« Aurais-tu l'extrême amabilité d'arrêter ça ? demanda Sirius d'un air ennuyé en faisant un signe de tête vers le pied de James qui tapait nerveusement contre la table basse du salon des Potter. Je ne peux pas me concentrer.
- Te concentrer sur quoi ? répliqua moqueusement James, il n'y a que des photos, dans la Gazelle du sorcier. »
Sirius tourna nonchalamment une page du journal érotique et laissa échapper un long soupir avant de montrer l'intérieur à James et de pointer une image montrant une joueuse de quidditch à moitié nue sur son balai.
« Elle mérite définitivement toute mon attention, lui assura t-il avec un sérieux désarmant.
- Pourquoi est-ce que tu ne lis pas ça dans ta chambre comme n'importe quel pervers normalement constituée ?
- J'aime vivre dangereusement, et c'est exactement le genre de raison pour laquelle ils copient chaque semaine la première page de la Gazette. On peut feuilleter ça devant n'importe qui sans qu'ils ne se doutent une seule seconde que...
- Que tu ne devrais certainement pas mettre mon nom sur ce genre d'abonnement si tu ne veux pas que je le découvre, intervint Euphemia en passant derrière lui et en lui subtilisant l'ouvrage des mains sans qu'il n'ait le temps de réagir. »
Elle avait surgi de nulle part, faisant légèrement sursauter les deux garçons. C'était l'un de ses nombreux talents, mais certainement pas celui que Sirius préférait étant donné qu'elle l'avait surpris dans une position compromettante avec Doris Crockford deux années auparavant. James, contrairement à lui, avait appris à vivre avec. Il était bien plus méfiant, et surtout, il avait développé une capacité hors du commun pour faire ses coups en douce. Sirius était également doué dans le domaine tant qu'ils étaient à Poudlard, mais chez eux, il n'était pas de taille face à Euphemia.
« Quelle ne fut pas ma surprise ce matin lorsque j'ai déplié mon journal et que je suis tombée sur une charmante jeune femme concoctant des potions dans le plus simple appareil, déclara t-elle l'air de rien alors que le jeune homme s'était brusquement redressé dans son fauteuil.
- Probablement pour éviter les projections sur ses vêtements, tu sais comme la pimentine peut tâcher, Mimi. »
James était toujours impressionné de voir à quel point Sirius ne se laissait jamais démonter. A sa place, il se serait probablement tant enfoncé dans les coussins du canapé que même un sortilège d'expulsion n'aurait pas été suffisant pour l'en dégager.
« C'est certainement ça, confirma Fleamont qui venait d'émerger de la cuisine, une tasse de thé à la main.
- Je suppose qu'il a au moins le bon goût de ne pas acheter chez Mâle et Fils, ajouta Euphemia en haussant une épaule.
- Ces magazines sont horribles, je n'aurais jamais pris ça ! s'indigna Sirius d'un air dégoûté.
- Et comment est-ce que tu le sais, exactement ?
- J'ai... Oh Mimi s'il te plaît ne me regarde pas comme ça, bredouilla t-il. J'en ai trouvé un sous le lit de mes parents quand j'avais douze ans. Crois-moi, j'aurais préféré ne jamais voir ça. »
Il avait la mine si basse qu'il était impossible de remettre en question sa parole, et James ne fut pas tellement étonné lorsqu'Euphemia lâcha finalement le journal sur ses genoux. Ils étaient assez ouverts lorsqu'il s'agissait de discuter de ce genre de choses, et surtout, de se rappeler de ce que c'était, d'avoir dix sept-ans.
« A l'avenir, nous aimerions que tu t'informes sur les nouvelles du jour dans ta chambre, en toute intimité, plutôt qu'au milieu du salon.
- Bien reçu, répondit-il en repliant l'ouvrage. Est-ce qu'on peut en venir au sujet le plus intéressant, maintenant ? demanda t-il avant de s'empresser de répondre à leurs regards interrogatifs, un sourire diabolique figé sur les lèvres. James est stressé pour son rendez-vous avec Lily. »
Le traître.
James lui jeta un coup d'oeil mauvais, et ignora délibérément ses parents qui avaient tourné la tête vers lui et semblaient attendre qu'il se mette à parler. Il avait dit à Lily qu'ils iraient voir le prochain match des Faucons ensemble, et le jour était arrivé, et il ne parvenait pas à arrêter de penser au fait qu'elle avait accepté sans sourciller. Elle allait passer l'après-midi et peut-être la soirée avec lui, et accessoirement avec ses parents et Sirius, et cette réalité le faisait se sentir à la fois extrêmement bien, et très, très mal.
Leur relation ne cessait de progresser, et les sentiments qu'il ressentait le mettaient dans une telle confusion qu'il ne savait plus quoi en faire. C'était comme s'ils devenaient plus forts à chaque fois qu'ils échangeaient le moindre mot, et c'était pire quand elle n'était pas là. Elle laissait un manque terrible en lui que rien, absolument rien ne pouvait combler, et l'idée même qu'elle puisse un jour disparaître de sa vie, que leur amitié ne s'envole, qu'il gâche tout d'une manière ou d'une autre, le terrifiait.
« Tu es vraiment un sale c...
- Langage, James, le coupa son père en fronçant les sourcils alors que Sirius semblait extatique.
- Ce n'est pas un rendez-vous. Vous serez là, ajouta t-il, un poil sur la défensive.
- Je reste travailler à la maison, l'informa son père, mais je suis convaincu que ta mère ne verra pas d'inconvénient à vous laisser un peu d'espace si c'est ce dont vous avez besoin. »
C'était exactement le genre de conversation qu'il ne voulait pas avoir. C'était comme si toute la gêne du monde venait d'apparaître au même endroit. Dans son salon. En lui, plus exactement. Et il voyait bien que ses parents essayaient de rendre les choses très normales, mais cela ne faisait que renforcer son malaise. Merlin, parfois, il détestait Sirius.
« Ce n'est pas un rendez-vous, répéta t-il, bougon.
- Je croyais que tu aimais bien Lily ? l'interrogea sa mère d'une voix qui se voulait rassurante.
- Là n'est pas la question.
- Là est toute la question, réfuta Fleamont avant de boire une gorgée de thé.
- Il ne veut pas sortir avec elle à cause du quidditch, et de leur amitié, et...
- Je commence à m'inquiéter du fait que tu sois physiquement incapable de te taire, souffla James à l'adresse de son meilleur ami.
- A cause du quidditch ? répéta Euphemia, perplexe.
- Parce qu'elle joue dans l'équipe. Et que quand je l'ai recrutée, il y a une rumeur qui a circulé dans toute l'école comme quoi elle ne devait sa place qu'au fait que je... l'aime bien, termina t-il, essayant d'ignorer la confusion ambiante. Je ne veux pas que les gens puissent penser que c'est la vérité.
- Et c'est le cas ?
- Non, bien sûr que non, nia t-il aussitôt. Elle n'était peut-être pas meilleure que tous les autres techniquement, mais elle a appris à jouer rapidement et sur le tard, je n'avais aucun doute qu'elle progresserait plus vite que quiconque. Et puis sa personnalité correspondait à l'équipe. Celle des autres ne collait pas, ça n'aurait pas fonctionné.
- Il a raison sur tous les points, l'appuya Sirius, ce qui le soulagea considérablement.
- Et elle le sait, n'est-ce pas ? s'enquit Fleamont.
- Évidemment.
- Alors quel est le problème ?
- Il y a d'autres trucs, marmonna t-il en pensant au manque d'elle omniprésent et à la façon dont il l'achèverait si jamais quelque chose se passait mal entre eux. Est-ce qu'on pourrait... Je ne sais pas, ne pas en parler maintenant ?
- Bien sûr, bien sûr, s'empressa de répondre Euphemia en s'avançant vers lui pour lui caresser la joue, n'oublie pas que nous sommes là si tu as besoin d'en discuter. Et ça vaut pour toi aussi, mon chéri, termina t-elle en se tournant vers Sirius. »
Le jeune homme aux longs cheveux bruns hocha la tête et esquissa un sourire chaleureux en direction de la seule figure maternelle qui ait jamais vraiment compté pour lui, et James oublia pendant un instant tous ses états d'âme. Il y avait quelque chose dans le fait de voir ses parents aussi proches de Sirius qui l'avait toujours un peu bouleversé. C'était comme s'ils comprenaient exactement à quel point il l'avait toujours considéré comme un frère, et qu'ils étaient eux mêmes convaincus qu'il avait toujours été leur deuxième fils. Il était seulement né dans la mauvaise famille.
Il avait ressenti le même élan de tendresse pour eux le jour où ils étaient rentrés pour les vacances de Noël en cinquième année, et qu'ils s'étaient tous les deux rendus compte que Fleamont et Euphemia avaient trouvé le moyen de l'ajouter aux quelques photos de famille éparpillées dans le manoir. Il était persuadé qu'il n'oublierait jamais l'expression à la fois troublée et profondément heureuse sur le visage de son meilleur ami. C'était probablement la seule fois de sa vie que ce dernier était resté muet plus de cinq minutes.
« A quelle heure Lily doit-elle arriver ? demanda Fleamont.
- Elle ne devrait pas tarder, répondit James après un regard vers l'imposante horloge qu'ils tenaient de ses grands-parents.
- Est-ce que vous avez reparlé de l'épisode de la veille des vacances par hiboux ? s'enquit Sirius, et James constata avec une pointe de reconnaissance que ses parents s'efforçaient de ne pas avoir l'air d'écouter, feignant discuter l'un avec l'autre. »
James secoua la tête de gauche à droite, son appréhension se mêlant à une certaine impatience qu'il ne parvint pas à refouler alors qu'il repensait à ce fameux vendredi soir.
Il était presque une heure du matin et la salle commune était plongée dans la pénombre, à l'exception d'un coin éclairé par le feu qui avait brûlé dans la cheminée toute cette première semaine du mois d'avril. Les températures hivernales semblaient refuser de laisser leur place à la douceur du printemps, mais James aimait le reflet jaune orangé que les flammes projetaient tout autour de lui alors qu'il travaillait sur un devoir particulièrement long, et aussi le craquement du bois qui lui rappelait Noël chez ses parents.
« James ? »
Il tourna rapidement la tête vers les escaliers et distingua vaguement la silhouette de Lily au milieu des marches qui grincèrent sinistrement sous ses pieds lorsqu'elle les descendit.
« Qu'est-ce que tu fais ?
- J'essaie de terminer un devoir d'études des moldus, répondit-il sur un ton parfaitement égal bien que ses yeux aient fait un rapide aller retour entre les siens et le short de pyjama très court qu'elle portait.
- La veille des vacances ? s'enquit-elle en laissant échapper un rire perplexe.
- Exactement. Les vacances, répéta t-il, le seul moment où il est hors de question que je touche à un seul parchemin.
- J'imagine que ça fait sens, admit-elle en haussant les épaules. »
Il l'entendit s'échouer sur le canapé contre lequel il était adossé, assis en tailleur sur le parquet alors que son poignet reposait sur la table, sa plume suspendue au dessus du parchemin qu'il avait du mal à remplir.
« Mais il est presque une heure du matin, je suis désolée de t'annoncer que nous sommes théoriquement déjà en vacances, reprit-elle.
- Tant que le jour ne s'est pas levé, je refuse de l'admettre.
- Il faut toujours que tu défies les lois de l'univers, souffla t-elle moqueusement. »
Il sourit pour toute réponse, fit tourner sa plume sur ses doigts, et se redressa légèrement quand il sentir le coussin du canapé bouger derrière lui. Il pivota juste assez pour voir qu'elle s'était allongée et qu'elle avait une vue parfaite sur son parchemin.
« Les similitudes et différences entre le système éducatif moldu et le système éducatif magique, lut-elle. Qu'est-ce que tu as trouvé, jusque là ?
- J'ai décrit un emploi du temps classique, et fait un résumé du système public et du système privé. Je me souviens que tu m'as déjà expliqué que les matières ne sont pas les mêmes que pour nous, et j'en ai listé quelques unes, mais je bloquais sur le sport. Je sais que les moldus ne jouent pas au quidditch, mais je n'ai aucune idée de ce qu'ils font.
- Beaucoup de football, dit-elle. En gros, il s'agit de taper dans un ballon avec son pied, et de marquer des buts dans une grande cage rectangulaire défendue par un gardien.
- Ça se tient.
- Il y a aussi le tennis, l'athlétisme, le criquet, l'équitation, le hockey, le rugby... elle s'interrompit et quand il tourna la tête vers elle, il constata qu'elle le fixait d'un air curieux. Je crois que tu aimerais le rugby.
- Qu'est-ce que c'est ?
- Ça se joue avec un ballon ovale que ton équipe et toi devez faire progresser vers l'avant du terrain pendant que les adversaires essaient de vous plaquer au sol.
- Ça a l'air grandiose, souffla t-il, enthousiaste. Il faudrait qu'on en fasse une partie un jour.
- N'aie pas l'air aussi impatient à l'idée de me plaquer au sol, Potter, ou je risque de me faire des idées. »
La plaisanterie n'en était qu'à moitié une, mais James ne put s'empêcher de laisser échapper un rire étranglé, ignorant autant qu'il le put la tiédeur dans sa nuque nullement causée par le feu dans la cheminée.
« Pourquoi est-ce que tu pars directement du principe qu'on jouerait l'un contre l'autre ? l'interrogea t-il, et elle demeura muette pendant quelques secondes avant de répondre.
- D'accord, tu m'as eue, j'imagine que c'est moi qui ai envie de te plaquer au sol, avoua t-elle en riant d'une telle façon qu'il eut l'impression que son cœur venait de doubler de volume dans sa poitrine. »
Il ne sut même pas comment il parvint à écrire une nouvelle phrase sur son parchemin après l'avoir entendue admettre une telle chose. Ils étaient seuls. Ils ne l'avaient pas été depuis longtemps. Pas de cette façon, en tout cas. Pas en pleine nuit, sans aucun bruit autour, pas sans le sérieux qu'ils s'imposaient lors de leurs rondes, et il n'aurait définitivement pas dû apprécier autant cette intimité.
Il ne savait pas si c'était l'euphorie du départ en vacances ou l'habituelle impulsivité qui le gagnait dès que la nuit tombait, mais il avait envie de rentrer dans son jeu.
« Tu vas me faire regretter de ne pas avoir de ballon ovale dans mon dortoir, Evans. »
Elle pouffa de nouveau, et il la vit rougir très légèrement avant de reporter son regard sur son parchemin. Il trempa sa plume dans son encrier pour lister le nom de tous les sports qu'elle lui avait cités, et en voyant les mots s'étaler les uns après les autres, elle décida de lui donner un peu plus d'explications sur chacun d'entre eux, ce qui lui permit d'arriver en bas de son parchemin en une cinquantaine de minutes.
« Merci. Il ne me reste plus que la conclusion, je devrais pouvoir broder quelque chose.
- Est-ce que tu veux que je te relise après ?
- Si ça ne te dérange pas, répondit-il mécaniquement, mais il est vraiment tard et si tu veux retourner te coucher je...
- Marlène ronfle horriblement fort, ma seule chance de me rendormir m'est passée sous le nez, le coupa t-elle, et il entendit la grimace sur son visage sans même avoir à pivoter pour la regarder. Deux heures de sommeil, c'est mieux que rien.
- C'est ce qui t'a fait descendre ?
- Non. J'ai rêvé que Peeves avait fait éclater des bombabouses sur toute la surface du sol de la salle commune. Je devais vérifier, et je me dis que ce n'est pas une mauvaise chose que je sois venue ici. Ce canapé est assez confortable pour que je termine ma nuit. »
Elle ajusta légèrement sa position, poussa un soupir d'aise qui lui fit tant resserrer ses doigts sur sa plume qu'il l'entendit craquer, et pendant quelques secondes, ils se fixèrent sans rien dire. C'était à la fois étrange et parfaitement naturel.
« Je sais que tu aimerais pouvoir me regarder comme ça toute la nuit, Potter, mais ton parchemin ne va pas s'écrire tout seul, plaisanta t-elle.
- Je n'avais pas réalisé que tu étais devenue légilimens, ironisa t-il.
- Je n'ai pas besoin de l'être pour deviner toutes les choses qui te sont passées par la tête quand tu as posé les yeux sur mon short, répliqua t-elle aussitôt, et pour la première fois, elle le fit rougir. »
Il déglutit et reporta aussitôt son attention sur son devoir. Elle avait le don de le pousser dans ses retranchements, et aussi de mettre à mal sa concentration. Il ne pensait pas être aussi transparent, mais visiblement, elle lisait en lui comme dans un livre ouvert.
« Est-ce que tu repenses parfois à la façon dont on agissait l'un avec l'autre avant ? l'interrogea t-elle soudainement.
- J'essaie d'oublier, répondit-il, flegmatique, alors qu'il faisait gratter sa plume sur son parchemin, et il l'entendit ravaler un rire.
- Je n'arrive pas à comprendre comment on en est arrivé là.
- J'ai eu pitié de toi à un moment, plaisanta t-il. »
Il y eut un nouveau rire, et elle se redressa juste assez pour lui donner une petite tape derrière la tête qui le fit s'esclaffer à son tour.
« Tu es vraiment con.
- Je sais. »
Il sentit sa main dans ses cheveux, quelque part au niveau de sa nuque. Le geste était discret et à la fois machinal, comme si ce n'était pas la première fois qu'elle le faisait avec lui, comme si elle ne ressentait aucune gêne à l'idée qu'il puisse être pleinement conscient de ce qu'elle voulait. Il se sentit bien.
« J'aime bien te regarder travailler, lui confia t-elle alors qu'il avait toutes les peines du monde à écrire le moindre mot. »
Il ne s'était jamais autant retenu de toucher qui que ce soit, et quelque chose de très compliqué était en train de se passer à l'intérieur de lui. A son grand soulagement, elle ne prononça plus un mot pendant plusieurs minutes, et il parvint à terminer son devoir qu'il lui tendit.
Elle se redressa jusqu'à s'asseoir en tailleur contre le bras du canapé, ses yeux verts étaient un peu tristes, et il s'en voulut aussitôt parce qu'il n'était pas assez stupide pour s'imaginer une seule seconde que ce n'était pas de sa faute.
Il se leva pour partager le canapé avec elle, fatigué de la dureté du parquet, et parcourut son visage avec autant d'attention qu'elle lisait son parchemin, sinon plus. Il aimait ses tâches de rousseur. Il lui apparut à ce moment là qu'il n'y avait rien qu'il aimait d'avantage. A part peut-être sa bouche. Merlin seul savait combien de fois il l'avait imaginée sur lui. Ou peut-être sa personnalité. Aussi terrible puisse t-elle être parfois.
Il posa sa main sur son genou, ignorant les préoccupations qui lui serraient la gorge, et son regard croisa une nouvelle fois le sien au dessus du parchemin tendu devant elle. Il se mordit la lèvre, et en un instant, sans qu'il n'ait le temps d'esquisser le moindre geste pour l'en empêcher, elle se retrouva sur ses genoux, ses jambes repliées de chaque côté de ses cuisses.
Son visage était si proche du sien qu'il se découvrit une passion pour l'air qui circulait entre sa bouche et la sienne.
« Ne fais pas ça, dit-il sans toutefois savoir comment il pouvait être capable de lui demander une telle chose.
- J'aurais pourtant juré que tu avais envie que je fasse exactement ça, répondit-elle en bougeant juste assez sur lui pour lui faire comprendre comment elle avait pu en venir à une telle conclusion.
- Je sais, je sais, Merlin, Lily, je sais, répéta t-il en essayant de retrouver un minimum de contrôle sur lui même. J'aimerais bien qu'on... »
Il s'interrompit et déglutit, les yeux baissés sur ses doigts qui s'étaient instinctivement agrippés à ses cuisses comme s'il refusait de lui laisser la possibilité de croire qu'il n'avait pas rêvé de ce moment quelques centaines de fois. Il était ridicule. Il avait déjà mémorisé des gestes qu'il n'avait jamais fait avec elle.
« Qu'est-ce que tu aimerais bien ? »
Il ferma les yeux parce que son ton était suppliant et qu'il ne l'avait jamais entendue implorer qui que ce soit de cette façon, avec une voix aussi suave qui n'avait absolument rien de platonique et qu'il ressentit jusque dans son entrejambe.
Il la voulait elle. Plus que tout, au point que les pensées qui l'avaient empêché d'agir jusque là lui paraissaient absurdes et lointaines. Il ouvrit la bouche pour lui répondre, mais au même moment, une détonation retentit au dessus d'eux, quelque part dans les dortoir, les faisant sursauter et s'éloigner l'un de l'autre. Une seconde plus tard, Peter descendait les escaliers en trombe.
« James, il y a eu un petit problème avec... Tu-sais-quoi. »
« Tu-sais-quoi » étant la potion qu'ils essayaient de concocter depuis des mois et qui était supposée aider Rémus dans ses transformations. S'il en croyait l'épaisse fumée qui commençait à descendre des escaliers, leur dernière idée n'avait pas fonctionné.
« Oh. Hum. D'accord. Je... J'arrive, balbutia t-il avant de contourner le canapé, puis de se retourner vers Lily.
- Est-ce que je dois m'inquiéter ? demanda t-elle à Peter.
- Tout est sous contrôle, répondit-il, la voix chevrotante.
- C'est flagrant. Peut-être que tu ferais bien de monter avant qu'un feu ne ravage toute la tour, James.
- Je...
- Tout va bien, le coupa t-elle en esquissant un sourire rassurant comme si elle avait compris tout ce qu'il ne disait pas. »
Il resta interdit pendant un court instant, puis il acquiesça et disparut dans les escaliers derrière son ami.
Trois coups frappés à la porte lui firent braquer les yeux sur l'entrée vers laquelle se mère se dirigea d'un pas rapide, impatient, même. Elles s'étaient déjà brièvement rencontrées l'année précédente alors que Lily était venue à l'anniversaire de James, mais les choses avaient encore changé entre eux depuis et il était persuadé que sa mère voulait savoir à quel point.
« Bonjour Lily, je t'en prie entre.
- Comment allez-vous ?
- Parfaitement bien, je suis ravie de t'avoir ici. Tu ne peux imaginer à quel point je suis soulagée de savoir que je ne serais pas seule avec ces deux là, lui confia Euphemia après l'avoir guidée dans le salon et désigné Sirius et James du doigt, faisant sourire Lily qui les salua avec beaucoup plus de retenue qu'en temps normal. Qu'est-ce que tu as là ? enchaîna t-elle en observant curieusement l'objet coincé entre l'avant bras et la taille de la jeune femme. »
Les yeux de James suivirent ceux de sa mère, et son cœur manqua un battement alors que Lily brandissait une balle ovale devant elle.
« Oh, ça ?! C'est un cadeau pour les garçons. Pour les remercier de l'invitation. C'est...
- Un ballon de rugby, termina t-il en clignant rapidement des yeux. »
Elle acquiesça, les joues roses, et il la vit déglutir quand l'objet passa de ses mains aux siennes sans que ses yeux n'aient quitté les siens à un seul instant.
« Pourquoi est-ce que j'ai l'impression que ce n'est pas du tout pour moi ? commenta narquoisement Sirius derrière James.
- Ça se joue à plusieurs, Sirius, lui fit remarquer Lily.
- Ah oui ? Parce qu'à la façon dont vous vous regardez, on pourrait croire que ça ne se joue qu'à deux, plaisanta t-il, et Fleamont lui donna un discret coup de coude.
- Nous devrions partir maintenant si nous ne voulons pas rater les présentations d'équipes, intervint Euphemia qui s'était définitivement aperçue de la gêne des deux autres, et une pointe de gratitude passa sur le visage de Lily.
- Est-ce qu'on transplane directement là bas ? l'interrogea t-elle en la suivant à l'extérieur de la maison.
- Oui. James va t'escorter et j'irai avec Sirius, de cette façon nous ne serons pas trop éparpillés. Prêts ? »
James posa le ballon du rugby sur le canapé, lui tendit la main et il se passa une seconde avant qu'elle n'y glisse la sienne. Sirius et Euphemia avaient déjà transplané lorsqu'ils disparurent à leur tour avant de se retrouver au milieu d'une foule. Un minuscule sorcier bouscula James qui se retrouva projeté contre Lily, et il murmura une excuse avant de resserrer un peu plus ses doigts autour des siens et de parcourir le chemin qui les séparait des tribunes.
« Est-ce qu'il ne faut pas montrer nos tickets avant ? l'interrogea Lily en évitant soigneusement un cortège de cheerleaders.
- Personne n'ose jamais contrôler mes parents, répondit-il en haussant les épaules. »
Ils continuèrent à se frayer un chemin entre les supporters, grimpant les marches des gradins tout en cherchant Sirius et Euphemia des yeux, jusqu'à ce qu'ils ne les repèrent enfin, non loin de la loge réservée au ministre.
« Il va falloir passer rapidement, lui dit James, il ne faut pas qu'Harold Minchum nous remarque, il nous avait offert des places dans sa loge et maman a refusé en prétextant que nous ne serions pas là.
- Merlin, nous vivons vraiment dans deux mondes différents, s'amusa t-elle alors qu'il se dissimulait du ministre de la magie, quelques pas devant eux, tout en essayant de ne pas trop réfléchir à la phrase qu'elle venait de prononcer.
- Tu as prévenu tes parents que le match pourrait durer des heures ? Les vifs d'or des matchs officiels sont beaucoup moins coopératifs que les nôtres, et les deux équipes sont en tête de tableau.
- Est-ce que tu as peur qu'ils te détestent si tu me ramènes après le couvre-feu ? se moqua t-elle.
- Peut-être un peu, se contenta t-il de répondre alors qu'ils atteignaient enfin leur destination. »
Sirius et Euphemia étaient en train de regarder les équipes s'échauffer tout en montrant quelques joueurs du doigt, et ils s'arrêtèrent dès qu'ils les virent s'installer à côté d'eux.
« Est-ce que vous vous êtes arrêtés quelque part pour vous tripoter ou est-ce que vous êtes juste lents ?
-Tu n'as pas besoin d'être jaloux Sirius, la prochaine fois tu inviteras Marlène, répliqua Lily en s'asseyant à côté de lui, le bousculant volontairement au passage. »
Elle jugea bon de retirer son pull à ce moment là, et les deux garçons poussèrent une exclamation scandalisée qui lui fit esquisser un sourire satisfait. Elle portait un t-shirt bleu marine sur lequel deux joncs d'or étaient brodés au niveau de la poitrine. Le motif officiel du Club de Flaquemare.
« Tu n'as pas OSÉ ! s'écria Sirius en portant sa main à son cœur, feignant le malaise. Mimi, retiens-moi. Retiens-moi. Il y a un traître dans nos rangs.
- Il était hors de question que je supporte votre équipe violente, déclara Lily en croisant ses bras contre sa poitrine.
- Parce que se coller des flèches dans le crâne, c'est tout ce qu'il y a de plus amical peut-être ? riposta James en faisant allusion à son équipe préférée.
- Les Flèches d'Appleby ne tirent pas sur les adversaires. Et en plus il n'est même pas question d'eux, mais du Club de Flaquemare.
- Tu dois admettre, James, qu'ils sont plutôt bons, trancha Euphemia, l'air absolument amusée par la situation.
- Ça ne change rien au fait que Lily ait commis un terrible acte de trahison, certifia t-il, et les deux femmes levèrent les yeux au ciel. Tu te rends compte que Bertram Aubrey est fan du Club de Flaquemare ?! poursuivit-il. C'est comme si tu le choisissais lui plutôt que moi !
- Vieux, ça s'est déjà produit, pointa Sirius. »
James demeura interdit pendant une seconde avant de se souvenir que Lily était sortie avec le capitaine de l'équipe de Serdaigle quelque part entre leur cinquième et leur sixième année, et ni la grimace qu'elle afficha, ni le coup de poing qu'elle donna dans l'épaule de Sirius ne lui apportèrent un quelconque réconfort. Il jugea soudainement qu'il était temps pour lui de reporter son attention sur les deux équipes qui s'étaient regroupées en attendant le coup d'envoi.
