« Prêt ? lui demanda Lily alors qu'ils marchaient vers le terrain de quidditch, quelques mètres derrière le reste de l'équipe. »
Il acquiesça, le visage impassible, et ne se radoucit que lorsqu'elle lui pressa discrètement la main, le ramenant quelques heures plus tôt, lorsqu'elle était enfouie avec lui sous ses couvertures. Il était resté focalisé sur leur ultime match ces deux dernières semaines, stressé comme jamais en songeant qu'il n'aurait plus d'autre chance de gagner la coupe, mais il avait largement apprécié ses méthodes pour le détendre qui s'étaient avérées profitables pour elle aussi, d'après ce qu'elle lui avait confié.
Il ne savait pas exactement ce qu'ils étaient. La discussion n'avait pas été leur préoccupation principale s'il devait être honnête, mais cela fonctionnait. Il n'y avait rien de vraiment officiel entre eux, même si, officieusement, toute l'école était au courant depuis quelques jours.
Il était arrivé derrière elle à la table du petit déjeuner, encore ensommeillé, et avait machinalement déposé un furtif baiser sur ses lèvres. Ce n'est que lorsqu'il avait vu Sirius commencer à s'étouffer avec son toast, et qu'il avait été obligé de sortir de sa léthargie pour lui taper brutalement dans le dos, qu'il s'était rendu compte de son geste.
Il s'était immédiatement excusé auprès de Lily, soucieux qu'elle ait voulu mettre un point d'honneur à garder leur bulle intacte, mais elle avait juste haussé une épaule comme si cela lui était bien égal. A côté d'elle, Mary MacDonald n'avait pas semblé surprise le moins du monde, mais Marlène lui avait jeté un regard scandalisé.
« Ça va être bizarre, hein, de ne plus jouer ensemble, reprit-elle, et il lui fut impossible de passer à côté de la mélancolie dans le ton de sa voix.
- Ça va me manquer, lui confia t-il en tendant la main pour retirer un cil sur sa joue, mais tu pourras toujours venir à la maison cet été. »
Elle leva les yeux vers lui, et il constata que l'invitation la surprenait légèrement. Il ne savait pas pourquoi. Depuis qu'ils étaient amis, il lui avait toujours répété qu'elle était la bienvenue au manoir.
« C'est la première fois que tu parles de l'après Poudlard depuis qu'on... Tu sais, pointa t-elle en reportant son regard vers leurs coéquipiers en train de chahuter devant eux.
- C'est la première fois que je peux aligner deux mots sans que tu ne fourres ta langue dans ma bouche, plaisanta t-il, et son rire étranglé lui donna l'impression de marcher sur des nuages.
- Tu es un troll, souffla t-elle en le poussant des deux mains. »
Il s'esclaffa à son tour, et le silence retomba entre eux alors qu'ils s'approchaient des vestiaires. Quelque part sur le chemin, il lui prit la main, et il vit du coin de l'oeil le sourire timide qui s'étira sur son visage et qui ne lui avait jamais ressemblé d'aussi loin qu'il s'en souvienne. Encore moins depuis qu'il y avait ce truc entre eux.
Il ne la lâcha que lorsqu'ils atteignirent enfin les vestiaires des garçons et que tous les membres de l'équipe s'assirent sur le banc qui faisait le tour de la pièce, comme s'ils avaient tous besoin qu'il leur parle une dernière fois. Pas le traditionnel discours d'encouragement qu'il leur réservait juste avant de décoller, mais une preuve, une preuve solide qu'ils pouvaient gagner ensemble pour la troisième fois consécutive cette année là, et marquer l'histoire de l'école.
« Je ne sais même pas par quoi commencer, avoua t-il avant de se racler la gorge et de jeter un coup d'oeil vers Sirius qui avait toujours su dénouer les nœuds qui se formaient dans son estomac.
- Tu pourrais nous dire pourquoi est-ce que j'ai appris en même temps que toute l'école que notre attrapeuse et toi, vous vous envoyez en l'air, proposa t-il en jetant un regard narquois vers Lily, faisant glousser Benjy et Frank.
- Il va falloir que tu t'en remettes, vieux, répondit-il avec amusement avant de taper dans ses mains tout en esquivant délibérément le regard brûlant de la jeune femme rousse. Quoi qu'il en soit, ce n'était pas vraiment là où je voulais en venir.
- On est ému, capitaine ? le taquina Buckley.
- Je mentirais si je disais que non, avoua t-il en haussant les épaules. »
Il passa sa main dans ses cheveux, cherchant ses mots parce qu'il ne pensait qu'à la victoire qui était clairement à leur portée. D'ici quelques heures, ils seraient, dans le meilleur des cas, en train de la fêter dans la salle commune. Il ne voulait pas considérer l'autre alternative. Pas quand ils s'étaient entraînés aussi durement toute l'année en pensant à ce moment précis. Pas quand il avait réussi à monter une telle équipe.
« Je voudrais juste vous dire merci, commença t-il finalement. Peu importe l'issue du match, je... Cette année avec vous était la meilleure depuis que je suis rentré dans l'équipe avec ces deux là. »
Il pointa Sirius et Marlène du doigt, et il trouva le même réconfort dans leur regard qu'avant leur tout premier match, quand ils mesuraient chacun vingt centimètres de moins.
Lorsqu'il s'agissait du quidditch, ils avaient été ses deux béquilles, autant qu'il aimait à penser qu'il avait été la leur.
« Buckley, tu es le seul poursuiveur avec lequel Sirius et moi sommes sur la même longueur d'onde, et l'un des meilleurs défenseurs que j'ai vu de ma vie, dit-il en se tournant vers le jeune homme brun qui secoua la tête d'un air gêné, puis se leva aussitôt pour lui donner une accolade.
- Est-ce que tu essaies de me faire pleurer, Potter ? Parce que si tu continues, ça va marcher, avoua t-il, faisant pouffer les autres, et James lui donna une petite tape sur les fesses lorsqu'il retourna s'asseoir sur le banc.
- Franky, continua t-il. Le batteur le plus talentueux, et le détenteur de la chute la plus spectaculaire d'après douche depuis deux ans déjà.
- Tu aurais pu trouver plus flatteur, s'amusa le concerné avant de se lever à son tour et de lui frapper dans la main. »
Leur coup d'oeil complice échappa aux autres, probablement parce qu'ils n'avaient jamais réalisé à quel point ils étaient proches. Ce n'était pas une amitié aussi forte que celle qu'il entretenait avec Rémus, Sirius, ou Peter. C'était plus une franche camaraderie, des rires après les matchs, avant les entraînements, et des confessions sur leur vie sentimentale que ni l'un, ni l'autre n'aurait osé partager avec leurs meilleurs amis. Par dessus tout cela, la cerise sur le gâteau : une confiance mutuelle que rien ne pouvait ébranler.
« Benjy, je sais que tu me détestes après nos derniers entraînements, mais je ne peux qu'admirer ta persévérance.
- Arrête, Potter, tu sais que je t'aime, lui lança le concerné en balayant sa remarque d'un geste de la main avant de se retourner vers Lily et de reprendre avec humour. Platoniquement. Désolé, Evans.
- Tout va bien, Benjy, répondit-elle après avoir levé les yeux au ciel.
- Sérieusement, tu as su t'adapter au jeu de Frank à une vitesse ahurissante, et si tu n'avais pas été là pour dégager tous les cognards qui ont volé dans ma direction cette année, ma colonne vertébrale serait en miettes à l'heure qu'il est, ajouta James.
- Allez, allez, viens-en à moi, trépigna Sirius.
- Je te gardais pour la fin, mais...
- Tu veux dire comme dans « le meilleur pour la fin ? » l'interrompit-il, en se redressant sur le banc, plein d'espoir.
- C'est trop tard. J'ai commencé maintenant, décréta t-il en esquissant un sourire moqueur quand il le vit croiser ses bras contre son torse et s'adosser contre le mur l'air boudeur. Je n'ai même pas grand chose à dire, tu sais déjà tout ce que je pense.
- Alors en plus, tu vas me priver d'une déclaration devant tout le monde ?
- Ils savent tous que je t'aime, vieux. Tu as toujours été avec moi ici. Je n'aurais jamais accompli la moitié de ce que j'ai accompli sans toi. Est-ce que ça suffit ?
- A peine, bredouilla le concerné.
- Arrête de te comporter comme un gamin, intervint Marlène en lui donnant une tape derrière la tête.
- Merci pour ça, Marly, reprit James en souriant. Merci de l'avoir frappé pour moi à chaque fois qu'il était trop loin pour que je le fasse moi-même. Merci aussi d'avoir supporté mon humeur toutes ces années, et merci d'avoir été la meilleure foutue gardienne de toute l'histoire de Poudlard. »
La jeune femme sauta du banc et l'enlaça de la même façon que Buckley un peu plus tôt. Leur relation passée ne jetait plus la même ombre sur eux qu'elle l'avait fait le reste de l'année, peut-être parce qu'il était enfin capable de comprendre que leur échec en tant que couple ne devait pas plus conditionner son amitié avec elle que toutes ses autres relations.
« Lily, poursuivit-il en esquissant un sourire en coin vers la concernée qu'il avait rarement vue aussi attentive, même en cours de potions. Si on m'avait dit il y a deux ans que tu me ferais assez confiance pour te diriger sur un terrain de quidditch, j'en aurais ri pendant les sept-cent trente jours qui nous séparaient de ce moment, mais maintenant, le fait est que tu es là, et que je ne voudrais voir personne d'autre à ta place.
- Merlin, prenez une chambre, déclara Sirius d'un air faussement las alors que les joues de Lily s'étaient colorées en une jolie teinte rose.
- Je n'arrive pas à croire que tu sois si jaloux, commenta Marlène en lui ébouriffant les cheveux.
- Puisqu'on se parle sérieusement, est-ce que je peux dire quelque chose ? intervint Lily en frottant nerveusement ses mains sur ses cuisses. »
James hocha la tête et l'encouragea à prendre sa place alors qu'il s'asseyait à côté de son meilleur ami, passant son bras autour de ses épaules, souriant quand Sirius se cala confortablement contre lui.
« Je voulais juste vous dire merci à tous pour votre accueil. Je sais que je ne suis pas la meilleure, et qu'il a parfois fallu que vous ajustiez votre jeu pour me rendre la tâche plus aisée, et je n'oublierai jamais cette solidarité entre nous.
- Ne dis pas n'importe quoi, Evans, tu es la star montante de l'équipe ! s'exclama Frank, et Buckley et Marlène se mirent à siffler bruyamment pour montrer leur accord, la faisant rire.
- Enfin, bref, reprit-elle. Je voulais juste que vous sachiez que je suis pressée de jouer ce dernier match à vos côtés. Et... Je sais que vous voulez tous le faire, dit-elle avant de pivoter vers James, alors je me permets d'ajouter que personne, pas une âme qui vive dans ce château... Ou qui soit morte, d'ailleurs... n'ignore que Gryffondor ne trouvera jamais plus un capitaine à ta hauteur. »
Ses mains jointes devant elle, l'embarras évident d'être celle qui prononçait ces mots en face de tous leurs coéquipiers, et son regard fier et admiratif le laissèrent parfaitement pantois pendant un moment. Il entendit Sirius se moquer de lui, rejoint rapidement par les quatre autres alors que Lily se contentait de retourner s'asseoir en les ignorant, un sourire aussi stupidement affectueux que le sien flottant sur ses lèvres.
« Alors j'imagine qu'il ne nous reste plus qu'à gagner, trancha t-il. »
Le temps n'avait jamais été aussi peu clément. Il était rare qu'une pluie semblable à celle-ci s'abatte sur le terrain à cette période de l'année, et il était difficile d'y voir à plus d'une dizaine de mètres. James était trempé, ses mains glissaient perpétuellement sur le manche de son balai, et le souafle avait échappé aux deux équipes un bon nombre de fois depuis que l'averse s'était déclarée, un quart d'heure plus tôt.
Toutefois, tous ses joueurs étaient à leur maximum, et il aurait pu en pleurer lorsque, juste avant le coup d'envoi, Marlène s'était arrêtée à ses côtés et lui avait confié qu'ils voulaient tous gagner pour lui, parce qu'ils savaient ce que cette ultime victoire signifiait.
Il n'avait pas eu le temps de lui répondre quoi que ce soit avant que l'arbitre ne siffle et qu'ils ne s'envolent. Bertram Aubrey avait rapidement montré qu'il ne se laisserait pas faire et que lui aussi avait durement entraîné son équipe dans le but ultime de ramener la coupe à Serdaigle. James ne pouvait nier qu'ils étaient au niveau.
« Dukelow reçoit la passe de Stebbins, elle tire, et McKinnon arrête une nouvelle fois le but ! s'égosilla le commentateur. Serdaigle fait face à un mur, mais Potter et ses poursuiveurs ne semblent pas avoir plus de facilité à passer la défense adverse. Du côté des attrapeurs, Evans quadrille méthodiquement le terrain tandis que Cresswell la suit, abandonnant clairement l'idée de chercher par lui même. »
Il n'avait pas tort. Cresswell avait toujours été un peu sournois. Les batteurs bleus, quant à eux, étaient redoutables et les cognards fusaient en toutes directions. Sa rivalité perpétuelle avec Bertram ne l'aidait pas à sortir son meilleur jeu. Il savait qu'il était plus têtu que d'ordinaire, répétait la même erreur trop de fois de suite avec une obstination qui n'avait pas lieu d'être lors d'un match aussi important, mais il voulait tellement marquer, plier ce match, soulever cette coupe qu'il avait un mal fou à jouer avec la même intelligence qu'il l'avait toujours fait.
« Cooper et Black se dirigent droit vers les anneaux... Une passe en retrait vers Potter... Oh ! Jolie feinte ! Et le capitaine de Gryffondor marque ! Quoi qu'on puisse en dire, quel que soit le gagnant de ce match, il ne fait aucun doute que le spectacle est sans précédent ! »
James entendait à peine les élèves de sa maison scander son nom dans les tribunes, accompagnés par une grande partie des Poufsouffles. Il donna une petite tape dans le dos de Sirius quand ils se replièrent en défense, et son meilleur ami leva le pouce.
« Lily ne repère pas le vif d'or, elle a peur de ne pas le trouver avec cette pluie, lui cria Frank en se rapprochant de lui.
- Dis-lui de ne pas paniquer, Cresswell ne voit pas mieux qu'elle, répondit-il sur le même ton. »
Il n'aurait pas voulu être à sa place maintenant. Être attrapeur par ce temps là était la pire configuration possible. Il savait qu'elle en était capable malgré tout, ils s'étaient déjà entraînés sous la pluie, avaient affronté le vent, et même la neige, et elle s'en était toujours sortie.
« Buck ! Attention ! s'écria t-il quand un cognard fila vers son coéquipier qui l'évita de justesse. »
Et juste comme ça, Bertram Aubrey fila devant eux comme une fusée, profitant de la trajectoire du cognard pour défier une nouvelle fois Marlène qui arrêta le souafle avec une facilité qui fit hurler d'incrédulité le commentateur.
« Le score est toujours de cent-soixante à cent-quarante en faveur de Serdaigle, mais la gardienne de Gryffondor semble déterminée à ne plus laisser passer le moindre souafle dans ses anneaux ! brailla t-il. Potter repart en direction des buts adverses, et le cognard de Londubat touche le balai de Dukelow, mais la poursuiveuse se cramponne ! »
Cooper marqua cette fois-ci, resserrant encore un peu plus l'écart. Les deux maisons n'avaient eu de cesse de se passer devant, reprenant tour à tour l'ascendant sur l'autre, et personne à ce stade là du jeu ne pouvait décemment savoir qui remporterait ce match.
James était au moins soulagé de savoir qu'il avait eu raison à propos de Bertram. Il n'avait pas laissé une quelconque ruse des Serpentards fausser ce dernier face à face entre eux. Le professeur McGonagall en était sûrement pour beaucoup, mais il savait que si quelque chose avait dû se passer en douce, le capitaine de Serdaigle aurait été celui qui aurait mis un stop à tout cela.
Ils avaient beau ne pas éprouver la moindre empathie l'un pour l'autre, ils partageaient une certaine intégrité lorsqu'il s'agissait du quidditch.
« Fenwick rate sa cible de peu ! L'équipe d'Aubrey est impressionnante de réactivité ! entendit-il dans les hauts parleur. »
Il serra la mâchoire. Il détestait l'admettre, mais le commentateur avait amplement raison. Il y avait seulement une petite chose qu'il ne disait pas : l'équipe de Gryffondor était meilleure.
Il n'était pas impartial, mais il n'avait pas besoin de l'être pour pouvoir l'affirmer. Leur jeu était simplement plus fluide, plus technique, plus malin, et même si Serdaigle n'avait rien à leur envier niveau intelligence de jeu, ils n'avaient pas le même panache.
C'est pourquoi il fut autant surpris d'entendre le commentateur annoncer la victoire de ses adversaires, et qu'il continua de voler pendant deux ou trois secondes comme si l'information n'avait pas atteint cette partie de son cerveau qui était toujours focalisée sur les buts adverses et le repli défensif.
« James, l'arrêta Sirius en le rejoignant. Cresswell a attrapé le vif d'or. »
Il entendit la phrase, mais il n'arriva pas à l'enregistrer immédiatement. Il n'y parvint que quand il s'autorisa à prêter un peu plus d'attention aux tribunes et qu'il vit une vague de supporters en bleu se jeter dans les bras les uns des autres.
Il ne descendit pas immédiatement, parce que descendre voudrait dire avoir à affronter le fait qu'il avait une nouvelle fois échoué, et qu'il s'était une nouvelle fois laisser aller à croire, dans un excès de confiance en lui, que ses joueurs seraient à ce moment même en train de porter la coupe à la place de ceux de Serdaigle.
C'était comme tomber de haut une deuxième fois, mais avec cette sensation déchirante de savoir que contrairement à l'année précédente, il n'avait plus aucune chance de se rattraper, de corriger le tir, de redorer le blason de sa maison, et de rendre ses parents terriblement fiers. Sa dernière pensée lui retourna l'estomac comme un violent coup de poing dans le ventre.
La main de Sirius crispée sur son épaule ne lui apporta que peu de réconfort. Rien, rien ne lui parut plus terrible à cet instant précis que la défaite. C'était un affreux mélange de sentiments, la sensation délirante de devoir des excuses à la fois à ses coéquipiers, mais aussi à toute sa maison, et la brutalité du moment alors que cinq minutes plus tôt, la victoire était encore à portée de main.
C'était tellement compliqué de passer du combat à la défaite en un claquement de doigt. Il n'y avait aucune transition entre les deux, rien pour amortir le choc, et jamais, pas une seule fois dans sa vie, même l'année précédente, il n'avait autant eu envie de remonter le temps.
Il ne sut à quel moment il décida de descendre pour aller serrer la main à Aubrey qui lui donna une petite tape sur l'épaule qui le fit le détester infiniment plus qu'avant, mais le plus douloureux fut incontestablement son premier pas sur la pelouse trempée.
C'était là que tout finissait.
Dans les cris de joie d'une maison qui n'était pas la sienne, avec ses coéquipiers qui filaient tous dans les vestiaires à l'exception de Sirius, comme pétrifié à côté de lui parce qu'il savait.
Il pleura ce jour là, et demeura de longues minutes accroupi au milieu du terrain sous la pluie, à tenter de se reprendre alors que la main de son meilleur ami ne quittait pas le haut de son crâne, comme pour lui rappeler qu'aucune épreuve n'avait de prise sur leur amitié.
Ce fut ce qui l'aida à se redresser et à marcher avec lui jusqu'à leurs vestiaires où il redoutait plus que tout le regard des autres. Toutefois, quand il pénétra à l'intérieur, ils les trouva tous enlacés au milieu de la pièce, dans une étrange ronde qui l'aurait rendu profondément fier s'il n'était pas aussi anéanti.
Marlène fut la première à remarquer leur présence, et elle tendit le bras vers eux dans le silence le plus complet pour les convier à l'étreinte. Sirius le poussa en avant, et le bras de Frank se glissa dans son dos. Il remarqua à ce moment là qu'il pleurait aussi, mais ce qui le dévasta par dessus tout furent les yeux rougis et gonflés de Lily.
Il aurait voulu lui dire, leur dire à tous qu'il pensait toujours chaque mot qu'il avait prononcé avant le match, mais aucun son ne voulait sortir et il lui sembla que c'était le cas pour tout le monde. Même Sirius était trop abasourdi pour retrouver l'usage de la parole.
Il ne sut combien de temps ils restèrent dans cette position avant de finalement se lâcher et que les filles ne disparaissent vers leurs vestiaires. Il aurait voulu attraper la main de Lily, la retenir un peu, mais elle ne lui en laissa pas le temps, et les longues minutes qu'il passa sous la douche brûlante ne l'aidèrent pas à écarter de son esprit le chagrin qu'il avait lu sur son visage.
Il se rappelait de ce moment après la sélection en début d'année, quand ils s'étaient assis tous les deux dans les escaliers et qu'elle lui avait dit qu'elle voulait l'aider à gagner la coupe. Il se demanda brièvement comment un souvenir aussi profondément joyeux avait soudainement pris un goût aussi amer.
Il se blâma pour ça. Il les avait laissé imaginer qu'ils gagneraient, que c'était leur année, qu'il les mènerait jusqu'à la victoire, et il y avait cru, mais ce n'était que maintenant qu'il réalisait à quel point eux aussi, et à quel point il leur avait fait espérer quelque chose qu'il n'avait pas été en mesure de leur offrir. Rien n'était plus éprouvant, pour un capitaine, que de savoir qu'il avait failli à son devoir.
Il était presque trois heures du matin lorsqu'il entendit le portrait de la Salle Commune pivoter. Pour la première fois depuis une heure, ou deux, il n'avait plus aucune notion du temps, il décrocha les yeux de la fenêtre contre laquelle il était assis, et les reporta vers l'entrée. A son grand soulagement, la seule personne à qui il avait envie de parler se dirigeait droit vers lui sans même l'avoir vu, et il se sentit obligé de signaler sa présence, en particulier parce qu'il lui avait semblé qu'elle l'avait évité depuis la fin du match.
« Hé, dit-il doucement. »
Ne s'attendant probablement pas à trouver qui que ce soit éveillé à cette heure-ci, elle fit un bond, et James vit un tas de muffins, entassés dans son pull qu'elle avait recourbé pour former une large poche, se propulser en l'air et terminer leur course sur le sol. Un seul resta indemne.
Il poussa un juron et s'empressa d'aller ramasser les gâteaux en s'excusant platement. Il les posa sur la table la plus proche, et s'avança de nouveau devant elle tout en passant nerveusement sa main dans ses cheveux noirs.
« Ce n'est pas grave, rien ne pourrait m'empêcher de les manger. Pas même les poils que le chat d'Alice laisse sur le parquet, déclara t-elle en haussant les épaules, et elle fut la première personne à réussir à le faire sourire ce jour là, bien qu'elle n'ait même pas eu l'air d'essayer. »
Il hocha la tête pour toute réponse, un peu perturbé par la pâleur inhabituelle de son visage et par la façon dont son regard esquivait le sien. Il ne savait pas s'il voulait lui parler ou ne rien dire, rester simplement avec elle, à la regarder manger ces muffins au chocolat derrière cette même vitre contre laquelle il avait cru enfin s'endormir un peu plus tôt, détestant cordialement la pluie qui n'avait cessé depuis la fin du match.
« Est-ce que tu peux rester avec moi ? S'il te plaît ? lui demanda t-il, plus vulnérable qu'il ne l'avait jamais été devant qui que ce soit. »
Elle ne répondit pas, récupéra les muffins, et après quelques secondes, elle se dirigea sur le rebord intérieur de la fenêtre où il s'était trouvé une minute auparavant, lui laissant juste assez de place pour parvenir à s'installer en face d'elle malgré la longueur de ses jambes. Il déplia le plaid qui était tombé lorsqu'il s'était redressé pour aller l'aider à ramasser les muffins, et le posa à la fois sur ses genoux et sur les siens.
Ils n'échangèrent aucun mot pendant plusieurs minutes, tous les deux tournés vers l'extérieur. Il espérait qu'elle ne se rendait pas compte qu'il observait d'avantage son reflet que l'étendue d'arbres de la forêt interdite.
« Je ne t'ai pas vue revenir avec les autres après le dîner, commença t-il finalement, et elle marqua une pause, un muffin posé contre sa bouche, avant de lui répondre.
- Parce que je n'y suis pas allée dès le départ. J'étais dans les cachots.
- Dans les cachots ? répéta t-il, perplexe.
- Je travaillais les potions pour les ASPIC. »
Il se retint de lui demander pourquoi elle s'infligeait une telle chose un samedi soir, parce qu'il avait une vague idée de ce à quoi pourrait ressembler sa réponse.
« J'avais l'impression que tu m'évitais, reprit-il en laissant son bras reposer sur son genou replié contre lui alors que son autre jambe pendait, talon reposant sur le parquet.
- On s'est tous évités, souffla t-elle. »
Elle n'avait pas tort. Il n'était pas totalement surpris que Benjy, Buckley, ou Frank n'aient pas discuté avec lui après le match parce qu'ils ne traînaient pas ensemble habituellement, mais il n'avait pas tellement vu Marlène non plus, et Sirius était parti vagabonder avec Peter pendant de longues heures après le dîner.
« Je suis vraiment désolée, ajouta t-elle rapidement, évitant toujours de croiser son regard. Je sais que c'était important pour toi. Je croyais que je l'avais, le vif d'or, précisa t-elle la voix chevrotante, mais Cresswell est arrivé derrière moi et je... »
Elle s'interrompit, et il remarqua à ce moment là qu'elle était secouée par des sanglots. Il se redressa et la tira par le poignet, puis la fit habilement pivoter pour qu'elle se retrouve assise contre lui, entre ses jambes. Elle se fondit dans l'étreinte, et il resserra ses bras autour d'elle.
« Ce n'est pas de ta faute, lui assura t-il, la gorge nouée.
- J'aurais dû être meilleure et...
- Ne dis pas n'importe quoi, trancha t-il un peu plus brusquement qu'il ne l'aurait voulu.
- Ton visage quand tu es descendu, chuchota t-elle avant d'avaler difficilement sa salive. Ça m'a brisé le cœur. »
Il ne prononça pas un mot. Il ne savait pas quoi répondre à cela. Il avait passé des heures à essayer d'écrire à ses parents, terminant systématiquement par chiffonner et jeter à la poubelle chaque parchemin qu'il commençait et ne parvenait pas à finir. La défaite ne signifiait rien pour eux. Ils lui avaient toujours dit qu'on gagnait plus en perdant, mais il avait eu à cœur de suivre leur trace, qu'ils le comprennent ou non, et il n'y était pas parvenu.
Lui aussi, il avait eu le cœur brisé en descendant de son balai.
« Je m'en veux, lui confia t-il dans un murmure.
- Pourquoi ? s'enquit-elle en se contorsionnant juste assez pour le regarder dans les yeux pour la première fois de la soirée. James, tu n'as aucune raison de...
- Je sais, la coupa t-il. Je sais, plus j'y réfléchis, et plus j'en viens à la même conclusion, mais je ne peux pas m'en empêcher. On a tous fait de notre mieux, et ils ont été vraiment bons, mais on était meilleurs qu'eux. J'ai juste ignoré le facteur chance. Merde, pesta t-il. Je déteste Bertram Aubrey. »
Il ferma les yeux quand elle se cala de nouveau contre lui et qu'elle posa sa main sur sa joue par dessus son épaule.
« Est-ce que ça aiderait si je te disais que je n'ai jamais pris mon pied avec lui quand on sortait ensemble ? »
La confession, légère, subite et inattendue, lui fit lâcher un rire incrédule sans qu'il n'ait pu le retenir, et il jura contre son oreille, surpris d'être encore capable de se réjouir de quoi que ce soit.
« Je suis désolé pour toi.
- Tu n'en as vraiment pas l'air, pointa t-elle. »
Il s'étonna de l'entendre pouffer à son tour, ses larmes ayant à peine eu le temps de sécher sur ses joues. Quelque chose dans le fait d'être avec elle rendait tout plus supportable, et il se demanda si c'était aussi ce qu'elle ressentait.
« Tu crois que les autres m'en veulent ? s'enquit-il, l'estomac noué.
- Quoi ? bredouilla t-elle, confuse. Non, Merlin, personne ne t'en veut. Pourquoi est-ce que qui que ce soit... elle se stoppa net et reprit d'une voix douce. On est tous déçus. On voulait cette coupe, mais on voulait aussi que tu sois fier de nous, et je crois qu'on a tous un peu honte de ne pas avoir été à la hauteur.
- Ne dis pas ça. Vous avez été extraordinaires, s'empressa t-il de lui confier avec une assurance qui ne laissait pas de place au doute. Je voulais le dire dans les vestiaires, mais je ne pouvais pas, je... il se stoppa, incapable de trouver les mots qui traduisaient avec exactitude le déchirement qu'il avait ressenti à ce moment là.
- Je sais, souffla t-elle en posant sa main sur sa cuisse. »
Il déglutit et laissa le silence reprendre sa place autour d'eux. Il n'avait pas songé un seul instant qu'il pourrait lui confier autant, se montrer aussi fragile et peu confiant devant elle quand il avait donné l'image opposée à tous leurs camarades pendant si longtemps, mais il ne fut pas surpris de trouver qu'il était particulièrement simple d'être lui-même avec elle.
« Tu viendras, alors, jouer au quidditch dans le jardin cet été ? lui demanda t-il sur un ton neutre qui ne traduisait en rien l'inquiétude qu'il ressentait à l'idée qu'elle puisse lui répondre par la négative.
- Tellement souvent que tes parents en auront marre de me voir, répondit-elle, le faisant sourire.
- Je doute que ce soit possible. »
Il était toujours bouleversé par l'issu du match, noyé dans l'angoisse permanente de savoir qu'il n'aurait plus jamais la chance de faire gagner sa maison, mais contrairement à quelques heures plus tôt, là, assis avec elle, il savait qu'il s'en remettrait parce qu'il avait rencontré bien plus que des victoires et des défaites sur le terrain.
THE END.
Merci beaucoup à ceux qui ont laissé des reviews, je les lis toujours et j'essaie d'y répondre au maximum, mais en tout cas ça m'aide toujours à écrire, de savoir qu'il y a des gens qui continuent à lire 3
Je vous retrouve d'ici quelques temps avec la suite de SMIYP si l'écriture se passe bien ^^" et sinon, vous pouvez toujours me laisser des suggestions sur Fluffy Stories :) Je ne vous promets rien, et je mets des fois du temps à écrire, mais je jette un coup d'oeil :)
Encore merci 3
