Duel au Temple
Il pleuvait à verse sur Coruscant, ce jourd'hui. La pluie tintait sur les grandes structures métalliques de la cité planétaire, produisait un sourd grondement sur les dômes en Transparacier des édifices.
Cependant, au Temple Jedi, nul ne semblait assombri par le temps maussade. Au contraire : dans la chaleureuse lumière qui inondait les couloirs du Temple, un bon nombre de Chevaliers déambulaient, cherchant distraitement un centre d'intérêt, et écoutant de tout leur être la rumeur du déluge, à l'extérieur. L'eau qui tombait du ciel était une manifestation de la Force, de la Force vivante, qui plus est. Elle emplissait les Jedi de cette complicité si particulière qu'ils entretenaient avec l'énergie vitale de la galaxie.
Dans le gymnase, à la base du concept pyramidal du Temple, la foule affluait sans discontinuer : c'étaient qui des vieux Maîtres venus admirer et juger les progrès des jeunes recrues, qui des Padawans venus s'enrichir en venant observer les duels au sabre-laser qui s'y déroulaient. Car, en cette heure de l'après-midi, le gymnase était réservé aux duellistes de tous niveaux, et les chuintements des armes résonnaient de tous côtés, accompagné du martèlement continu des bottes de cuir sur le tatami vert.
Comme beaucoup d'autres Maîtres et Padawans, Qui-Gon Jinn et Edriel Menel-Randir en arrivèrent à se retrouver eux aussi spectateurs de ces passionnants combats, après avoir parcouru sans but précis le couloir nord. Le duel qui retenait leur attention opposait deux Chevaliers que ni Qui-Gon, ni sa Padawan ne connaissait. L'un était un Twi'lek à la peau gris-bleu, l'autre un Bothan à l'air farouche et à la fourrure blonde. Le combat semblait serré, intense, mais à bien l'observer, on devinait de part et d'autre quelques failles.
- Quelle forme utilisent-ils, Edriel ? interrogea soudain Qui-Gon en abaissant son regard bleu sur son apprentie.
- Oh, Maître ! bâilla la jeune fille. Vous croyez vraiment que c'est...
- Edriel, quelle forme utilisent-ils ?
Bien que sachant feinte la dureté du ton de son Maître, Edriel s'exécuta sans plus discuter :
- Ils utilisent la forme II, Maître. Mouvements saccadés, jeu basé sur l'anticipation à long terme, position essentiellement rivée au sol. Excellent pour combattre un adversaire autre qu'un Jedi armé lui aussi d'une lame d'escrime.
- Bien, dit Qui-Gon en secouant la tête d'un air approbateur. La définition de ce style de combat ?
- « Lentement, mais sûrement. », Maître.
- Très bien. Et si je te demandais ce que tu penses de la Forme II ?
La jeune Elfe releva un regard malicieux sur l'athlétique Maître Jedi :
- Ce que j'en pense ? Vraiment ?
- Bien que je connaisse déjà la réponse... sourit Qui-Gon.
- Je trouve la Forme II complètement dépassée, et de plus parfaitement inutile !
- Explique-toi. Il faut toujours donner une raison à ce que l'on avance, Princesse !
- On ne rencontre guère dans la galaxie des escrimeurs autres que les Jedi. De plus, un sabre-laser tranche tout autre lame sans autre forme de procès...
- Et si tu te trouves un jour obligée de te battre avec une autre arme que ton sabre, contre un escrimeur hors-pair ?
- Ce serait vraiment un cas exceptionnel ! Et puis, ce style est si ennuyeux ! Regardez, Maître : ils ne décollent jamais les pieds du sol ; ils tournent, ils virent, ils reculent et ils avancent... Et de plus, c'est tout à fait dépourvu de la moindre esthétique ! La Force doit nous inonder comme un flux d'énergie lorsque nous combattons : dans ce cas, où ces deux-là n'y sont pas très réceptifs, ou ils rechignent à se laisser aller à trop d'efforts ! Alors qu'ils pourraient...
- Salut, Edriel ! Quoi de neuf, ces derniers temps ?
La jeune fille se retourna :
- Ah, bonjour, Quinlan ! Tu vas bien ?
Elle avait immédiatement reconnu les longs dreads du jeune homme au teint mat et aux grands yeux verts, ainsi que le tatouage jaune qui lui barrait le visage.
- Ça va ! En fait, il... Oh... La Force soit avec vous, Maître Jinn...
Le jeune homme venait de se rendre compte de l'imposante présence du Maître Jedi, et baissa ses yeux brillants sous le regard appuyé de Qui-Gon.
Le jeune apprenti Quinlan Vos était le Padawan de Maître Tholme Merendi. Or, Qui-Gon et Tholme n'avaient jamais pu se supporter l'un et l'autre. Les idéaux les séparaient, et plus que tout, un différend que personne n'avait jamais pu connaître les opposait depuis toujours. Qui-Gon aurait aimé que sa propre Padawan ne fréquente pas celui de maître Tholme ; hélas il se trouvait que les deux jeunes gens étaient de grands amis. Conscient tout de même de sa sévérité, le Maître Jedi adoucit son regard autant qu'il put :
- La Force soit avec toi aussi, jeune Padawan.
Edriel soupira tout bas : heureusement que son Maître savait se contenir ! De ce côté-là, il ne lui avait jamais fait honte. La jeune fille se dit encore une fois que Qui-Gon Jinn était un mentor dont elle était immensément fière, comme elle l'aurait été d'un père – ce qu'il était pour elle, finalement. Elle fit un petit sourire à Quinlan qui attendait sa réponse, un peu gêné, en disant :
- Ça fait longtemps qu'on ne s'est pas mesuré, tous les deux : on a du progresser depuis la dernière fois !
- Ouais, je te parie que je suis plus grande que toi, maintenant ! s'exclama Edriel avec enthousiasme.
- Maiiis non ! Je voulais parler de nos talents d'escrimeurs ! C'était serré, lors de notre dernière confrontation...
- Ouais ! Et dire qu'on n'avait pas eu le temps de finir notre duel...
- Cette fois, ça sera différent ! Je...
Réalisant soudain que son Maître l'observait, la jeune fille se retourna vers lui, les joues enflammées par l'enthousiasme :
- Je peux, Maître ? Dites oui, dites oui, svp !
Qui-Gon fit mine d'hésiter, se frottant pensivement la barbe du bout des doigts :
- Je ne sais pas... Il faut voir...
Habituée au jeu, Edriel posa une main suppliante sur l'avant-bras de son mentor, lui offrit un de ses plus charmants –et fondants- sourires :
- S'il vous plaît, Maître...
- Bon, d'accord ! feignit de céder le grand Jedi.
- Merci !
L'Elfe se hissa sur la pointe des pieds, plaqua un léger baiser sur la joue barbue de Qui-Gon Jinn avant de revenir au côté de Quinlan ravi :
- Viens, on va là-bas, il y a un espace libre !
Les deux jeunes gens se précipitèrent, fendant la foule, tandis que Qui-Gon leur emboîtait discrètement le pas. Arrivés sur le carré de duel, Edriel et Quinlan s'entre-regardèrent. Les yeux noirs de la jeune fille pétillaient de malice, tout comme les iris couleur d'émeraude de son ami.
- Bonne chance ! se souhaitèrent-ils mutuellement, avant de se diriger chacun vers une extrémité du tatami.
Autour d'eux, un cercle de spectateurs commençait à se former, dont Qui-Gon faisait partie. Padawans, Chevaliers, et même –le mentor d'Edriel s'étonna- plusieurs Maîtres, dont Depa Billaba et Jezzel Kohl, membres du Haut Conseil.
Qui-Gon secoua la tête, faisant bruisser ses longs cheveux. Il avait du mal à s'habituer au fait que, apprentie du Maître renommé qu'il était (renommé surtout pour son côté rebelle, d'ailleurs), Edriel suscitait bien des intérêts. De plus, ses talents précoces l'avaient souvent fait distinguer des Padawans ordinaires. Lui-même n'avait qu'une crainte : que le Conseil, interpellé par l'exception Edriel Menel-Randir, ne lui enlève la tutelle de la jeune fille pour la confier à un Maître plus « conventionnel » et « sage », du genre Mace Windu... Il sourit tout bas : ils n'avaient qu'à essayer, et la réaction d'Edriel parlerait pour lui... Jamais, au grand jamais, il le savait, ils ne laisseraient quelque chose ou quelqu'un les séparer. Le lien qui les unissait était trop fort, trop puissant. Presque palpable, disaient ceux qui les rencontraient.
Qui-Gon abandonna ses réflexions jalouses, comme il aimait à les nommer, pour reporter son attention sur le duel. D'un même mouvement, les deux Padawans rejetèrent en arrière leur lourd manteau brun. Tandis qu'ils s'affaissaient sur le sol avec un lourd bruit d'étoffe froissée, Qui-Gon nota non sans fierté que le geste d'Edriel avait été mille fois plus gracieux que celui de Quinlan... Il la regarda, attentif à ses moindres attitudes, secouer négligemment sa longue chevelure blonde, faisant tinter les perles de sa coiffure. De son côté, Quinlan, que Qui-Gon jugea étrangement troublé, l'observait aussi avec attention. Le jeune homme frotta d'un geste rapide le tatouage qui lui barrait les pommettes, puis saisit d'une main ferme la longue poignée argentée de son sabre-laser, le dégagea de sa ceinture. Il attendit qu'Edriel fasse de même, mais elle resta immobile, le dévisageant avec cet air narquois que son Maître lui connaissait bien. Son adversaire ouvrit des yeux ronds : elle lui laissait librement la première donne ! Elle tenait donc vraiment à perdre ? Si Quinlan Vos avait pu apercevoir le regard bleu de Qui-Gon, dans son dos, qui lançait des éclairs amusés, il aurait réfléchi à deux fois avant de formuler un jugement aussi hâtif...
- Ta Padawan devrait arrêter de jouer sans cesse à l'épate, Qui-Gon. Cela finira par lui jouer des tours...
Surpris, car il n'avait pas remarqué l'homme prendre place à côté de lui, Qui-Gon tourna brusquement la tête, balayant l'air de ses longs cheveux bruns. Ses yeux bleus étincelèrent avec un déplaisir certain tandis que ses sourcils se fronçaient. Il dévisagea sans bienveillance le Maître qui le lui rendait bien, un fin sourire sur ses lèvres fines.
- Tiens donc, Tholme ! Il me semblait bizarre, aussi, que vous ne soyiez pas dans les parages...
Tholme Merendi était un humain d'une cinquantaine d'année, aux traits graves et accusés. Ses larges yeux d'azur brillaient sous des arcades profondes et un front largement barré de rides précoces. Au moins aussi grand et solidement bâti que Qui-Gon, il en imposait tout autant. A la différence que si l'aura de Jinn était tout ardeur et électricité, perpétuellement réceptive au moment présent, celle de Tholme impressionnait par son calme et sa sérénité, reflet de la sagesse que l'on devinait dans tous les aspects de sa personne.
Si les deux hommes ne pouvaient se supporter, la raison devait en être majeure, car leur association eut put être des plus profitables. Or donc, leurs regards clairs se croisèrent, se retinrent, tandis que ceux de leurs Padawans s'affrontaient encore, à quelques pas.
- Alors vous jugez ma Padawan trop sûre d'elle ? reprit Qui-Gon avec une irritation non dissimulée. Qu'est-ce qui vous permet de la juger comme telle ?
- L'expérience, répondit Tholme avec un calme olympien. Elle est douée, certes. Et cette donne qu'elle laisse à Quinlan, ce n'est qu'une marronade d'adolescente. Cependant, j'en ai vu des comme elles se casser les dents pour bien moins... Votre précédente expérience ne vous a donc pas éclairé à ce sujet, mon ami ?
Les joues de Qui-Gon virèrent à l'écarlate, tandis que ses lèvres blanchissaient de façon stupéfiante. Si Tholme voulait parler de son ancien Apprenti, celui qui avait si mal tourné et qu'il avait du tuer de sa main... Un coup de poignard n'aurait pas pu déchirer plus profond le cœur de Qui-Gon.
- Xanatos... reprit Jinn en se forçant au calme le plus élémentaire, alors qu'il bouillait de colère. Xanatos était orgueilleux, mais ce n'est pas là la cause de sa chute, Tholme. Il était aveuglé... Par son clan, son statut. Il a été abusé. Edriel n'a pas ces handicaps. Elle est...
Un bourdonnement chuintant, du au choc de deux lames d'énergie, résonna violemment, mettant un terme à la discussion. Les regards des deux Maîtres convergèrent vers la passe d'armes enragée qui venait de s'engager alors qu'ils parlaient.
Lorsque Quinlan avait élevé sa lame d'émeraude, Edriel n'avait pas bougé. Quand il l'avait abaissé, sans hésitation, un éclair doré avait soudain surgi au poing de l'Elfe, et contré le sabre-laser vert dans un crépitement d'étincelles. La jeune fille avait dénoué sa lame d'un geste rapide et gracieux, exécuté un flip élégant en arrière. Elle s'était immobilisé trois pas plus loin, pour contempler son ami d'un œil narquois en même temps que pour le jauger avec attention. Et puis elle s'était relancée à l'attaque, brusquement, sans avertir. Quinlan, surpris un instant, l'attendait pourtant. Les sabres-lasers s'étaient à nouveau entrechoqués avec violence.
A présent, les deux duellistes se livraient combat avec ardeur, le feu dans les yeux, un sourire mi-amusé, mi-crispé aux lèvres. Dès le début, le style de combat qu'ils avaient adopté, tacitement, fut évident pour tous les spectateurs, et fit naître un sourire sur les lèvres de Qui-Gon. Focalisation sur la Force vivante, gestes secs, nerveux, à la limite de l'agressivité, sabres relevés en tierce, sauts périlleux et flips à foison... Le Maître Jedi se revit à leur âge : il est vrai que, dans l'impulsivité de ses dix-huit ans, on préfère largement aux autres la forme V du sabre-laser, le fameux style Ataro qu'Edriel chérissait pardessus tout ! On peut librement s'y exprimer, canaliser son énergie et son envie d'impressionner.
Et de fait, les deux jeunes gens paraissaient se faire immensément plaisir, tout en impressionnant leur entourage. Dans l'assistance, surtout de la part des jeunes Padawans, Qui-Gon entendait beaucoup d'exclamations étouffées et ravies devant tel ou tel figure acrobatique ou passe d'armes osées. Il entendit même monter, du côté des Maîtres, quelques murmures d'approbations.
Quinlan soudain poussa un petit gémissement : première brûlure du combat ! Edriel se mordit les lèvres, mais quelques instants plus tard, elle attaquait avec une rage renouvelée, touchée à son tour par un Quinlan revanchard. Jinn laissait inconsciemment un sourire amusé illuminer ses traits nobles. Il pensait que lui aussi, il aurait bien aimé être encore aussi jeune, pour ferrailler avec ses amis en style Ataro. Malheureusement, si quarante-quatre ans était un âge honorable, le Maître Jedi savait bien qu'il lui interdisait désormais les pirouettes les plus complexes de la Forme V... Il applaudit intérieurement à une roulade arrière d'Edriel, suivie d'un impeccable rétablissement, et admira sincèrement Quinlan se fendre avec art pour éviter sa riposte, allant même jusqu'à entailler à nouveau l'épaisse tunique noire de la jeune fille. En lui-même, Qui-Gon s'étonna de la maîtrise très acceptable –il tenait tête à Edriel !- du jeune homme du style Ataro. En effet, Tholme n'était pas le genre de mentor qui aimait à enseigner cette sorte de combat, qu'il jugeait bon pour les « têtes brûlées » du genre Qui-Gon Jinn. Il se rendit compte avec admiration que le jeune Vos avait du s'acquitter lui-même de ce long apprentissage que nécessitait l'Ataro correctement chorégraphié, y employant le temps libre accordé aux Padawans pour leur enrichissement personnel. Si Qui-Gon n'aimait pas le Maître, force lui fut de reconnaître que son élève méritait le respect.
Cependant, il était de minute en minute plus évident qu'Edriel dominait aisément le combat. Si elle évitait de blesser trop souvent son adversaire, la facilité avec laquelle elle parait les coups sautait aux yeux. Ses saltos et ses flips, plus que nécessaires, constituaient un étrange ballet destiné autant à assurer la fluidité de ses mouvements qu'à éblouir les yeux. Son sabre-laser doré virevoltait avec rapidité et efficacité, comme doué d'une intelligence propre, comme si l'Elfe ne faisait que le soutenir dans sa danse de lumière. Edriel, lorsqu'une passe d'armes serrée l'obligeait à rester au sol, ne reculait pas d'un pas face au barrage de lumière émeraude que lui opposait Quinlan, et si l'Apprenti faisait mine de prendre l'avantage, elle ne lui cédait le terrain que pouce à pouce, avant de s'envoler à nouveau dans une acrobatie que Maître Windu (comme Maître Tholme) auraient qualifiée de suicidaire. Les yeux bleus de Jinn pétillèrent de malice. Edriel décidément était bien sa Padawan ! Quinlan se défendait bien, pourtant. Si la jeune Elfe misait sur l'agilité et la souplesse de son jeu, lui jouait tout sur la sûreté de ses actions, ne tentait rien qui ne soit fatalement destiné à réussir. Et de fait, même si Qui-Gon n'approuvait pas cette méthode, force lui fut de reconnaître qu'elle portait ses fruits. Vos, bien qu'inférieur à Edriel en style Ataro, lui avait rendu coup pour coup, brûlure pour brûlure, regagnait à chaque fois le terrain qu'elle s'ingéniait à lui dérober. Il la mettait même quelquefois en difficulté.
Soudain, le sabre du jeune homme fendit l'air alors qu'Edriel se réceptionnait trop près de lui. La lame émeraude décrivit un étrange zigzag, et entama profondément la tunique noire de l'Elfe au niveau de la poitrine et de la cuisse droite. Un marmonnement indistinct courut dans les rangs de l'assistance, tandis qu'Edriel poussait un faible feulement de bête blessée. Ses yeux noirs s'embrasèrent comme des braises, vengeurs. Qui-Gon laissa tomber son sourire, concentra ses pensées sur sa Padawan pour lui envoyer une vague psychique apaisante. Sans le savoir, Quinlan avait poussé le bouchon trop loin. Par cette blessure trop profonde, il avait réveillé la bête qui sommeillait dans le corps de sa jeune Apprentie. Jinn avait reconnu sans hésiter les signes avant-coureurs d'une métamorphose d'Edriel. D'habitude volontaire, une transformation pouvait intervenir dans les cas où la jeune fille se sentait apeurée, acculée ou furieuse. Présentement, elle était dans ce dernier cas...
Heureusement, le holà mental de son Maître atteignit à temps Edriel, qui se cabra avec fierté avant de se soumettre. Elle secoua sa longue crinière de cheveux blonds, et sous les regards appuyés des spectateurs en haleine, se précipita à la rencontre de Quinlan qui revenait à la charge. Personne ne vit réellement ce qui passa dans le tourbillon de lumière qui suivit, mais lorsque le calme revint, Edriel tenait en respect, au bout de son sabre-laser, Quinlan Vos dont l'arme avait roulé parmi l'assistance. Le jeune homme mordit ses lèvres pulpeuses, visiblement déçu, et leva les bras en signe de défaite. Alors le feu qui brûlait dans les prunelles sombres d'Edriel s'éteignit, elle abaissa et désactiva son arme. L'instant d'après, les deux jeunes gens, trempés de sueur, se serraient amicalement la main sous les applaudissements modestes, mais sincères. Maître Kohl, repoussant ses longues mèches orangées, se baissa et ramassa le sabre-laser de Quinlan qu'il lui rendit avec un chaleureux sourire :
- Tu t'es bien battu, jeune homme. Je t'en félicite.
Avant de se tourner vers Edriel, tandis que Depa Billaba, derrière lui, approuvait chacun de ses mots d'un signe de tête :
- Quant à toi, jeune Padawan, je ne crois pas me tromper en disant que tu en surpasserais beaucoup, et non des moindres...
De leur côté, Qui-Gon Jinn et Tholme Merendi s'élancèrent d'un même mouvement vers leurs Padawans respectifs, l'un aux anges, l'autre visiblement contrarié :
- Magnifique, Edi !
- Beau combat, Quinlan, mais combien de fois t'ai-je dit de laisser de côté l'Ataro pour des pratiques plus sûres ?
- Merci, Maître, mais sauf votre respect, c'était loin de la perfection que vous me donnez d'atteindre !
- Mais Maître, je croyais qu'ici, l'Ataro était la réponse la plus adaptée...
- Mais pas la plus raisonnable ! répliqua Tholme avec vigueur, en examinant les brûlures de son Padawan avec inquiétude. Je t'ai déjà dit que la Forme II ou III te convenaient mieux. Laisse donc la V aux intrépides et aux inconscients !
Edriel renifla, piquée, tandis qu'une veine se mettait à palpiter violemment sur le cou puissant de Qui-Gon.
- Je te demande pardon, Tholme, mais qu'est-ce que tu entends par là ?
- Rien que ce qui a été maintes fois relevé par le Conseil, Qui-Gon !
La vieille dispute refaisant surface, les deux hommes écartèrent leurs Padawans qui se jetaient des coups d'oeil inquiets pour se planter l'un devant l'autre, le regard fiché dans celui de l'adversaire, les poings serrés sur leur ceinturon. Autour d'eux, le groupe des spectateurs se rapprochait, prêt à intervenir :
- Maîtres Jinn et Merendi ! Pour l'instant cela suffit !
Toutes les têtes se tournèrent en direction de la voix usée et un peu nasillarde, de la voix de l'autorité et de la sagesse incontestée du Temple. Maître Yoda, petit être aux yeux pétillants qui n'arrivait pas au genou d'un humain de taille moyenne, était vert et ridé de la tête au pied. Certains disaient qu'il était aussi vieux que le Temple, sinon plus. Vêtu simplement d'une petite tunique beige et d'un manteau brun à sa taille, Yoda respirait la puissance et le savoir des êtres sans âge, et la bonté des justes. Appuyé sur son éternelle canne de Gimer, à l'aide de laquelle il s'amusait à faire croire qu'il était rongé par les rhumatismes et l'âge, le petit Maître avait pris tout le monde au dépourvu par sa brusque apparition, comme il aimait à le faire.
Satisfait de l'attention qu'on lui porta immédiatement, même de la part des querelleurs, Yoda remua doucement ses longues oreilles, renifla, puis reprit :
- Cette éternelle dispute d'idéaux, encore vous ressassez ? Assez délibéré n'avez-vous pas ?
Comme Tholme s'apprêtait à intervenir d'un « Maître, je... » respectueux, Yoda lui intima le silence d'un petit geste de sa main aux trois doigts griffus.
- Non, pas assez, je le sais. Votre opiniâtreté à tous deux, je connais trop...
Le petit Maître soupira :
- Avec vous le problème est que le sang chaud vous avez par trop. Toujours raison vous voulez avoir. Les Jedi au dessus de ces satisfactions personnelles doivent passer.
Il y eut un silence gêné puis les deux Maîtres, sans un regard l'un pour l'autre, s'inclinèrent devant Yoda, les mains jointes sur leur ceinture :
- Oui, Maître, dirent-ils d'une même voix.
Un nouveau soupir franchit les lèvres fines de Yoda :
- La phrase qu'on vous a toujours appris à répondre, cela est. Mais bien compris, avez-vous ? J'en doute...
Comme Jinn et Merendi se redressaient, prêts à l'assurer du contraire, le petit Maître désigna d'un doigt griffu Edriel et Quinlan qui attendaient, un peu à l'écart, que la dispute se dévide.
- De vos Padawans, vous devriez vous occuper, au lieu de vous chercher des griefs. De leurs blessures, s'occuper il faut. Allez !
Sûr de la portée de ses paroles, Yoda se détourna et s'en alla d'un pas tranquille et clopinant, appuyé sur sa canne. Ceux qui avaient assisté au duel s'éloignèrent par petits groupes bourdonnant de commentaires, non sans un mot ou un compliment aux deux duellistes que leurs Maîtres rejoignirent promptement.
- Allons, Padawan ! lança Tholme avec une bonne humeur feinte. Direction l'infirmerie, tu en as bien besoin !
- Oui, Maître, répondit docilement le jeune homme en chassant ses dreads de devant ses yeux verts.
Avec un petit sourire et un clin d'œil amical à l'égard d'Edriel, Quinlan emboîta le pas à son mentor. Quand il se perdit dans la foule, l'Elfe releva les yeux sur Qui-Gon, qui souriait doucement. Curieusement, elle trouva le sourire de son Maître un peu crispé :
- Qu'y a-t-il, Maître ? s'empressa-t-elle en posant la main sur l'avant-bras de Jinn. Tout va bien ?
- Cela doit te faire un peu honte, n'est-ce pas, d'être la Padawan d'un maître qui se donne ainsi en spectacle, au point de se faire rabrouer devant tous par Maître Yoda ?
Une lueur malicieuse dansa dans les yeux sombres d'Edriel :
- Ce n'est que cela ? Oh, Maître, vous plaisantez ! J'en suis fière, au contraire ! Vous savez bien que je partage vos idéaux, et que je suis de ceux qui pensent qu'à les défendre, on fait cent fois mieux qu'à les taire !
Les traits de Qui-Gon Jinn s'illuminèrent visiblement, tandis qu'il posait une main amicale sur l'épaule délicate de sa Padawan :
- Allons, j'avais oublié qu'il y avait dans ce Temple un être au moins aussi rebelle que moi ! Tu me réconfortes, ma Princesse ! Qu'est-ce que je ferais sans toi ? Mais allez, je t'ennuie avec tout ça ! Viens, Edi, montons dans ma cellule, on va réparer tout ça, acheva-t-il en embrassant d'un regard les brûlures qui roussissaient la tunique de la jeune fille.
- Alors, il paraît que nous avons failli faire notre petit numéro du gros chat, tout à l'heure ?
Edriel poussa en réponse un grognement mi-amusé, mi-agacé. La lumière filtrait doucement à travers le rideau orangé de la fenêtre, baignant la pièce d'une lueur chaleureuse et apaisante. Allongée de tout son long sur le lit de Qui-Gon, le ventre sur la couverture et la tête enfouie dans l'oreiller, la jeune fille se laissait patiemment « raccommoder » par son Maître armé de compresses et d'un flacon de bacta. Pour l'instant, la tunique retroussée sur ses omoplates, l'Elfe attendait que Jinn ait fini de la réprimander sur les failles de sa technique de combat. Lorsqu'il souleva ce dernier problème, Edriel sut qu'il avait touché la corde sensible. Mais elle ne put pas répondre immédiatement, trop occupé à réprimer un gémissement de douleur quand son Maître appliqua sur une brûlure une compresse imbibée de solution cicatrisante.
- Tu disais, Princesse ? reprit malicieusement Qui-Gon.
- Rien, Maître. Simplement que vous n'y allez pas avec le dos du flacon !
- Ce n'est qu'un début ! Quelle idée, aussi, de pousser le duel jusqu'aux séquelles ! Je te reconnais bien là, ma jeune Padawan !
Consciencieusement, Qui-Gon massait tout doucement la plaie du bout des doigts, passant délicatement la compresse sur la brûlure de façon à la désinfecter en profondeur. Edriel s'étira comme un chat quand la main de son Maître effleura délicatement sa colonne vertébrale, faisant courir le long de son dos un délicieux frisson.
- Tu ne m'as pas répondu, Edriel, reprocha Qui-Gon.
- Il n'y a rien à dire, Maître. Sauf que je n'arrive toujours pas à complètement me contrôler...
- C'est étrange, tout de même, que tu puisses à volonté te métamorphoser, mais que la transformation s'opère quelquefois indépendamment...
- C'est ma nature d'Elfe qui est toujours au fond de moi, Maître. Mon hyper-sensibilité que j'ai appris à maîtriser, à canaliser, s'extériorise malgré tout par mon pouvoir.
-Mmm... Oui, c'est la conclusion à laquelle je suis moi aussi parvenu...
Le Maître Jedi acheva le pansement sur le dos de son apprentie, puis lui ébouriffa gentiment les cheveux :
- Prends garde simplement à ne pas te dévoiler devant tout le monde, c'est tout ce que je te demande, Princesse. C'est ton secret, et il pourra peut-être un jour te sauver la vie... Quand je ne serais plus là, qui prendra soin de toi ?
Edriel émit un petit cri de protestation et roula sur le dos, fixa de ses yeux sombres le regard bleu de son Maître, au dessus d'elle :
- Ne parlez pas comme ça, Maître ! Je vous l'interdis ! Je sais bien que vous serez toujours là...
Qui-Gon soupira, détourna son front noble :
- Hélas ! Je suis mortel, Princesse, je ne suis pas de ta race. Un jour, il te faudra l'accepter...
- Maître, ne dites pas ça... reprit la jeune fille d'un ton suppliant, cette fois.
Elle enroula affectueusement ses bras autour du cou de Qui-Gon, l'attira vers elle. Tandis qu'elle nichait son visage dans le creux de son cou, Jinn appuya ses lèvres avec tendresse sur le front pur de l'Elfe.
- Ma fille, ma Princesse, ne pleure pas. Je te promets que je ne le dirai plus...
- Je vous aime, Qui-Gon, comme le père que je n'aie pas. C'est finalement parmi les Jedi que j'ai découvert ma vraie famille.
- Je sais, Edriel, je sais. Tu me l'as déjà dit. Ne dis rien et imprègne-toi de cet instant. Il est précieux pour tous les deux, et pour ce que nous deviendrons à l'avenir.
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