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Chapitre 4
Steve est bi' et Eddie est mignon ?
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Le lendemain, samedi soir chez les Byers pour un repas
Steve Harrington
Les retrouvailles chez Joyce Byers se firent pluvieuses mais cela n'empêcha pas le groupe de dresser une longue table dans le salon entouré de cartons provenant tout droit de Californie, et de s'y atteler avec joie. En passant la porte d'entrée, Steve fut submergé par tout un tas de souvenirs ici et il n'osa imaginer ce que devait ressentir Will et Jonathan.
Il se rappela avoir pénétré dans ses lieux la première fois à la recherche de Nancy et se retrouver nez à nez avec sa première créature de l'Upside Down. La seconde fois avait été pour la mise en place d'un plan afin de refermer une porte, là où il avait joué le baby-sitter et protégé les gosses de Billy Hargrove. Après ces événements riches en émotions, Steve s'était retrouvé dans le salon ou la chambre de Jonathan pour des bières ou de la musique partagée, ces derniers s'étant rapprochés. La dernière fois qu'il était venu ici, c'est pour aider les Byers à faire les cartons l'été dernier.
C'était sympathique de revoir cette maison vivre, de savoir les Byers à nouveau dans les parages et Steve sourit doucement à cela, s'avançant dans le salon en silence. Hopper et Murray discutaient vivement –ou débâtaient probablement- près du sofa encore enveloppé, bières à la main tandis que Joyce était au téléphone, le combiné coincé entre son épaule et sa joue, alors qu'elle coupait les cheveux de son fils Will à la dernière minute à l'aide de ses mains libres. Mike et Lucas discutaient avec Will alors que Max et Nancy étaient près de la sono de Jonathan à discuter musique pour sélectionner la mixtape du repas. Robin était là elle aussi à converser comics avec Jonathan et Dustin tout en mettant la table. Même Erica était là à analyser la collection de cassettes vidéo dans l'un des cartons ouverts, tout en les commentant pour Eleven. Tout le monde paraissait être ici, hormis…
« Tu es là, Steve, mon cœur, tu peux touiller un peu la casserole et vérifier le feu ? » chuchota Joyce Byers toujours aux mains prisent, combiné contre l'oreille.
Steve hocha aussitôt la tête et regagna les fourneaux. Ayant des parents peu à la maison et ayant été rapidement lassé du fast-food et des restes à dates de péremption clairement dépassées, Steve Harrington avait depuis longtemps acquis un petit talent en cuisine.
Il était affublé d'un tablier de cuisine pour protéger son pull beige lorsque Dustin arriva dans la cuisine près de lui, grignotant une carotte épluchée qu'il avait chourée sur le plan de travail derrière Steve.
« Steve, » lui fit-il d'entrée de jeu en s'adossant au placard. « Tu as donc abandonné pour Nancy ? »
Le prénom de la jeune femme réveilla instantanément Steve qui s'était perdu dans une intense réflexion tout en retournant les saucisses et merguez –destinées au barbecue mais la météo en avait décidé autrement-. Jetant un bref coup d'œil derrière son épaule, Steve aperçut Jonathan et Nancy proches l'un de l'autre perdus dans leur conversation concernant le vinyle que tenait la jeune femme dans les mains. Leur proximité et leur doux petit sourire voulaient absolument tout dire, mais Steve ne sentit pas de jalousie seulement peut-être une satisfaction partagée avec le dépit d'être toujours seul.
« N'est-ce pas évident ? » fut donc la réponse du plus âgé en haussant les épaules, retournant à sa besogne.
« Et tu le vis comment ? »
Dustin termina sa question par un tchac, ayant croqué vivement dans la carotte. Son expression était sincère et curieuse. Il n'avait pas l'air de vouloir se moquer mais simplement, de savoir. Après tout c'était légitime, comme lorsque Robin l'avait questionné. Il y avait eu des échanges d'énergie entre lui et Nancy durant cette histoire avec Vecna. Ainsi, Steve soupira :
« Plutôt bien je dois te l'avouer. Elle et moi, je ne pense pas qu'on soit fait pour se remettre ensemble. On était toxique, en un sens. On a tant évolué l'un sans l'autre pour au final se retrouver en tant qu'ami et lier quelque chose de solide et sain. Ça me va ainsi. »
Il y eut quelques secondes de silence où Dustin parut réfléchir à la réponse puis il ajouta :
« OK. Et comment tu vis ta vie amoureuse inexistante ? »
« Tu veux que je te fasse avaler tout rond ce petit pain, Henderson ? » s'exclama vivement Steve en s'emparant d'un pain à hotdog déposé sur l'assiette près du feu, menaçant le jeune garçon avec.
« Hey, je dis ça parce que tu étais toujours celui à se plaindre de ne pas réussir à concrétiser car soi-disant, gneu elle n'était pas intéressante, gneu pas assez jolie, gneu pas d'électricité, gneu elle aime les films d'horreur ? »
« Je ne sonnais pas aussi désespéré, tu mens, » le menaça toujours Steve, le pointant du bout de son pain.
« Crois-le ou non, » répondit Dustin après un bref haussement d'épaules. « Et Robin alors ? »
« Viens Henderson, ouvre grand la bouche que je t'étouffe une bonne fois pour toutes ! »
Dustin se mit à rire et les deux garçons se chamaillèrent gentiment.
Ce ne fut que lorsque le groupe se mit à table que Steve lâcha la question qui brûlait ses lèvres depuis son arrivée chez les Byers :
« Eddie n'a pas accepté l'invitation ? »
Il sentit automatiquement le regard appuyé de Robin assise à côté d'elle dirigé jusqu'à lui mais ne vit cependant pas l'expression surprise de Dustin un peu plus loin sur la table.
« Non malheureusement, » lui répondit Joyce quelque peu attristée. « Il était occupé toute la journée avec son oncle, ça ne pouvait pas attendre. »
« Oh. »
Il ignora la petite pique de dépit qui vint tirailler son cœur et croqua avec force dans le hotdog. Pourtant en un sens, ce n'était pas étonnant, Eddie avait beau avoir risqué sa vie avec le groupe entier peut-être était-il intimidé à l'idée de tous les retrouver pour un repas. Notamment l'ex-shérif Hopper, qui sait, quand on était un dealer au lycée.
Dans l'après-midi, Dustin se mit à chercher Steve, il avait besoin de lui pour un conseil rapide concernant Suzie qui venait bientôt lui rendre visite à Hawkins. Nancy lui indiqua qu'il était peut-être dehors à mettre les poubelles ou à fumer avec Hopper, et il suivit son conseil. Il pleuvait toujours énormément dehors mais le porche au-dessus de sa tête le protégeait de l'eau fraiche d'avril. Il marcha le long des planches en bois rafistolées de la terrasse et alla contourner la maison, toujours protégé sous le porche, lorsqu'il crut reconnaître la voix de Robin derrière l'intersection :
« Pas trop déçu de ne pas voir ton grand admirateur ici ce soir ? »
Dustin arqua un sourcil mais s'arrêta net en entendant la voix de Steve y répondre :
« Admirateur… ? »
« Je parle d'Eddie, suis un peu s'il te plait. »
La réponse rapide de Robin le figea décidément et il se pressa légèrement contre le mur. Robin et Steve étaient visiblement en pleine conversation et parlait de… Eddie ? Bien étrange. Il savait que ce n'était pas bien d'écouter aux portes cependant le contexte de la conversation était bien trop intriguant, voire improbable. Pourquoi lier Eddie à admirateur concernant Steve ? Qu'est-ce qu'ils racontaient là ? Avaient-ils bu trop de bières ?
« Ce n'est pas mon admirateur, » marmonna Steve à voix plus basse.
De son côté, Robin lâcha un long « Hum… » et Dustin retint sa respiration un instant. La conversation qu'il avait eu dans le jardin de Gareth quelque jours plus tôt avec Eddie lui revint en mémoire comme un flash. Non, Eddie Munson n'était pas un admirateur de Steve Harrington. Dustin avait compris que c'était plus profond que ça même sans la confirmation verbale de son ami.
« Et sinon, pour répondre à ma question ? » ajouta finalement Robin après quelques instants saupoudrés des bruits des gouttes d'eau intense au-dessus de leurs têtes.
« J'aimerais que tu oublies ce que je t'ai raconté en début de semaine. »
« Comment veux-tu que j'oublie ? Es-tu sérieux, Harrington ? »
« Passe à autre chose alors. »
Une multitude de points d'interrogation popèrent au-dessus de la tête d'un Dustin Henderson complètement perdu. Et la réplique que Robin ajouta fut le coup de grâce :
« Quand tu auras assumé cette histoire d'électricité. »
Steve ne répondit pas à cela et Dustin crut s'étouffer. Il savait très bien ce qu'était l'électricité, Steve lui avait introduit cette notion il y a un moment déjà et continuait encore d'utiliser cette métaphore. Pourquoi cette histoire d'électricité maintenant ? Pourquoi Steve paraissait agacé et Robin surexcité ? Que foutait Eddie là-dedans ?
« Je suis sérieuse, je sens que tu vas louper quelque chose de méga important ! » s'exclama la jeune femme, sa voix tout de même partiellement camouflée par le bruit de la pluie. « Contrairement à toutes les nénettes que tu as draguées, Eddie est à portée de maiiiiin ! »
Nul doute que Robin mimait ne cela avec ses mains.
« Y'a rien d'important, je préfère louper ça, sincèrement Robin. C'est trop complexe, » rétorqua Steve avec un soupir que même Dustin pu entendre de sa position.
« Je suis la mieux placée pour le dire, Steve. Oui c'est complexe. C'est dur. Ça fait mal, c'est effrayant. »
« Je ne suis pas comme ça Robin. Je ne le dis pas par méchanceté, tu le sais. Mais j'aime les meufs. J'aime les nichons. »
Dustin était complètement dépassé par ce qu'il entendait là. Plus rien ne faisait cohérence dans son esprit et il eut soudain un peu honte d'avoir épié ce genre de conversation. Le sujet était houleux et confidentiel.
Mais comment pouvait-il dormir après avoir entendu cela ?! Qu'est-ce qui se passait chez Steve Harrington ? Et dire qu'il y a quelques jours il avait complètement rembarré les espoirs d'Eddie concernant ses vues sur lui. Qu'avait-il fait ?! Non, déjà il devait s'assurer qu'il n'était pas devenu fou et qu'il ne comprenait pas tout de travers. Merde, Dustin Henderson avait du travail.
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Le lendemain, dimanche dans la matinée, mobil-home des Munson
Eddie Munson
Eddie Munson n'était clairement pas une personne matinale. Ce n'était qu'en après-midi qu'il arrivait plus ou moins à suivre les cours, mais quand il s'agissait du week-end, être réveillé avant ce même midi était un blasphème. Le téléphone sonna plusieurs fois dans le salon de sa demeure mais évidemment son oncle n'était pas ici pour répondre étant probablement partie pêcher comme tous les dimanches matins. Ainsi, Eddie grogna quelque chose contre son oreiller et se redressa, les cheveux totalement en pagaille. En temps normal il aurait ignoré l'appel mais depuis l'affaire de Vecna, la police lui avait conseillé d'être toujours alerte, si jamais par exemple, son nom était encore terni, il aurait besoin de protection avant qu'il ne se mette encore Hawkins à dos.
Oui, il allait marcher sur des œufs durant les prochaines semaines et même si c'était agaçant c'était toujours probablement mieux que de savoir que Vecna rodait. De ce fait, après un énorme soupir, il tira la couette de son lit éjectant par la même occasion deux sachets d'herbes et une veste en jean déposée au bout du matelas pour ensuite quitter sa chambre –slalomant comme il pouvait entre pile de cassettes audio et tas de vêtements- tout en se frottant le crâne. Il espérait vraiment que cet appel était important.
Il décrocha vivement le combiné contre le mur tout en se massant l'arête du nez et marmonna un « ouais, z'êtes bien chez les Munson » rauque et encore ensommeillé.
« Eddie ! T'en a mis du temps à répondre, me dit pas tu pionçais encore ? »
C'était la voix enjouée de Dustin Henderson à l'autre bout du fil. Eddie grogna quelque chose à son encontre mais qui fut inaudible pour le jeune garçon, tout en laissant son dos reposer contre le mur derrière lui près du bar.
« T'as cinq secondes pour me dire c'qui va pas, cinq petites secondes pour retenir mon attention où je suis sérieux, je raccroche, » l'avertit Eddie qui fit un effort surhumain pour ne pas lui hurler ses quatre vérités à la figure.
Dustin ne fut pas long à tout de suite reprendre :
« J'ai une question vraiment d'importance capitale. Et ça ne te concerne pas, je te promets. »
« À la bonne heure, » bailla alors Eddie qui jeta un rapide coup d'œil l'horloge accrochée entre les casquettes. « Qu'est-ce que tu veux alors… ? Si ça concerne musiques ou D&D OK. Si c'est pour les cours, je réponds plus de rien. »
« C'est plutôt euh… Histoire de cœur ? »
Une seconde de silence. Puis deux. Puis trois. À croire que Dustin attendait son approbation pour continuer mais Eddie crut avoir mal entendu. Dustin Henderson ne pouvait pas l'appeler seulement pour discuter amourette ? Ne pouvait-il pas attendre la prochaine Campagne ? Ou la rentrée des classes ?
« J'espère tu te fiches de moi Henderson. Je suis à ça de te raccrocher à la gueule, » siffla le métalleux en indiquant plus pour lui-même qu'autre chose, une toute petite distance entre son pouce et son index.
Dans le mouvement, ses colliers tintèrent entre eux accompagnés par la voix rapide de Dustin qui fut soudaine plus aigue :
« Non, non, c'est vraiment important, je t'en suppppllliiiiie ! »
Bon, peut-être que Dustin était dans la misère. Peut-être avait-il réellement besoin de son aide. Mais ce qui était bizarre, c'était qu'il n'était jamais venu le voir pour parler cœur. Jamais. Généralement, Eddie avait deviné que Dustin allait plutôt voir Steve.
« OK, abrège alors… » capitula Eddie en soupirant à nouveau, s'approchant du bar pour y presser ses avant-bras, combiné entre oreille et épaule.
Ses yeux s'arrêtent un instant vers le plafond totalement repeint, vierge de toutes traces, comme si aucune porte n'avait été ouverte ici, comme si Chrissy n'était jamais morte sur le tapis.
« Toi qui hum… T'y connais dans le domaine. Peux-tu me dire s'il est possible qu'une personne complètement hétérosexuelle devienne du jour au lendemain… Comme toi ? »
Pris au dépourvu par les paroles du plus jeune, ce fut dans un faux mouvement que le coude d'Eddie cogna le cendrier noir déposé sur le bar en bois, ce dernier glissant jusqu'au bord pour tomber bruyamment sur le sol.
« T'as fait tomber le téléphone ? »
« J'ai fait tomber le cendrier rempli, par terre, imbécile ! J'espère que tu ne déblatères pas toutes ses conneries autour d'un tas de personnes ! » s'exclama Eddie en se penchant rapidement pour récupérer le cendrier et jeter des merde, putain, bordel suite à la cendre éparpillée sur le sol.
D'une main il tentait tant bien que mal à repousser la cendre dans le contenant avant que son oncle ne voit ça où il lui taperait encore sur les doigts pour ne pas avoir vidé le cendrier plus tôt.
« C'est possible de changer, alors ? » insista donc Dustin.
« Tu t'es cru où ? Même L'invasion des Body Snatchers est plus réaliste que ce dont tu me parles, Dustin, » râla Eddie entre ses dents en frottant plus fort sur le tapis pour retirer la cendre de sa main libre.
« Alors quoi dire quand quelqu'un peut avoir subitement de l'électricité pour… l'autre genre ? »
« De l'électricité ? Tu me parles histoire de cœur ou informatique ? »
Après un autre merde bien placé mais assez bas pour ne pas que Dustin pense que ça lui était destiné même s'il le méritait surement suite à son appel complètement improbable, ayant perturbé son doux sommeil qui pour une fois n'était pas totalement brouillé par des cauchemars, Eddie redéposa le cendrier vivement contre le bar tout en frottant sa main contre le short noir qu'il portait pour y retirer les restes de saletés.
« Si quelqu'un aime les filles et se voit intéresser par un garçon, comme ça. C'est plus clair ? Tu dirais quoi ? »
L'agacement d'Eddie se mit soudain en pause et il fronça les sourcils, baissant d'un ton :
« Attends Henderson. Est-ce que tu aurais un crush sur un gars ? »
« Non c'est pas moi le concerné, non. »
OK. Tout de même étrange. Et ce n'était pas comme si les personnes ouvertement homosexuelles couraient les rues de Hawkins, alors qu'est-ce qu'essayait de savoir Dustin, précisément ? Il se décida donc à enfin lui donner une réponse correcte non sans un ton assez sec, car il voulait dormir.
« J'dirais que ton pote est bisexuel mais c'est un grand mot pour un petit homme comme toi. J'ai grave la flemme d'expliquer et encore moins envie d'avoir ce genre de conversation avec toi. On est à Hawkins, Henderson. Pas en Californie ou je sais où. »
« Bissextile… Suelle ? Quoi ? »
Calme. Reste calme Eddie. Plus vite tu auras mis au clair cette histoire avec Dustin plus vite il arrêtera de te faire chier avec tout ça.
« Bisexuel, bordel. Au revoir Henderson. »
« NON, attends ! Ça veut dire quoi en deux mots ? Qu'on peut se transformer et changer notre type d'attirance ? Ça existe vraiment ? Non, j'ai compris tu te fiches de ma gueule, hein Eddie… ! »
« Je devrais être payé pour la patience que j'ai face à vous tous. Être bi' c'est ne pas faire de distinction, aimer les gars et les filles. Maintenant je te laisse méditer là-dessus en espérant que tu ne viennes plus jamais insinuer à nouveau de genre de truc. »
Il espérait sincèrement que Dustin n'appelle pas de n'importe où et que des oreilles ne trainaient pas. Néanmoins, le plus jeune parut satisfait par la réponse et continua :
« OK cool. Oublie pas d'aller emprunter notre film d'horreur pour mercredi soir avec ton ID plus de 17 ans, bisous. »
« T'es mort. Trop mort. »
Il raccrocha sans douceur pour ensuite se masser lentement les tempes. Le beau soleil d'avril donnait à travers les vitres entrouvertes du mobil-home et annonçait une très belle semaine. Pourtant, ça n'égaya en rien l'humeur d'Eddie Munson.
Alors qu'il voulait passer la fin de ses vacances de printemps comme il l'entendait, c'est-à-dire, à répéter avec son groupe, étoffer la nouvelle Campagne de Donjons et Dragons ainsi qu'à fumer tout le long de la nuit accompagné de douces musiques, voilà que tous ses plans tombaient à l'eau. Déjà avec Vecna qui lui avait bien mangé une partie de ses vacances puis ensuite les cauchemars incessants et son anxiété dès qu'il sortait dehors, pour ensuite avoir pour cerise sur le gâteau : Steve Harrington.
Steve Harrington qu'il avait tout intérêt à éviter. Mais comment faire quand il était celui qui devait réserver le film au rating élevé chez Family Video avant mercredi soir alors que Steve Harrington avait un contrat d'emploi de 34h –c'est-à-dire que contrairement à Robin, il était toujours là-bas.
Et s'il décommandait, Dustin saurait automatiquement pourquoi et il ne voulait surtout pas lui donner raison. Il ne voulait surtout pas voir le petit sourire satisfait de Dustin qui dirait avoir eu raison en pensant qu'il avait bien un crush actuel sur Steve. Ce sourire narquois, Eddie se ferait certes un plaisir de l'étouffer en étranglant le jeune garçon, mais il avait peu envie de repasser par la case prison. Poussant un énième soupir, Eddie se laissa retomber contre le canapé, souhaitant terminer sa nuit.
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Quatre jours plus tard, mercredi dans l'après-midi, à Family Video
Steve Harrington
Une chanson pop était en fond à la télévision présentant les tubes qui allaient probablement marquer l'été 86. L'après-midi était plutôt calme, comme tous les mercredis après-midi, Robin était dans le rayon Fiction à ranger les cassettes qu'elle venait de rembobiner tandis que Steve était au téléphone avec une mère de famille le questionnant quant à la disponibilité de certains dessin-animés.
« Oui, oui, nous avons aussi Star Wars, » indiqua Steve qui retenait un bâillement, ses doigts jouant avec un vieil élastique à cheveux rouges qui trainait anciennement par terre près de la section Romance. « Je pense que votre fils est assez âgé pour voir ce film, madame, pas de problème pour ça… Oui, je vous mets aussi de côté Les Mystérieuses Cités d'Or, vous avez ma parole… Très bien, bonne après-midi à vous. »
Raccrochant le téléphone, Steve fut prêt à lâcher une lamentation d'ennui à sa collègue un peu plus loin lorsqu'il entendit la clochette du magasin signe qu'un nouveau client arrivait. Peut-être une jeune fille afin qu'il puisse retenter sa chance et ses techniques de dragues qui commençaient à moisir et enfin lui changer un peu l'esprit.
Mais son sang ne fit qu'un tour lorsqu'il vit qu'il s'agissait d'Eddie Munson. Un Eddie Munson qui a première vue n'avait en aucun cas envie d'être ici. Ses yeux étaient fuyants, sa posture mal à l'aise et ses gestes un peu trop rapides lorsqu'il ferma la porte derrière lui. Steve se redressa automatiquement, étant jusque-là un peu trop avachi sur le comptoir et il respira un grand coup. La dernière fois qu'il avait conversé avec Eddie c'était chez Gareth et encore une fois, le jeune garçon n'avait pas eu l'air très à l'aise.
C'était un peu évident, non ? Avait deviné Steve. Après ce qu'Eddie lui avait déclaré en pensant mourir juste après, il y avait de quoi. Steve aurait aimé lui dire que tout allait bien, qu'il pouvait arrêter de stresser pour ça et qu'il n'avait rien fait de mal. Que son secret était bien gardé. Néanmoins il ne savait pas trop comment aborder le sujet.
Si même Eddie le laisserait entamer le sujet.
« Hey, salut Eddie, ça fait un bail, » le salua Robin de sa position avec un sourire jovial.
« Une semaine à peine, » lui répondit Eddie en lui adressant un rapide geste de la main, sa seconde dans la poche de son jean déchirée.
Steve le détailla rapidement des yeux alors qu'il s'approchait du comptoir de Family Video. Eddie était toujours égal à lui-même, jean à trous, chaîne accrochée près de la poche droite, bagues aux mains, long collier au-dessus d'un t-shirt portant un nom de groupe que Steve ne connaissait et veste en jean noire sur le dos à divers écussons dont le drapeau américain sur l'épaule. Il avait un look badass, ça Steve ne pouvait pas le nier.
« S'lut, » lui fit Eddie une fois devant lui, ne laissant pas le temps à Steve de lui dire bonjour puisqu'il continua aussitôt en déposant sa carte d'identité. « Voilà comme d'hab', ma carte, j'ai plus de 17 ans, tout est en ordre, j'vais me servir. »
Puis Eddie tourna aussitôt les talons pour s'enfoncer dans le vidéoclub, vers la section Horreur. Steve lança un coup d'œil discret vers Robin qui avait les lèvres retroussées, elle aussi ayant bien remarqué l'attitude du métalleux. Mais aucun des deux ne commenta et la jeune femme repris son travail tandis que les yeux de Steve se reposèrent sur la carte d'Eddie.
Sur la photo, il paraissait plus jeune, peut-être quinze ou seize ans, ses cheveux n'étaient pas aussi longs, voir presque aussi courts que ceux de Steve mais son visage était bien le même. Ses grands yeux n'avaient absolument pas changé. Mignon, pensa distraitement Steve, poing allant se presser contre sa joue pour soupeser sa tête. Ce ne fut que lorsqu'il remarqua que sa date d'anniversaire était en mai –et que la date approchait- qu'il se rendit compte de l'adjectif qu'il avait attribué à Eddie Munson.
Mignon. Merde. Il sentit le rouge lui monter aux joues et il refusa catégoriquement de jeter un coup d'œil vers la section Horreur et tomber sur Eddie.
Bordel, il était mal barré. Vraiment mal. Il ne pouvait pourtant pas ignorer l'agitation de son cœur lorsqu'il avait remarqué que c'était Eddie qui venait d'entrer au vidéoclub, ni ignorer le sourire qu'il avait senti se glisser sur ses propres lèvres quand il était arrivé jusqu'au comptoir, le genre de sourire béat que Steve pouvait avoir sans s'en rendre compte et qu'il utilisait aussi parfois inconsciemment pour draguer. Et comment oublier aussi le MIGNON qu'avait hurlé son esprit en voyant la photo d'Eddie Munson ? Juste en voyant ses yeux.
L'attente parut interminable avant qu'Eddie ne revienne jusqu'au comptoir -vraiment à reculons le pauvre semblait vouloir s'enterrer, devant Steve il perdait totalement son excentricité habituelle depuis ce qu'il lui avait avoué dans l'Upside Down- tandis que Robin prenait soin de rester en retrait, prétextant vérifier plus longuement que prévu l'emplacement des cassettes.
Eddie déposa peut-être un peu trop brutalement la cassette catégorie R devant Steve. Un film d'horreur que n'avait évidemment jamais vu Steve -mais qu'il avait rembobiné plus d'une fois- au nom de Dressed to Kill. Steve scruta un instant la jaquette dévoilant une paire de jambe ultra féminine et aguicheuse, aux talons aiguilles, l'action de la jeune femme étant de retirer lascivement son collant.
Durant l'espace d'une seconde Steve se demanda si Eddie n'avait pas fait exprès de choisir le film pour cette jaquette comme pour espérer laver les propos qu'il avait énoncés avant de partir ralentir Vecna. Néanmoins, il n'eut pas le temps de réfléchir plus longtemps puisque Eddie prenait la parole, fouillant dans la poche de sa veste en jean noire :
« Combien j'te dois, mec ? 4$55 ? »
« C'est 3$82, t'es devenu un régulier ici, la remise de 15% s'applique, » lui répondit Steve en levant la tête vers lui.
Mais Eddie refusait ostensiblement tout contact visuel ce qui tirailla le cœur du Harrington. Durant un court instant, l'image d'Eddie Munson tout sourire, pétillant de vie, armé de sa guitare dans le garage de Gareth à chanter jusqu'à s'époumoner lui revint à l'esprit et Dieu qu'il aurait voulu revoir ça. Ou simplement un sourire de sa part. Ou même un rire. Le même style de rire qu'il avait eu plus d'une fois avec Dustin et les autres.
« Je suis parti en coup de vent la dernière fois chez ton pote Gareth, » renchérit rapidement Steve alors qu'Eddie sortait pièces et billets de sa poche. « J'ai pas pu te faire un vrai feedback. C'était vraiment top, je n'aurais jamais imaginé, tu es doué. »
C'était peu dire, il aurait voulu ajouter d'autres détails sincères, mais rien qu'avec ce qu'il venait de sortir, il se sentait plus anxieux. Le genre d'anxiété qu'il avait toujours eu à l'époque lors de ses premiers rendez-vous amoureux. Pathétique.
« Ouais, » fut la réponse d'Eddie qui déposa l'argent près de la cassette.
« Je suis sérieux. »
Est-ce qu'Eddie pensait qu'il disait cela pour lui faire plaisir ? Par pitié ?
Et enfin, Eddie Munson leva les yeux vers lui. Les mêmes yeux que Steve avait trouvés mignon sur la photo, pourtant cette fois-ci bien plus vivants que sur un cliché photo. C'était une évidence maintenant pour Steve Harrington. Lorsqu'Eddie Munson n'était pas dans une phase surexcitée ou sous la défensive -alias le moment où il avait menacé Steve avec une bouteille brisée-, il était mignon. Extrêmement mignon.
Il avait envie de revoir ce visage, encore et encore. Le voir à nouveau sourire, mais aussi déblatérer tout un tas de trucs fous. Il souhaitait se rapprocher d'Eddie. Juste… voir où le menait son cœur. Sentir à nouveau la chaleur qu'il ressentait à présent. Ressentir cette douce euphorie. Et avant même qu'il ne puisse réfléchir, avant même qu'Eddie ne tourne les talons et quitte le vidéoclub avec sa cassette vidéo louée, Steve se lança :
« Au fait euh… Samedi pro', il fait super chaud d'après la météo. La piscine de Hawkins n'est pas encore ouverte et puis… pas comme si j'allais y retourner mais bon. Bref, la mienne est chauffée et mon père l'a nettoyée le week-end dernier, » il se gratta alors nerveusement la nuque, cette fois-ci c'était lui qui fuyait les yeux soudain surpris de l'autre garçon. « J'ai invité Dustin et son groupe. Enfin, ils se sont invités en réalité. J'ai invité après pour ma part, Nancy, Jon' et Robin. S'tu veux y'a bien assez de place. »
Le silence qui suivit fut source d'angoisse intense pour Steve qui pourtant, n'avait fait qu'inviter un ami à la maison, avec déjà bien d'autres invités. Il osa jeter un bref coup d'œil vers le concerné qui paraissait totalement pris de court par l'invitation, mains figées contre la cassette posée sur le comptoir. Mais cette surprise fut rapidement éclipsée par une certaine ombre qui était retombée sur l'expression d'Eddie.
« J'ai un tas de truc à faire samedi, » lui répondit-il en récupérant la cassette, sa main libre tripotant nerveusement la clé de son van. « Je passe mon tour. »
Steve ouvrit la bouche pour répliquer -il ne savait pas du tout quoi- lorsque Robin arriva comme une fleur, se jetant presque contre le comptoir à côté d'Eddie, lui offrant un petit coup de coude contre le bras. Eddie sursauta à sa venue alors que la jeune femme souriait de façon toute innocente :
« Allez, Eddie, viens aussi ça sera sympa ! Tu n'es pas venu la dernière fois chez les Byers. Regarde-moi ce teint tout pâle ! » elle tapota deux fois la joue d'Eddie à l'aide de son index avant que le métalleux ne recule un peu sur le côté. « Ça fera super plaisir à Dustin et les autres. Moi aussi, t'as l'air d'un mec cool, ça serait chouette de faire un peu plus connaissance, tu crois pas ? »
Robin lui adressa un large sourire à l'aide de toutes ses dents. Steve quant à lui, remarqua à peine qu'il avait retenu son souffle.
« Ton insistance me pousse à penser que c'est juste un traquenard pour me couler dans la piscine, » indiqua Eddie à présent très soupçonneux à leur égard. « Pour me faire payer d'avoir noyer un des walkie ou pour avoir perdu le pull de Harrington… Ou même d'avoir arraché le rétroviseur de la caisse de Wheeler avec mon van… »
« Je plaisantais quand j'ai dit vouloir te tuer pour avoir abandonné mon pull je ne sais où, » glissa Steve l'air de rien.
« Son altesse a l'air pourtant d'être très attaché à son apparence et ses vêtements, » reprit Eddie en lui jetant un petit regard amusé.
« Là par contre j'ai très envie de te tuer. Viens samedi sans faute s'il te plaît, y'a les bois derrière pour y cacher ton cadavre, » rétorqua Steve en lui offrant une expression digne d'un psychopathe.
Et là, Eddie Munson rit. Le cœur de Steve chavira sous le son et il ne vit pas le regard semi attendrit de Robin lui étant destiné.
« Pour ton pull je sais sincèrement pas où j'l'ai lancé avant de plonger, j'étais tellement à deux doigts de me pisser dessus, » reprit ensuite Eddie qui avait déposé sa main contenant la clé de son van contre le comptoir, ses yeux hésitant encore à croiser ceux de Steve. « C'est bien dommage, c'était l'une des seules fringues qui t'allaient pas trop mal. »
« Tu es plus agaçant que Dustin, toi, » lâcha Steve en se penchant en avant pour rapidement pousser amicalement l'épaule d'Eddie. « Je suis l'élégance même. »
« Hormis à Scoops Ahoy, » glissa Robin à demi avachie sur le comptoir, paraissant se délecter de l'échange entre les deux garçons.
Eddie rit à nouveau à cela ayant ignoré la petite tape de Steve.
« J'espère vraiment que vous avez encore les costumes, » leur supplia presque Eddie. « Ou des photos. »
Steve osait espérer que tout Hawkins ne l'ait pas vu dans cet accoutrement ridicule mais au vu de la réaction d'Eddie, il avait dû probablement le croiser dans le centre commercial. Dans ses souvenirs, Steve ne se remémorait en tout cas pas l'avoir vu passer les portes de Scoops Ahoy. Après tout, comment pouvait-il en être si sûr, il était trop occupé à gérer la bande de gosses qu'était Dustin et ses amis, à draguer le plus de nanas possible ou à trouver les meilleures répliques pour répondre aux piques incessantes de Billy Hargrove quand il venait l'emmerder.
« Tout est au feu, » répondit Steve dans un grognement. « Rien que de penser à cette période, j'en ai des frissons d'horreur. »
« Niveau photo, j'ai un polaroïd de Steve se servant une glace en cachette lors d'une fermeture, » ajouta Robin avec un petit sourire en coin à l'adresse d'Eddie. « Ça pourrait surement t'intéresser. »
« Robin ! » s'exclama aussitôt Steve, rouge. « Tu m'avais juré ne plus avoir cette photo ! »
« J'ai croisé les doigts et j'étais bourrée. Comment as-tu pu croire ce mensonge une seule petite seconde ? »
Ce n'était pas qu'Eddie Munson que Steve allait noyer dans sa piscine, mais Robin Buckley allait aussi faire partir du lot. Eddie quant à lui ricana de façon presque démoniaque et s'adressa à la jeune femme :
« OK je viens samedi, si et seulement si tu ramènes ce cliché. On en fera un autel dans le sous-sol des Wheeler, avec des bougies, des bols de sang, des crucifix. »
« Assurément ! » lui répondit la concernée avec un petit clin d'œil joueur.
Steve s'empara des prospectus indiquant les promotions pour les réguliers du vidéoclub et frappa le crâne de deux zigotos qui ricanaient en chœur.
« Ça suffit vous deux ! Je déteste cette coalition ! » s'exclama-t-il, le rouge aux joues.
Robin feignit un air choqué suite au coup des prospectus qui l'avait complètement décoiffé et Eddie rit doucement, son regard s'attardant jusqu'à Steve.
« À samedi, Harrington, » lui fit-il donc.
Bon sang, la main d'Eddie si proche de la sienne contre le plateau en bois. Cette main capable de faire des merveilles avec une guitare. Cette main aux bagues excentriques. Steve voulait la toucher. La serrer. Il était vraiment dans la merde et il espérait n'avoir pas été trop long à scruter cette main.
« Ouais, à samedi mais j'aurais déjà assassiné Robin et bouffé la photo avant, sache-le. »
Pour toute réponse, Eddie lui sourit légèrement et même si Steve parvint à lire comme une lueur d'inquiétude dans les yeux du jeune garçon, il fut heureux de voir l'attitude d'Eddie changée depuis son arrivée au vidéoclub. Récupérant la cassette, Eddie lança les clés de son véhicule, les rattrapa adroitement et leur fit un bref signe de la main tout en regagnant la porte.
Les deux salariés de Family Video restèrent un instant silencieux à voir Eddie à travers les fenêtres, monter dans son van et démarrer brusquement pour quitter le parking dans une conduite totalement métal.
Ce fut Robin qui ouvrit la bouche la première, Steve ne se rendant pas compte qu'il s'était perdu dans une très profonde réflexion :
« Eh bien, c'est un premier pas avant le rencard. »
La seconde qui suivit, Robin reçut tous les prospectus à la figure.
Futur chapitre : piscine chez les Harrington ;) Eddie va-t-il survivre à ça ? mouhaha.
Kiss
