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Chapitre 2
L'électricité de Steve Harrington
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Cinq jours plus tard ainsi que quatre jours après la défaite de Vecna

Steve Harrington

Tout comme l'été dernier à Starcourt, la fin de cette histoire sordide prit sa fin de façon grandiose et explosive. Après Chrissy Cunningham, Fred Benson et Patrick McKinney, aucune autre vie ne fut perdue ce qui était en soi un miracle. Eleven avait regagné ses pouvoirs, les Byers étaient revenus à Hawkins pour la fin de la bataille ainsi qu'un hélicoptère ayant pour pilote un Russe au nom de Dmitri pour y déposer Murray, Joyce et un tout vivant Hopper.

Tout ne se finissait pas trop mal finalement. Même s'ils ne pouvaient pas se voiler la face, conscient que l'Upside Down n'était pas encore scellée pour toujours et que même Vecna vaincu, demeurait toujours le Mind Flyer quelque part, la ville pouvait se reposer. Eddie Munson avait frôlé la mort mais put être rassuré de voir que son nom fut lavé de tout soupçon. Néanmoins, le jeune garçon savait que malgré cela, il serait toujours plus ou moins vu d'un mauvais œil. Joyce Byers, au cœur toujours sur la main, fut la première à lui ouvrir sa porte, lui assurant qu'il pouvait venir discuter avec n'importe qui du petit groupe s'il avait besoin d'une oreille attentive ou même venir dormir chez elle s'il ne supportait pas de rester à Forest Hill Trailer Park pour la nuit.

Ou du moins, il pourrait le faire dès que les Byers seront de retour à Hawkins. Pour la sureté de cette ville et dans le besoin de se soutenir les uns et les autres, Joyce avait annoncé que d'ici début juin ils retourneraient à Hawkins et que Jim Hopper pourrait y loger lui aussi le temps de trouver un nid douillet –Jonathan avait levé discrètement les yeux au ciel en chuchotant à Steve qu'il ne quitterait surement plus jamais sa mère-. Cette nouvelle fut accueillie avec joie, Nancy avait les larmes aux yeux et s'était avancée pour serrer fort son petit copain dans ses bras. Petit copain étant Jonathan Byers.

Et curieusement, Steve Harrington, qui avait été près d'eux durant la nouvelle, n'avait pas bronché et n'avait pas non plus senti de pincement au cœur malgré le rapprochement qui s'était opéré entre eux durant la première partie de leur aventure jusqu'au Lovers' Lake. Il avait senti le regard quelque peu attristé de Robin près de lui, ayant de la peine, mais Steve lui avait adressé un bref regard, secouant la tête.

« T'inquiète Rob', c'est mieux ainsi. L'amitié qu'on se porte est tout aussi importante. »

Il avait dit cela de façon tout à fait honnête néanmoins Robin n'avait pas paru très convaincue et avait frotté doucement l'épaule de son ami. Après tout, sa réaction était légitime. Même Steve avait légèrement cru que peut-être, quelque chose aurait pu se créer entre eux. Voir si un retour à zéro pouvait être possible et construire quelque chose de moins toxique entre eux. Mais c'était mieux ainsi et puis…

Quelque chose torturait son esprit depuis cinq jours à présent. Chacun était très occupé à reprendre en main leur petite vie à Hawkins et à profiter des derniers jours des vacances de printemps avant la dernière ligne droite qui annonçaient les examens, et de ce fait, Steve n'avait pas croisé grand monde. Certes, le week-end prochain, un premier camion de déménagement allait avoir fait un premier voyage entre la Californie et l'ancienne demeure des Byers à Hawkins –n'ayant toujours pas été vendu à leur grand bonheur finalement- et Joyce avait convié tout le monde pour un repas, mais le manque de compagnie actuel jusqu'à ce jour poussait Steve Harrington dans de biens complexes réflexions.

« Je t'ai déjà vu agir en post-trauma une fois après le Mind Flyer l'année dernière. Je sais comment tu gères ton stress et ton traumatisme. Et ce que tu me fais la, Dingus, c'est tout autre chose. »

Robin était par contre sa collègue et donc, l'un des seuls membres du groupe qu'il voyait extrêmement régulièrement. Les clients étaient nombreux en semaines de vacances mais ils prenaient toujours du temps pour discuter un peu, se lancer quelques répliques sarcastiques ou tout simplement vagabonder dans les rayons et prétexter ranger les cassettes pour juste papoter potins.

« Des précisions sur ta réflexion ? » lâcha Steve qui était au comptoir de Family Vidéo, un poing pressé contre sa joue de façon paresseuse, sa main libre tenant un crayon alors qu'il vérifiait l'inventaire des comédies musicales, cassettes toutes déposées en pile près de lui.

« Tu réfléchis, » précisa donc la jeune femme en allant presser deux bras contre le comptoir face à Steve –profitant du moment où le flux de clients était moindre pour discuter un peu-. « Tu réfléchis beaucoup, ce qui est peu commun de ta part. »

« Merci pour cette gratuité, Robin. »

« Non je suis sérieuse. Quand tu as cette expression de constipé, c'est qu'il y a un truc qui va pas. Comme la fois où tu essayais de comprendre durant touuuuute une semaine pourquoi Cindy ne t'avait pas embrassé au premier rencard. Ou la dernière fois, là, quand ton daron t'a encore fait la morale et tu comprenais même plus ce que tu avais fait de mal cette fois-ci. »

Durant tout son petit discours, Steve ne l'avait pas lâché d'un regard éreinté.

« En plus tu es TOUT pâle, Steve ! » s'exclama ensuite son amie pour ensuite se pencher sans avertissement et frapper énergiquement les joues du pauvre garçon. « Dis-moi ce qui ne va pas ! L'année dernière, combien de fois je suis venue t'embêter avec mes cauchemars récurrents pour chercher du réconfort dans mes démons, hein ? »

Steve grogna quelque chose en retirant les mains de Robin qui avaient bien échauffé ses joues pâles. Oui elle avait bien raison en lui indiquant qu'il avait le teint livide, tout simplement car ses nuits étaient courtes, partagées entre cauchemars et d'autres… questionnements qui brouillaient son esprit. Il reporta un regard hésitant vers elle, la jeune femme clignant des yeux avec insistance, lèvres pressées pour s'empêcher de parler davantage afin que son collègue puisse en placer une.

Après tout, la personne la mieux placée pour éclairer sa lanterne, ça ne pouvait être que Robin Buckley n'est-ce pas ? Loin de lui l'envie de continuer à se torturer l'esprit ainsi et surtout, de ne pas savoir comment se comporter lorsque le sujet de ses tourments croiserait prochainement sa route.

« Je n'ai pas seulement des cauchemars, » avoua-t-il finalement, ses doigts jouant habilement avec le crayon à papier. « Y'a un truc qui me prend la tête. »

« Un truc qui est allé jusqu'à te faire oublier Nancy ? »

« Nance' ? Platonique avec un grand P, Robin. Un grand P. De toute façon, j'ai pas franchement le temps de penser à elle. »

Oula, peut-être allait-il trop loin ? Steve détourna les yeux tout en massant l'arrière de sa nuque de façon nerveuse.

De son côté, Robin hocha lentement la tête, yeux plissés, comme cherchant à comprendre ce qui pouvait tracasser son collègue, juste par la force de son regard. Dans tous les cas, il ne pouvait plus faire machine arrière, la curiosité de Buckley venait d'être hautement piquée.

« Mais j'aimerais pas causer de ça ici, » ajouta Steve en désignant d'un vague geste de bras le vidéoclub, là où quelques clients étaient toujours entre les rayons à chercher leur film pour la soirée. « Attendons la pause. »

Les sourcils de Robin se haussèrent à ses propos et Steve se demanda s'il ne faisait pas une grossière erreur. A dire tout cela, la jeune femme allait croire tout et n'importe quoi. Elle hocha vivement la tête tout en vérifiant l'heure à sa montre digitale.

« A dans vingt minutes, Steeeeve ! » s'exclama-t-elle joyeusement en retournant au travail.

Un léger sourire amusé se glissa sur les lèvres du jeune garçon alors qu'il vit son ami trottiner jovialement jusqu'à un couple pour être leur conseillère du 7ème art. Ce genre de petite discussion éveillait la jeune femme et lui permettait de se booster de lui apporter un vent frais afin de lui faire oublier un peu les traumatismes causés par l'Upside Down. C'était comme ça qu'elle gérait son stress elle.

Lorsque la pause déjeuner sonna pour les deux collègues, ils récupérèrent leurs gamelles de nourriture dans le frigidaire de la salle arrière, verrouillèrent Family Video et se rendirent derrière dans les bois pour manger à l'extérieur entre soleil et douces ombres apportées par les arbres. C'était leur petit rituel quand ils travaillaient en même temps et que leur pause collait. Les premiers beaux jours arrivaient et les rayons du soleil étaient un baume pour le cœur et l'esprit.

Robin ouvrait son Tupperware comportant les restes de la pizza qu'elle avait commandée hier alors que Steve avait opté pour des pâtes au fromage qu'il avait fait rapidement la veille, lorsque la discussion fut aussitôt lancée :

« Alors Dingus, qu'est-ce qui trouble ton petit cœur si ce n'est pas l'Upside Down ? Si ça avait été une histoire de rencard lambda ayant tourné au vinaigre, tu n'aurais pas attendu qu'on sorte pour m'en parler, » elle prit une bouchée conséquente de sa pizza chorizo pour ensuite continuer, la bouche pleine, les yeux soudains ronds. « J'espère que ce n'est pas pour m'annoncer que tu as finalement la rage ! »

A ses mots, Steve porta machinalement une main à son bas ventre derrière le pull rouge qu'il portait aujourd'hui mais secoua la tête. Les médecins lui avaient prescrit ce qu'il fallait, antibiotiques et anti-inflammatoires pour ne subir aucune infection ou douleur intitule. Ce qu'il lui restera ne sera plus que des cicatrices de guerre.

« Non, c'est à propos de Munson, » déclara Steve après une longue inspiration, décidé à ne pas passer par quatre chemins.

« Eddie ? »

Oui, Eddie Munson qu'il avait vu pour la dernière fois dans le hall de l'hôpital il y a cinq jours, fatigué comme jamais mais debout face aux policiers lui indiquant qu'il n'avait plus rien à craindre et au médecin qui lui faisait signer ses papiers de sortie. Steve était passé non loin de lui avec Dustin et Mike, regagnant la sortie. Etant en pleine conversation, ils n'étaient pas allés jusqu'à lui pour lui dire au revoir, mais Steve se rappela du bref regard d'Eddie jusqu'à eux. Steve avait levé un bras pour le saluer brièvement tout comme Dustin et Mike derrière lui, mais Munson avait été rapide à détourner les yeux.

Et en réfléchissant, ce n'était pas étonnant… Si ?

« Oui, Eddie, » affirma Steve qui scrutait sa boîte ouverte sur genoux, remplie de pâtes loin d'être appétissantes.

Robin attendit que son collègue ajoute quelque chose alors elle resta silencieuse à le fixer du rondin sur lequel elle était assise. Mais elle eut pour seule réponse la douceur du vent et le chant des oiseaux dans les hauteurs. Ainsi après quelques secondes elle se lança :

« OK, le sujet est Eddie. Quel est le problème ? Vous vous êtes engueulés ? Battus ? »

L'occasion n'avait pas pu se présenter puisqu'ils n'avaient pas réellement discuté face à face depuis l'Upside Down, hormis rapidement chez les flics pour savoir si l'un et l'autre allait bien, et encore, ils étaient entourés de gens et encore une fois, le regard d'Eddie avait été on ne peut plus fuyant le concernant.

« Rien de tout ça, » explicita Steve déplaçant pensivement ses pâtes aux fromages du bout de sa fourchette. « Dis-moi Robin… Est-ce que tu connais d'autres personnes comme toi qui… »

Il finit sa phrase en levant les yeux vers elle tout en désignant sa personne du bout de sa fourchette ce qui ne fit qu'accroitre les interrogations de Robin.

« Qui… ? » le poussa-t-elle, arquant un sourcil.

« Tu connais d'autres personnes à Hawkins étant du même bord que toi ? » se força à articuler Steve. « Nanas intéressées par d'autres nanas, ou des mecs intéressés par d'autres mecs ? »

Il espérait ne pas avoir été trop maladroit dans ses propos. Il ne voulait ni la blesser ni l'énerver. Ainsi, de façon inconsciente il retint sa respiration mais l'expression dépassée de Robin ne fit que s'accentuer, comme totalement désorientée par les questions étranges de son collègue, si bien que son morceau de pizza demeurait dans sa main sans être dévoré.

« A Hawkins c'est vraiment pas facile de savoir tu sais, » finit-elle par lui déclarer non sans garder un regard un peu suspicieux vers lui. « J'aimerais également le savoir, tu peux le croire. Ça serait plus simple pour savoir avec qu'elles filles je pourrais potentiellement sortir. »

Steve eut un petit pincement au cœur à cela. Elle avait bien raison, comme elle l'avait dit quelques jours plus tôt lorsqu'il l'accompagnait au lycée pour rejoindre la fanfare, si elle faisait un seul mauvais pas et se trompait dans son analyse de la situation, elle pouvait finir en paria. Si seulement elle pouvait connaître d'autres personnes de son bord ou un autre garçon aimant les garçons, peut-être se sentirait-elle moins seule dans son tourment.

« Ce que j'ai du mal à comprendre Steve, » reprit-elle en fronçant les sourcils, se penchant légèrement en avant pour analyser plus scrupuleusement les expressions de son collègue qui eut un frisson désagréable tout le long de sa colonne vertébrale. « C'est pourquoi tu me poses ce genre de question. Surtout après avoir mentionné Eddie Munson. »

Avait-il le droit de le dire à Robin ? Merde, Steve était bien trop désespéré et perdu pour avoir pensé sincèrement à ça avant de se lancer. Cependant, il était parti bien trop loin maintenant et puis il connaissait Robin et son ouverture d'esprit. Elle n'irait jamais répéter tout ce qu'il avait à dire à quiconque. Ça il en était assuré.

« Et Munson, » reprit Steve après un raclement de gorge, restant à fixer ses pâtes contre lesquelles il plantait sa fourchette de façon machinale. « Tu crois qu'il pourrait être aussi comme toi. Mais de l'autre sens… ? »

Il osa à peine regarder la jeune femme et regrettait déjà avoir posé cette question dans ce sens-là. N'était-ce pas ultra suspect ?

« Ouhla ! Steve Harrington…Serais-tu… Intéressé ?! » s'écria Robin –heureusement qu'il s'était un peu enfoncé dans les bois- tout en se levant, part de pizza toujours en main. « Qu'est-ce que tu me fais là ?! N'es-tu pas juste un allié ? Tu es un membre de-… »

« Non, non, Robin ! C'est autre chose ! » le coupa Steve en lui offrant un regard presque plaintif. « J'ai besoin de comprendre un truc, c'est tout. »

Robin referma automatiquement sa bouche le souffle court. Elle resta silencieuse quelques instants puis d'un seul coup, prit une bouchée de sa pizza et se mit à faire les cent pas devant Steve, sa chemise à carreau ouverte voletant derrière elle :

« Eddie Munson, OK, hum… Plusieurs points pourraient me faire dire cela en effet, même si je ne veux pas le outer ni rien mais… De un, quand j'me suis littéralement avachie sur lui dans l'Upside Down après le tremblement de terre, il n'a pas sourcillé du tout, ni même bandé ou je ne sais quoi, comme si une souche lui était tombée dessus, » Steve ricana à cela et allait ouvrir la bouche mais Robin fut plus rapide en levant un index sévère vers lui. « Et je t'arrête tout de suite toi et ton sourire moqueur, Steve. Je suis bien mieux qu'une souche voyons ! J'ai mon propre charme ! Bref. De deux, au lycée, même si j'étais pas de la même année que lui, je savais que quelques nanas étaient tout de même à fond sur lui puisqu'il faisait de la guitare et avait un groupe de musique, tout ça, mais il me semble qu'il n'a jamais fréquenté une meuf, contrairement à ses potos du même groupe. Ensuite de trois… » elle réfléchit un instant, levant ses yeux vers la cime des arbres. « Il y a une sorte d'aura autour de lui, pas que j'ai un radar ou je ne sais quoi, mais y'a un petit quelque chose. Et puis… »

Elle avait enfin stoppé sa marche rapide pour s'arrêter face à Steve qui se sentait tout petit, là, assis sur le tronc d'un vieil arbre. La jeune femme prit le temps de terminer la croute de sa pizza, lécher son pouce et son index pour ensuite reporter un regard on ne peut plus sérieux vers le jeune homme face à elle :

« Je ne vais pas te mentir en disant que… hum. Panique pas, hein, mais, j'ai remarqué quelques regards d'Eddie assez insistants dirigés vers toi. Et cela depuis le moment où on lui avait rapporté de la bouffe chez Rick la fumette jusqu'à… ce qu'il nous sauve des griffes de Vecna, je suppose. »

Le sang de Steve ne fit qu'un tour à tout cela. Ses doutes se confirmaient donc encore un peu et il déglutit, l'estomac dans les talons. Il n'était pas dégouté, non, c'était… autre chose. Merde.

« Pourquoi tu me dis de pas paniquer ? » grogna Steve en refermant sa boîte de pâtes pour attraper rapidement sa canette de soda qu'il ouvrit dans un pssh sonore. « Je croyais avoir été assez clair avec toi en disant que ça m'importait peu les personnes qui étaient comme… ça. »

« Oui mais parfois, les mecs peuvent être OK pour les lesbiennes, mais des gays… Ça peut être une autre histoire. »

Steve haussa un sourcil à cela, mais il n'en fut pas réellement surpris. Robin quant à elle, ne laissa pas tomber l'affaire et renchérit :

« Et donc pourquoi tu me demandes si par pur hasard, Eddie Munson serait gay, » le dernier mot fut chuchoté comme pour protéger le lycéen. « Il s'est passé quelque chose, n'est-ce pas ? »

Perspicace. Steve hocha la tête, regard dirigé vers le fond de la forêt tout en buvant en silence son soda sucré. Puis après un petit silence que Robin accorda pour que son ami puisse préparer son explication, Steve se lança :

« Quand on était dans l'Upside Down, et que Vecna nous avait clairement rattrapé, Eddie nous a sauvé en faisant diversion. Il pensait vraiment mourir à cet instant, moi aussi je pensais qu'il allait claquer. »

« Mais tu es venu à sa rescousse comme le preux chevalier que tu es… »

« Entre autres, » Steve prit une inspiration, passa une main dans ses cheveux. « J'ai été le dernier à quitter les lieux et si je me rappelle bien il a… pensant claquer il m'a avoué avoir un crush sur moi au lycée. »

Les yeux de Robin s'arrondirent comme des soucoupes et elle ouvrit la bouche en grand pour presser deux mains contre celle-ci. Elle recula d'un pas et se laissa tomber sur les fesses devant le tronc ou était assis son collègue, s'installant en tailleur :

« QUOI ?! Steve ! Eddie est potentiellement un des miens et tu oses me dire si je me rappelle bien ?! Réfléchis et explique-moi correctement ce qu'il t'a dit ! »

Était-ce des étoiles qu'il voyait dans ses yeux ? Steve ne sut pas trop mais continua tout de même en réprimant un lever d'yeux au ciel :

« Excuse-moi Robin, d'avoir été un peu dépassé par la situation qui nous faisait face, d'avoir à tendre l'oreille pour entendre convenablement Eddie ET d'être complètement pris au dépourvu par ce qu'il me criait presque à la figure ! »

« Il t'a dit clairement que tu étais son crush ? »

« Oui, j'ai clairement entendu le mot crush, OK. Satisfaite ? »

Comment oublié cette phrase, hein ? Certes il ne se rappelait plus trop du reste mais la voix d'Eddie tambourinait encore parfois dans ses oreilles.

C'est dit Stevie, tu étais mon stupide crush de lycée. Il se rappelait aussi de ses yeux profondément intenses, brillants de peur et de détermination, de ses cheveux longs secoués par le vent violent, du sourire douloureux qu'il lui avait adressé. Ainsi que l'expression du type résigné à mourir. Une expression qu'il espérait ne plus jamais revoir. Sur personne.

« Très bien exeat, tu en penses quoi, de tout ça, Dingus ? » l'interrogea Robin avec un petit sourire en coin, joignant les mains pour prendre une petite posture innocente.

« J'aime les filles. »

La phrase avait roulé sur sa langue sans qu'il ne l'ait pensé. Steve détourna les yeux un instant, ne regrettant pourtant pas d'avoir à répondre comme cela car c'était la vérité. Mais quelque chose dans les yeux de Robin l'effrayait clairement.

« OK. »

Hein ? Robin répondait seulement par un OK ? C'était très peu commun de sa part, voire ahurissant. Steve plissa les yeux et reporta son regard vers elle, toujours assise en tailleurs au milieu de la mousse et des feuilles.

« Juste OK ? » lâcha Steve, déboussolé.

« Ouais, OK. Tu aimes les filles mais… C'est pourtant aussi toi qui me saoulais durant les deux derniers mois car à chaque rencard il te manquait un truc. Il te manquait l'électricité, tu sais. »

Steve faillit avaler de travers le reste de son soda et répondit du tac au tac :

« C'est parce que je n'ai pas trouvé la bonne. L'électricité, je l'avais avec Nancy ! »

Oui, et c'était pour cela que sa rupture avait été si douloureuse. C'était pour ça qu'il s'était presque pris à espérer il y a quelques jours qu'ils pourraient tout reprendre à zéro, lui et Nancy. Il écrasa d'une main sa canette et se leva pour la jeter dans la poubelle près d'un panneau qui indiquait le sens de la ville et resta silencieux. Quelque chose dans son bas ventre s'agitait et lui coupait tout appétit. Jamais il ne pourrait avaler ce qu'il y avait dans sa boîte de repas.

Puis le silence fut brisé durant un court instant par Robin.

« Est-ce que… Non laisse tomber. »

« Quoi ? » lui demanda Steve quelque peu grognon, s'étant alors adossé à l'arbre proche du tronc sur lequel il était assis un peu avant.

Mais pour une fois, Robin parut rechercher ses mots comme ne souhaitant pas le froisser. Elle prit le temps de se lever, de frotter ses cuisses pour retirer les feuilles s'étant imbriquées dans son collant noir, poussa un soupir puis répondit :

« Non, c'est surement une question idiote et puis pour une fois, je suis miséricordieuse et n'ai pas envie de pousser. »

Elle avait déjà appris qu'Eddie Munson était tout comme elle. Un poids sur les épaules de la jeune femme s'était à nouveau déchargé, ça faisait du bien, de ne pas se savoir totalement seul. Et c'était bien assez pour aujourd'hui.

« Non, Rob', vas-y pose ta question, » répliqua Steve bras toujours croisés, ses ongles allant presque griffer sa peau, il était tendu. « Que tout soit clair. J'en ai vraiment ma claque de me torturer l'esprit. »

Il se torturait déjà l'esprit suite à ses parents qui ne le traitaient que de bon à rien. Il se torturait évidemment l'esprit depuis sa première rencontre avec les démons de l'Upside Down, toujours à l'affut d'un truc étrange. Il se torturait également l'esprit au sein de sa vie amoureuse, n'étant pas capable de trouver la bonne et de voir tous les gens de son âge en couple. C'était bien assez.

« Tu ne te tortures pas uniquement l'esprit vis-à-vis de ce qu'a dit Eddie et ton questionnement sur sa sexualité, » déclara soudain Robin à voix un peu plus basse. »

« Hein ? »

« A mon sens, tu te tortures l'esprit pour ce que toi tu pourrais ressentir, au bout de tout ça… Non ? »

Restant sans voix suite à la conclusion qu'avait peinte la jeune femme, Steve sentit son cœur s'accélérer et sa gorge se nouer. Quelque chose de nouveau venait de germer dans son esprit mais ce n'était pas possible.

Puis, Robin se lança à nouveau, le regard plus doux, plus calme, plus attentif :

« Ma question est donc la suivante : as-tu déjà ressenti de l'électricité pour un autre garçon ? »

Sincèrement, Steve aurait voulu lui dire non, de façon totalement confiante. Mais il ne pouvait pas lui répondre sans lui mentir un tout de petit peu. Et Robin remarqua l'expression plus agité chez son camarade, elle avait vu juste, mais ne pipa pas mot. Ou du moins, pas tout de suite, lui laissant le temps de digérer tout ça.

A Steve, mais à elle également. Il se pourrait que Steve Harrington ne soit pas qu'un simple allié, et cela était démentiel.

Et son excitation eu raison d'elle car elle lança le premier prénom qui lui vint à l'esprit et qui était si évident.

« Billy. »

Steve Harrington perdit toutes les couleurs de son visage à cette entente. Ce prénom fut telle une balle en plein cœur et ce qui était le plus douloureux, c'était qu'elle avait eu raison. Billy, cet imbécile qui avait fini par tisser quelque chose avec lui. Un tout petit quelque chose, un peut-être semblant d'amitié, alors que parfois il venait à Scoops Ahoy bien l'emmerder. L'électricité, il l'avait senti oui, mais avait tout nier en bloc. Absolument TOUT.

De toute façon, il était trop tard. Billy Hargrove était mort avec cette électricité.

« Robin, non, » articula Steve qui tenta un dernier mensonge tout en ignorant les piques de chagrins qui agrippèrent son cœur.

« Tu as toujours refusé de parler de lui après sa… sa mort ! Tu t'es grave refermé quand le sujet Billy Hargrove arrivait sur le plateau ! Tout s'explique… ! Les réactions que tu as eues après Starcourt, je les comprends maintenant. Et… j'en suis désolée. J'aurais aimé que tu aies assez confiance en moi pour m'en parler, peut-être aurais-je pu t'aider. »

« Il n'y avait rien à dire, Robin. Il n'y avait rien. »

Pourquoi, pourquoi, pourquoi… Cette électricité qu'il pensait morte pour toujours, pourquoi revenait-elle ? Pour un garçon, encore une fois ?! Pourquoi l'avait-il senti quand les yeux d'Eddie Munson s'étaient posé sur lui dans la barque lorsqu'il avait retiré son pull ? Ou quand ils avaient retrouvé Eddie à Skull Rock, cet endroit en particulier ? Et quand le corps d'Eddie s'était étalé sur le sien suite à un tremblement de terre dans l'Upside Down ? Et surtout quand le mot crush était sorti des lèvres du métalleux, tout droit le concernant.

Cette électricité absente de toutes ses dernières relations. Le revoilà. Mais il ne pouvait pas, pas avec un gars. Il aimait les filles.

« De toute façon, il m'évite clairement maintenant ! » s'exclama Steve en agitant les mains. « Il ne voulait pas que ça se sache, et peut-être que maintenant après m'avoir vraiment connu, il n'a plus aucun crush et se sent juste dégouté d'avoir eu à m'avouer l'avoir été au lycée ! Oublions cette histoire saugrenue et continuons à vivre. »

Robin savait que cela était loin d'être fini, elle le sentait, ça y est. Mais le pauvre Steve n'était surement pas en état aujourd'hui après tout ce qu'il venait d'apprendre. Ainsi, elle lui sourit de façon moqueuse et lui lâcha :

« Tu connais le mot saugrenu, toi ? »

« La ferme, Rob'… »


Un chapitre centré uniquement sur notre Steve bien aimé et ses éternelles questions. Robin est heureuse d'avoir un allié.

Je suppose que la plupart d'entre vous a vu le volume 2 ? Par sécurité, je n'en parlerais pas ici mais on va continuer de réparer tout ça ;)
Prochain chapitre plus centré sur Eddie post-Vecna. A très vite.

(un grand merci pour vos review, j'espère que ce couple va grandir ^^)