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Chapitre 16 : La poursuite
Son coeur lui martèle les côtes mais June refuse de ralentir. Elle a jailli de la demeure de ses employeurs à toute vitesse, propulsée par l'angoisse, et a couru sans se soucier de la direction. Les rues sont désertes à cette heure tardive, mais elle entend encore les voix furieuses des deux gardes romains qui la poursuivent. Ils n'abandonnent pas la course et, frénétiquement, la jeune fille se demande s'ils sont guidés par le son de ses pas et de sa respiration bruyante.
Finalement, au détour d'une avenue, c'est à bout de force que June décide de faire une pause et s'écroule contre le mur. Pliée en deux, une main posée sur le ventre, elle tente de trouver une solution. Courir à l'aveuglette est une perte de temps ; la ville du Mur est loin d'être gigantesque, et sa fuite ne pourra durer éternellement. Par ailleurs, inutile d'espérer que quelqu'un lui vienne en aide et accepte de la cacher, les villageois sont bien trop effrayés par les soldats romains pour risquer leur colère. Bien sûr, June sait qu'elle peut compter sur Elena et Ioena mais refuse de les mettre en danger ; il est hors de question de conduire ses poursuivants jusqu'à leur maisonnette. Mais qu'est-elle supposée faire ? Il lui faut bien avertir quelqu'un, autrement elle disparaîtra de la surface de la terre purement et simplement. Et il ne faut pas compter sur Julia et Paullus pour informer quiconque de son sort.
Ils sont bien trop contents d'être débarrassés de moi, pense June, écœurée.
On la croira morte, probablement assassinée.
C'est tellement courant ici.
Alors qu'en réalité, je serais en train de moisir dans une cellule avec les rats et les cafards pour seule compagnie.
Submergée par la panique, June se force à inspirer profondément.
Réfléchis. Il y a forcément une solution.
Bors et Dagonnet sont les seuls à pouvoir la tirer de ce mauvais pas, mais elle n'a aucun moyen de les contacter. La ville du Mur abrite plusieurs milliers d'habitants, alors comment est-elle censée trouver deux chevaliers en pleine nuit ?
C'est une clameur déchirant le silence qui lui apporte la réponse.
La célébration de Samain !
Il est tard lorsqu'Elena et Ioena passent la porte de la masure. D'un air las, la jeune fille éteint sa torche en la plongeant dans un seau d'eau avant de se laisser tomber sur sa couche. Des milliers de questions se bousculant dans sa tête, elle regarde Ioena faire de même, le visage fermé. La soirée a été agréable et pour la première fois depuis de longs mois, la jeune fille a pu faire le vide dans son esprit et réellement profiter de l'instant présent.
Cependant, elle n'est pas aveugle. Si Samain semble avoir beaucoup d'importance pour Ioena, il est évident que sa signification n'est pas des plus réjouissantes. Qui est cette personne, décédée selon toute vraisemblance, qui semble avoir tant compté pour sa bienfaitrice ? Ioena est une vieille femme, abîmée par le travail et courbée par l'arthrite, que cette sortie nocturne ne fera qu'épuiser davantage. Si elle s'est donné la peine d'y aller, c'est que cela doit être d'une importance capitale pour elle.
- Samain est vraiment une fête magnifique, commente la jeune fille, les yeux mi-clos, en écoutant Ioena se glisser dans son lit. C'est une belle façon d'honorer la mémoire des morts.
- Je savais que cette célébration te plairait. Si tu as passé une bonne soirée, alors je suis ravie.
Après un court instant d'hésitation, Elena décide de poursuivre :
- Vous avez jeté des billes dans le feu. Était-ce pour quelqu'un en particulier ? Quelqu'un de spécial, peut-être ?
En entendant Ioena prendre une profonde inspiration tremblante, la jeune fille maudit sa curiosité. La célébration vient certainement de remuer des souvenirs douloureux, et elle ne fait qu'ajouter du sel sur une plaie qu'on devine à vif. C'est d'autant plus déplacé qu'Ioena a toujours respecté sa volonté de garder son propre passé pour elle et n'a jamais posé de questions.
- C'est en souvenir de mon mari. Et de mon fils. Ils sont morts il y a bien longtemps maintenant, répond-elle d'une voix qui semble lasse.
- Je ne savais pas que vous aviez une famille, murmure Elena, la gorge nouée. Vous ne les mentionnez jamais.
Alors Ioena n'a pas toujours été que la vieille guérisseuse de la ville du Mur, et il y a un jour eu dans sa vie quelqu'un d'autre qu'Elena. C'est presque difficile à imaginer, tant sa bienfaitrice semble habituée à la solitude.
- Tu n'as jamais demandé.
- Vous voulez bien me parler d'eux ? interroge timidement la jeune fille en resserrant ses couvertures autour d'elle.
Il fait froid, et peut-être est-ce dû à cette étrange soirée, mais Elena pourrait presque croire à la présence de ces fameux esprits tant elle se sent observée. C'est stupide, bien sûr, mais cela ne l'empêche pas pour autant de frissonner.
Après tout, il y a des choses bien plus étranges que les esprits, les fantômes et je-ne-sais-quoi encore.
Les voyages dans le temps, par exemple.
- Pas ce soir, Elena. Je suis épuisée, et il est temps de laisser les morts reposer en paix.
Le silence s'installe, et le sommeil gagne la jeune fille. Quelques secondes avant de s'assoupir entièrement, il lui vient à l'esprit que seule sa respiration régulière peut être entendue et que le léger ronflement habituel d'Ioena ne retentit pas.
Balayée par la fatigue, Elena s'endort profondément, rêvant d'une maison tant regrettée et d'une famille abandonnée. Elle aussi est hantée par ses propres fantômes.
June s'est remise à courir, guidée par les rires et joyeuses exclamations provenant des portes de la ville. Comment a-t-elle pu ne pas y penser plus tôt ? Bors et Dagonnet, surtout Bors d'ailleurs, semblent être de bons vivants et de surcroît, ils sont païens. Elle a de bonnes chances de les trouver à la célébration et dans le pire des cas, il vaudrait mieux pour elle d'être arrêtée devant une horde de villageois plutôt que dans une rue isolée. Au moins, tout le monde serait au courant de son sort.
Contrairement à la veille, lorsqu'Elena et June ont découvert les préparatifs de Samain, l'ambiance semble plus modérée. On n'entend plus les braillements des bêtes, qui ont mystérieusement disparu des enclos, et les feux de joie, bien que toujours vivaces, ne s'élèvent plus aussi dans le haut dans le ciel. Seule une petite cinquantaine de personnes sont réunies et on sent bien que la fête touche à sa fin. Les quelques païens restants sont en grande majorité des vieillards, et la plupart se tiennent en procession devant les feux, le visage fermé et l'air humble. Bien que June ne soit pas certaine de ce qu'ils sont en train de faire, il n'y a pas à douter qu'à leurs yeux, c'est de la plus haute importance. Un peu à l'écart, des petits groupes d'hommes visiblement ivres rient et braillent mais, étonnamment, leur comportement est bien plus civilisé qu'à l'ordinaire. Ce sont les piliers de bars qui envahissent chaque soir les tavernes, facilement identifiables de par leurs visages rouges, leurs vêtements sales et leur haleine empestant l'alcool. Cependant, contrairement à d'habitude, aucune remarque grivoise ne fuse et personne ne cherche la bagarre. Même ces ivrognes semblent respecter la célébration de Samain. Ou peut-être la craignent-ils, puisqu'elle est censée marquer le passage du monde des esprits vers le leur, le temps d'une nuit.
Au grand désespoir de la jeune fille, dont le regard scrute la foule, Bors et Dagonnet semblent avoir décidé de ne pas se mêler aux festivités. Le coeur battant la chamade, elle s'arrête en pleine course et se plie en deux, les mains posées sur ses genoux. Le souffle lui manque, elle est submergée par une véritable vague de panique, et plusieurs regards déconcertés se tournent dans sa direction. Manifestement, la détresse suinte par tous les pores de sa peau. Les soldats ne vont pas tarder à la retrouver et, malgré sa répugnance, June ne voit pas d'autre solution que de se tourner vers Elena et Ioena pour éviter un sort terrible. Elle n'a pas le choix, elle doit informer quelqu'un de ce qui se trame.
Pourquoi est-ce que je me retrouve toujours dans ce genre de situation ?
La jeune fille est sur le point de se diriger vers la masure de la guérisseuse lorsqu'une voix vaguement familière l'interpelle :
- Hé, June ? June !
- Quoi ? répond-elle brusquement, exaspérée qu'on puisse vouloir lui faire la conversation à un pareil moment.
Manifestement intimidée, la gamine qui lui fait face recule en levant les mains. Ses grands yeux clairs sont arrondis par cette réaction agressive, et elle semble regretter de l'avoir approché.
Tant mieux, pense June avec froideur, les nerfs aiguisés par la situation.
- Je… je… Tu n'avais pas l'air bien, et comme tu es une amie d'Elena, je me suis dit que… que tu avais peut-être besoin d'aide, bégaie l'adolescente.
Il faut plusieurs secondes à June pour mettre un nom sur le visage qui l'observe avec prudence. C'est Adenor, une des quatre lingères travaillant avec Elena. Elle l'a croisé à plusieurs reprises, lors de ces quelques occasions où elle a pu rejoindre son amie devant le fort à la fin de son service. L'adolescente et elle ne se sont que brièvement saluées mais June garde un souvenir plutôt humoristique d'Adenor ; Elena ne s'est pas privée de lui détailler sa prétendue romance avec Perceval, et la jeune fille l'a cataloguée comme écervelée. À vrai dire, la jeune lingère lui fait penser à ces groupies pré pubères du vingt-et-unième siècle qui baisent le sol foulé par leurs idoles tout aussi ridicules. Seulement voilà, Adenor tombe bien, et elle va peut-être pouvoir lui ôter une épine du pied.
- À vrai dire tu as raison, Adenor. C'est bien ça, tu t'appelles Adenor ? Et tu travailles avec Elena ?
La jeune adolescente hoche la tête avec méfiance.
- Il faut que tu m'aides, enchaîne June d'une voix pressante. Je suis désolée de t'avoir fait peur, mais j'ai de gros ennuis. Tu crois que tu pourrais faire quelque chose pour moi ?
- Bien sûr, répond son interlocutrice, le visage s'éclairant d'un sourire généreux. Les amis d'Elena sont aussi mes amis.
Son expression avenante s'évanouit, certainement gommée par l'angoisse qui se lit sur les traits de June.
- De gros ennuis ? Qu'est-ce que tu entends par de gros ennuis ?
- C'est compliqué, et j'ai besoin de l'aide d'Elena, mais je ne peux pas me rendre directement chez elle. Il faudrait que tu lui transmettes un message de ma part.
- Pourquoi ne pas le faire toi-même ?
- Je te l'ai dit, je ne peux pas. C'est compliqué, mais je crois que je suis suivie, et on pourrait s'en prendre à elle ou à Ioena.
Adenor laisse échapper un petit cri consterné et June serre les dents, fulminant intérieurement.
Tu lui as fait peur. Calme le jeu, ou elle ne te sera d'aucune utilité.
L'adolescente semble serviable mais pas des plus dégourdies, et June a besoin qu'elle garde la tête froide.
- Tu ne courras pas le moindre risque, lui assure-t-elle. Je ne te demande pas d'y aller maintenant et de traverser la ville en plein milieu de la nuit. Tu peux lui parler demain matin, lorsque vous vous rejoindrez à la blanchisserie.
Le menton tremblotant, Adenor jette des regards craintifs autour d'elle.
- Tu veux bien faire ça pour moi ? S'il te plaît ? ajoute June d'une voix quelque peu suppliante.
- D'accord, acquiesce l'adolescente après avoir pris une profonde inspiration. Que dois-je lui dire ?
- Que j'ai de sérieux ennuis avec mes employeurs et qu'il y a de bonnes chances pour que j'ai été arrêté par la garde romaine pendant la nuit. Il n'y a que les chevaliers Bors et Dagonnet qui pourront me tirer de ce mauvais pas. Il lui suffira d'aller les voir et de leur expliquer la situation. Je pense qu'ils comprendront.
Adenor écarquille les yeux, l'air hébété.
- Les Romains te cherchent ? Pourquoi ? Qu'est-ce que tu as fait ?
- Rien, malheureusement. Quelqu'un me veut du mal.
- Tu ne dois pas être arrêtée ! s'écrie l'adolescente en la saisissant par le bras. Tu ne sais pas ce qu'ils sont capables de faire. Il faut que tu te caches !
June lui adresse un pauvre sourire. Même Adenor la rêveuse n'a aucun mal à saisir la gravité de la situation.
- Ne t'inquiète pas pour moi. Je me suis toujours tirée des pires galères, et j'ai bien l'intention de continuer sur cette lancée. Il faut juste que tu passes le message à Elena.
La jeune lingère hoche la tête avec conviction, et June ressent un bref élan d'affection envers elle. Toute naïve et passablement stupide qu'elle est, Adenor ne manque pas de courage.
- J'apprécie ton aide, déclare-t-elle avec sincérité.
Nerveusement, June jette un regard par-dessus son épaule. Il lui semble distinguer un mouvement dans l'obscurité, et elle ne peut s'empêcher de frissonner. L'instant ne se prête plus à la discussion, il lui faut absolument se remettre en route. Les gardes à sa poursuite ne tarderont pas à venir tenter leur chance ici et la jeune fille n'a aucunement l'intention de leur faciliter la tâche. S'ils veulent l'arrêter, ils devront arpenter la ville de long en large jusqu'à en tomber d'épuisement.
Cette pensée dessine un sombre sourire sur le visage de June. Elle les déteste.
- Je dois y aller, annonce-t-elle. N'oublie pas ; il faut qu'Elena trouve Bors et Dagonnet.
- Qu'est-ce que tu comptes faire en attendant ? Te cacher ? questionne Adenor, alors que June s'éloigne déjà.
- Non.
La fugitive a une autre idée en tête.
Il ne faut jamais mettre tous ses œufs dans le même panier.
Il fait encore nuit lorsqu'Elena émerge d'un profond sommeil. Pour la première fois depuis plusieurs mois, presque neuf mois pour être précise, elle a dormi comme un bébé et malgré quelques rêves troublants, la jeune fille se sent reposée. Dans son esprit résonnent encore les images de sa famille et de son passé mais, étonnamment, elle parvient presque à se les représenter avec sérénité.
Presque.
Peut-être que Samain n'ouvre pas seulement un passage vers le monde des morts.
Ioena est déjà réveillée, elle tricote une paire de chaussettes à la lueur d'une bougie. En silence, apaisée, Elena observe le mouvement régulier de l'aiguille.
- Tu devrais te rendormir, déclare la guérisseuse sans lever le regard de son ouvrage. Il est encore tôt.
En soupirant, la jeune fille se frotte les yeux et s'assoit sur sa couchette.
- Je sais, et quelque chose me dit que je vais avoir les yeux au milieu de la figure tout à l'heure, mais j'avais oublié à quel point c'est agréable de prendre le temps de se réveiller tranquillement.
Ioena hoche la tête avec sérieux, et Elena devine qu'elle partage le même avis.
- Au réveil, notre esprit n'est pas encore gangrené par tous les soucis du quotidien. C'est un bon moment pour réfléchir et méditer, approuve la vieille femme avant de changer brusquement de sujet. Je te tricote une paire de chaussettes. Elles seront parfaites avec tes nouvelles bottes. Tu ne sentiras plus le froid.
Elena hausse les sourcils.
- Au niveau des pieds, tout du moins.
- Super, je ne vais pas perdre mes orteils, soupire la jeune fille avant de laisser échapper un petit rire. C'est drôle, je vivais plus ou moins au même endroit avant et pourtant, je n'ai pas souvenir qu'il faisait si froid.
- Ton village semblait très différent.
- Croyez-moi, il l'était, conclut Elena en essayant de se lever.
Dommage, je serais bien restée au lit à paresser.
Mais une autre journée monotone l'attend. Après tout, Samain ne peut pas avoir lieu tous les soirs.
Qui aurait cru que la devise « métro, boulot, dodo » s'applique aussi à l'Antiquité ?
Le soleil ne va pas tarder à pointer le bout de son nez. En soupirant, épuisée par sa course-poursuite avec les gardes, June s'effondre contre le mur d'un grand bâtiment. Une échoppe, réalise-t-elle, et le propriétaire qui est en train de mettre en place sa vitrine la fusille du regard. Lentement, la ville émerge de son sommeil et les rues commencent à se remplir. La jeune fille ne peut dire si c'est de bon ou de mauvais augure. Elle n'aura bientôt plus la pénombre de la nuit pour se dissimuler mais avec un peu de chance, elle parviendra à se fondre parmi les badauds. Bien sûr, lorsque vous êtes une grande perche rousse aux cheveux flamboyants, ce n'est pas chose facile.
Qui aurait cru que le jeu du chat et de la souris pouvait être à ce point épuisant ?
Comme elle s'en doutait, les gardes n'ont pas mis longtemps avant de rappliquer à la célébration de Samain. Il s'en est fallu de peu pour qu'elle soit arrêtée, car à peine a-t-elle eu le temps d'interrompre sa conversation avec Adenor et de s'éloigner qu'ils étaient là avec du renfort. Désormais, c'est un petit groupe d'au moins cinq hommes à la mine patibulaire qui la pourchasse, et si tout à l'heure June n'avait déjà aucune envie de se faire prendre, c'est encore pire maintenant. Ses nerfs semblent ne pas être les seuls à avoir été mis à rude épreuve par la course-poursuite. Elle n'a qu'une crainte ; tomber entre les mains violentes et furieuses d'un groupe de soldats qui se croient tout permis. Toute la nuit, la jeune fille leur a filé entre les doigts, et chaque fois qu'ils se sont approchés de leur but, elle autrement dit, elle a dû ruser pour leur échapper. Ainsi, elle n'a pas hésité à entrer par effraction dans une maison abandonnée pour se cacher ou encore à lâcher sur eux le chien du joaillier qui vit près des écuries. Le molosse, un monstre sur quatre pattes doté d'une mâchoire redoutable, la connait bien, et alors qu'elle savait ne courir aucun risque, cela n'a pas été le cas pour les soldats. June n'est pas restée pour assister au spectacle, mais les cris qui ont retenti dans la nuit semblent indiquer qu'il y a eu des dégâts. Et elle n'en éprouve aucun remords.
À vrai dire, elle espère seulement que le chien n'a pas été blessé.
Super, pense-t-elle ironiquement, si jamais Bors et Dagonnet ne parviennent pas à me sortir de là, je viens encore de rallonger la liste de mes délits.
Et comme à présent les soldats ont certainement une dent contre elle, June imagine qu'elle aura droit à un traitement spécial particulièrement désagréable en prison. Pour cette raison, il est hors de question qu'elle reste les bras croisés à attendre que ces saletés de Romains viennent la cueillir. Elle a un plan.
June a toute confiance en Elena et ne doute pas que son amie fera son possible pour l'aider si elle apprend la situation. Pour Adenor, c'est une autre histoire. La jeune fille répugne à laisser son sort reposer entre les mains d'une adolescente de quatorze ans pas très futée. En temps normal, elle est déjà d'un naturel méfiant, et cela ne fait qu'empirer maintenant que sa vie est en jeu. June compte bien tenter d'entrer elle-même en contact avec les deux chevaliers. Si son plan échoue, il sera toujours temps de s'en remettre à la jeune lingère.
Le fort ne se dresse qu'à une trentaine de mètres d'elle, mais il n'a jamais paru plus éloigné. Pour s'y rendre, June doit traverser une place bondée qui n'offre pas la moindre possibilité de se cacher. Et ce n'est même pas la partie la plus difficile de son périple ; une fois devant les portes de la colossale fortification en pierre, il lui faudra trouver le moyen de convaincre les gardes de la laisser entrer, en espérant bien sûr qu'ils ne sachent pas qu'elle est recherchée. Autrement, la jeune fille se jette droit dans la gueule du loup, mais c'est un risque qu'elle est prête à courir.
Si elle parvient à manœuvrer intelligemment son plan, il y a une chance, une toute petite chance pour qu'ils la laissent entrer dans le fort. Pour être tout à fait honnête, si elle n'avait pas eu la fragile sécurité de savoir qu'une autre personne est au courant de son malheur, June ne se serait jamais senti l'audace de tenter ce qu'elle s'apprête à tenter.
Allez, un peu de courage, s'exhorte-t-elle silencieusement.
La jeune fille balaye la place des yeux, à la recherche du moindre signe que ses poursuivants seraient à proximité. Il y a un avantage à être pourchassée par des soldats romains ; ils inspirent la terreur autour d'eux, surtout dans l'état dans lequel ils doivent se trouver actuellement, c'est-à-dire la mâchoire serrée, furieux qu'une pauvre étrangère ait pu se jouer d'eux, et les yeux rougis par le manque de sommeil. Ils auraient involontairement provoqué un mouvement de foule. Mais non, pour le moment les badauds continuent de vaquer à leurs occupations, certains se rendant hâtivement au travail, d'autres ouvrant volets et portes pour aérer les intérieurs, et d'autres encore effectuant les premières corvées de la journée. Bien qu'il soit trop tôt pour le véritable brouhaha qui ne manquera pas de s'installer plus tard, le centre-ville est définitivement éveillé.
C'est maintenant ou jamais.
La tête baissée pour ne pas attirer l'attention sur elle, June se met en marche et traverse la place à petites enjambées régulières. Tout pour éviter de paraître suspecte. Elle n'est pas dans la hâte, ne traîne pas non plus, et se force à ne pas regarder autour d'elle. De toute façon, si les soldats lui tombent dessus ici, elle est perdue.
Quelques minutes plus tard, elle atteint la grande porte à double battant du fort, ainsi que les deux gardes qui se contentent de la regarder de la tête aux pieds. Ils ne font pas mine de la laisser passer, et June décide de tenter le tout pour le tout.
- Bonjour, se lance-t-elle d'une voix qu'elle espère assurée. Je viens de la part de Jols, je suis censée commencer mon service aujourd'hui à la blanchisserie.
La jeune fille se rappelle vaguement d'Elena lui racontant son entretien d'embauche, et si Arthur Castus est son véritable employeur, c'est en fait à l'écuyer Jols qu'elle rend des comptes. Enfin, June ne peut qu'espérer que Jols est réellement son prénom et pas juste une invention de son esprit, parce que ses souvenirs concernant cette conversation sont plutôt flous.
Un des deux soldats se gratte le menton, visiblement déstabilisé.
- Personne ne nous a avertis de ta venue, réplique-t-il d'un ton bourru, toutefois sans agressivité. Va-t'en.
- Ah oui, vraiment ? insiste June, profitant de la civilité relative du garde. Pourtant, je me suis entretenue hier avec lui et je suis attendue. En fait, il patiente probablement dans le fort. S'il vous plaît, laissez-moi entrer, j'ai vraiment besoin de ce travail.
Tandis que les deux hommes échangent un regard à la fois méfiant et hésitant, un murmure collectif attire l'attention de June. Elle jette un regard furtif par-dessus son épaule et se fige en découvrant ce qui cause de l'agitation parmi les villageois. Ses charmants poursuivants ont enfin décidé de venir fouiller la place. Pernicieusement, chacun des cinq hommes a surgi d'une grande artère différente, dans le but évident de l'encercler si par chance elle se trouvait dans les parages.
Merde. Finalement, ils sont moins bêtes qu'ils en ont l'air. Vite, si ces deux idiots ne me laissent pas passer, ils finiront bien par regarder en direction des portes et me voir !
- Si tu n'as pas été annoncée, tu ne passes pas. Allez, fais demi-tour avant que je t'en flanque une !
Le deuxième garde, qui a retroussé les lèvres en prononçant ces mots, n'est manifestement pas aussi courtois que le premier.
- Vous ne comprenez pas, supplie June, soudain au bord du désespoir. Il faut que vous me laissiez passer, c'est urgent !
Elle n'a pas besoin de regarder derrière elle pour savoir que ses fichus poursuivants se sont frayés un chemin sur la place. Le temps lui est compté, June ne peut plus se permettre d'attendre. Ils la remarqueront bientôt et lorsque ce sera le cas, ils n'auront qu'à lancer un cri d'avertissement pour que les deux gardes se saisissent d'elle. La pensée de ce qui s'ensuivra la fait frissonner d'effroi. Il lui faut tenter le tout pour le tout.
Ça ne marchera jamais. JAMAIS.
Levant les mains en signe de reddition, la jeune fille recule d'un pas.
- Très bien, je m'en vais. Faudra pas vous plaindre quand Jols vous soufflera dans les bronches.
Les deux gardes ricanent.
- Tire-toi de là avant que je décide de t'enseigner une leçon, mendiante, lui assène le moins sympathique d'entre eux.
Haussant les épaules et faisant mine de se détourner, June contemple du coin de l'œil la grande porte en fer forgé. Elle est ouverte et les deux gardes se trouvent à chacune de ses extrémités, ce qui lui laisse trois bons mètres d'espace pour se faufiler. C'est peut-être sa dernière chance. La tentative est totalement désespérée, elle en a conscience, les deux hommes vont fondre sur elle et la prendre en sandwich. Sauf si… elle se montre plus rapide qu'eux. Comme disait son père, lorsqu'il la traînait de force sur le terrain de course à pied, le plus important dans un sprint, c'est le départ. Oh, comme elle avait détesté ces sessions consacrées à satisfaire son géniteur et les exigences qu'il lui imposait.
Tu rêves, June. Ils vont t'attraper.
- Mais qu'est-ce que….
- Reviens ici, sale petite peste ! Tu n'as pas le droit…
CLING !
Les armures des deux gardes s'entrechoquent lorsqu'ils se précipitent vers la porte, leurs bras tendus à l'unisson pour s'emparer d'elle. Plus rapide et agile qu'une gazelle, June a bondi sans crier gare et s'est engouffrée dans la cour du fort. Dans son dos, elle entend avec une sombre satisfaction les deux abrutis s'effondrer, et malgré l'adrénaline qui pompe dans ses veines, elle réalise qu'elle a déjà traversé la moitié de la cour lorsqu'on se met enfin à sa poursuite. Des cris retentissent et elle comprend que l'alerte a été donnée. À n'en pas douter, les cinq soldats qui la traquent depuis plusieurs heures savent désormais où chercher. Ses jambes courent sans même qu'elle ait besoin de le leur ordonner, propulsées par une impossible terreur à l'idée qu'on lui tombe dessus. À croire qu'elle pourrait s'évanouir et continuer de fuir en même temps.
Les serviteurs, soldats et bourgeois quelconques sont bouche bée face à ce remue-ménage, et la jeune fille, pâle comme un linge et dégoulinante de sueur, se fraye un chemin sans ralentir. Une pauvre domestique tombe à la renverse lorsqu'elle la heurte de plein fouet, et c'est seulement pour éviter de lui trébucher dessus qu'elle ralentit un millième de seconde. On crie des invectives dans son dos, mais June ne parvient pas à identifier leur provenance. Est-ce les soldats ? Les badauds ? De toute façon, elle est trop occupée à éviter de se faire piétiner par une petite calèche, dirigée par un conducteur distrait, pour prendre le temps de trouver une réponse à cette question. Se jetant à plat ventre sous le cheval, la jeune fille rampe jusqu'à enfin atteindre l'entrée en forme d'arche qui mène à l'intérieur du fort.
Sur le seuil, à bout de souffle, June marque une pause pour regarder ce qui se passe derrière elle. Et le regrette aussitôt. Ses cinq poursuivants, ainsi que les deux gardes, ont pénétré la cour et la talonnent. Pire encore, les soldats qui ne faisaient que flâner une minute auparavant viennent de comprendre qu'elle est une intruse.
C'est plus cinq personnes qui me courent après, constate-t-elle, les yeux écarquillés. Il y en a une vingtaine maintenant !
Visiblement effrayé par la petite foule qui se précipite vers lui, le cheval se cabre, forçant ses poursuivants à ralentir.
- Holà, holà ! s'exclame le conducteur de la diligence, qui n'en mène pas large.
Elle a réussi son coup de poker et est entrée dans la cour du fort. Maintenant, il lui faut trouver Bors et Dagonnet, et vite.
Parce qu'une chose est sûre, sans eux, la seule manière dont je sortirai de ce fort ce sera les pieds en avant et recouverte d'une bâche.
June a couru, couru, couru jusqu'à en perdre haleine.
Sa cage thoracique, subissant les battements frénétiques de son cœur, semble sur le point d'exploser, et sa vision se brouille. Les longs corridors en pierre ont défilé un par un, elle a traversé maintes ailes et quartiers, et sa recherche s'est révélée totalement infructueuse. Le désespoir commence à la gagner. Évidemment, la jeune fille a toujours su qu'essayer de trouver Bors et Dagonnet dans ce labyrinthe géant était un pari risqué, surtout qu'elle n'a aucune certitude qu'ils y soient en ce moment même. Jusqu'ici heureusement, elle est parvenue à semer les Romains en se cachant dans divers placards et penderies.
Cependant, tôt ou tard ils finiront par lui mettre la main dessus. Elle peut entendre leurs cris à travers les corridors et les injonctions qu'ils se lancent : « Elle a pris la direction nord ! », « Elle se dirige vers la bibliothèque », « Ne la laissez pas s'échapper ! ». Le petit groupe, qui n'est plus si petit, s'est divisé et finira par se refermer sur elle comme une mâchoire menaçante. Elle sait, pour l'avoir entendu de la bouche d'Elena, que les chevaliers possèdent leur propre secteur, mais ce n'est pas comme s'il y avait sur les murs du fort des panneaux directionnels. En résumé, elle se retrouve à chercher une aiguille dans une meule de foin.
Soudain saisie d'une terrible nausée, la jeune fille s'arrête enfin de courir et se laisse aller contre la pierre polie du mur. Elle est complètement épuisée, affamée et terrifiée, et réalise qu'elle ne tiendra plus le rythme bien longtemps. Avisant une porte sur sa gauche, June tourne discrètement la poignée et jette un regard méfiant dans la pièce. C'est une sorte de débarras, où se trouvent tout un tas d'objets qui n'ont rien à faire les uns à côté des autres. De vieilles armures éraflées et poussiéreuses, du linge de lit, des rideaux hâtivement pliés et déposés sans soin sur le sol, des commodes… Probablement tout ce qui ne trouve pas sa place ailleurs dans le fort. Il y a aussi une grande armoire à portes miroir trop sales pour renvoyer une quelconque réflexion ; la cachette parfaite. June s'y engouffre et parvient à s'asseoir malgré l'étroitesse de l'espace.
Eh ben, qui aurait cru que notre petite aventure à l'Antiquité prendrait une telle tournure. Si je me faisais chier dans ma vie d'avant, au moins maintenant je n'ai plus à me plaindre !
Si elle n'avait pas tant à cœur de garder la tête froide, elle pourrait presque en pleurer. Du jour au lendemain, la situation s'est transformée en cauchemar.
Allez, June, allez. Ne perds pas pied, il y a encore de l'espoir.
Tandis qu'elle reprend son souffle et ses esprits, profitant de ce répit inespéré mais si nécessaire, la chasse se poursuit et de lourds pas déambulent devant la porte du débarras. Durant un terrible instant chargé d'une tension insoutenable, June entend même la poignée grincer, mais si quelqu'un jette effectivement un coup d'œil dans la pièce, il ne pense pas à vérifier l'armoire.
De longues minutes s'écoulent que June met à profit pour examiner ses options. Elle peut continuer de se terrer ici, dans l'espoir quelque peu naïf qu'on ne la trouvera pas, ou prendre le risque de reprendre ses recherches dans le fort. Au point où elle en est, la jeune fille se serait satisfaite de croiser n'importe lequel des chevaliers, du moment qu'on lui vient en aide. De toute façon, on lui a toujours enseigné à ne pas laisser son sort reposer entre les mains des autres. Si Adenor décide de se taire, elle est définitivement fichue.
Ciao, tschüss, bye, évaporée dans les airs.
Sa décision est prise et d'un bond, la jeune fille se relève, bien déterminée à se sauver elle-même. Une fois dans le couloir, il ne lui faut pas longtemps pour se remettre à courir, car elle sent, et entend, l'effervescence dans le fort. Des ordres sont criés à tout bout de champ, et la chasse a pris des proportions massives. C'est à se demander qui d'elle ou de Pablo Escobar a été le plus traqué dans ses derniers instants. Au détour d'un corridor, alors qu'elle regarde par-dessus son épaule pour vérifier qu'on ne la talonne pas de trop près, June heurte quelqu'un avant d'instinctivement bondir en arrière.
- Non ! glapit-elle, prête à défendre sa liberté bec et ongles.
- Hé ! Regardez où vous allez, lui lance une voix irritée.
Voix qui lui est familière. Ses genoux manquent de faillir lorsqu'elle lève les yeux et croise un regard sombre. Elle le reconnaît immédiatement ; c'est le chevalier Tristan, en bien meilleur état que la dernière fois qu'ils se sont croisés. Comme à son habitude, il arbore l'expression d'un homme que la planète entière ennuie et à qu'il ne faut surtout pas chercher des noises. Cependant, il est pour June une bénédiction tombée du ciel.
- Tristan, il faut que vous m'aidiez ! S'il vous plaît !
- Que JE vous… Attends, je te reconnais ! Encore toi ? Qu'y a-t-il maintenant ?
June lance un regard angoissé derrière elle en entendant les cris surexcités de ses traqueurs se rapprocher. Quant à Tristan, il perd son expression placide et complètement désintéressée tandis ses sourcils font un bond sur son front.
- Ne me dis pas que c'est après toi que tous les soldats romains en ont ? Qu'as-tu fait pour les avoir à tes trousses ?
- C'est compliqué, répond June à toute vitesse. Je suis accusée d'un crime que je n'ai pas commis et je n'ai aucune preuve. J'ai bien essayé de leur expliquer mais Paullus et Julia sont tous les deux contre moi, et ma parole ne vaut pas grand-chose face à la leur. Il n'y a que Bors et Dagonnet qui peuvent m'aider. Vous devez m'aider à les trouver !
- Ni Bors ni Dagonnet ne se trouvent actuellement dans les parages. Et même si c'était le cas, je pense qu'il serait trop tard, réplique Tristan, la mâchoire serrée. Reste près de moi et tais-toi.
Il fait un pas en avant et se campe fermement devant elle. Sa fuite est à présent terminée ; ses deux premiers poursuivants ne se trouvent qu'à quelques mètres, uniquement tenus à distance par la présence du chevalier Sarmate. Pour le moment en tout cas. À la grande satisfaction de June, celui aux dents pourries a une trace fraiche de morsure sur l'avant-bras et du sang suinte de son visage griffé. Le chien du joaillier a fait du bon boulot.
Si je sors vivante de cette histoire, promis, juré, je lui amène un demi-kilo de friandises.
- Laisse-nous passer, Sarmate, grogne l'autre soldat, celui qui est borgne. La fille est à nous.
- Je ne crois pas non, répond tranquillement Tristan, dont seule la posture tendue trahit une certaine nervosité. Du moins pas sans une explication.
Le Romain crache sur le sol, et les muscles de la mâchoire du chevalier tressaillent.
- Nous ne t'en devons pas, mais puisque tu insistes, cette pute est une sale voleuse, et nous avons tous les droits de l'arrêter. Elle va aller moisir au cachot.
- Je n'ai rien volé du tout ! se révolte la jeune fille. Je vous ai dit que des personnes pourraient en témoigner, mais vous avez refusé de m'écouter.
Le chevalier lui jette un regard en biais, qui signifie clairement « qu'est-ce que tu ne comprends pas dans la phrase : tais-toi ? ».
- Il semble que nous nous trouvons dans une impasse. La fille est sous la protection du commandant Arthur Castus, et tant qu'il n'aura pas eu l'occasion de se pencher sur cette affaire, elle n'ira nulle part. Mais ne vous inquiétez pas, contrairement à vous, je vous promets de me montrer plus malin qu'elle et et de ne pas la laisser me filer pas entre les doigts.
Un sifflement s'échappe de la bouche des deux soldats sous le coup de l'insulte à peine voilée et de longues épées à l'aspect redoutablement tranchant quittent leurs fourreaux. Tristan se raidit immédiatement mais ne tire pas sa propre arme, se contentant de refermer les doigts sur son pommeau. La tension est palpable dans le couloir et au moindre geste brusque, June réalise que du sang giclera. Bien que les deux soldats semblent réticents à attaquer le chevalier, la donne change lorsqu'ils sont rejoints par cinq autres légionnaires. June et Tristan sont encerclés, et la main de celle-ci va serrer anxieusement le poignet de l'homme qui fait office de bouclier entre elle et ses poursuivants.
Tristan se contente de balayer les Romains d'un regard dégouté.
- C'est pitoyable. Combien êtes-vous au total ? Dix ? Vingt ? Cinquante ? Voici donc toute l'efficacité de l'armée romaine ? Un demi bataillon pour mettre la main sur une gamine maigrichonne ?
- Ton commandant n'a pas le pouvoir de s'opposer à une arrestation et si tu persistes, je me ferais un plaisir de t'assassiner en toute légalité, ricane le borgne dédaigneusement. Alors Sarmate, as-tu l'intention de crever pour cette voleuse ?
Sa question est suivie d'un long silence tendu, durant lequel Tristan pose les yeux sur June. Il a toujours les doigts refermés sur le pommeau de son épée, et la jeune fille le supplie du regard de l'aider. Haussant les épaules, le chevalier se contente de laisser retomber sa main.
- Non. Vous pouvez l'avoir. Ça n'a aucune importance.
Hein ? Qu'est-ce qu'il vient de dire ?
