Ombre sur Iridonia

Le croiseur interstellaire Wing-137 filait de toute sa vitesse vers la petite planète rougeâtre, autour de laquelle gravitait un soleil et trois lunes. Sur son fuselage bleu ciel, le vaisseau portait un emblème reconnaissable dans la galaxie entière : une étoile à sept branches, le signe distinctif des Chevaliers Jedi.

Dans la barge de transport, ils étaient cinq à se partager la place. L'un d'eux, un grand homme noir au crâne rasé, enveloppé d'une tunique brune, s'occupait des commandes. A l'arrière, un autre humain aux longs cheveux châtains, aux vifs yeux bleus, soutenait une conversation animée avec trois jeunes gens, un garçon et deux filles. Les trois adolescents étaient blonds, et deux d'entre eux portaient la fine tresse des Padawans. Le jeune homme ne paraissait pas plus que dix-sept ans, l'autre Apprentie, dont les grands yeux verts brillaient d'un éclat d'émeraude, portaient enroulées de chaque côté du visage deux longues cornes zébrées. Pour l'autre jeune fille, elle était habillée tout en noir, et un trait de Cohl prolongeait l'ovale de ses yeux sombres. L'extrémité pointue de ses oreilles dépassait sous ses cheveux rassemblés en couette. Voici décrits en quelques mots le Maître Jedi Qui-Gon Jinn, son Padawan Obi-Wan Kenobi, Poltergeist, apprentie de Mace Windu aux commandes du vaisseau, et la Chevalière Edriel Menel-Randir, ancienne Padawan de Jinn.

Tout ce beau monde voyageait depuis maintenant trois heures dans la joie et la bonne entente, en direction du système théâtre de leur prochaine mission : la sombre Iridonia, qui était également la planète d'origine de Poltergeist. Depuis quelques semaines déjà, des crimes odieux et sauvages y étaient perpétrés, sans que personne n'ait pu découvrir une trace de l'agresseur. Et comme tout cela n'était pas très clair, le Conseil avait préféré jouer la carte de la prudence et envoyer deux Maîtres, leurs Apprentis, plus une Chevalière.

- Atout ! annonça Qui-Gon avec un clin d'œil à Obi-Wan, son équipier.

Le Maître Jedi abattit une carte sur la table, releva les yeux sur Edriel et Poltergeist. Les deux jeunes filles se concertèrent du regard pardessus leur éventail de cartes.

- Aïe ! s'écria soudain Kenobi en se pliant en deux. Polty, tu m'as fichu un de ces coups de pied !

Qui-Gon dévisagea avec attention les deux amies qui se mordaient discrètement les lèvres :

- Il n'y a pas de triche, là-dessous, j'espère ?

- Pensez-vous, Maître Jinn ! se récria Poltergeist. Pas du tout ! C'est juste que si Obi-Wan était assis à ma place, il serait plus près de ses pieds !

- Hé ! protesta ce dernier. Tu ne manques pas d'air, la démone !

- Stop ! intima Qui-Gon en levant une main autoritaire. Nous approchons d'Iridonia, alors si nous voulons finir la partie... A vous, les filles !

Sans grande conviction, Edriel posa une carte sur la table. Poltergeist soupira et laissa tomber son visage dans ses mains. Obi-Wan, lui, à la vue de la carte, produisit un grand sourire et décocha un petit coup de coude à Qui-Gon. Le Maître le dévisagea, et l'Apprenti, tout en regardant ostensiblement ses cartes, se mit à déclamer sur le ton de la conversation :

- Eh bien, je ne sais pas vous, mais moi, rien que le fait de savoir que des pauvres gens meurent chaque jour sur cette planète, ça me fend le cœur ! Pas vous, Maître ? Ça ne vous fend pas le cœur ?

- Euh... Si, bien sûr !

- Tu ne nous demandes pas notre avis ? remarqua Edriel, méfiante.

- Ça me fend le cœur !

- Ouais, bon, ça va ! le coupa Poltergeist, alarmée. On a compris !

- Je coupe à cœur ! annonça soudain Qui-Gon en abattant violemment trois cartes sur la table.

- Et moi, j'ajoute la tierce manquante ! s'empressa de déclarer Obi-Wan en jetant son jeu sur la table ! Break, vous avez perdu, les filles !

- Par tous les banthas de la Mer des Dunes !

- La peste soit des tricheurs de votre espèce !

- Hé ! protesta Qui-Gon. Retire ça tout de suite, Edi ! Où as-tu vu que nous avons triché ?

- « Ça me fend le coeur ! », et après, comme par hasard, vous coupez à cœur, et l'autre tricheur rajoute la tierce ! Vous me prenez pour une débutante ?

- Ouais, c'est clair ! renchérit Poltergeist en se levant, poings sur les hanches. Alors que j'allais juste abattre mon carré d'as !

- Mais ça se peut pas ! se récria Qui-Gon. J'ai deux as dans mon jeu, tu ne peux pas en avoir quatre !

- Pas plus que vous ne pouvez en avoir deux, Qui-Gon, renchérit Edriel, parce que moi, j'en ai un !

- Oh lala ! soupira Obi-Wan. Moi, j'en ai un aussi !

Un silence équivoque tomba sur le petit groupe.

- Je crois qu'il y a des tricheurs parmi nous, commença Qui-Gon en foudroyant les jeunes gens de ses yeux bleus.

- N'est-ce pas ? répliqua Edriel en lui tenant tête, faisant claquer ses longs ongles les uns contre les autres.

- Moi j'dis que c'est Obi-Wan qu'a l'as de trop ! déclara catégoriquement Poltergeist en croisant les bras. Tout à l'heure, il avait les mains sous la table et...

- Eh bien, eh bien ! Que se passe-t-il, ici ? Poltergeist, pourquoi cries-tu ?

Imposant, les mains sur son ceinturon de cuir sombre, Windu venait de faire irruption dans la salle arrière. La jeune fille se calma d'un coup, baissa doucement la tête en signe de soumission. Elle désigna d'un doigt accusateur Qui-Gon et Obi-Wan :

- C'est eux, Maître. Ils trichent aux cartes !

- A quoi ! s'étrangla Mace Windu.

- Aux cartes ! répéta fermement la jeune fille, indifférente aux signes négatifs de Qui-Gon et Edriel. On avait commencé un tournoi de vella, et...

Windu fit taire Poltergeist d'un signe de main autoritaire. Il foudroya Qui-Gon du regard :

- On en reparlera, Maître Jinn ! Au Conseil de préférence...

Windu se tourna pour jeter un coup d'œil par le hublot, et Edriel en profita pour lui tirer la langue, approuvée par un véhément signe de tête de Qui-Gon. Obi-Wan et Poltergeist confirmèrent d'un coup de pouce.

- Nous arrivons en vue d'Iridonia, annonça Mace en faisant soudain volte-face (Edriel se hâta de se détourner). Bouclez vos ceintures, ils n'ont pas de terrains d'atterrissage, là-bas.

L'athlétique Maître Jedi sortit pour se remettre aux commandes du Wing-137. Edriel soupira discrètement en s'essuyant le front : il s'en était fallu de peu !

- Poltergeist ! appela Windu. Rejoins-moi, j'ai besoin d'un copilote !

- Pff ! Oh, non !

- Comment !

- Euh... J'arrive, Maître !

La jeune Iridonian se précipita à l'avant du vaisseau, tandis qu'ils amorçaient leur descente sur sa planète natale...

- Oh lala ! Ma tête !

- Mes délicates oreilles elfiques !

- Mes vieux os !

- Mais quel atterrissage de merde, Maître ! renchérit Edriel de plus belle en se laissant tomber sur un rocher, étourdi par le vacarme du moteur endommagé.

- Je... oh, où suis-je ? interrogea Obi-Wan, qui se tenait la tête à deux mains en zigzaguant dangereusement sur le sentier.

Qui-Gon, bien que nauséeux lui aussi, eut cependant assez de présence d'esprit pour le rattraper avant qu'il ne trébuche dans le fossé qui bordait la route.

- Je me plaindrai au Conseil ! hurla l'Elfe en crispant les poings.

- Ce n'est spécialement de ma faute ! répliqua Windu dont la tunique était roussie et le visage noirci par le moteur en flammes. C'est l'hyperdrive qui nous a lâché, et j'ai du me jeter sur Poltergeist avant qu'elle n'appuie sur le bouton d'auto-destruction ! Elle croyait que c'était la commande de refroidissement des machines...

Quatre regards noirs se tournèrent vers la jeune fille qui baissa la tête.

- Euh... J'suis désolée.

- Le pire, c'est que notre vaisseau est en rade ! Comment on va faire pour se casser de ce système pourri ?

Poltergeist foudroya Obi-Wan du regard, donnant dans le vide de petits coups de tête qui laissaient deviner que ses cornes la démangeaient...

- Cette planète est charmante ! se reprit vivement le jeune homme. Mais est-ce que quelqu'un sait comment réparer notre vaisseau ?

- Je ne comprends rien à la technologie ! fit Edriel d'un ton catégorique.

- Je sais casser, pas réparer ! objecta Poltergeist.

- J'avoue être plus au courant sur les vieux modèles de croiseurs que sur la série Wing ! repartit Qui-Gon en écartant les bras d'un geste désolé. Navré, Mace, mais je crois que vous allez devoir vous débrouiller tout seul pendant qu'on part s'acquitter de la mission ! Vous n'avez pas besoin de pièces de rechange ?

- Non, j'ai tout sur place, soupira Windu d'un air atterré. Cependant...

Le Maître releva ses yeux calmes sur Qui-Gon :

- Je veux que mon Apprentie reste avec moi, pour m'aider à réparer SA catastrophe !

- On peut peut-être négocier... hasarda Jinn d'une voix diplomate, tandis qu'Obi-Wan tirait sur sa manche avec insistance. Un instant, Padawan !

- Non, je veux qu'au moins l'un de vous reste pour m'aider, sinon je ne m'en sortirai pas !

- Mais... Bon, qu'est-ce qu'il y a, Obi-Wan ?

- Ben... Elles sont parties, Maître !

- Et al... Euh, quoi ! Qui est parti !

- Les filles ! Poltergeist a dit qu'elle allait faire visiter le coin à Maître Menel-Randir. Elle a aussi dit qu'il fallait pas les attendre pour dîner !

- COMMENT ! rugit Windu en brandissant une clef de mécanicien.

- Misère ! soupira Qui-Gon en laissant tomber son grand front dans sa main.

Le Maître Jedi saisit son Padawan par le col de sa tunique et partit en courant sur les traces d'Edriel et Poltergeist :

- Si on court, on a peut-être une chance de les rattraper ! Arrive, Padawan ! Bonne chance, Mace ! Je te la renvoie dès que je la retrouve !

- Ne manquez pas de lui dire qu'elle sera punie ! Que c'est inqualifiable et irresponsable ce qu'elle a fait ! Que je m'occuperai de son...

Le reste des paroles de Windu se perdit tandis que les deux Jedi s'éloignaient au pas de course. Ils atteignirent une portion du sentier bordée de grands rochers déchiquetés et s'arrêtèrent un instant pour souffler. Deux silhouettes surgirent de derrière les rochers. Qui-Gon et Obi-Wan se redressèrent instantanément, sabres-lasers activés...

- Woh, du calme, Maître Jinn !

- Hé, c'est nous, Qui-Gon !

- Ah, soupira Jinn en désactivant son arme, imité par Obi-Wan. Vous êtes là ! J'vous croyais en virée touristique dans la région !

- Euh, Polty, y a Maître Windu qui t'attend impatiemment, là-bas... commença Obi-Wan.

Poltergeist pâlit :

- Euh, j'suis vraiment obligée...

- Non, bien sûr que non, pas dans l'absolu ! répliqua vivement Qui-Gon tandis qu'un grand sourire naissait sur les lèvres d'Edriel.

- Mais, Maître ! le reprit Kenobi indigné. Maître Windu a bien dit que...

Jinn le foudroya du feu de ses yeux bleus :

- Toi, Padawan, tu vas immédiatement arrêter de faire les bottes de Windu ou je me fâche !

- Oui, Maître, répondit Obi-Wan en baissant la tête, tandis que Poltergeist étouffait un ricanement.

- Ceci dit, jeune fille, reprit Qui-Gon, ton Maître a clairement exprimé sa volonté de...

- Oh, Qui-Gon, coupa Edriel en lui saisissant affectueusement le bras. Vous n'allez pas lui faire ça, quand même ? L'obliger à rejoindre ce vieux rabat-joie ?

- Maître Menel-Randir ! s'indigna Kenobi, la bouche ouverte.

- Je suis d'accord avec toi sur ce point, Edi, reprit Jinn, mais je ne peux quand même pas l'autoriser à désobéir à son Maître !

- Oh, Qui-Gon... supplia Edriel en se pendant à son cou.

- Mais, euh...

- Maître Menel-Randir !

- S'il vous plaît, Maître Jinn ! renchérit Poltergeist, charmeuse, en s'accrochant à l'autre épaule de Qui-Gon désemparé. J'vous en prie, rien qu'aujourd'hui...

- Tu m'as dit ça la dernière fois, aussi, tenta faiblement de protester le Maître Jedi.

- Ah, c'est pas la première fois, en plus, marmonna Obi-Wan déconcerté. Eh ben...

- Qui-Gon... Mon Maître que j'aimais et que j'aime...

- Maître Jinn... Dont j'ai toujours rêêêêvé d'être l'élève !

- Bon, bon, d'accord, ok, ça marche !

- Ouaiiiiiiis !

Edriel et Poltergeist se haussèrent sur la pointe des pieds et déposèrent chacune un baiser sur les joues barbues de Qui-Gon Jinn qui se sentit fondre pour de bon. Kenobi, dépassé par les événements, se laissa tomber sur un rocher, la tête dans les mains.

- Qu'est-ce que je fais dans cette équipe de dingues... C'est ma première mission et je suis désespéré : à eux trois, ils ont enfreint au moins trois règles du Code Jedi en un quart d'heure standard !

- Qu'est-ce que tu rumines, Padawan ? interrogea amicalement Qui-Gon en s'approchant de lui.

- Je me demandais juste à quoi Poltergeist va nous servir, Maître...

- Mais... Elle va... Elle peut... bafouilla Qui-Gon.

- C'est bien ce que je me disais, aussi...

- Mais elle va nous servir de guide ! s'écria Edriel en volant au secours de Jinn. Elle connaît très bien cette planète puisqu'elle y est née !

- Voilà ! approuva Qui-Gon en levant un doigt docte. C'est ça ! Je ne trouvais plus les mots...

- Mais bien sûr... grommela Obi-Wan guère convaincu.

- Mais oui, elle a raison ! s'exclama Poltergeist en secouant la tête d'un air affirmatif, trop contente de s'en tirer à si bon compte. Venez, suivez-moi ! Je reconnais l'endroit : nous ne sommes pas très loin du village où j'ai grandi. Venez, je vous y amène : je vous présenterai les dignitaires, Qui-Gon, et toi, Edi, tous mes amis !

- Et moi ? s'enquit Obi-Wan sans grand espoir.

- Toi ? Ben... On verra sur place, ok ?

- Allez, c'est parti ! annonça Qui-Gon en poussant doucement Poltergeist sur le sentier.

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Deux heures plus tard...

- « Pas très loin du village », hmm ?

- Mais... Y a très longtemps que je suis pas revenue ici, moi !

- J'ai l'impression qu'on est déjà passés par là... marmonna Qui-Gon en se caressant la barbe d'un air songeur.

- Mais nooon ! s'insurgea l'iridonian avec assurance. C'est que tous les paysages se ressemblent, ici !

- Tiens, voilà Obi-Wan ! fit Edriel d'un ton détaché.

Essoufflé, le jeune Kenobi se rapprocha du petit groupe en traînant la jambe :

- J'ai loupé quelque chose ?

- Oui ! Je disais que j'avais l'impression d'être déjà passé par là !

- moi, j'en suis sûr ! déclara Obi-Wan d'un ton triomphal, en se précipitant sur le bord de la route. Vous voyez cette croix, là, sur la pierre ? C'est moi qui l'aie faite !

- Pff ! N'importe quoi ! soupira Poltergeist en haussant les épales, tandis qu'un rouge soutenu lui montait aux joues.

- Ce qui ferait pas pour se faire remarquer ! approuva Edriel en détournant les yeux.

- Dites...

Les deux jeunes filles se retournèrent vers Qui-Gon.

- Poltergeist ? Je t'écoute ?

- Euh... Je dois vous avouer un truc...

- Tu ne distingues pas le nord du sud ? interrogea Kenobi, cinglant.

- Non, on est perdus...

- Oh lala ! Mais quelle équipe de...

- Oui, Obi-Wan ? coupa Qui-Gon, sévère.

- Rien, Maître.

- Regardez ! s'écria soudain Edriel, qui sondait le paysage rocheux de ses brillants yeux d'Elfe. Là-bas !

- Ouais, des rochers, et après ?

- Mais nooon ! Une pancarte ! Si on s'approchait ?

- Bonne idée !

- Non, moi je suggérerais plutôt qu'on parte dans l'autre sens sans lui jeter un regard !

- C'est de l'ironie, j'espère, Padawan ?

- Oui, Maître.

- Elle était très mal placée !

- Alors cette pancarte ? cria Edriel à l'intention de Poltergeist qui y avait couru.

- C'est écrit en iridonian des collines de l'Est ! annonça la jeune fille.

- Mince, alors !

- Pourquoi, mince ?

- Comment on va faire pour le traduire ?

- Mais je sais le lire ! se révolta Poltergeist.

Un petit silence accueillit ses paroles.

- Ben alors, qu'est-ce que t'attends ? cria Kenobi à son tour. Traduis au lieu de faire des commentaires !

- Toi, va brosser les bottes de Windu et fous-moi la paix, t'as compris ! La paix !

- Poltergeist, qu'est-ce qui est écrit ? demanda Jinn avec tout le calme dont il était capable.

- Aluna !

- Quoi !

- Traduction ?

- Ben, Aluna !

- Ah, c'est le nom de ton village !

- Enfin une intelligente ! Bon, en tous cas, c'était par là, j'avais juste oublié de bifurquer sur la droite à moment donné !

- Ben voyons !

- Kenobi, TA GUEULE !

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Une heure plus tard...

- Euh... Je me suis encore perdue.

- QUOI ! TU PLAISANTES !

- Mais non, c'est une blague ! Regardez, le village est juste là !

- Ne refais jamais ça ! gémit Qui-Gon, exténué par la fatigue et le poids de Poltergeist.

- Vous avez l'air fatigué, Qui-Gon, remarqua Edriel, les bras passés autour du cou d'Obi-Wan qui soufflait comme un bœuf.

- N... Non, juste épuisé !

- J'vous avais dit, Maître... murmura Obi-Wan presque courbé en deux. Cet exercice d'endurance... était... Pff ! ...vraiment stupide !

- Allez, allez, ça te permet de t'endurcir, jeune Apprenti ! railla Poltergeist du haut des épaules de Jinn où elle était juchée. Tu n'es pas une mauviette, quand même ?

- Bien sûr que non, répondit affectueusement Edriel en passant une main câline dans les cheveux blonds de sa monture. J'ai même pas senti les cahots du sentier !

- Hé ! protesta faiblement Kenobi, qui exhala un long râle d'épuisement, en nage.

- Ah, on arrive en vue du village ! annonça Poltergeist en freinant Qui-Gon d'une petite tape sur la tête. Bien qu'à regret, y vaudrait mieux qu'on descende, ça ne ferait pas sérieux, n'est-ce pas ?

- Et comment ! confirma Kenobi en se baissant pour permettre à Edriel de descendre.

La Chevalière sauta à terre d'un bond gracieux, remercia Obi-Wan d'une amicale tape sur l'épaule :

- T'es costaud comme gars !

- Trop aimable ! marmonna le jeune homme en massant ses épaules endolories.

De son côté, Poltergeist, fraîche comme une fleur, s'envola dans un magnifique saut périlleux pour retomber devant Qui-Gon, le rattrapant in extremis avant que le Maître Jedi ne s'effondre à terre :

- Ouh... Vous savez quoi, les jeunes ? C'est plus de mon âge, ces petites promenades !

- Courage, Maître Jinn, et tenez-vous droit ! On arrive au village !

En fait d'un village, c'était une petite cité troglodyte entièrement creusée dans la roche. De la fumée s'échappaient de trous aménagés dans la falaise, des ouvertures tenaient lieu de portes et de fenêtres, des marches étaient creusées pour accéder aux demeures les plus escarpées... Lorsque le petit groupe s'avança sur la route qui serpentait à travers le village, des têtes se penchèrent aux fenêtres, mais les rares personnes qui se trouvaient à l'extérieur rentrèrent immédiatement à l'abri de leurs grottes. De toute évidence, il régnait sur le village une atmosphère de méfiance et de suspicion malsaine. Pas étonnant, quand on connaissait l'histoire...

Qui-Gon, Edriel et Obi-Wan ne se privèrent pas de dévisager les indigènes avec curiosité : les femme avaient la peau blanche, les yeux verts et les cornes de Poltergeist, alors que les hommes, de teint plutôt mat, avaient des yeux plus sombres et une couronnes de petites piques qui leur enserrait le front comme un diadème. Ils étaient habillés assez sobrement, pauvrement presque, et nulle part les Jedi ne décelèrent trace d'une quelconque technologie. Iridonia était un système primaire, et ses habitants inspirèrent aussitôt aux arrivants compassion et compréhension

Arrivés sur une sorte de petite placette, Poltergeist fit halte, et désigna une grotte au linteau sculpté de flammes tribales, semblables à ses tatouages :

- Voilà. Ici, c'est la demeure du Grand Chef et de ses conseillers. Je pense que vous devriez y aller, Qui-Gon. Sans Edriel et moi : les filles sont rejetées du système politique !

- L'excuse ! marmonna Obi-Wan entre ses dents, trop fatigué pour engager une autre controverse.

- Et vous, qu'est-ce que vous allez faire pendant ce temps ? interrogea Qui-Gon avec inquiétude, essuyant d'un revers de main la sueur de son front.

- Nous ? reprit lestement Poltergeist en poussant le Maître Jedi vers l'entrée de la grotte. Ne vous occupez pas de ça, Maître Jinn ! Je vais faire visiter le village à Maître Menel-Randir, essayer de retrouver mes amis d'enfance... No problem, on va s'occuper !

- Et moi ? interrogea Obi-Wan pour la seconde fois.

- Toi ? répliqua Qui-Gon. Mais tu viens avec moi, bien sûr !

- Fais chier ! souffla le jeune homme en laissant ses épaules s'affaisser de dépit.

- Pardon !

- Rien, Maître.

- Alors, suis-moi ! A tout à l'heure, les filles ! Amusez-vous bien !

- A plus !

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- Comme les heures ont passé vite ! soupira Qui-Gon en se laissant aller en arrière sur son siège de branches entrelacées.

Le Maître Jedi resserra les doigts sur la coupe remplie à ras bord de boisson fraîche. Il y trempa les lèvres, regarda pardessus le gobelet la scène qui se déroulait sous ses yeux.

A quelques pas de lui, assis sur un tabouret de fortune, un livre ouvert devant lui, Obi-Wan était affalé sur la table, la tête posée sur ses bras croisés, ses paupières lourdes de sommeil. La torche plantée dans le mur non loin de lui faisait danser des reflets brillants sur ses cheveux blonds, se reflétait dans ses yeux bleus. Edriel, accoudée au rebord d'une fenêtre, fixait dans la nuit son regard perçant, et respirait à pleines bouffées l'air frais du dehors, laissant sa nature d'Elfe s'imprégner des senteurs de la planète. En harmonie avec la Force, comme son Maître l'avait toujours vue. Un peu plus loin, affalée sur un banc de pierre, le dos appuyé contre le mur et les bras repliés sous sa nuque, Poltergeist était lancée dans une conversation apparemment passionnante avec leur hôte, cet Iridonian qu'elle appelait Jen Maul et qui était, à ses dires, son plus grand ami d'enfance. Contrairement aux autres indigènes, sa peau n'était pas d'un brun foncé, mais strié de tatouages noirs et écarlates qui lui donnaient un air effrayant, presque menaçant lorsqu'il souriait en découvrant ses longues canines de carnassier. Mais il avait immédiatement accepté de les héberger tous les quatre, et même si Qui-Gon n'aimait la manie des deux Iridonians de converser dans leur langue natale à son nez et sa barbe, il devait reconnaître l'offre de Maul très généreuse...

Le son de sa voix ayant attiré tous les regards vers lui, Jinn reprit, en contemplant la boisson dorée qui clapotait dans sa coupe :

- Oui, ces quelques heures, je ne les ai pas vues passer. La rencontre avec le Grand Chef, la rencontre de ton ami, Poltergeist, la visite du village que vous nous avez fait subir (il foudroya du regard les deux jeunes filles, approuvé d'un signe de tête absent de Kenobi éreinté), ce délicieux repas (il désigna les reliefs de viande et des baies qui restaient au fond des bols, sur la table)... Oui, vraiment, je tenais à vous remercier, Jen. Sans vous, je me demande où nous aurions bivouaqué en attendant d'ouvrir l'enquête... Acceptez toute notre gratitude.

Edriel inclina courtoisement la tête vers Maul, qui sourit à nouveau avec son air étrange :

- Je l'accepte, Maîtres Jedi, même si elle m'est inutile.

Qui-Gon accusa la réponse abrupte, mais ne s'en étonna pas : c'était là une manière de s'exprimer typiquement iridonienne. Pour masquer son trouble, il plongea à nouveau dans son verre, dégustant à petites gorgées cette boisson qu'il trouvait merveilleusement rafraîchissante. Il se demanda pourquoi Edriel n'avait pas voulu y goûter...

Une sonnerie aigrelette résonna soudain dans la pièce. Tous les regards se tournèrent vers Poltergeist qui essayait vainement d'étouffer le bruit, une main plaquée sur sa poche.

- C'est ton comlink, Poltergeist ? s'enquit gentiment Qui-Gon. Pourquoi tu ne réponds pas ?

- C'est encore Windu, j'suis sûre ! grimaça la jeune fille. Y m'les casse depuis tout à l'heure en essayant de m'appeler !

- Polty ! se récria faiblement Obi-Wan, avant de retomber sur la table, vaincu par son dos endolori.

- Tu devrais répondre, réprimanda Qui-Gon qui se sentait indulgent et détendu plus que de coutume ce soir-là. Il va finir par s'inquiéter...

- Il n'en est pas question ! répliqua la jeune fille en acceptant le fruit que Maul lui tendait. Merci, Jen ! Oh, une peich, mon dessert préféré !

Les deux Iridonians se remirent à bavarder dans leur langue natale, se détournant du reste de l'assistance.

- Je vais lui envoyer un message, fit Qui-Gon d'une voix pâteuse, en achevant sa coupe qu'il reposa par terre. Comme ça, il sera tranquille...

Le Maître Jedi porta la main à son ceinturon, saisit un réflecteur de commando qu'il retourna dans ses mains, cherchant en vain les touches de ses yeux qui se fermaient. Edriel, prise de pitié, quitta sa fenêtre et s'approcha de Qui-Gon, se pencha pardessus son épaule. Elle lui prit doucement le réflecteur des mains :

- T-tt, Qui-Gon, voyons... Je crois que vous avez vraiment besoin de repos... Ceci est un réflecteur...

- Ah... Oui. Bon, je crois que je vais pas tarder à aller au lit ! Hein, Princesse, qu'est-ce que t'en penses ?

- Je pense que c'est une bonne idée, approuva Edriel en évitant le regard vitreux de Jinn, tout en composant elle-même le message destiné à Windu. Voiiilà !

Elle replaça le comlink à la ceinture de Qui-Gon, passa affectueusement un bras sous celui du Maître Jedi, l'entraîna lentement pour qu'il se lève.

- Hé, où tu m'emmènes, Edi ?

- Dans votre chambre, Maître, vous avez vraiment l'air fatigué...

- Mais je peux marcher tout seul ! protesta Jinn d'une voix mal assurée.

Il se dégagea de la poigne d'Edriel, chancela et se rattrapa aussitôt à son épaule.

- Vous voyez, Maître ? reprit la jeune fille d'un ton de gentil reproche. Allez, appuyez-vous sur moi !

- Je reprendrais bien une coupe de cette délicieuse boisson...

- Je crois que vous avez surtout besoin d'aller dormir, Qui-Gon, répliqua sévèrement Edriel, alarmée pour tout de bon. Allez, suivez-moi !

Avant de s'engager dans le couloir au fond de la pièce, Edriel jeta un regard interrogateur à Maul :

- Jen ? C'est bien par ici, les chambres ?

- Oui, répondit l'Iridonian en relevant un instant ses yeux jaunes. Troisième salle à droite !

- Merci.

Arrivée à l'endroit dit, Edriel se baissa avec précaution, aida Qui-Gon à s'étendre sur un matelas d'herbes sèches.

- Voiiilà ! Bonne nuit, Maître !

- Hum... Je... Edi...

- Chut ! Dormez, maintenant ! ordonna la jeune fille en imposant une main apaisante sur son front.

Le corps tendu et frissonnant de Qui-Gon se détendit brusquement, ses muscles se relâchèrent comme par magie. Lorsqu'elle sortit de la chambre, en s'interrogeant sur l'état de Jinn, Edriel savait qu'il dormait déjà...

En revenant dans la grande salle, elle s'aperçut qu'Obi-Wan s'était encore davantage affaissé sur la table, tandis que Poltergeist et Maul discutaient de plus belle, dans leur étrange langue chuintante et crissante comme de la rocaille. Elle s'arrêta un instant près d'eux :

- Dites, Jen...

L'Iridonian souffla un mot à Poltergeist qui pouffa, puis tourna la tête vers la Jedi :

- Oui ?

- Qu'est-ce que vous avez fait boire à Maître Jinn ? Il est complètement dans les vaps, à l'heure qu'il est !

- Ah, ça !

Maul découvrit ses canines dans un sourire amusé, lança quelques mots à son amie en iridonien, qui eurent pour effet de faire redoubler l'hilarité de la jeune fille.

- C'est du Feraglia, une liqueur locale, à base de plantes d'ici... Evidemment, c'est un peu fort pour ceux qui ne sont pas habitués...

Maul laissa échapper un curieux ricanement de gorge qui acheva de mettre à vif les nerfs d'Edriel. Comme elle vit que Poltergeist riait toujours, elle se tourna vers elle, inquisitrice :

- Qu'est-ce qu'il t'a dit ?

La jeune Iridonian leva ses yeux verts sur elle, essaya un sourire innocent qui ne convainquit pas Edriel :

- Il a dit... Il a dit que... Attends, la traduction littérale c'est que « Qui-Gon, ça se voit que c'est un Jedi, car il n'a pas l'habitude de boire de l'alcool, ce qui est bien sûr interdit aux Chevaliers. »

- Il a vraiment dit tout ça ? s'enquit Edriel, sceptique.

- J't'ai donné la version littéraire !

- Et comment il le sait ? reprit l'Elfe, méfiante. Que les Jedi doivent éviter l'alcool ?

- Vous devriez me poser directement les questions, Maître Menel-Randir, au lieu de vous adresser à Poltergeist. Cela vous gagnera du temps... Eh bien, j'ai voyagé, et mes nombreuses tribulations m'ont souvent menées dans des lieux où l'on parle beaucoup des Jedi... Et puis, comme vous le constatez, ma meilleure amie est une Jedi...

- Comment se fait-il que vous ayez tant voyagé ? repartit Edriel de plus en plus méfiante. Ce n'est pas la coutume de votre peuple, pourtant !

Maul lui jeta un regard flamboyant, se tourna vers Poltergeist à qui il jeta quelques mots d'un ton las.

- Qu'est-ce qu'il dit ? interrogea aussitôt la Jedi.

- Eh ben... commença Poltergeist d'un ton hésitant. En gros, il dit que tes questions l'ennuient...

- C'est aussi une version littéraire ?

- Eu... Oui.

- Je vois ! Merci quand même ! Vous êtes très communicatifs, dans ce système !

Sans plus leur prêter attention, agacé au possible par ce Jen Maul qu'elle ne pouvait décidément pas supporter, Edriel se détourna. Elle chercha d'un regard circulaire un objet digne d'attention, s'arrêta sur Obi-Wan à moitié endormi sur son livre. Elle se dirigea vers lui, se pencha sur son épaule :

- Que lis-tu, jeune Obi-Wan ?

Tout ensommeillé, le jeune homme releva difficilement la tête, sursauta lorsqu'il vit la Chevalière penchée vers lui :

- Euh... Le... Je... Le Code Jedi.

- Ah ?

- C'est une catastrophe ! En une journée, nous avons allégrement enfreint les articles 12, 16, 26, 33, 34 et 76 !

- Ooh, Obi-Wan ! sourit Edriel en lui posant une main affectueuse sur l'épaule. Moi aussi j'étais comme ça, av...

- Aah, par pitié !

- Qu'est-ce qu'il y a ?

- Mes épaules ! Et mon dos ! Je ne les sens plus depuis « l'exercice d'endurance » de Maître Qui-Gon ..!

Edriel se mordit les lèvres, accentua la pression de ses mains à la base du cou du jeune homme :

- J'suis désolée...

Kenobi gémit de douleur lorsqu'elle appuya doucement sur sa peau, décrivit lentement un cercle sur ses omoplates. Curieusement, il sentit son corps se détendre.

- Ça va ? interrogea Edriel en se penchant légèrement à son oreille.

- Mieux... répondit Obi-Wan en relevant la tête.

Il eut un mouvement de recul, sentant le souffle de la jeune fille sur son visage.

- Je... Je crois que je vais aller me coucher.

- Tu ne vas pas arriver à dormir, si tu as tellement mal au dos, l'avertit Edriel.

- J'préfère pas y penser...

- Bon, allez, je t'accompagne...

- QUOI..? Euh... Qu'est-ce que vous voulez dire ?

- Les Elfes connaissent de nombreux secrets pour atténuer les douleurs du corps. Je pense qu'un massage te ferait le plus grand bien pour t'aider à t'endormir.

- Un..?

- Ne fais pas cette tête-là ! Maître Tholme en pratique aussi, à l'infirmerie du Temple !

- Je...

Edriel laissa paraître un grand sourire et ébouriffa d'une main amicale les cheveux blonds du jeune homme, avant de jouer un instant avec la fine tresse du Padawan.

- Allez, ne sois pas timide ! Après tout, je te dois bien ça ; c'est moi qui t'aie détruit le dos, tout à l'heure !

Hypnotisé par l'éclat des yeux noirs de l'Elfe, Obi-Wan Kenobi se laissa prendre par le bras et guider vers le couloir, trébuchant à chaque pas de fatigue. Avant de sortir, Edriel jeta un coup d'œil aux deux Iridonians qui les observaient en coin, un petit sourire au coin des lèvres.

- Bonne nuit ! lança-t-elle. Nous, on va se coucher !

- Quatrième porte à droite ! jeta Maul, narquois.

- Et la cinquième porte à droite ? Pour moi ?

- Non, désolé ! Y a pas assez de chambres pour tout le monde, sinon !

Edriel haussa les épaules, rendit à Maul son regard féroce, puis rejoignit Obi-Wan qui suivait le couloir à tâtons...

- Enfin partis ! fit l'iridonian dès que l'Elfe eut disparu. Bon débarras !

- J'ai tout entendu ! lança la voix de la Jedi depuis le couloir.

Maul fit un petit geste insouciant qui fit rire Poltergeist :

- Ah, mon Jen, je te retrouve bien comme avant ! Tu m'as tellement manqué, quand je suis partie sur Coruscant !

- Toi aussi, tu m'as manquée...

La jeune fille réalisa soudain que l'étincelle qui brillait dans les yeux de Maul n'était pas due simplement à la torche. Son ami la dévisageait étrangement, comme s'il ne l'avait jamais vue. Lorsqu'il vint s'asseoir à côté d'elle, elle ressentit le besoin de parler d'autre chose :

- Et ce mentor, là, qui t'enseignait les arts Jedi... Tu le vois toujours ?

- Mon Maître ? Bien sûr, Polty ! Il n'y a qu'une semaine que je l'ai quitté, et pendant toutes ces années, il m'a beaucoup appris... Des choses pour lesquelles je ne saurais jamais lui exprimer toute ma gratitude...

- J'en ai vaguement parlé, au Temple... Je voulais te retrouver. Mais personne n'avait jamais croisé quelqu'un qui te ressemblait. Pourtant, tu ne passes pas inaperçu...

- Mon Maître n'est pas affilié au Temple. Il ne reconnaît pas l'autorité de l'Ordre, car il la trouve contraire à... beaucoup de ses principes.

- Comme..?

Maul fit un large geste du bras.

- Ne parlons pas de ça, maintenant. Il est trop tard. Nous pourrions plutôt... profiter de notre temps, pour mieux partager la joie de nous être retrouvés...

Elle sentit plus qu'elle ne vit la main de Maul se poser sur sa cuisse, releva aussitôt ses grands yeux verts :

- J'aimerais bien, Jen. Mais c'est contraire au Code Jedi...

Les iris jaunes de l'iridonian semblèrent s'enflammer tandis qu'il produisait un curieux raclement de gorge, comme un grondement de fauve :

- Rien n'est contraire aux lois, si tu en as envie. La liberté, n'est-ce donc pas le pouvoir de se faire plaisir ?

- Tu glisses vers la philosophie, là, mon rebelle ! Ça ne te ressemble pas !

- Mon Maître m'a beaucoup appris...

- C'est vrai. Tu as changé.

- Et ça te dérange ?

La jeune fille passa les bras autour du cou de Maul, l'attira vers elle.

- Non, murmura-t-elle dans le creux de son cou.

Pendant ce temps, derrière la quatrième porte à droite...

- Je dois vraiment enlever ma tunique ?

Edriel leva les yeux au ciel, exaspéré :

- Non, tu peux même remettre ton manteau Jedi pendant que tu y es !

Devant l'air interrogateur du jeune homme, l'Elfe haussa le ton :

- Bien sûr que oui, tu enlèves ta tunique ! Comment tu veux que mon fluide fasse effet, sinon !

- Pardon, pardon, je... Je ne savais pas ; Je pensais que...

- Tu penses trop ! réprimanda Edriel. Agis !

- J'ai déjà entendu ça quelque part... grommela Kenobi en s'exécutant face au mur.

- Je crois en effet que c'est un des enseignements principaux de Qui-Gon...

Quand elle se retourna, le jeune homme baissa ses beaux yeux bleu-vert, gêné.

- Je peux savoir de quoi tu as honte ? interrogea Edriel d'un ton moqueur.

- C'est que... Dans l'article 37 du Code, euh...

- Ah, ça suffit avec ce stupide Code ! s'énerva Edriel en lui jetant un oreiller rempli de paille à la figure. Tiens, prends ça et allonge-toi sur ce... hem... lit !

- Mais le Co...

- Mais c'est pas interdit, dans le Code, de soigner ses équipiers ! s'écria l'Elfe, les poings serrés. Tu vas arrêter de discuter, oui ! Si ça continue, je te laisse souffrir et te retourner toute la nuit, et je vais dormir ailleurs ! Avec Qui-Gon, par exemple !

Obi-Wan sentit son cœur s'accélérer. Peur ou... autre chose ? Sans se poser plus de questions gênantes, le jeune Padawan s'étendit précautionneusement de tout son long sur le matelas d'herbes sèches. Il grimaça quand des tiges piquantes lui griffèrent le torse, enfouit son visage dans le tissu rêche de l'oreiller.

- Maître Menel-Randir ?

- Moui ?

- Merci... De la peine que vous prenez...

- Ah, quand même !

L'Elfe s'agenouilla confortablement près du jeune Apprenti, posa doucement ses mains fraîches sur son dos nu. Un frisson parcourut Obi-Wan qui arqua son dos, surpris.

- Ne dis rien, reprit Edriel dans un murmure. Ressens. Ne pense pas !

Elle décala légèrement ses paumes, les fit délicatement glisser sur les épaules endolories du jeune homme qui soupira d'aise. D'un geste aérien du doigt, elle traça pardessus la colonne vertébrale du Padawan un long trait imaginaire, qui le fit frémir tout entier. Il avait l'impression que la moindre parcelle de son corps était devenue sensible au plus petit attouchement, à fleur de peau...

- Tu n'as rien entendu ? fit soudain l'Elfe en relevant la tête.

Obi-Wan eut de la peine à rassembler ses idées éparses pour s'inquiéter à son tour :

- Mm ? Quoi ?

- Là ! Je sais, c'est la voix de Qui-Gon !

Les fins sourcils d'Edriel se froncèrent :

- Je l'ai quitté trop abruptement, tout à l'heure ! J'aurais du m'assurer qu'il se sentait bien ! Attends, je reviens, Obi-Wan, je vais quand même jeter un coup d'œil. Tu veux venir ?

- Non, j'suis trop bien, répondit le jeune homme d'une voix étouffée par l'oreiller.

- Bon !

Edriel déposa un petit baiser sur la tempe de Kenobi, dont les joues s'enflammèrent, puis sortit précipitamment. Lorsqu'elle entra dans la pénombre de la chambre de Qui-Gon, elle remarqua tout de suite que son ancien mentor était en proie à un mauvais rêve. Il s'agitait dans son sommeil, et une fine sueur perlait à son front. Quand la jeune fille entra, il se remit à parler :

- Non... Jamais... Plutôt mourir ! Partir en mission avec... Ce crétin de Windu ! Non... Pas question... Il...

Une irrésistible envie de rire fit pouffer l'Elfe, qui tapota gentiment la main de Jinn, en l'appelant affablement pour masquer son fou rire :

- Qui-Gon ! Hé, Qui-Gon !

Le Maître Jedi cessa soudain de s'agiter, ouvrit d'un coup ses yeux bleus :

- Qu'est-ce que..?

- Vous faisiez un cauchemar, Maître ! rappela obligeamment la jeune fille.

Jinn la fixa un instant d'un regard vide, puis :

- Edriel ! C'est tellement chic de ta part de partir avec Windu à ma place !

- Certainement pas ! se récria cette dernière en lâchant la main de Qui-Gon qui retomba lourdement sur le lit.

- Je te le revaudrai toute ma vie, ma Princesse ! Je te le...

Le Maître Jedi secoua la tête, ses yeux se refermèrent tandis qu'il roulait sur le côté, rendormi.

- Oh lala... gémit Edriel en se grattant la tempe, perplexe.

Elle tira doucement la couverture de laine sur Qui-Gon, aplatit les plis de sa tunique et lissa ses longs cheveux dérangés dans son sommeil.

- J'en connais une qui va avoir de ces cernes, demain... commenta pour elle-même la jeune fille en se levant pour rejoindre Obi-Wan.

Cependant, sur le petit banc de pierre devant la grotte, Maul et Poltergeist passait un agréable moment, la tête levée, les yeux perdus dans les milliards d'étoiles du ciel d'Iridonia.

- Et là, tu vois, on voit l'Epée des Anciens, fit Maul en désignant loin au dessus d'eux une série de petites étoiles scintillantes.

- Ouais, je la vois. Elle est comme quand j'étais petite... Je me souviens, tu me la montrais toujours.

- Ce n'est pourtant pas ma préférée, répondit-il d'un ton rêveur, en caressant les cheveux de Poltergeist appuyée sur son épaule.

- C'est laquelle ?

- Ma préférée ?

- Oui.

- Les Yeux de la Reine. Tu vois, ces deux points brillants que l'on voit, là-bas. Ils me font penser à tes yeux. Quand j'étais petit, et qu'on regardait le ciel, je les voyais toujours se refléter dans ton regard...

- C'est tellement gentil, ce que tu dis...

Poltergeist leva malicieusement son visage fin, chercha les lèvres de son ami. Elle les trouva sans peine, et un long baiser plus tard, nichée dans les bras de Maul, elle l'entendit dire :

- Tu ne crois pas qu'on devrait aller se coucher, ma démone ? Tu bâilles à t'en décrocher la mâchoire.

Réflexion qui arrêta net le bâillement actuel de la jeune fille. Elle regarda dans les iris jaunes de Maul, fit une petite moue :

- Non, franchement, ça va. Si on faisait nuit blanche, plutôt ? Comme avant ?

L'Iridonian parut déçu, mais n'en laissa rien paraître.

- Tu sais... reprit-il en effleurant la joue de Poltergeist du bout des doigts. Tu sais que rien que pour rester quelques heures de plus avec toi, on épargnerait des vies ?

- Jusqu'à quand ? interrogea la jeune fille avec rouerie, se prenant au jeu.

- Voilà. Jusqu'à quand...

§§§§§§§§§§§§

Le lendemain, un ciel de plomb lourd de menaces roulait au dessus d'Aluna ses gros nuages sombres. Des coups de tonnerre résonnaient par intervalles, tandis que des éclairs blancs déchiraient les nuées par à-coups.

Quand Edriel et Obi-Wan arrivèrent dans la grande salle, Qui-Gon et Poltergeist étaient déjà là, attablés devant des écuelles remplies d'une boisson blanche qui ressemblait à du lait.

- Bonjour ! lança l'Iridonian avec bonne humeur, en levant sa cuillère de bois. Bien dormi ?

Si Obi-Wan répondit par un grand sourire, Edriel se laissa tomber avec un grognement sur le banc à côté de Qui-Gon. Elle ne valaient pas mieux que son ancien Maître : cheveux mal lissés, yeux rouges, mines pâles et chiffonnées, ils portaient sur leurs visages tous les symptômes de l'insomnie...

- Tu parles ! répliqua Edriel en étouffant un bâillement gigantesque. Obi-Wan a ronflé toute la nuit !

Le jeune homme releva vivement la tête :

- C'est même pas vrai, d'abord ! Ne la croyez pas, elle raconte n'impor...

- Comment parles-tu à Edriel, Padawan ? interrogea sévèrement Qui-Gon.

- Je veux dire... Pardonnez-moi, Maître Menel-Randir, mais je pense que votre insomnie vous a abusé : je n'ai pas l'habitude de ronfler !

- Tu dis ça parce que tu ne t'es jamais entendu ? s'enquit Poltergeist d'un ton moqueur.

- Je ne t'ai pas parlé ! répliqua le jeune homme d'un air offensé.

- Et vous, Qui-Gon, coupa Edriel avec diplomatie, vous avez finalement réussi à éviter votre mission avec ce « crétin de... »...

- Comment ! balbutia Jinn stupéfait.

- Disons que je suis venu vous border au plus dramatique de votre rêve, sans quoi vous auriez réveillé toute la maison...

Qui-Gon baissa la tête, penaud :

- C'est cette boisson qui...

- Tiens, voilà donc mes hôtes tous réveillés ! s'exclama Maul en rentrant dans la salle, un plateau chargé de fruits dans les bras. Bien dormi ?

- Décidément, c'est une question rituelle, ici ! souffla Edriel à l'oreille d'Obi-Wan qui approuva d'un vigoureux signe de tête.

Maul déposa son fardeau sur la table, puis tourna ses yeux jaunes vers Edriel et Obi-Wan :

- Que désirez-vous ? Un peu de lait de Goliem, comme les autres ?

- Pourquoi pas ? se força Edriel à répondre avec son plus charmant sourire.

- Tant mieux, parce qu'il n'y a que ça !

L'Iridonian fit volte-face et retourna dans la pièce attenante qui semblait être la cuisine. Obi-Wan se saisit d'un fruit rond et rosâtre, y mordit à pleines dents tandis qu'Edriel se retenait à grand-peine de ne pas se laisser tomber sur la table pour y dormir tout son soûl...

- Aïïïïe ! Fichu truc ! Saleté de...

Le jeune Padawan avait rejeté le fruit sur la table, en se tenant les joues à deux mains.

- Ah oui, j'ai oublié de te dire, fit Poltergeist d'un ton badin. Ces fruits, les Kowans, ont une peau assez dure... En général, on les perce pour en boire le jus, car ils sont impossibles à casser...

- Tu n'aurais pas pu le dire plus tôt ? s'exclama Obi-Wan, un filet de sang au coin des lèvres.

- Excuse-moi, je suis encore un peu endormie...

Poltergeist afficha un sourire narquois, tandis qu'Edriel sortait de sa ceinture un mouchoir blanc.

- Amène-toi ! lança-t-elle à Obi-Wan avec un geste de la main.

Maul rentra au moment où elle achevait d'essuyer la lèvre du Padawan.

- Oh ! fit-il avec un petit sourire. Quel touchant tableau ! On dirait Maman et son petit au cours d'un chaleureux repas !

Poltergeist disparut précipitamment derrière son bol, tandis qu'Obi-Wan se levait d'un bond, les poings serrés. Edriel le retint, mais ne put s'empêcher de pousser un sourd grondement, accompagné d'une grimace carnassière qui déconcerta un instant l'iridonian. Qui-Gon, lui, ne prit même pas la peine de relever la tête qu'il avait enfoui dans ses bras croisés sur la table.

- Voilà votre commande ! reprit sèchement Maul en posant un peu brusquement deux bols devant Edriel et Obi-Wan. Le lait de Goliem, c'est très bon pour les stressés de la vie et le manque d'humour !

- Humpf !

- Pff !

Poltergeist, qui venait d'achever son bol, le reposa en poussant un soupir de satisfaction. Elle passa une langue gourmande sur ses lèvres, et, voyant Jen demeurer debout, tapota amicalement le banc à côté d'elle. L'iridonian vint s'y asseoir avec un clin d'œil complice de ses larges yeux jaunes. Il coula d'un geste vif son corps mince sur le siège de bois, frotta sa jambe bottée contre la chaleur de la cuisse de Poltergeist. Cette dernière sourit, puit décrocha son comlink de sa ceinture et entreprit de l'allumer. A peine l'appareil se mit-il en marche qu'une série ininterrompue de sonneries affolées agressa les oreilles de l'assistance, faisant bondir Qui-Gon jusqu'au plafond.

- C'est quoi, ça, Polty ! s'étonna Edriel en se désintéressant soudain de son lait de Goliem qu'elle reniflait soupçonneusement.

- Oh, shit, shit, c'est pas vrai ! C'est cet enfoiré de Wind... Euh, mon Maître adoré ! Il m'a envoyé au moins cinq messages ! Ah le con ! Il a fait buguer ma boîte de réception !

Jen fronça un sourcil sceptique tandis qu'Edriel se caressait le menton d'un air songeur.

- Et qu'est-ce que tu entends par « Chut, chut » ? s'enquit Obi-Wan d'un air absent.

- Shit, shit ! C'est... une interjection iridonian traduisant l'agacement, le... C'est l'allocution habituelle des situations désespérées ! Et ne me demande pas de traduire, Qui-Gon me tuerait !

Jen laissa échapper un ricanement. Qui-Gon, sans se redresser pour autant, leva un doigt moralisateur en déclamant d'un ton ensommeillé :

- C'est déjà bien assez que je lui laisse la vie après les noms dont elle a affublé son Maître distingué !

- Distingué ! s'étrangla Poltergeist. Depuis quand ce péque... Maître Windu est distingué ! Et puis, toute façon, si vous me punissez, je lui raconte tous les rêves que vous faites à son sujet !

- AH, NON !

- Et... Les messages sont récupérables ? s'enquit diplomatiquement Edriel.

- Euh... fit Poltergeist en replongeant sur son comlink. Disons que... Oui, ça y est ! Premier message...

La jeune fille déglutit difficilement et pâlit :

- ça dit quoi ? interrogea Obi-Wan très intéressé.

- Je t'ai parlé !

- ça dit, commença Maul en se penchant sur l'épaule de son amie, « Espèce de petite inconsciente, gamine de dernière ordre, honte de ma carrière ! Je t'ordonne de revenir me trouver dans les plus brefs délais, sinon, je te fais radier de l'Ordre, délinquante ! Non mais tu te crois où ! Chez mémé ! »

- C'est presque ça... constata sentencieusement Kenobi. Tes grands-parents habitent encore ici, Polty ?

- Traître ! lança l'intéressée à Jen en lui assenant un léger coup de corne dans l'épaule. Pour la peine, tu seras gentil d'aller me chercher encore un ou deux de ces délicieux biscuits que tu m'as fait goûter hier !

Maul fit une petite moue, mais se leva docilement et disparut dans la cuisine.

- Hééé ! s'insurgea Obi-Wan. J'en ai jamais vu la couleur de ces gâteaux, moi ! Radins, vous avez attendu qu'on aille se coucher, hier soir, hein, c'est ça ?

Pendant ce temps, profitant de l'absence de leur hôte, Edriel, le plus discrètement possible, renversait le contenu de son bol entre deux dalles du sol...

- J'y crois pas ! continuait Obi-Wan d'un ton ronchon. Y t'obéit au doigt et à l'œil, ce type ! Un vrai toutou ! Alors que nous...

- Jen n'est PAS un toutou !

- Oui ? On m'a appelé ?

Jen revint dans la pièce avec une assiette de pâtisseries orange.

- Non, non, no problem !

Poltergeist s'empara d'une pleine poignée de biscuits, tout en pianotant sur son comlink.

- Qu'est-ce que tu fais pour Windu, alors ? interrogea Qui-Gon en se redressant péniblement, le visage dans les mains.

- Je supprime les six messages peu aimables qu'il m'a envoyé, ça encombre ma mémoire, et je lui envoie le message que j'aurai du lui envoyer depuis longtemps...

- A savoir ?

- A savoir que nous sommes bloqués ici par le mauvais temps, mais qu je ne manquerai pas de me plier à son exigence dès que les conditions le permettront.

- Et c'est signé ?

- « Votre obéissante et dévouée Padawan, Poltergeist ».

- Oh lala ! Je crois qu'il ne va pas saisir l'humour, là !

- C'est bien votre problème, à vous, les Jedi ! fit Maul en haussant les épaules.

Edriel releva vivement la tête, soutint le regard provoquant de Jen avec exaspération.

- Eh, keep cool, Edi ! s'interposa Poltergeist en rangeant son comlink dans sa ceinture. Il plaisante !

L'Elfe se leva brusquement et se dirigea vers l'entrée de la caverne.

- Hé, où tu vas ?

- Prendre l'air !

Maul afficha un sourire triomphant. Mais Poltergeist n'hésita qu'une seconde avant de se lancer à la poursuite de son amie.

- Hé, Polty ! appela Obi-Wan. « Kit cool », c'est de l'iridonian, aussi ?

Dehors, le ciel s'était encore obscurci. Il était d'un gris noir, à présent, et les éclairs blancs se faisaient plus nombreux, déchirant les nuages de flashs aveuglants. Le tonnerre gronda quand Poltergeist sortit sur le pas de la porte. Elle trouva Edriel assise, songeuse, sur le petit banc de pierre adossé à la muraille. La jeune fille avait les yeux vides, fixés sur le ciel, les mains croisées dans les manches de son ample tunique. Elle ne tourna même pas la tête quand son amie sortit sur le seuil de la grotte.

- Hé, Edi... fit doucement Poltergeist.

- Oui, répondit l'Elfe sans se retourner.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

Edriel exhala un long soupir, réfléchit un instant avant de répondre :

- Mon frère... Mon peuple me manque.

- Ah, oui ! rit Poltergeist en s'asseyant près d'elle. C'est vrai que c'est la même mentalité ici et chez toi, sur Melida/Daan !

- ça c'est sûr...

- Mais c'est vrai que chez toi aussi, on rigole pas tous les jours... L'éducation, la sagesse, tout ça... Je me sentais un peu perdue...

- Mm...

- Je me rappellerai toujours la fois où j'ai redemandé de ce biscuit, là...

- Du lembas...

- C'est ça, du lembas. La tête qui-z-ont pas fait, tes vieux ! J'savais pas que c'était une de vos coutumes de ne jamais redemander des plats, à table...

Edriel laissa échapper un imperceptible sourire.

- Par contre, un truc bien, c'est les dragons ! Ça, c'est de la patate ! s'extasiait Poltergeist en frappant du poing dans sa main. Quand on a fait cette balade, là, tu sais... Quand Obi-Wan s'est fait désarçonner de sa dragonne... J'adore ! C'est trois fois mieux que les speeders ! Voler... Dans l'azur du ciel de la terre des Elfes... En fait, j'aime bien ta planète. Sur Melida/Daan, tout est beau, calme, tranquille. Il y a des lacs, des forêts, plein d'animaux... Et jamais de guerres. C'est vrai que c'est pas comme ici...

L'iridonian fit une petite moue et embrassa du regard le village troglodyte qui les entourait, et loin, derrière les collines déchiquetés, les grandes plaines caillouteuses qui s'étendaient jusqu'à l'horizon cendreux.

- Mais quand même, reprit-elle d'une voix nostalgique, j'aime Iridonia. C'est bête, mais c'est comme ça. Ici, ça a beau être aride, sec, ingrat, j'aime chaque caillou, chaque herbe –même si il n'y en a pas beaucoup ! Je sais bien que c'est un trou paumé, j'suis la première à le dire ! Mais c'est là que j'ai grandi, avant de tout quitter pour devenir Jedi. Je pense que pour n'importe qui, le plus bel endroit du monde, c'est là où il a grandi...

Il y eut un silence troublé par le roulement menaçant du tonnerre. Un éclair plus lumineux que les autres aveugla un instant les jeunes filles avant qu'Edriel reprenne :

- C'est vrai ce que tu dis, Polty, c'est tellement vrai... Tu penses exactement comme moi.

- Dis-moi...

- Vas-y.

- Je crois que t'es fâchée. C'est à cause de Jen, hein ?

- Ben... Ouais.

- Je sais que depuis que je l'ai revu, je suis peut-être pas pareille qu'avant. Pardonne-moi : je suis tellement contente de le revoir ! Quand on était petits, on n'avait pas d'amis, tous les deux. On était trop différents... Alors on était toujours fourré ensemble, on a fait toutes nos bêtises, nos fugues, etc. ensemble. En fait... Il faut que je te dise... C'était un peu mon petit copain... Un peu, hein ! On avait dix ans... Il est un peu... bizarre, je suis d'accord. C'est pour ça que je suis bizarre avec lui... Et que je vous taquine, pour pas qu'il se sente trop seul...

Edriel étouffa un petit rire.

- Si, si, j'te jure ! Mais ça m'empêche pas d'être toujours la même... J'vous adore toujours autant, Qui-Gon, Obi-Wan et toi. Vous êtes mes amis Jedi, mes collègues depuis un bail, maintenant ! Jamais vous ne pourrez être remplacés. Surtout toi, mon Edi ! Avec qui je me ficherai de la gueule de Windu, sinon ?

L'Elfe se leva, imitée de Poltergeist.

- Alors, sans rancune ? interrogea cette dernière.

-Sans rancune aucune ! répliqua Edriel en se jetant dans ses bras.

Cependant, à l'intérieur de la grotte, on entendait les mouches voler. Jen, affalé sur une chaise, sculptait un morceau de bois à l'aide d'un couteau finement aiguisé. Qui-Gon se frottait les yeux et bâillait de tout son cœur et Obi-Wan finissait avec délectation son bol de lait. Soudain, un petit crépitement commença à se faire entendre, puis s'amplifia brusquement. Il semblait venir de tous les côtés à la fois, et Obi-Wan se mit frénétiquement à regarder de tous les côtés :

- Qu'est-ce que... Mais qu'est-ce que c'est ! Maître, que se passe-t-il ?

- Du calme, mon très jeune et inexpérimenté Padawan, répliqua Qui-Gon dune voix ensommeillée. On appelle ceci de la pluie...

- Hein ? Ah... Et... Mince, les filles sont dehors !

- T'inquiète, elles sont assez grandes pour rentrer toutes seules... A moins qu'elles préfèrent rester dehors et chanter sous la pluie, comme sur Malastaré !