne se remplissait pas, mais investi d'une nouvelle mission : battre son record personnel. La plume n'était pas encore tombée, et sa concentration n'avait pas failli une seule fois, bien que son regard soit resté vissé sur la jeune femme rousse qui était assise pile en face de lui.
Il avait fait ce choix stratégique au début de l'année, et Rémus lui avait fait remarquer que ce n'était pas forcément celui qui lui permettrait d'obtenir le plus facilement un Optimal aux ASPIC en sortilèges. Il avait certainement raison, mais la tentation avait été plus forte. Il était derrière elle dans tous les autres cours, sauf en étude de runes où ils étaient l'un à côté de l'autre, alors il avait profité de la configuration de la salle du professeur Flitwick pour s'asseoir là où il pouvait croiser son regard.
C'était arrivé un certain nombre de fois depuis le début de l'année, mais pas une seule depuis le début de ce cours. Elle l'évitait de manière si évidente depuis deux jours que même Peter s'en était rendu compte. Ce n'était pas peu dire.
Il sortit de sa torpeur lorsque Sirius lui donna un violent coup de coude, faisant tomber sa plume au passage. Il le lui rendit avant de se rendre compte que toute la classe avait les yeux rivés sur lui, et que le minuscule professeur perché sur une pile de livres avait l'air d'attendre quelque chose de sa part.
« Heu...
- Les sortilèges informulés, lui souffla discrètement Sirius.
- Les sortilèges informulés, répéta James après avoir dégluti, sont utiles dans plusieurs cas de figure bien précis qui...
- Je le sais bien, Potter, je vous demandais justement dans quels cas, le coupa le professeur Flitwick, très clairement conscient de son inattention.
- Eh bien, commença James en se redressant sur sa chaise, il est crucial de surprendre son adversaire pendant un duel, et sans avoir recourt aux sortilèges informulés, la tâche se complique très vite.
- Tout à fait juste.
- Ils permettent aussi de contrer les sortilèges de mutisme, ajouta t-il avec plus d'assurance.
- Bien, merci, Potter, passons à ...
- Et j'imagine qu'ils sont également très utiles dans le cas où quelqu'un voudrait coller un ou plusieurs serpentards à un banc sans que qui que ce soit ne sache quel sort a été lancé, et par conséquent, quel contre-sort utiliser pour les en libérer, termina t-il avec un sourire en coin. »
Une vague de gloussements parcourut la classe, et il fut surpris de constater que même Lily ne parvint pas à s'empêcher de sourire. Elle s'accouda à sa table pour dissimuler son rire bref derrière sa main, mais c'était trop tard, il l'avait aperçu, et l'air qu'il respira lui sembla plus pur pendant un court instant.
Le matin même, Sirius, et lui avaient profité du petit déjeuner et de la confusion du va et vient habituel dans la Grande Salle pour utiliser un sortilège de leur invention sur Avery, Mulciber, Rogue, Carrow, et Rosier, et ils n'avaient pas été déçus du résultat. Les cinq serpentards ne faisaient plus qu'un avec leur banc depuis presque neuf heures, si bien que James avait commencé à se demander si les professeurs n'avaient pas décidé d'un commun accord de ne pas trop se hâter à chercher un contre-sort.
« S'agit-il d'un aveu ? s'enquit Flitwick en haussant les sourcils.
- Je n'ai fait que lister l'utilité des sorts informulés, professeur. Il faudrait être brillant pour arriver à un tel niveau de magie, et je n'ai pas la prétention de...
- Oh vous avez la prétention, Potter, vous avez tout à fait la prétention, le coupa son professeur avec une certaine lassitude. »
Sirius s'esclaffa, et James lui donna aussitôt une tape derrière la tête qui fut suivie par une bataille de coups de poing dans les cuisses sous la table. Elle ne cessa que lorsque le professeur Flitwick envoya sa craie si fort dans leur direction qu'elle faillit se planter dans l'oeil droit de Sirius. Ce dernier ne sembla pas tant s'offusquer du fait qu'il aurait pu devenir borgne que de la marque qu'elle laissa dans ses cheveux lorsqu'elle y termina sa course, amortie par le volume.
Ses bougonnements s'étalèrent sur plusieurs minutes et ne s'arrêtèrent que lorsque James commença à écrire quelques mots sur son parchemin. Il ne se rendit compte que Sirius regardait sa copie avec intérêt que lorsqu'il l'entendit se racler la gorge.
« Comment est-ce que tu peux être si nul quand il s'agit d'Evans ? déclara t-il avant de se mettre à se balancer sur sa chaise, les bras croisés derrière sa tête. »
James leva son majeur dans sa direction, puis plia le morceau de papier jusqu'à obtenir un petit chat qu'il ensorcela d'un coup de baguette. L'animal trottina de table en table jusqu'à s'arrêter sur celle de Lily. Il se frotta un instant à sa main et lorsqu'elle posa ses yeux verts sur lui, il se coucha en boule entre son encrier et son manuel.
Elle leva la tête vers James, soupira d'un air résolu, et déplia finalement le morceau de papier sur lequel s'étalait une simple question : « Tu te rappelles que nous avons entraînement ce soir ? ». C'était l'un des seuls jours dans la semaine où ils n'étaient que tous les deux sur le terrain, et où il la faisait travailler sur ses points faibles. C'était habituellement autant un plaisir qu'une hantise pour lui.
Il passait une heure seul avec elle, sur un balai, et cela ressemblait drôlement à quelques uns de ses rêves les plus agités. Essayer de ne pas penser à comment ils se terminaient n'était pas une mince affaire. Toutefois, il songea que ce soir là au moins, il n'aurait pas besoin de s'inquiéter de leur rapprochement. Il y avait peu de chance pour qu'ils soient aussi complices que d'habitude après ce qu'il s'était passé le week-end précédent.
Il avait réussi à garder une certaine distance ces deux premiers mois, mais plus ils passaient du temps ensemble, plus il s'était avéré compliqué de gérer la situation. Le flirt quasi constant ne faisait pas bon ménage avec la promesse qu'il s'était fait de ne plus jamais sortir avec l'une de ses coéquipières de quidditch.
Sa relation avec Marlène avait causé trop de dégâts irréversibles entre eux, et quelque part, c'était ce qui l'aidait à ne pas franchir la limite avec Lily. Il lui était impensable de ne plus partager la même complicité avec elle un jour, et l'idée même que ce soit déjà le cas, qu'il ait tout gâché en faisant jouer Hookum, lui donnait envie de se jeter du haut de la tour d'astronomie.
« Tu sais, si tu continues comme ça, elle va se marier avec Dave Goujon, reprit Sirius en rejetant ses longs cheveux sur son épaule tout en continuant à se balancer. Ils auront plein d'enfants qui hériteront du talent de quidditch de Lily, mais qui seront aussi idiots que leur père. Et je réalise maintenant que je le dis que ça ne changerait pas grand chose si elle en avait avec toi. »
James pointa sa baguette sous la table et, comme pour illustrer son intervention concernant les sortilèges informulés, il raccourcit radicalement les deux pieds arrières de la chaise de son meilleur ami qui tomba à la renverse, faisant pouffer la classe.
« Potter ! Black ! Dehors ! s'exclama le professeur Flitwick, loin d'être aveugle. »
James ne chercha même pas à essayer de se dédouaner, il esquissa un sourire en coin, se leva, et fit une courbette alors que quelques élèves l'applaudissaient. Sirius, lui, le poussa à l'extérieur et ils se bousculèrent jusqu'au bureau du professeur McGonagall qui s'apprêtait visiblement à en sortir.
« Ne me dîtes pas qu'il s'agit d'une exclusion de cours, soupira t-elle. Pas encore.
- Est-ce que vous avez fait quelque chose à vos cheveux, aujourd'hui, Minerva ? Ils ont quelque chose de brillant, comme si de la poudre d'or était tombée du ciel directem...
- Je ne suis pas d'humeur, Black, j'ai cours avec les deuxième année dans cinq minutes, le coupa t-elle sur un ton sec en leur faisant à tous les deux signe de rentrer. Et les yeux doux ne marcheront pas non plus, Potter. »
Il fit mine de ne pas savoir de quoi elle parlait, et se laissa tomber sur l'un des deux fauteuils qui faisaient face à son bureau. Il jeta un bref regard vers son meilleur ami qui était déjà (trop) confortablement installé sur l'autre, les coudes remontés sur le dossier et les jambes croisées au niveau de ses chevilles, et il esquissa un discret sourire dans sa direction quand il lui adressa un clin d'oeil comme s'il était persuadé qu'ils sortiraient de ce bureau sans écoper de la moindre sanction.
Ils avaient déjà réussi leur coup plusieurs fois. Le professeur de Métamorphose avait un faible pour eux, et quand elle ne les laissait pas partir avec un simple sermon, elle leur donnait toujours les meilleures punitions. Du genre aider Hagrid à chercher des ingrédients dans la forêt interdite. Ou s'occuper de polir les balais dans la réserve de quidditch. Cependant, l'évidente expression de lassitude que James lut sur son visage ce jour là lui fit douter de leur capacité à s'en sortir indemnes.
« Ce n'est qu'un affreux malentendu, Minerva, déclara Sirius sur un ton nonchalant.
- Professeur McGonagall, le corrigea t-elle d'un air sévère.
- Cela fait sept ans que nous nous connaissons, je suis pratiquement votre fils, s'offusqua le jeune homme et James renifla bruyamment à côté de lui pour s'empêcher de rire.
- Venez en au fait, Black.
- Le professeur Flitwick ne met aucune bonne volonté à essayer de m'apprécier à ma juste valeur, se lamenta Sirius. Je suis pourtant brillant, et il est parfaitement injuste que...
- Potter, est-ce que vous avez une version des faits précise, ou est-ce que vous souffrez également d'un manque d'affection déplacé ? s'impatienta t-elle.
- J'ai juste exécuté un sortilège informulé, répondit-il en haussant les épaules comme s'il n'avait aucune idée de la raison pour laquelle il se trouvait devant elle. C'était le sujet du cours.
- Le professeur Flitwick vous avait-il demandé une démonstration ?
- Il était évident qu'il était préférable, pour le bon déroulement du cours, d'aider les autres à visualiser le processus, expliqua James tout en voyant du coin de l'oeil Sirius regarder ses pieds. »
Ce n'était pas tellement bon signe. Il ne faisait cela que lorsqu'il savait qu'il ne devait pas rire, mais qu'il n'avait aucune idée de comment se retenir. Le professeur McGonagall soupira de nouveau, ses yeux faisant un rapide aller-retour entre les deux garçons.
« Très bien. Vous terminerez l'heure à la bibliothèque, trancha t-elle en se levant et en contournant son bureau pour aller leur ouvrir la porte. »
Les deux amis échangèrent un coup d'oeil réjoui, et alors qu'ils s'apprêtaient à filer dans le couloir, la voix du professeur McGonagall les stoppa net dans leur élan.
« Et vous me recopierez quinze fois le règlement intérieur de l'école. Je l'attendrai sur mon bureau demain matin.
- Pardon ? répéta James.
- Vous m'avez bien entendue, Potter.
- Est-ce qu'on peut négocier ? l'interrogea Sirius sur son ton le plus charmant.
- Je peux arrondir à vingt fois, proposa t-elle, et le jeune homme grimaça. Estimez-vous chanceux de ne pas avoir de plus lourdes sanctions après ce qu'il s'est passé dans la Grande Salle ce matin.
- Que s'est-il passé dans la Grande Salle ce matin ? s'enquit Sirius comme s'il était blanc comme neige, et James songea qu'il ne cesserait jamais de s'étonner de ses talents d'acteur.
- Vous savez très bien de quoi je parle, Black, mais si vous avez des doutes, vous pouvez tous les deux me laisser vos baguettes afin que je regarde quels sont les derniers sorts à avoir été lancés. »
James réajusta la lanière de son sac sur son épaule, et jeta un coup d'oeil vers Sirius d'avantage pour ne pas risquer de croiser le regard perçant du professeur McGonagall que pour voir comment il allait réagir à la demie menace, mais il demeura coi. C'était presque du jamais vu.
« C'est bien ce qu'il me semblait, conclut-elle avant de tourner les talons.
- A vrai dire professeur, Sirius n'y est pour rien, intervint James. Je veux dire, pour le cours, tout à l'heure. C'est moi qui...
- Très noble de votre part, Potter, mais j'ai bien peur que quoi que vous ayez fait, Black avait dû le chercher. Et si ce n'est pas le cas, il y a certainement des centaines d'autres raisons pour lesquelles il aurait dû être sanctionné ces dernières années. Considérez que j'ai pioché parmi l'une d'entre elles. »
Elle ne leur laissa pas l'occasion d'essayer de s'en tirer, et elle fila vers sa salle de classe, les laissant tous les deux au milieu du couloir, la mine basse.
« Elle est loin du compte, pointa James avec un sourire malin, mais elle a raison sur un truc. Tu l'as mérité. »
Il esquiva habilement Sirius lorsqu'il tenta d'enserrer son cou avec son bras, et leurs rires résonnèrent entre les murs du couloir jusqu'à ce qu'ils n'arrivent à la bibliothèque et que Mme Pince ne leur jette un regard sévère qui ne laissait aucune place à l'interprétation.
« Il faut que tu rectifies le tir avec Lily, chuchota Sirius alors qu'ils s'asseyaient à la table la plus proche de l'entrée.
- Je sais, souffla James en balançant négligemment son sac à côté de sa chaise.
- Non, vraiment, insista Sirius. Hookum se pavane dans tout le château depuis samedi soir, et elle laisse entendre que tu vas la prendre dans l'équipe.
- Tu te fous de moi ? l'interrogea James en clignant des yeux. Je l'ai prise à part après le match spécialement pour la remercier et lui préciser que ce n'était que pour cette fois là, et que le poste resterait celui de Lily.
- Elle a entièrement compris, déclara Sirius, elle fait juste exprès pour faire flipper Lily. »
James ne répondit rien, mais il ne cessa de repenser à ce qu'il s'était passé aux sélections et au match qui avait eu lieu deux jours auparavant, et pour la première fois, il vit les choses sous un autre angle. Il savait qu'elles ne s'appréciaient pas, mais il n'avait jamais pensé que cela allait au delà d'une simple mésentente. A présent, tout faisait sens, et les derniers mots que Lily lui avait lancés avant de disparaître dans son dortoir résonnaient autrement. Il avait été encore plus idiot qu'il ne l'avait cru.
Même si la perspective de passer l'heure à recopier le règlement intérieur ne l'enchantait pas, il devait bien admettre que cela lui permettait de réfléchir à la situation. Il écrivait mécaniquement les mots qui s'étalaient sous ses yeux sans même les considérer. Il fallait qu'il voit Lily, et il se fichait de devoir passer la moitié de la nuit à terminer cette punition, alors il resta à la bibliothèque jusqu'à la fin des cours, puis il se précipita dans son dortoir pour se changer et récupérer son balai en espérant que Lily le rejoindrait.
Elle n'était pas là quand il arriva sur le terrain, alors il s'adossa à la remise et sortit son vif d'or de sa poche. Il avait absolument besoin d'une distraction, et il passa les vingt minutes qui suivirent à le lancer et à le rattraper jusqu'à ce que d'autres doigts que les siens ne se referment dessus, le sortant de sa concentration.
« J'ai toujours pensé que tu faisais ça pour prouver à tout le monde que tu étais capable de jouer à n'importe quel poste, déclara Lily d'une voix plus solennelle que d'ordinaire.
- Je ne crois pas avoir besoin de prouver ça, répliqua t-il immédiatement avec un sourire qui disparut de son visage dès qu'elle roula les yeux et se déplaça vers le centre du terrain. Je n'étais pas sûr que tu viendrais, ajouta t-il en la suivant.
- Je n'étais pas sûre que j'étais supposée venir. »
Il déglutit. Il détestait son ton et il détestait sa retenue, mais il détestait encore plus en être responsable. Il vit à peine la paume de sa main s'ouvrir pour libérer le vif d'or, mais ses yeux bruns la suivirent lorsqu'elle s'envola et il enfourcha rapidement son balai à son tour. Il était évident qu'elle ne voulait pas discuter, mais il avait des choses à expliquer et il finirait par le faire tôt ou tard.
« Qu'est-ce que tu veux que je travaille ? l'interrogea t-elle sur un ton neutre.
- Les changements de direction et la maîtrise de la vitesse, répondit-il avant de poursuivre. Ou les départs rapides. On verra les feintes un autre jour.
- Seulement ça ? »
L'ironie dans le ton de sa voix lui laissa à penser qu'il avait encore merdé, comme une habitude dont il ne semblait jamais pouvoir se défaire autour d'elle. Il s'insulta à voix basse lorsqu'elle fonça vers l'opposé du terrain avant de faire des tours, gérant parfaitement les variations de vitesse comme si elle cherchait à lui prouver quelque chose. Elle n'en avait pas besoin.
« Qu'est-ce que tu dois faire pendant un match en plus des tours de repérage ? l'interrogea t-il d'une voix forte.
- Tu veux dire, si je participe ? répondit-elle, et il fut légèrement soulagé d'entendre une once d'humour dans sa voix, même noyée dans un agacement évident. Surveiller l'écart de score. Être attentive aux déplacement des autres joueurs, qu'ils soient de mon équipe ou non, éviter de me faire fracasser la mâchoire par les cognards... énuméra t-elle finalement tout en continuant à voler à toute allure.
- Bien. Essaies de t'arrêter maintenant, et repars plus vite. »
Elle reproduisit l'exercice une bonne quinzaine de fois avant qu'ils ne passent à leur habituel duel final. Le moment qu'il préférait. L'un contre l'autre, à chercher le vif d'or avant que la nuit ne tombe. Elle avait tant progressé depuis septembre qu'il ne fut pas surpris lorsqu'elle fut la première à mettre la main dessus, et il la félicita dès qu'ils foulèrent de nouveau la terre ferme.
« Juste à l'heure pour le dîner. Bien joué, Evans. »
Elle se contenta de lui fourrer la petite balle dorée dans la paume de la main et de hocher la tête pour toute réponse. Son cœur manqua un battement quand le vent envoya une mèche de cheveux roux qui s'était échappée de sa queue de cheval devant ses yeux et qu'il la replaça machinalement derrière son oreille comme s'il en avait l'habitude, comme s'il ne passait pas son temps à s'empêcher activement de faire cet exact geste et tellement d'autres. Foutues impulsions.
Il laissa rapidement retomber sa main le long de son corps alors que de l'autre, il enfonçait le vif d'or dans sa poche tout en se raclant la gorge, positivement certain qu'elle ne bougeait pas simplement parce qu'elle était aussi surprise que lui de son geste. Il sentit une chaleur familière dans sa nuque alors qu'il passait à côté d'elle, lui adressant un bref signe de tête pour lui proposer de rentrer avec lui, ignorant la soudaine moiteur de ses mains.
« Je suis désolé pour samedi, lui dit-il sur le chemin, et son anxiété atteignit un pic lorsqu'elle se contenta de détourner les yeux vers le lac dans le silence le plus complet. Je n'ai pas réfléchi, j'ai... J'ai paniqué.
- Tu ne paniques pas. Jamais, réfuta t-elle en laissant échapper un rire ironique. »
Il songea qu'elle changerait clairement d'avis sur cette affirmation si elle savait dans quel état il était à ce moment précis. Il aurait voulu se retenir d'ébouriffer ses propres cheveux, mais il le fit et il le regretta quand il se rappela de ce jour là en cinquième année où elle lui avait dit qu'elle détestait cette stupide manie.
« Tu n'étais pas là, dit-il simplement.
- Désolée, j'étais en train de m'amuser comme une petite folle dans les toilettes. »
Le sarcasme dans sa voix n'avait jamais été aussi clair. Il sentit ses entrailles se nouer et il s'arrêta aussitôt. A son grand étonnement, elle fit de même et lui jeta un regard interrogateur.
« Ce n'était pas ce que je voulais dire, reprit-il. J'étais inquiet. Vraiment. Je... McGonagall m'est tombée dessus, je n'arrivais plus à réfléchir et j'ai envoyé Rémus et Peter à ta recherche, et je savais qu'ils allaient te trouver, mais nous n'avions plus le temps et... il s'interrompit et déglutit. J'aurais dû déclarer forfait.
- Je t'aurais tué de mes mains, rétorqua t-elle en écarquillant les yeux. Est-ce que tu es malade ? Leur accorder une telle satisfaction ?
- Est-ce que ça aurait été pire ? Nous avons gagné le match, mais tu crois vraiment qu'ils ont perdu, au bout du compte ? l'interrogea t-il avant d'inspirer longuement. Tu ne m'as pas adressé la parole depuis deux jours. Crois-moi, ils sont au courant que l'ambiance de l'équipe n'est pas au beau fixe, et ils en sont ravis.
- J'étais juste...
- Furieuse contre moi ? Contre Hookum ? la coupa t-il. Tu sais, je lui ai dit ce soir là que ce n'était que pour ce match et que la place était toujours la tienne. Je n'arrive pas à croire que tu aies pu penser une seule seconde que j'étais prêt à te remplacer définitivement. »
Le silence régna sur le parc pendant quelques secondes. Lily soutenait son regard mais elle semblait perdue dans ses pensées et il ne pouvait pas l'en blâmer. Il l'avait été tout autant ces derniers jours.
« Pourquoi est-ce que tu n'as pas demandé à Dave ?
- Parce que Daisy a été meilleure que lui aux sélections, et accessoirement, parce que c'est un crétin. »
Cette fois, elle secoua la tête d'un air dépité, leva les yeux au ciel, et croisa ses bras contre sa poitrine. Le trio gagnant, pensa James la mâchoire tendue. Il ne pouvait décemment pas lui avouer qu'il avait vu Goujon fixer copieusement ses seins pendant les sélections et que la seule raison pour laquelle il aurait pu vouloir le faire entrer sur le terrain après cela aurait été pour le voir se faire éclater la tête par les cognards. Merlin, il aurait saisi la batte lui même.
« Ce n'est pas juste à propos du fait qu'elle ait joué, reprit Lily en balayant sa remarque d'un geste de la main. C'est... La façon dont tout le monde s'est étreint après le match, la façon dont elle s'est intégrée, sa complicité avec Sirius, avec tout le monde et...
- C'était l'euphorie de la victoire, Lily, la coupa t-il en la regardant droit dans les yeux.
- Je sais, Merlin, je sais, dit-elle, en écartant une nouvelle fois la même mèche de cheveux de son visage. C'est plus fort que moi, c'est tout, elle me tape sur le système.
- Sirius ne l'apprécie même pas tant que ça, ajouta James en fronçant les sourcils.
- Vraiment ? s'étonna t-elle, et il remarqua une étincelle d'espoir dans ses yeux qui lui fit lâcher un rire. Je ne devrais probablement pas m'en réjouir autant, ajouta t-elle rapidement.
- Tu sais qu'il est team Evans, lui certifia t-il en haussant les épaules comme pour lui signifier qu'elle n'avait pas à s'en faire. Et moi aussi. »
Il retint un soupir quand il vit ses yeux s'attarder dans les siens avant de dévier nettement vers sa bouche. Finalement, elle se retourna et recommença à marcher vers le château, et il dut trottiner légèrement pour la rattraper.
« Je suis toujours énervée, marmonna t-elle.
- Je sais.
- Est-ce que tu crois que les serpentards ont fait exprès ? Tu penses qu'ils savaient que tu serais obligé de prendre quelqu'un d'autre à ma place et que ça créerait ces tensions entre nous ?
- Je ne sais pas si Avery est capable de réfléchir autant, répondit-il avec une pointe d'amusement dans la voix. En revanche... Je crois que Rogue savait exactement ce qu'il faisait.
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
- C'est lui qui t'a ouvert, non ?
- Et alors ?
- Quoi de mieux pour te faire penser que tu lui es redevable ?
- C'est aussi lui qui a eu l'idée de m'enfermer dès le début, réfuta t-elle en secouant la tête.
- Tu n'étais pas censée le savoir, pointa t-il en lui jetant un regard en biais alors qu'ils pénétraient dans le hall du château.
- Comme si ça allait m'empêcher de le détester pour tout le reste, ironisa t-elle. Quoi qu'il essaie de faire, lui et moi, on sera dans deux camps différents après Poudlard. C'est déjà le cas. Et il a décidé de préférer celui qui veut me tuer. »
L'entendre verbaliser ce qu'ils passaient sous silence depuis si longtemps lui noua les cordes vocales, et il lui sembla que cela eut le même effet sur elle puisqu'ils parcoururent le reste du chemin jusqu'à leur salle commune dans le silence le plus complet.
