_
Chapitre 2
A la recherche d'Eddie Munson
_
22 mars 1986 – Vidéoclub Family Video
Steve était amusé à l'écoute de Robin, cette dernière déblatérant tout un tas de pensées à l'égard de Vickie –le nouveau crush de sa collègue, ça il en était désormais certain-, sans pour autant délaisser leur poste. Cassettes vidéo dans les bras, ils réarrangeaient le magasin de location tout en discutant comme la plupart du temps, de potins, de vieilles anecdotes, de l'actualité de la petite ville et bien souvent, ne se faisait pas prier pour « bitcher » un peu. Il fallait bien s'occuper !
« Je suis un cas désespéré, » soupira finalement Robin en allant presser son dos contre l'affiche épinglée sur le mur derrière elle, les yeux se perdant dans le vague.
Un tiraillement vint s'emparer du cœur de Steve, mais il ne sut pas tout de suite si cela était dû à l'état de souffrance mentale que présentait son amie ou par le statut actuel de sa vie amoureuse à lui. Sans attendre, son dos vint lui aussi se presser lourdement contre l'affiche, près de la jeune femme, tout en lâchant un « moi aussi », aussi dépité qu'elle.
Concrètement, sa vie sentimentale était un bordel sans nom, il n'arrivait pas à réfléchir, trop effrayé de voir ce qui en ressortirait. Il s'efforçait pourtant de rechercher l'amour en sortant avec diverses filles de Hawkins, étant assuré qu'un jour il finirait par trouver la bonne –ce qui était nettement plus facile quand on ne portait pas l'uniforme attiré de Scoops Ahoy-, mais cela c'était révélé bien plus complexe que prévu.
Robin détailla un instant son homologue des yeux puis joint le bout de ses doigts qu'elle entremêla doucement, lueur espiègle dans ses yeux.
« Si seulement on pouvait fusionner, » dit-elle de façon très sérieuse.
Haussant à sourcil, Steve se demanda à nouveau ce que sa collègue pouvait avoir en tête. Depuis juillet dernier, ils avaient participé à deux soirées d'anciens élèves de Hawkins –même si ce n'était clairement pas la tasse de thé de Robin, mais cette dernière avait accepté plus par pitié pour Steve qu'autre chose- et finalement, même ayant été lamentable, avaient essayé à deux de « pécho ». Cela avait été plus drôle qu'autre chose, avait-il concédés tous les deux le jour d'après.
Et puis, à l'une de ces deux soirées, Billy Hargrove s'y était rendu lui aussi, à sa grande surprise.
« Pourquoi est-ce que tu le scrutes comme ça ? Les filles sont là-bas, près de la table de ping-pong, » lui avait fait Robin en lui offrant un coup de coup contre son bras pour le réveiller.
« Je ne le scrute pas, » s'était soudainement réveillé le Harrington, passant une main nerveusement dans ses cheveux.
« C'est ça, à d'autres. T'en fais pas, Hawkins est tranquille, il ne va pas perdre la boule et tout foutre sens dessus dessous. »
Robin avait insinué qu'il avait encore peut-être des aprioris à propos de la sainteté d'esprit de Billy Hargrove suite à sa possession. Peut-être avait-elle aussi un peu peur, encore ? Steve ne le sut pas trop sur le coup, mais n'y avait jamais trop attardé son esprit puisque assez rapidement en fin d'année, suite aux visites assez habituelles du Californien à Family Video, Robin ne paraissait en rien le craindre, et comme la Robin qu'elle était, s'amusait bien à être d'un sarcasme cinglant envers lui. Sarcasme que lui rendait très bien Billy et ils s'en amusaient tous les deux.
Certes, leur relation s'arrêtait là, Steve n'était même pas sûr qu'il pouvait les considérer comme étant amis tous les deux, mais ils étaient au moins connaissance et ne se tapaient pas l'un sur l'autre.
Et donc, durant la soirée, Robin pensait sincèrement que Steve craignait encore Billy. Alors que la raison pour laquelle Steve avait eu ses yeux englués jusqu'à lui quelques secondes plus tôt n'avait rien à voir que tout cela.
« Je suis juste surpris de le voir si rapidement être… lui-même ? » avait-il répondu en haussant les épaules, le ton assez fort pour se faire entendre sous la musique. « Il y a deux semaines, il était encore à l'hosto. »
Mensonge, mensonge, mensonge. En réalité, Steve avait fini par être habitué à voir Billy alité ou en tenue de patient d'hôpital –oui il était allé plusieurs fois le voir avec Max, puis parfois, seul, juste pour… discuter de tout et de rien ?- et le voir tout pimpant ce soir était surprenant. Certes ! Mais en plus de tout cela, le cœur de Steve s'était mis à s'accélérer dangereusement. Comme les fois où l'été dernier, Billy venait à Scoops Ahoy pour venir l'ennuyer comme il aimait si bien le faire, pressant un bras sur le comptoir de l'échoppe de glace et-… Non Steve avait s'était offert une claque monumentale à cette pensée.
Et Robin ne l'avait pas plus questionné sur le sujet, occupée à examiner avec fort intérêt les filles qui riaient joyeusement autour d'un bière-pong. Heureusement.
« Fusionner ? » répéta donc Steve en se reconnectant pleinement sur le moment présent.
« Réfléchis, » renchérit aussitôt sa collègue de travail. « Je sais ce que je veux. J'ai trouvé la fille de mes rêves mais je flippe à l'idée de l'inviter, » puis elle reporta un regard appuyé vers Steve. « Alors que toi, t'as plein de rencard mais tu sais pas ce que tu veux. »
Le sang de Steve ne fit qu'un tour mais il se contenta de simplement hocher la tête, bras croisés contre sa poitrine. Bon sang, les paroles de Robin étaient aussi violentes qu'un poing de Billy Hargrove en plein visage. Une petite voix intérieure lui sifflait en boucle de rester focalisé sur la conversation et ne surtout pas creuser un peu les potentiels sous-entendus de la jeune femme.
De toute manière, sous-entendus ou pas, quelque chose était bien réel dans les propos de la jeune femme.
« Si on fusionnait, tous nos problèmes seraient résolus ! » insista-t-elle, illumination dans ses yeux bleus pétillants. « Parce que seuls, franchement… »
Il aimerait sincèrement pouvoir faire la paix avec son cœur, et comme Robin, savoir précisément qui était la personne lui étant destinée. La personne pour laquelle il avait un véritable crush, de l'électricité véritable… Il aimerait pouvoir le dire tout haut. Pouvoir assumer. Mais non, non. La solution de toute cette fichue histoire devait être au bout du tunnel. Robin finirait par trouver une fille intéressée elle aussi par les filles et Steve rencontrerait la femme de sa vie parmi les rencards qu'il enchainait.
« On est nazes, » ajouta Robin en reportant son regard vers son collègue, sourire épuisé sur les lèvres.
« Carrément, » lui répondit Steve en soutenant alors son regard.
Oui, il fallait regarder la vérité en face. Ils étaient tous les deux vraiment nazes. Complément sans espoir. Steve retint un soupir, ses yeux se perdant dans le vide. Mais à son grand bonheur, il ne put se plonger dans d'intenses réflexions qui lui infligeait un réel supplice, puisque Robin s'exclama soudain :
« J'ai trouvé notre film ! »
Et ni une ni deux, elle avait déjà quitté sa position épaule contre Steve pour s'élancer jusqu'au bout du vidéoclub et intercepter une cassette qu'elle pressa vivement contre elle, comme si cela était son nouveau-né.
« Le Docteur Jivago ! »
« Pas une double cassette ! » se renfrogna aussitôt Steve.
Au moins, les idées saugrenues de Robin avaient don de briser ses tourments et l'aider à respirer un peu. La jeune femme s'empressa de retourner jusqu'au comptoir tout en offrant un tas de louange à Julie Christie l'actrice du film qu'elle trouvait hautement canon.
Néanmoins, au moment où Robin alluma la télévision, elle fut prise d'un temps d'arrêt et en oublia le Docteur Jivago, ses yeux rivés vers l'écran qui présentait l'actualité sur Channel 9. Steve se rapprocha lui aussi, ayant un très mauvais pressentiment. La présentatrice venait tout juste d'annoncer qu'un élève de Hawkins avait été retrouvé mort aujourd'hui.
Ils écoutèrent les explications de la présentatrice quelques secondes avant que la porte du vidéoclub ne s'ouvrent vivement derrière eux. Robin, qui s'était assise sur le tabouret derrière le comptoir, fut la première à hausser les sourcils en voyant arriver trois têtes familières. Max et Dustin qui trottinaient déjà jusqu'à eux et…
« C'est fou, » lâcha Steve en se tournant vers Dustin, ayant reconnu son pas. « Un meurtre, vous-… »
Mais le brun se coupa net en voyant que l'ex-collégien était non pas seulement accompagné de Max, mais par Billy Hargrove, tous trois visiblement pas ici pour rigoler. C'était bien la première fois que Billy se pointait ici sans avoir pris plus de cinq minutes dans la salle de bain pour bien se coiffer et choisir stratégiquement ses vêtements. Il paraissait tout aussi essoufflé que les gamins et semblait ne pas être passé par la case salle de bain ce matin.
Ce n'était pourtant pas ce qui empêcha Steve de lorgner un instant sur le cou dégagé de Billy, là où se trouvait les prémices des cicatrices laissées par le Mind Flyer, agrémenté de gouttes de sueur dues à il ne savait quelle urgence.
« Vous avez des téléphones ? » s'exclama Dustin aussitôt, sans même un bonjour.
Steve quitta automatiquement Billy des yeux pour reporter son regard jusqu'au gamin –plus si gamin que cela, gosh que le monde grandissait-.
« Combien de téléphones vous avez ? » insista alors Dustin qui décrétait surement que Steve et Robin avaient été trop long à répondre.
« Deux, pourquoi ? » lui répondit finalement Steve tout en machinalement replaçant correctement ses cheveux qu'il savait probablement en désordre suite au rangement des cassettes un peu plus tôt.
« Trois avec celui de Keith, » ajouta Robin elle aussi, intriguée par l'arrivée du petit troupeau. « Dans l'arrière-boutique. »
À cette réponse, Max hocha la tête et lança un « ça peut marcher » avant que Dustin n'acquiesce et fasse glisser son sac sur le comptoir de Family Video.
« Hey, tu fais quoi ?! » s'exclama aussitôt Steve qui sentait déjà le début des embrouillées.
Et en effet, les embrouilles commencèrent. Dustin sauta par-dessus le comptoir, éjectant tout un tas de cassettes ce qui eut donc d'éveiller instantanément les deux employés de Family Video.
« J'installe le Q.G. ici, » indiqua alors calmement Dustin derrière les explicitations des deux jeunes adultes.
« Le Q.G. ?! » s'étrangla presque Steve alors que l'adolescent s'emparait déjà du clavier d'ordinateur.
Il se retourna alors vers Billy qui était resté derrière le comptoir, silencieux, mais aux traits tirés. Steve lui lança un regard interrogateur, espérant qu'il puisse l'éclairer un peu mais le Californien se contenta et désigner Dustin d'un geste de la tête :
« Écoute le gosse. On a peut-être un problème. »
Steve fronça aussitôt les sourcils et se tourna vers Dustin qui pianotait sur l'ordinateur du vidéoclub. Si Keith les voyait, ils étaient finis. Surtout un samedi, là où l'affluence était à son apogée.
« Pourquoi as-tu besoin de l'ordinateur ? » l'interrogea donc Steve, complètement dépassé.
« Les amis d'Eddie. »
Eddie ? Avait-il bien entendu ? Eddie Munson ?
« Ton copain plus cool que moi parce qu'il joue à un jeu ? » ironisa donc Steve et il jura entendre Billy ricaner légèrement derrière lui.
Alors que Robin répétait une énième fois à Dustin qu'il ne pouvait pas débouler ici quand bon lui semblait, Billy arrivait derrière le comptoir avec eux, paquet de chips entre les mains qu'il avait récupéré dans le vidéoclub sans la politesse de payer, mais Steve n'était vraiment plus à ça près aujourd'hui. Au moment où Billy croquait dans la première chips tout en tentant de garder une expression calme malgré la raideur des muscles de son cou et des traits de son visage, Dustin perdit lui aussi patience :
« Tu peux leur expliquer ? » lâcha-t-il à l'adresse de Max.
« Expliquer quoi ? » répondit Robin en se retournant vers la petite troupe, elle aussi au bout de sa vie.
Max s'humecta les lèvres, chercha un instant par où commencer et machinalement, Steve vint fourrer une main dans le paquet de chips de Billy, espérant que quelques chips puissent être un assez bon remontant suite à ce qu'il allait entendre. Billy lui lâcha un bref « fait gaffe t'en fou partout sur mon t-shirt » avant que Max se décide à tous expliquer : Chrissy Cunningham chez Eddie, Chrissy Cunningman sans vie dans le mobil-home d'Eddie d'une façon loin d'être naturelle, Eddie et sa fuite, effrayé et enfin la cuiseuse coupure de courant chez elle.
Une fois le récit terminé, chacun était résolu à mettre cette histoire au clair. Cela était bien plus simple de raconter une histoire aussi saugrenue à des personnes ayant déjà vécu tant des choses étranges à Hawkins. Il y avait moins de débat inutile et plus d'initiatives. Même si ça n'enchantaient en rien Robin et Steve d'apprendre que quelque chose d'anormal se produisait peut-être encore une fois sous leur nez, ils furent décidé à retrouver Eddie Munson.
Comme disait Dustin, seul lui pouvait mettre un terme à leurs interrogations.
« Je sais qu'il n'a tué personne, » affirma le l'ex-collégien.
« Il a beau avoir l'air d'un timbré, j'suis persuadé qu'il n'aurait pas été capable de tuer, » ajouta Billy, tenant pensivement une chips près de ses lèvres. « Surtout une fille de la trempe de Chrissy. Quel gâchis. »
Les propos de Billy firent réagir chacun de façon bien différente. Dustin haussa aussitôt le ton pour affirmer qu'Eddie n'était pas timbré, Robin acquiesça légèrement, consciente que Chrissy avait été vraiment mignonne étant d'un an sa cadette et Steve sentit une petite pointe de jalousie suite au quel gâchis. Seule Max ignora son demi-frère, s'emparant déjà d'un des téléphones.
La mission était simple. Trouver un contact connaissant Eddie et retrouver le lycéen pour avoir une longue discussion en perspective avec lui. Robin récupéra le téléphone de Keith qui n'était pas là aujourd'hui à leur grand soulagement et ils s'attelèrent à la tâche. Puisque quelqu'un devait continuer de faire tourner le business, Steve s'occupait des clients, et Billy laissa faire les trois autres en terminant le paquet de chips.
Max l'obligea finalement à prendre note et rayer chaque numéro qu'on lui indiquait n'étant d'aucune utilité pour la résolution de l'affaire.
« Je dois aller fumer, » avait tenté Billy qui n'avait aucune envie de jouer la secrétaire.
« Non, tu prends ce fichu crayon et tu sers un peu à quelque chose, » avait insisté la rouquine après avoir déposé bruyamment un pauvre crayon à papier et Steve se demanda par quel miracle elle ne l'avait pas brisé en deux.
« Je suis là pour l'action, pas l'enquête, » s'était alors plaint Hargrove, pourtant en s'emparant du crayon martyrisé.
Max avait levé les yeux au ciel à ses propos et Steve avait ricané à l'idée. L'envie d'aller récupérer sa batte de baseball toujours cachée précieusement dans le coffre de sa voiture depuis l'hiver 84 le titillait un peu.
Voilà comment se déroula la première partie de l'enquête intense. Steve tentait tant bien que mal à gérer la clientèle et se mettre à jour auprès de ses mais quant à l'avancée de la situation, tout en prenait un peu de temps pour discuter avec Billy –en un sens, essayant de percer un peu sa coquille et voir si la situation n'était pas pour lui un vrai calvaire intérieur au vu de ce qu'il avait vécu l'été dernier-.
Durant l'heure qui passa, Steve parvint même à se faire rembourser le paquet de chips que Hargrove avait chipé à l'entrée.
Puis, lorsqu'une masse de client plus importante arriva, Robin légua son téléphone à Billy pour venir en aide à Steve. Quand elle eut passé les commandes au Californien bougon, Robin se rapprocha de Steve qui finissait d'encaisser la dernière cliente : une jeune femme probablement dans ses âges aux cheveux bruns et bouclés. Attendant que la cliente ait quitté les lieux, Robin se permit un petit temps de répit et offrit un léger coup de coude à son fidèle équipier.
« Eh bien, Dingus ? Hier encore tu aurais accosté cette nana en lui proposant le film d'amour le plus navrant du monde pour ensuite lui offrir un clin d'œil ringard et te lancer dans un discours stupidement énamouré. »
Steve déposa la dernière cassette sur la pile près du bocal à bonbons et sourit légèrement à l'insinuation. Était-il réellement si désespéré que ça ?
« Peut-être parce que mon cœur est pris par Heidi, » lâcha-t-il sans trop réfléchir.
Et pourtant, il y en avait eu des jeunes filles qui étaient passées à Family Video depuis ce début de matinée. Mais rien n'avait été tenté de la part du Harrington à la grande surprise de Robin qui avait fini par être habituée par son manège futile.
« Ou peut-être parce que tes yeux était trop englués sur Hargrove, » ricana-t-elle, plus pour la plaisanterie qu'autre chose.
Sauf que, Steve Harrington ne fut en rien subtil et l'insinuation de sa collègue le fit paniquer aussitôt. Il se retourna vivement vers elle, manquant de renverser à nouveau la pile de cassettes qu'il avait enfin triées une seconde fois :
« Va rien t'imaginer, Buckley ! »
Peut-être n'était-ce pas la meilleure des réactions à avoir car finalement quelque chose s'illumina dans les yeux de sa collègue, ses sourcils se haussant et au moment où elle ouvrit la bouche, par on ne sait quel miracle, la voix de Billy s'éleva :
« Alors les parents Buckley ont apprécié leur nouveau gendre ? »
Le Californien venait de raccrocher le téléphone, n'ayant apparemment rien apporté de plus au petit groupe, mais visiblement plus intéressé pour discuter potins. Robin referma automatiquement sa mâchoire et Steve se rappela avoir en effet indiqué hier qu'il avait un repas avec les Buckley. Et évidement la réaction du faux couple ne se fit pas attendre, tous deux levant les yeux au ciel de façon exagérée, ce qui fit rire le blond.
« Ok, Ok, j'arrête. Vous êtes vraiment facile à faire chier, c'est fou, » s'amusa bien Billy en allant récupérer le combiné téléphonique pour continuer sa sérieuse mission.
Steve lui lança un regard mauvais et Robin fit de même, mais ne s'attarda pas sur la situation, scrutant ensuite son collègue, curiosité pétillant dans ses yeux bleus.
« J'ai peut-être une piste, » déclara soudain Max, premier sourire sur les lèvres que vit apparaitre Steve depuis l'arrivée de la rouquine dans le vidéoclub.
Tout de suite bien intéressés par les propos de la rouquine, chacun coupa court à leurs occupations.
« C'est vrai ? » s'égaya Dustin.
Billy assit lui aussi sur un tabouret près de Max qui s'était levée, leva sa cigarette à ses lèvres prêt à l'allumer tout en écoutant la petite histoire, mais Steve lui arracha la clope roulée des doigts.
« Fume pas ton shit ici, » l'interrompit-il en privant le Californien de sa petite pause clope, la fourrant dans le fond de la poche de son jean.
Billy allait répliquer quelque chose, briquet toujours dans sa main droite, Max les ignora royalement et énonça le nom de Rick la fumette. Le seul hic, c'est que personne ne connaissait son emplacement et qu'il dépendait presque de la légende. Vraisemblablement un dealer de drogues. Steve proposa alors de mettre la police au courant et à peine Dustin eut compris que son ami n'était pas entièrement persuadé de l'innocence d'Eddie, que le Henderson le sermonna :
« On essaie de prouver qu'il n'est pas coupable ! Peut-être qu'on y arriverait plus vite si tu arrêtais un instant de papoter chiffon et cuisine avec Billy depuis le début de l'opération. Et passer plus de temps à chercher Eddie ! »
Prenant un air totalement outré, Steve resta un instant sans voix. Billy de son côté ne parut pas réellement touché par les propos du gosse et se contenta de rire de façon diabolique tout en tournant lentement sur lui-même, assis sur le tabouret.
« Je suis pratiquement certaine qu'il n'y a pas cuisine dans l'expression parler chiffon, mais soit, » glissa Robin pour ensuite se mordre la lèvre inférieure, dissimulant un certain sourire que Steve ne pouvait pas louper.
Il sentait qu'il allait avoir une longue conversation avec sa collègue.
« Et puis il faut bien que quelqu'un s'occupe des clients, hein ? C'est-à-dire MOI depuis l'installation du Q.G. ici, » insista donc Steve en pressant ses coudes contre le comptoir qui le séparait du petit groupe. « On a un très large choix de cassettes et les gens ont du mal à s'y retrouver. »
La réaction de Robin ne fut pas du tout ce à quoi il s'attendait. Les yeux de la jeune femme s'illuminèrent soudain et après un bref : « oui c'est vrai ! » s'était déjà retournée vers l'ordinateur. Elle avait eu raison de penser que le fameux Rick la fumette pouvait être aussi un client tout à fait lambda de leur petit vidéoclub et rapidement le groupe finit par débusquer leur homme : Rick Lipton au 2121 Holland Road, tout proche du Lover's Lake.
Ni une ni deux, le pick-up de Billy et le BMW de Steve furent démarrées, sans oublier une remarque de Dustin quant au sticker sans goût fermement fixé à la carrosserie bordeaux.
.
22 mars 1986 – Lipton's house, Holland Road
Lorsque les deux véhicules prirent stationnement près du mobil-home du prétendu Rick la fumette, la nuit était déjà tombée sur Hawkins. En sortant de sa BMW, Steve inspecta les lieux, main contre l'encadrement de la vitre de sa voiture et il put entendre les légers clapotis de l'eau du lac ainsi que le vent doux du début de printemps dans les feuilles des arbres tout autour. Il appréhendait déjà de trouver Eddie Munson et d'avoir son explication. Comme disait les personnages emblématiques de la saga Star Wars, il avait lui aussi un mauvais pressentiment. Mais il fut tiré brutalement hors de ses pensées lorsque Dustin appuya sans douceur une lampe torche contre son torse.
Il était temps d'enquêter.
La première chose logique que fit Dustin, ce fut de presser la sonnette en espérant que quelqu'un vienne ouvrir alors que Billy au contraire, était déjà en train d'épier le moindre mouvement à travers la vitre poussiéreuse, son faisceau lumineux éclairant l'intérieur.
« C'est réglé, il n'est pas là, est-ce même étonnant ? » lâcha Steve après plusieurs sonneries.
« Eddie ! C'est Dustin ! » s'époumona Dustin, espérant toujours avec force que son ami était dans les parages.
Steve eut beau intimer au collégien de ne pas crier, rien ne semblait pouvoir l'arrêter et Steve leva les yeux au ciel. Avec d'un côté, Dustin qui criait alors que la nuit était tombée, dans un coin peu recommandé de Hawkins et de l'autre, voir Robin et Billy scruter l'intérieur du salon avec le visage à un petit centimètre des vitres, Steve Harrington ne savait plus réellement où donner de la tête.
« C'est un pied ? » lança soudain Dustin en pointant du doigt une ombre derrière la vitre de la porte.
« C'est une chaussure, Dustin… » fut la réponse désespérée du Harrington.
« Les gars, venez voir ! » s'exclama alors Max qui se tenait un peu plus loin d'eux, lampe torche dirigée vers l'arrière de l'habitacle.
Le petit groupe ne fut pas long à la rejoindre pour alors apercevoir un petit entrepôt à quelques pas, les arbres l'entourant avec menace, ampoule éclairant la petite porte menant à l'intérieur.
« J'ai besoin de ma batte, » marmonna Steve, fixant la porte en question, loin d'être confiant.
« A moins que tu ne l'ais dans ta caisse, tu vas devoir faire sans, pretty boy, » lui fit remarquer Billy juste avant d'entreprendre sa route jusqu'à l'abri, Max en tête.
Steve lâcha un bref ricanement qui s'envola dans le vent. S'il savait que oui, Steve avait bien toujours sa batte de baseball cloutée dissimulée dans le coffre de sa BMW depuis sa rencontre avec les Demodogs, il le prendrait pour un maniaque. Mais voyant que personne n'avait l'air de se soucier à l'idée de s'armer contre une potentielle menace que pouvait être Eddie Munson, Steve jeta l'idée mais avant de les suivre, il croisa le regard insistant de sa collègue de travail.
« Quoi ? » lâcha-t-il malgré lui.
Robin plissa un instant les yeux, dirigeant sa lampe torche jusqu'au visage de Steve qui grogna puis elle s'approcha d'un coup sec, abaissant alors le faisceau lumineux sous leurs mentons.
« Ai-je été aveugle durant tout ce temps, ainsi que dupée, Dingus ? » lui chuchota-t-elle, ses grands yeux bleus plongés avec grand sérieux dans les siens, quelque peu tremblants.
« De quoi est-ce que tu me parles, Rob' ? » fut la simple réponse du concerné qui se penchait presque en arrière pour mettre une distance de sécurité entre elle et lui.
La jeune femme jeta un bref coup d'œil vers les trois autres zigotos, ces derniers déjà autour de l'abri à chercher le moindre indice à travers les fenêtres, puis elle reporta son attention vers Steve.
« Holy Shit, Harrington ! » reprit-elle, le ton un peu plus haussé. « Voilà pourquoi tu ne savais pas ce que tu voulais malgré tous tes rencards ! »
Steve pris une expression déboussolée, clignant plusieurs fois des yeux à son encontre. Il voulait lui montrer qu'il ne voyait pas du tout où elle voulait en venir, nier était vraiment si simple. Mais voir Robin –une collègue, amie et confidente- si proche de découvrir une vérité qui le rongeait depuis des semaines, le fit totalement paniquer et il recula brutalement.
Mais aucun des deux ne put continuer cette profonde conversation car la voix de Dustin se fit entendre :
« Qu'est-ce que vous fichez ?! »
Le brun fut le premier à se diriger jusqu'à l'entrepôt, sentant pourtant pertinemment les yeux de Robin fixés jusqu'à lui.
« Quoi, t'as si peur que t'as besoin de moi pour t'ouvrir la porte ? » se moqua Steve à l'adresse de Dustin en arrivant près de lui, le cœur toujours battant.
Levant les yeux au ciel, consterné, Dustin ne répondit pas. Derrière lui, ce fut Billy Hargrove qui prit l'initiative d'ouvrir la porte après avoir inspecté scrupuleusement les alentours.
« Hey, y'a quelqu'un dans ce foutoir ? » lâcha-t-il de sa voix rauque, les faisceaux lumineux des lampes torches allant balayer la pièce.
Le petit groupe y entra un à un, tous concédant que c'était un vrai bazar. Steve lâcha un « quel dépotoir » presque impressionné, la poussière virevoltant devant la lumière de sa lampe. C'était leur dernier espoir pour trouver Eddie. S'il n'était pas ici, c'était retour à la case départ.
En silence, chacun inspecta l'entrepôt, passant près de filets de pêches, de vieilles cannes, des bouées, d'une barque protégée par une bâche. A défaut de ne pas avoir pu récupérer d'arme, Steve s'empara une rame en bois accrochée à l'un des murs pour ensuite piquer d'un geste sec l'objet long contre la bâche en question. Ce mouvement brusque eu don de faire sursauter le pauvre Dustin juste à sa gauche.
« Tu fous quoi ?! » s'exclama le jeune garçon, se remettant à peine de sa frayeur.
Steve continua d'apporter des coups de rame contre l'intérieur de la barque :
« Il pourrait être là. »
« Soulève la bâche ! »
« Fais-le si tu es si courageux ! »
Ignorant les deux idiots, Robin continua son inspection et découvrit des vivres déposés sur une caisse, ce qui l'interpella. Une bière était débouchée, l'autre vide, et les biscuits encore frais.
« Quelqu'un était là, » affirma Max.
« Il nous a peut-être entendu et s'est enfui, » suggéra Robin.
« On l'aurait entendu se carapater en s'approchant, » répliqua Billy qui vint récupérer la bière à moitié remplie pour boire sans gêne une partie de l'alcool.
Puis, Dustin ricana en pointant sa fidèle baby-sitter du bout du doigt :
« Oh vous en faites pas, Steve le retrouvera avec sa rame. »
« Tu te crois marrant, » maugréa Steve qui restait concentré à la tâche. « Mais vu qu'on a tous failli mourir cent fois, je ne trouve pas ça dro-… »
Et soudain un mouvement brusque provint de la fameuse barque. La bâche fut éjectée sur le côté et une ombre se jeta sur Steve. La bouteille en verre contenant la bière que tenait Billy vint rejoindre le sol et se briser alors que Robin et Max se pressèrent d'instinct contre le mur.
Steve poussa un cri partagé entre douleur et surprise et lorsqu'il rouvrit les yeux, il était pressé contre le mur de l'abri par un autre garçon, le verre d'une bouteille brisée juste sous son cou. Un coup vif et il pouvait se vider de son sang dans la seconde, ainsi il tira plus amplement la tête en arrière, son corps tremblant violemment. Même en reconnaissant le visage d'Eddie Munson à quelques centimètres de son visage, il fut loin d'être rassuré. Très loin. Et s'il avait VRAIMENT tué Chrissy ?
« Eddie, arrête ! » hurla Dustin.
« Dégage Munson ! » fulmina Billy juste à côté de l'ex-collégien.
Je tiens à vous remercier pour vos reviews qui font super plaisir :) Faisons vivre à nouveau le Harringrove.
Passez une bonne semaine, kiss!
