Une soirée entre amis
Temple Jedi, année 12 376, 19 heures 34 standard
La nuit, sur Coruscant, rien ne dormait. On aurait même cru la gigantesque cité galactique plus en éveil au crépuscule que pendant la journée. Des milliards de lumières allaient et venaient, clignotaient, tournaient, bourdonnaient, changeaient de couleur, d'intensité, voltigeaient ; dans le ciel, aux fenêtres des immeubles et au niveau des plates-formes d'atterrissage ; phares de speeders, lumières des intérieurs, projecteurs des installations urbaines, jusqu'aux lumières invisibles au commun des mortels, les flammes de la Force qui brûlaient, inlassables, au cœur de chaque être vivant de cette fourmilière humaine. Pour les Jedi, le tableau n'en était que plus lumineux qui ne l'était au naturel.
Dressé sur un gigantesque piédestal de pierre de Tyré blanche, le Temple Jedi, siège de l'Ordre le plus craint et le plus respecté de la galaxie, trônait au centre de Coruscant comme une garantie de paix et de justice. Même la nuit, il rayonnait de mille feux, ce fameux roc du système de Tyré ayant la propriété de réfracter toutes les lumières qu'il absorbait. Si les étoiles ne brillaient pas sur Coruscant, obnubilées par l'éclat des milles artifices de la planète, le Temple dégageait à lui seul toute la lueur apaisante d'un ciel étoilé. Par ses multiples balcons et verrières s'échappait un rayonnement doré cru et chaleureux, image de l'unité de la Force qui régnait en ces lieux. Beaucoup de gens, à leur fenêtre, jetaient un coup d'œil confiant sur ce géant de pierre avant de vaquer à leurs affaires nocturnes. C'était aussi vrai pour les Jedi, quant au paysage urbain de Coruscant. Enfin, pas pour tous.
Appuyé à la balustrade d'un balcon du dixième étage, Obi-Wan Kenobi contemplait la ville planétaire d'un œil soucieux. Un coup de vent nocturne fit voler ses longs cheveux couleur de blé devant son visage. Il les rejeta en arrière d'un geste agacé. Depuis qu'il connaissait Coruscant, il connaissait l'angoisse. La peur de la foule, du grouillement, la crainte viscérale d'être submergé soudain par cette... myriade de myriade d'entités vivantes. Le Jedi captait, à travers le bourdonnement et le grondement des moteurs et des machines, l'émanation de la Force vivante qui se dégageait de chaque forme de vie. Et il en était presque épouvanté. L'impression de puissance, d'inéluctable, était vertigineuse, et un frisson le parcourut. Un nouveau souffle de vent lui apporta une odeur de fumée froide lui. Et il pensa avec tendresse à Qui-Gon, son défunt Maître, qui à cinquante ans se cachait encore sur la corniche du douzième étage pour fumer une pipe, son vice le plus tenace. C'est un peu comme si ce soir, il était encore là, pour le réconforter. Un instant Obi-Wan fut tenter de lever les yeux, là-haut, vers le douzième étage, au cas où... Mais il chassa d'un haussement d'épaule ce mouvement enfantin. Pour Qui-Gon, il ne fallait plus rien espérer. Maintenant, c'était lui le Chevalier Jedi. Lui le Maître, qui formait un Padawan. Que de responsabilités... Il n'y serait pas arrivé seul...
Il sentit soudainement la présence, sourit, se retourna tandis qu'une jeune fille blonde, aux oreilles pointues, faisait irruption d'un pas rageur sur le balcon.
- Salut, toi ! Encore à flemmarder ?
Le sourire d'Obi-Wan s'élargit malgré le ton agressif de l'arrivante. Edriel Menel-Randir. Une Elfe issue d'une lignée princière, une amie qui avait partagé avec lui un sacré nombre d'aventures... Maître Jedi au long cours, elle avait aussi été l'apprentie de Qui-Gon, dont elle avait adopté la devise rebelle « La vie est un présent de la Force ; ne pense pas, agis ! ». Elle était, avec quelques autres, un des soucis permanents du Haut Conseil...
- Je contemplais la vue qui s'offre à nous de ce balcon...
- C'est bien ce que je disais, reprit Edriel avec force. Tu glandes !
- Si tu veux, répondit patiemment Obi-Wan sans se départir de son sourire.
- Et alors ? Tu aimes ?
Kenobi tourna vers elle ses brillants yeux bleu-vert :
- Tu plaisantes ?
- Ah ! Heureusement que tu es là, toi ! Je commence à en avoir ras-le-bol d'entendre sans cesse louer la... Hem... magnificence de cette horrible cité !
- Avoue que c'est quand même impressionnant...
- Nan ! La splendeur de la nature est mille fois plus bouleversante... J'te raserai tout ça, moi, et je mettrai des arbres et des lacs à la place...
- Une nouvelle Melida/Daan, en somme ?
Melida/Daan était la planète natale d'Edriel, le berceau de la race elfique. Un écosystème intact et majestueux, où la nature régnait en maîtresse incontestée.
- Parfaitement ! répliqua Edriel en frappant la balustrade d'un poing autoritaire.
Elle tourna la tête vers Kenobi, pour appuyer son affirmation d'un froncement de sourcil convaincu. Dans la lumière dorée du couloir, derrière eux, le visage elfique d'Edriel était d'une beauté sans pareille, encore plus frappante qu'à la lumière du jour. Des reflets mordorés et des éclats de lune jouaient dans ses cheveux d'or, les ombres de la nuit accusaient les reliefs fins et délicats des paupières, du nez, des joues, du cou... Les boucles à ses oreilles brillaient comme deux étoiles, mais éteintes par l'éclat flamboyant de ses deux yeux de jais, fixes et troublants. Obi-Wan baissa aussitôt son regard ; le souvenir de leur baiser le hantait trop.
- J'en ai marre ! reprit soudain Edriel en laissant tomber son menton sur ses mains.
- Quoi ?
- J'suis blasée !
- Ah ! fit Obi-Wan, qui avait entendu ces trois mots au moins un million de fois dans sa vie. Je le savais bien que ça n'allait pas ! Tu as l'air énervée. Qu'est-ce qu'il y a ?
- Enervée ! explosa la jeune fille en saisissant le Jedi au col de sa tunique. Enervée ! Je suis exaspérée, oui ! J'me suis encore fait détruire, au Conseil ! C'est encore la faute de cet enfoiré de Windu –puisse le sarlaak de la Mer des Dunes l'avaler un jour, celui-là ! Il m'a pourrie devant tous les Maîtres en disant que j'avais pas été à la hauteur de la mission ! Evidemment, Galaad, lui, il n'a rien eu ! Il a même reçu les félicitations du Conseil ! J'en ai marre ! J'vais le bouffer, ce Windu ! Pourquoi toujours moi ?
Obi-Wan se mordit les lèvres. Edriel faisait allusion à leur toute dernière mission, dont il avait lui-même fait partie –enfin, dont il était la cause. Il devait éliminer deux bandits qui terrorisaient et rançonnaient les villages indigènes du système de Triffis, sur la Bordure Médiane. Sur place, il s'était rendu compte que les deux bandits étaient en fait deux dangereux adeptes du Côté Obscur, et de chasseur, il était devenu proie. Il avait eu le temps de demander de l'aide, et le Conseil lui avait expédié en toute urgence les Menel-Randir, à savoir Edriel et son frère aîné Galaad. Galaad Menel-Randir, le Prince, sans doute le Chevalier le plus exemplaire et le plus parfait de tout le Temple, celui que les Maîtres donnaient en exemple à leurs jeunes Padawans. Bref, ils étaient arrivés au moment précis où les deux bandits l'avaient retrouvé, lui, Obi-Wan. Il venait de s'affaler à terre quand les Menel-Randir étaient arrivés. Il faut dire que ses deux agresseurs étaient Zhariens, et lançaient par leur trompe des nuages de petits dards empoisonnés, très douloureux et pas sympathiques... Ils l'avaient touchés cinq fois, à cinq endroits différents : résultat, il râlait de douleur sur le sol, et Edriel s'était précipité auprès de lui, laissant son frère faire face seul aux deux Zhariens... Evidemment, au bout d'un moment, elle avait bien été obligée d'aller lui porter secours, et tout avait bien fini. Le problème, c'est que ce n'était pas la première fois que l'hypersensibilité de l'Elfe avait failli entraîner un foirage de mission... Pas étonnant que Windu, ce maniaque stressé de la vie, l'ait incendiée... Tout de même, Obi-Wan se sentait un peu responsable. Surtout quand il se souvenait des premiers soins qu'Edriel lui avait apporté dans le vaisseau, alors qu'ils rentraient sur Coruscant...
- Bah ! fit-il d'un ton qu'il voulait léger. C'est pas la première fois que ça t'arrive, Edi ! Et depuis le temps, malgré toutes les conneries que t'as faites –qu'on a faites, se reprit-il sur un regard outré de l'Elfe, qu'on a faites avec Polty et les autres... S'ils l'avaient voulu, ça ferait longtemps que tu serais radiée de l'Ordre –qu'on serait radiés de l'Ordre ! No stress, Edi, ils savent ce que tu vaux, et si cette harpie de Windu n'était pas là, je suis sûr qu'il te déclarerait clairement que tu es une Jedi d'exception, comme nulle autre ne l'a été avant toi –et moi, j'en suis persuadé.
Edriel cessa de fulminer à voix basse, et son ami comprit qu'elle était touchée. Il y eut un petit silence, que Kenobi consacra à l'observation d'un chasseur dernier cri qui passait au dessus d'eux. Puis Edriel pouffa :
- C'est vrai, ce mensonge, Obi-Wan ?
- Je le pense vraiment.
Il n'eut pas le temps d'anticiper le mouvement d'Edriel qui jeta ses bras autour de son cou, lui plaqua un baiser sur la joue :
- Hé ! J'oublie à chaque fois que tu piques, maintenant !
- J'en suis navré ! répliqua le Jedi un peu abasourdi.
- Toi aussi, t'es un Jedi d'exception, vieux frère ! Je tenais à te le dire.
- Bon, mais attention avec tes gestes brusques ! J'suis un grand blessé, moi !
- Ahh oui, c'est vrai ! s'exclama Edriel en retirant ses bras. Mince, j't'ai pas fait mal, au moins ? Comment ça va, tes piqûres ?
- ça va, ça va. Je suis passé à l'infirmerie, et Maître Tholme m'a filé un excellent baume qui soulage bien la douleur. Le seul problème, c'est pour l'appliquer. Dans le dos, c'est pas très pratique, et... Oh, ben tiens, c'est justement l'heure !
- L'heure de quoi ?
- De passer la crème ! C'est toutes les trois plombes, cette cochonnerie ! Si le traitement dure au-delà de trois semaines, je vais devenir contorsionniste professionnel !
Edriel éclata de rire, toute colère oubliée. « J'ai sauvé la vie de tous ceux qui croiseront son chemin ce soir ! » songea Obi-Wan, ému.
- Bon, ben j'y vais ! J'te laisse, Edi, à moins que tu n'ais rien d'autre à faire qu'à m'attendre...
- En effet, c'est précisément le cas. Après l'engueulade que je me suis prise, je suis bien décidé à rien fiche pendant –au moins- trois jours !
- Bon. A tout de suite, alors.
- Ouais, c'est ça.
Obi-Wan fit trois pas en direction du couloir, puis se ravisa. Il réfléchit un instant, se demanda si il oserait...
- Qu'est-ce que t'as oublié ? interrogea Edriel sans se retourner, toujours accoudé au balcon.
- En fait, je me demandais...
- Si je pouvais venir t'aider à mettre ta crème ?
Kenobi sursauta :
- Mince alors, ton frangin te donne des cours de télépathie ?
- C'était tellement évident...
Les regards des deux Jedi évitèrent de se croiser. Le cœur d'Obi-Wan se mit à battre la chamade, tandis que les joues d'Edriel s'empourpraient d'un rouge brûlant.
- On va dans ta cellule ?
- Oui, c'est là que je l'ai rangé.
- Toute façon, tu ne pouvais pas l'avoir mis au réfectoire...
Leur complicité retrouvée, les deux amis quittèrent le balcon pour se retrouver dans le couloir brillamment éclairé. Un palier, en fait, et en jetant un coup d'œil pardessus la balustrade, ils virent que malgré l'heure tardive, pas mal de Jedi déambulaient encore dans les escaliers.
- Palier 56, cellule 17, au huitième, annonça Obi-Wan en réponse au regard interrogateur d'Edriel.
- Je sais, merci. Mais on fait la course, ou pas ?
Kenobi se mordit les lèvres. Un de leurs grands jeux, durant leur enfance passée au Temple, était d'atteindre en premier un but donné en empruntant chacun un escalier différent... Jeu, bien entendu, vivement décrié par les Maîtres, mais qui les amusait toujours autant.
- Euh... fit Obi-Wan d'un ton incertain. Moi, je veux bien, mais... Si tu te fais choper, déjà que tu t'es fait détruire par le Conseil...
- C'est ça, l'excuse ! Dis plutôt que t'as peur de perdre, avec toutes blessures !
- Ben... Non, mais...
- Allez, stp, stp ! Si tu veux, je te laisse partir avec 30 secondes d'avance !
Le visage de Kenobi s'éclaira :
- Alors là, ok ! Sans tricher, mm ?
- T'inquiète, ma poule ! C'est parti ?
- Go !
Tandis qu'Edriel restait plantée devant une magnifique plante verte arborescente, Obi-Wan s'élançait d'un pas pressé le long du palier, bousculant au passage un vénérable Bothan qui clopinait à son allure. Un instant plus tard, il dévalait l'escalier ouest, son manteau brun flottant au vent de sa course. A une allure qu'Edriel jugea très satisfaisante pour un grand blessé... « Il m'a arnaquée, je suis sûre qu'il m'a arnaquée ! » grommela la jeune fille. Son comlink, qu'elle tenait en main, bipa brièvement. « Très bien ! Cinq, quatre, trois, deux, un... Top ! »
A son tour, Edriel se rua en avant, atteignit l'escalier est en un clin d'œil. Tandis qu'elle dévalait les marches, son comlink se remit à sonner, de façon continue, cette fois. « Oh, non ! Qui est l'abruti qui m'appelle maintenant ? » Sans cesser de descendre les marches quatre à quatre, elle appuya sur un bouton, porta le récepteur à son oreille :
- Edriel Menel-Randir à l'appareil ! se força-t-elle à dire de sa voix la plus fleurie. Ah, Quinlan ! Ouais, ça va et toi ?
Elle tourna un coin de mur à angle droit, manqua de renverser Maître Unduli qui venait en sens inverse.
- Ooops, pardon, Maître ! Qu'est-ce tu dis ? Ce soir ? Non, j'suis désolée, j'peux pas ! Hein ? Non, t'hallucine pas, j'suis en train de courir ! COMMENT ! Nan, pour une fois, j'ai rien fait, et mon frère ne cherche pas à me faire faire 500 pompes !
Edriel avisa tout en courant une porte d'ascenseur ouverte, prête à partir pour le huitième étage. Elle se dit qu'un peu de triche ne tuait personne et se précipita vers le vantail coulissant... qui se referma à son nez et sa barbe en manquant de lui coincer les doigts.
- Raaah ! ENFOIRE DE SALETE DE MACHIN...! Hein ? Non, je te parle pas ! J'en ai après l'ascenseur ! Quoi ? T'es au dixième, maintenant ? J'y étais, y a 20 secondes ! Ah, tu me vois ?
Sans cesser de courir, l'Elfe leva les yeux, et aperçut accoudé à la balustrade du dixième Quinlan Vos, le comlink à la tempe, qui lui faisait un signe de main enthousiaste. Edriel leva brièvement le bras, mais, manquant de louper une marche, se ravisa.
- Ouais, t'as vu, c'est cool, on se parle et on se voit en même temps ! Ouais, la classe ! Bon, Quin, j'suis désolée, mais faut que je te laisse, sinon, j'risque de laisser la vie dans ces fichus esca... Hein, quoi ? Tu me passes Aayla ? Mais ça va p... Euh, je veux dire, non, j'ai pas le temps ! Ouais, dommage.
A présent, l'Elfe avait quitté l'escalier et sprintait dans un couloir au sol recouvert d'un tapis rouge. Des portes de cellules s'ouvraient de part et d'autre. Le palier 56 !
- Ok, j'te laisse ! On s'appelle pour un petit duel ? Bon. Passe le bonjour à Aayla ! Et... Hein ? Ouais, que la Force soit avec toi aussi ! Tchus, vieux !
Avec un profond soupir de soulagement, Edriel raccrocha et rattacha son comlink à sa ceinture. Par tous les dragons de Melida/Daan ! Quel bavard, au comlink, celui-là ! Voilà, elle était presque arrivée ! Il suffisait de tourner cet angle... Elle le tourna peut-être un peu trop vite... Et entra en collision avec Obi-Wan tranquillement appuyé au chambranle de sa porte, qui se caressait la barbe en regardant son chrono.
- Héééé !
- M'enfin !
Une chute mémorable plus tard, Edriel se retrouva allongée de tout son long sur Obi-Wan lui-même étendu par terre, les bras en croix.
- Aïïïe ! gémit sobrement l'Elfe
- Tu es en retard, répliqua Obi-Wan d'une voix très calme. Et je te signale que tu m'as mis ton doigt dans l'œil. Avec les ongles que tu as, c'est assez douloureux...
- Oh, pardon ! s'écria Edriel en se relevant tant bien que mal, avant de tendre la main à son ami. Pas trop de mal ? C'est Quinlan qui m'a retardée, il m'a appelé pendant que j'étais dans les escaliers, et...
- Chht ! souffla Obi-Wan en désignant du coin de l'œil deux Maîtres qui passaient par là et les observaient d'un air désapprobateur. Entre !
Tout en s'époussetant les épaules d'une main, il ouvrit la porte de sa cellule de l'autre. Edriel s'y engouffra, suivi de son ami qui claqua le vantail... Et se laissa tomber à genoux avec un gémissement de douleur :
- Ahhhh ! Abrutie, tu m'as défoncé le dos ! Je ne sens plus mes piqûres !
- Euh... Je suis désolée ! En tous cas, c'est bien la première fois que tu gagnes depuis... Un bail ! Tu pourras remercier Quinlan !
- Tu t'en fiches que je souffre ?
- Je serais tentée de répondre oui, mais ça serait pas vrai... Allez, zou, enlève ta tunique ! Il est où, ce baume ?
- Deuxième tiroir !
- Ok !
Edriel se dirigea vers le seul endroit de la pièce où elle pouvait trouver un tiroir. La cellule d'Obi-Wan, semblable à toutes les autres cellules du Temple, était meublée plus que sobrement. Un lit, un portemanteau, une lumière au plafond, un recoin salle de bains avec douche et lavabo, et un peu plus loin une sorte de meuble qui servait à la fois de table, bureau, coiffeuse dans le cas d'Edriel, qui l'avait surmontée d'un miroir plus élégant que celui de Kenobi. Le tabouret qui servait à s'y asseoir était égaré sous la fenêtre, masquée par un long rideau orangé. Les murs étaient d'un jaune lumineux, semblables aux couloirs du Temple.
Tandis qu'Obi-Wan pendait au portemanteau son long manteau brun, l'Elfe se dirigea vers la table-bureau-coiffeuse et ouvrit le deuxième tiroir. Elle tomba aussitôt sur un petit récipient de verre bleu en forme de fiole, qu'elle saisit, déboucha et flaira attentivement. L'odeur saine et capiteuse la rassura, et elle remit le bouchon, s'attarda à jeter un coup d'œil au miroir. Elle vérifiait la tenue de son maquillage, quand un mouvement derrière elle retint son attention. En se décalant légèrement sur la droite, elle aperçut nettement Obi-Wan en train de se battre avec sa tunique à la lumière du lustre. Enfin, ses longs cheveux blonds émergèrent, tout ébouriffés, du col du vêtement qui s'envola sur le lit dans un magnifique vol plané. Kenobi secoua vivement la tête, puis s'attaqua à la chemise de lin blanc qu'il portait sous la tunique. Cette fois-ci ce fut moins long. La chemise rejoignit promptement la tunique sur le lit et Obi-Wan se pencha en avant d'un geste gracieux, qui fit cascader sa longue chevelure vers le sol. Il la saisit dans ses deux mains, la rejeta en arrière tout en se relevant. Edriel sentit ses joues brûler à la vue du beau torse nu du Jedi. Sculptural, parfait, il n'était que peu hâlé, faute d'être exposé au soleil, mais on devinait la peau douce comme un pétale de fleur, fraîche comme une feuille mouillée de rosée. Deux auréoles d'un rose plus sombre s'épanouissaient comme deux boutons de fleur sur la poitrine, et au milieu, retenu par une longue chaîne argentée brillait comme une étoile le bijou qu'elle lui avait donné jadis, elle, Edriel. Un bijou familial ! Son frère était furieux ! Il l'avait toujours, il l'avait gardé depuis tout ce temps, dissimulé sous sa tunique contre son cœur... Elle eut soudain envie de se sentir enlacée par ces épaules minces, mais puissantes, de sentir la douce chaleur de la Force émanant de lui... Obi-Wan.
- Edriel ? Tu as trouvé ?
- Oui, c'est ça ?
- Exactement.
- Bon.
En s'efforçant de cesser le tremblement de la main qui tenait le flacon, Edriel revint vers Obi-Wan qui frictionnait frileusement ses bras. En s'approchant, l'Elfe s'aperçut que les piqûres dessinaient des couronnes rouge sombre sur la peau blanche du Jedi. Ce venin était vraiment mauvais...
- Tu as froid ? interrogea-t-elle à l'adresse de Kenobi, en débouchant à nouveau le flacon.
- ça va. Le temps de m'habituer.
- Tu trembles.
- Toi aussi.
- T'occupe pas de moi ! répliqua Edriel, vexé de son peu de maîtrise. Assieds-toi !
Obi-Wan s'exécuta sans protester et se laissa tomber sur le lit.
- Je me souviens quand je t'ai donné ça, constata-t-elle en désignant le bijou, qui représentait une fleur épanouie.
Le Jedi baissa les yeux. C'était un pendentif magnifique, ouvragé dans un métal argenté avec tout l'art et la finesse des Elfes. Au cœur de la fleur était incrustée une pierre brillante d'un rouge vif.
- Il ne m'a jamais quitté, fit-il d'un ton absent. Ça représente quoi, déjà ?
- C'est... En fait, c'est un peu comme mon emblème.
- Ah ?
- Tu ne te souviens pas ?
- Non, pas du tout.
- Tu sais, ma famille est princière. Elle règne sur les Elfes de Lumière de Melida/Daan. Son emblème, je l'ai tatoué sous mon poignet, depuis ma naissance.
- Un dragon jaillissant d'une fleur épanouie, approuva Obi-Wan qui connaissait bien la marque des Menel-Randir. Ton frère porte la même.
- Oui. Environ tous les mille ans, des jumeaux viennent au monde dans notre famille. Ce sont des sortes... d'élus, annoncés par une prophétie aussi vieille que notre peuple. Ils sont censés, à leur majorité, apporter durant leur règne une nouvelle ère dans le monde elfique, et renouveler les antiques alliances avec les esprits de la nature, les dragons, une race très ancienne qui nous est associée depuis la nuit des temps... On dit même que ces élus parviendront un jour à résoudre la guerre qui règne depuis toujours entre notre peuple, les Elfes de Lumière, et les Elfes de l'Ombre, nos ennemis... Je ne t'ai jamais expliqué tout ça ?
- Non, continue.
- Bon. Galaad et moi, nous sommes de ce genre d'élus.
- Non !
- Hé si ! Et cet emblème dont je te parlais, c'est aussi celui du Frère et de la Sœur légendaires : le dragon, c'est le garçon, la fleur, la fille...
- Tu veux dire que ton frère a le même genre de pendentif, mais en forme de dragon ?
- C'est ça, t'as pigé ! approuva Edriel en rajustant une bague à son doigt. Je suis la Sœur. Et ce médaillon a été porté par bien d'autres avant moi...
- Wouaw, il vaut mieux que je te le rende, alors ! C'est quelque chose d'important pour toi, ce bijou...
- Non, Obi-Wan. Je te l'ai donné, garde-le. Il est à toi. Il me représente : ça veut dire que partout où tu vas, je suis avec toi. J'aime cette idée : on a longtemps été séparés, alors qu'avant on était si proches... Quelque part, ça me rassure.
- Pourquoi ? Je ne suis pas assez grand pour sortir tout seul, c'est ça ?
- Euh... Ben, t'es comme moi : les conneries, ou les pétrins pas possibles, ça te tombe toujours dessus, alors...
- Je confirme ! grimaça Obi-Wan en se frottant douloureusement le cou à l'endroit d'une piqûre.
- Ah oui, alors comment ça se met, ce truc ?
- Tu en prends un peu sur ton doigt, et tu étales doucement sur la plaie.
- Bon. Tu en as cinq ?
- C'est ça : une sur la poitrine, deux dans le dos, une dans le cou et une sous le bras gauche.
- Purge ! Y t'a pas loupé, le Zharien !
- M'en parle pas, soupira le Jedi en froissant nerveusement les draps de son lit.
Edriel renversa un peu de pommade blanche sur son doigt, s'agenouilla devant Kenobi faussement surpris :
- Tu sais, je n'en demandais pas tant...
- ça suffit, hein ! Pas de plaisanteries stupides ! Et rentre ton ventre, que j'étale ça correctement !
- Je prends ça pour une réflexion vexante, Elue !
- T'es bête ! conclut son amie en haussant les épaules.
- Même pas vr...
Il se tut quand Edriel posa doucement une main sur son flanc comme appui :
- Frissonne pas comme ça ! se moqua l'Elfe. On dirait que t'as pris un électrochoc !
- Tu as les mains glacées !
- Quelle chochotte tu fais !
Du bout du doigt, elle appliqua une goutte de pommade sur la blessure, décrivit de petits cercles le plus précautionneusement qu'elle put. Obi-Wan ferma un instant les yeux, savourant l'effet calmant du baume parfumé, puis les rouvrit... Et noya son regard dans la cascade de cheveux blonds qui ruisselait sur les épaules de la Jedi. Il avait envie d'y jeter les mains, de la palper, la laisser filer entre ses doigts. Autrefois, elle le laissait y faire des tresses, et il n'avait jamais oublié la douceur soyeuse de ces mèches dorées. Son regard glissa, tomba dans l'échancrure du corsage, tandis qu'il sentait ses joues s'embraser, et son cœur battre la chamade...
- Je t'ai demandé de rentrer ton ventre, pas d'arrêter de respirer !
- Tes ongles sont décidément trop longs !
- Ben tiens ! Si j'avais pu savoir que je te passerai de la pommade, je les aurai coupés !
- Tu es sérieuse ?
- Certainement pas !
- C'est vrai que tu tiens à ces griffes comme à la prunelle de tes yeux...
- Tu sais ce qu'elles te disent, mes griffes ?
- Non, et je le saurai jamais si tu continues à appuyer comme ça !
- Mmf !
Edriel avait fini de traiter la première piqûre. Obi-Wan réussit enfin à respirer plus librement, maintenant que les doigts aériens de l'Elfe ne couraient plus sur sa peau, légers comme des ailes de papillon, enivrants comme une caresse... Un brouillard confus déformait les murs de sa cellule, voilait ses yeux comme si il avait trop bu...
- Lève le bras !
Sans s'en rendre vraiment compte, il obéit à nouveau. Encore ses mains sur sa peau... Les frissons qui le parcouraient tout entier, partaient de l'endroit du contact jusqu'aux extrémités de ses doigts, à la racine de ses cheveux...
- Et de deux !
L'Elfe s'essuya le front d'un revers de bras. Kenobi l'observa, surpris :
- Tu trembles, constata-t-il. Ou plutôt tu es à bout de souffle... Qu'y a-t-il ?
En lui-même il connaissait peut-être déjà la réponse. Mais il voulait qu'elle l'avoue de vive voix. Mais Edriel haussa les épaules et répliqua d'un ton léger :
- C'est minutieux, ce travail. J'ai peur de te faire mal, alors je me concentre, et tu sais bien que la concentration ne m'a jamais vraiment bien réussi... « Ne pense, agis. » disait Qui-Gon. C'est comme ça que j'ai été formée !
- Mais bien sûr... murmura son ami pour lui-même.
- Qu'est-ce que tu dis ?
- Rien, rien. Je disais que c'était dur. De mettre de la crème sans dommage.
Edriel pouffa, puis s'assit tout près d'Obi-Wan qui en laissa tomber son sourire :
- Tourne-toi, s'il te plaît !
Le Jedi obtempéra, et ferma les yeux. Cette fois, ce ne fut pas un frisson mais une délicieuse onde de chaleur qui la parcourut, le submergea comme une vague apaisante. Tout en massant la plaie, la main de l'Elfe effleurait de temps à autre le sillon de la colonne vertébrale, mettant les nerfs d'Obi-Wan à fleur de peau, comme cette fois, sur Iridonia... Déjà Edriel passait à la seconde piqûre, sur l'omoplate. Elle s'étonnait, s'émouvait au plus profond d'elle-même de trouver la peau plus douce encore sous ses doigts qu'elle ne l'avait imaginé, plus souple, plus fraîche... Elle sentait quelquefois des frissons courir le long du dos, agiter l'échine blanche et lisse du Jedi. Courbé comme un arc, soulevé par une légère respiration, presque un soupir, le dos d'Obi-Wan inspirait à l'Elfe un étrange sentiment, de vulnérabilité et de tendresse mêlée... Ce n'était plus pourtant le jeune homme, presque encore adolescent, qu'elle avait pris sous son aile, le disputant à Qui-Gon. Il avait grandi, il avait changé. C'était un homme, maintenant. Le souvenir du baiser qu'elle lui avait donné, après leur lutte, embruma sa tête d'une bouffée de chaleur... C'était ça... Aimer ? Peut-être, mais en étant Jedi... Ses yeux sombres s'éloignèrent de la blessure, accrochèrent les longues boucles couleur de blé de Kenobi, qui retombaient sur sa nuque, dénouées, mais d'une grâce naturelle. Les mèches brillaient, s'élevaient et s'abaissaient au rythme de la respiration du Jedi.
- ça va, tu survis ? interrogea Edriel, d'un ton un peu ironique.
Elle brisa le silence qui commençait à devenir pesant. Obi-Wan sursauta, parut s'éveiller d'un rêve.
- Hum ? Oh, oui, ne t'en fais pas. Je survis.
- Etonnant, tu ne te plains plus !
- J'ai cru comprendre que ça t'embêtait...
- J'ai bientôt fini, de toute façon.
- Bon.
Edriel tendit une main hésitante, écarta les longs cheveux d'Obi-Wan qu'elle garda serrés dans sa main. De l'autre, elle apposa pour la dernière fois un peu de baume sur la blessure. Cette fois, elle ne l'étala pas du bout du doigt, mais posa doucement sa paume sur le cou de Kenobi. Elle sentit une veine palpiter à toute vitesse sous la peau fine, prolongea son geste d'une longue caresse qui glissa sur le bras du Jedi, s'égara sur son torse. Obi-Wan expira lentement, stupéfait. Ce fut elle qui posa légèrement sa tête dans le creux de son épaule, les lèvres sur sa joue mal rasée.
- Obi-Wan...
Kenobi se retourna d'un coup, saisit les mains encore marbrées de baume de la jeune fille :
- Edi, je voulais te dire...
Il chercha en vain ses mots, se sentant fondre sous le sourire rayonnant de l'Elfe. Edriel non plus ne savait plus trop quoi dire. Elle regardait intensément la petite cicatrice qui marquait le milieu de son front, qu'elle lui avait toujours connu. Et puis ses superbes yeux bleu-vert, pétillants d'étincelles de lumière, qu'elle avait aimés dès qu'elle les avait vus...
La main d'Obi-Wan se releva, hésitante, prit la joue d'Edriel qu'elle attira vers lui... Ils fermèrent les yeux au même instant. Leurs lèvres s'effleurèrent, brûlantes de désir et du souvenir de leur dernier baiser...
C'est ce moment que choisit la porte de la cellule, dont Obi-Wan avait négligé de tirer le verrou, pour s'ouvrir à la volée, provoquant un sursaut extraordinaire des deux amants.
- BORDEL, C'EST CHEZ VOUS QU'Y A UN ENFOIRE QUI A COUPE L'EAU CHAUDE !
Une sculpturale jeune fille venait de faire irruption dans la cellule, seulement enveloppé d'une courte serviette d'éponge rouge vif... Elle était Iridonian et s'appelait Poltergeist, la meilleure amie d'Edriel, et une des membres de la petite bande dont faisaient partie l'Elfe et Obi-Wan. Une peau d'ivoire, deux grands yeux d'émeraude, des lèvres pulpeuses, des formes parfaites, elle arborait au dessus de son front deux longues cornes recourbées striées de noir, jaillissant de son opulente chevelure blonde qui lui tombait jusqu'aux fesses... Pieds nus, le corps encore tout emperlé de gouttelettes d'eau translucides, et à en juger par le savon qu'elle tenait à la main, elle paraissait avoir été interrompue au plus fort d'une activité existentielle : sa toilette. Impression renforcée par la mine furibonde qu'elle affichait...
Le premier sursaut de frayeur passé, Edriel et Obi-Wan s'éloignèrent d'un bond l'un de l'autre, tandis que l'Elfe s'écriait, alarmée, les mains en avant :
- Non, j'te promets, Polty, c'est pas nous !
Tout un chacun savait, au Temple, que s'attirer les foudres de l'iridonian équivalait à signer son arrêt de mort. Sentence valable même pour ses meilleurs amis... Poltergeist promena sur Edriel et Obi-Wan un regard soupçonneux tout en fulminant :
- J'étais sous la douche... Je ne demandais rien à personne, pour une fois... Vous savez comme c'est bon, une longue douche chaude –aux frais du Temple. Et soudain... Soudain...
Les yeux de Poltergeist, fixés sur Obi-Wan et l'Elfe dont les joues cramoisies et le mordillement des lèvres ne plaidaient pas en leur faveur, commencèrent à s'agrandir tandis qu'elle abandonnait ses griefs pour une stupéfaction enthousiaste. Très enthousiaste...
- Noooon ! J'savais pas ! Alors, ça y est ! J'ai toujours pensé que vous finiriez ensemble, tous les deux, mais... Oh lala, en flag ! Et sans chemise, Obi !
Tandis que Kenobi virait à l'écarlate, Edriel tenta de se justifier :
- Attends, Poltergeist, laisse-nous t'expliquer, c'est pas ce que tu crois !
- Ouh, les amoureux !
- Chht, Polty ! Je te dis que je lui mettais sa crème, sur ses piqûres !
- Mon œil, y a pas de moustiques, au Temple ! Ouh, les amoureux !
- Bon Dieu, t'es gourde quand tu t'y mets ! J'te dis que...
- OUH, LES AM...
- SILENCE, BON SANG !
Tandis qu'Obi-Wan laissait tomber son front dans ses mains, Edriel eut la présence d'esprit de se jeter sur son amie en lui plaquant une main sur la bouche...
- ...MOUmfff ! Mais ça va pas, non ? On peut plus rigoler, maintenant ?
- Andouille ! Tout le Temple aurait pu t'entendre ! Et...mais... Mais...
- Quoi ?
Les yeux d'Edriel s'agrandirent en remarquant la petite tenue de Poltergeist, qui n'en était pas le moins du monde gênée... Cependant, la serviette d'éponge commençait à glisser, dévoilant deux seins bombés d'un blanc laiteux, des cuisses fines et fuselées... L'Elfe leva les bras au ciel :
- Par le sarlaak de la Grande Mer des Dunes ! Tu es venue jusqu'ici comme ça, Polty !
- Ben, oui. J'ai fait toutes les portes jusqu'à la vôtre, et j'ai pas encore trouvé le coupable ! D'ailleurs, je vais vous laisser à vos affaires, il faut que...
- Malheureuse, n'y songe même pas ! s'exclama enfin Obi-Wan, trop heureux de détourner la conversation. Ils ont du faire une drôle de tête, ceux qui t'ont vue débouler dans leur cellule dans cette tenue !
- Ouais, mais c'est parce qu'ils avaient peur...
- T'es naïve, quand même !
- Vous croyez que c'est ma tenue qui...
- Si ça se sait, tu vas te faire détruire au Conseil ! menaça Edriel en levant un doigt inquiétant. J'en sors et je peux te dire qu'ils sont pas tendres ! Surtout ton enfoiré d'ancien Maître, là !
- Bah, lui, il n'a pas changé ! éluda Poltergeist d'un ton qui laissait entendre que c'était sans espoir.
- Personne ne t'a vue, dans les couloirs ? interrogea Kenobi, qui, pour une fois, enterrait son éternelle hache de guerre avec l'iridonian.
- Ben, non, j'crois pas... réfléchit la jeune fille en rajustant sa serviette. Ah si, maintenant que j'y penses, j'ai bousculé un gars, dans l'escalier ouest, c'était... C'était...
Les grands yeux verts de Poltergeist s'écarquillèrent soudain, et elle pâlit de façon effrayante. Soudain, une voix tonitruante éclata dans le couloir, vibrante de fureur :
- POLTERGEIST ! ESPECE DE PETITE DEBAUCHEE ! HONTE DE MA CARRIERE ! REVIENS ICI TOUT DE SUITE !
- Mince, l'enfoiré ! s'exclama Edriel.
- C'était Winduuu ! gémit Poltergeist en mordant à pleines dents dans sa serviette. C'était Windu que j'ai bousculé ! J'suis trop jeune pour mourir !
- Viiiite ! Fermez la porte ! s'écria Obi-Wan en se précipitant pour claquer le battant.
Tandis qu'Edriel se jetait devant Poltergeist, les bras écartés d'un geste protecteur, au cas où un Windu écumant aurait fait irruption dans la pièce, Obi-Wan poussait le loquet d'un geste vif. Ils entendirent des pas pressés courir le long du couloir, puis le bruit décrut. Kenobi s'appuya de tout son poids dos à la porte, en essayant de calmer son souffle haletant :
- Ouuuf ! On l'a échappé belle, les filles ! La vie n'est vraiment pas de tout repos avec toi, Polty !
Edriel approuva vigoureusement de la tête tandis que l'intéressée se laissait lourdement tomber sur le lit, en poussant un soupir de soulagement.
- Ouais, merci ! De toute façon, après tout ce qu'on a vécu ensemble... Mais décidément, je trouve que ça te va pas du tout, la barbe, Obi ! Si tu voulais te vieillir, c'est raté !
- Mais je t'emmerde, Polty !
Edriel esquissa un sourire. Le danger passé, les hostilités reprenaient. Depuis qu'ils s'étaient rencontrés, un accord tacite liait Obi-Wan et Poltergeist, sans qu'ils sachent vraiment ce qui l'avait provoqué. C'était peut-être à cause de leur première mission commune, sur Iridonia... En tous cas, à chaque fois qu'ils se trouvaient en compagnie l'un de l'autre, les piques et les remarques blessantes allaient bon train... Cela ne les empêchaient pas cependant d'être d'excellent amis. Quand ils savaient modérer leur enthousiasme...
- Alors comme ça tu fais du naturisme en plein Temple, tu t'exhibes en public, et après tu fais irruption dans ma cellule pour me dire que je n'ai plus qu'à me raser ! Elle est bien bonne, celle-là !
- Euh... Polty... Obi-Wan... Du calme...
- Toi, Edi, ne te mêle pas de ça !
- Mais...
Soudainement, trois coups frappés à la porte interrompirent net la tension couvante. Poltergeist blanchit de façon remarquable :
- C... C-C-C'est lui ! bégaya-t-elle en plaquant une main sur sa bouche.
- Du calme ! chuchota Edriel en levant les mains. Ne nous énervons pas ! Obi-Wan, où on pourrait la cacher !
- Je ne vois pas pourquoi je cacherais quelqu'un qui vient chercher la bagarre jusque chez moi ! C'est troubler le calme et la paix du Temple que d'agir ainsi !
- Allez, Obi-Wan, supplia Edriel à voix basse avec un regard langoureux. S'il te plaît...
- Bon, d'accord ! A part dans la douche, je vois pas...
- Ouais, c'est une bonne idée ! Vas-y vite, Polty, et ferme la porte !
- ça marche !
- Maître Kenobi ! appela de l'extérieur la voix cassante de Mace Windu. J'ai à vous parler !
- Ah, merde ! souffla Obi-Wan en serrant les poings. Si il me pique sans tunique, avec toi, en plus, ça va faire un scandale !
- Remets au moins ta chemise ! chuchota Edriel en refermant la vitre de la douche sur Poltergeist, puis la porte de la salle de bains.
- Maître Kenobi ! Puis-je rentrer ?
- Oui, oui ! répondit Obi-Wan d'une voix pressante, en se débattant avec sa chemise de lin. J'arrive, j'arrive, Maître ! Il y a le verrou !
Tandis qu'Edriel s'emparait de la tunique de Kenobi pour la jeter sous le lit, avant de courir s'asseoir au bureau, Obi-Wan passait une main rapide dans ses cheveux ébouriffés avant de se précipiter vers la porte qu'il ouvrit.
- Ah, tout de même !
- Maître... salua Kenobi en s'inclinant profondément. Que me vaux le plaiiiisir de votre visite ?
Mace Windu, membre du Haut Conseil, ancien mentor de Poltergeist, était un humain chauve à la peau noire, aux sourcils perpétuellement froncés dans la recherche d'une perfection et d'une rigueur que peu –à ses yeux- avaient jamais atteint. Il était très grand, imposant, drapé dans un long manteau Jedi de la même couleur que sa peau. Dans l'Ordre, il représentait le conformisme le plus conservateur et le plus inflexible qui soient, et il était craint pour cela. Il était d'ailleurs le chef de file du parti traditionaliste, qui comptait parmi ses membres l'infirmier Tholme Merendi, Jorus C'Baoth, et le Maître Céréen Ki-Adi-Mundi, redoutés de la petite bande. En effet, le Maître d'Obi-Wan et Edriel, Qui-Gon Jinn, avait été un des leaders du parti moderniste, dit rebelle, qui regroupait entre autres Maître Adi Gallia, Lys Fay, la Femme Sombre et le renommé Plo Koon, tous des grands noms de l'Ordre... Evidemment, même si elle avait eu pour mentor un Mace Windu, ces idéalistes qui prônaient la liberté et la fougue avaient immédiatement séduits Poltergeist... La plus grande déception qu'elle ait causée à son ex-Maître, et ce n'était pas peu dire...
Ainsi la venue de Mace Windu parmi un groupe de la nouvelle génération des modernistes n'était pas la bienvenue, même si Obi-Wan lui devait un respect total en tant que membre du Haut Conseil.
- Maître Kenobi, commença Windu d'une horrible voix suave, tout d'abord, puis-je vous demander ce que vous faites dans une tenue aussi peu... convenable, pourquoi vous aviez fermé votre porte, et...
Le regard incisif du Maître remarqua Edriel assise au bureau, et s'enflamma, tandis que sa voix se faisait tranchante :
- ... et ce que vous fabriquez seul en compagnie de Maître Menel-Randir !
Kenobi eut toutes les peines du monde à s'empêcher de rougir jusqu'à la racine de ses cheveux. Il se força à relever fermement les yeux.
- Cela fait... beaucoup de questions, Maître. Euh... Comme vous le savez, Maître Menel-Randir est une vieille amie, et je ne pense pas qu'il y ait quoi que ce soit de... choquant à nous retrouver seuls tous les deux...
Il pria tout bas pour que Windu n'ait pas la malencontreuse idée de sonder son esprit et de détecter le mensonge, sentit une onde apaisante qu'Edriel lui envoyait et calma les furieux battements de son cœur.
- En fait, approuva l'Elfe sans daigner se lever, toisant Windu d'un regard insolent, Obi-Wan me montrait un livre passionnant au sujet des Mondes du Noyau, emprunté à la bibliothèque. Cela faisait des semaines qu'il m'en parlait. Vraiment pas-sion-nant !
- Et où est-il, ce livre ? interrogea Mace d'un air soupçonneux.
- Mais ici ! répliqua la maligne Edriel qui l'avait prestement extirpé du deuxième tiroir où elle l'avait aperçu tout à l'heure.
Kenobi applaudit tout bas, tout en s'éclaircissant la gorge et l'esprit pour répondre à la deuxième question, qui ne tarda pas à venir...
- Et... Quel besoin de fermer la porte au verrou pour consulter un livre ?
- Oh, vous savez, reprit vivement Edriel avec un petit geste de main, vous savez ce que c'est que les gêneurs, Maître Windu ! Toujours à venir fourrer leur nez où il ne faut pas, quand il ne faut pas !
Elle lança au grand Jedi un regard appuyé qui le fit blêmir. Obi-Wan se mordit violemment les lèvres. Windu, lui, se redressa de toute sa stature et déclama :
- Maître Menel-Randir ! Jusqu'où donc vous mènera votre effronterie ! La réprimande de tout à l'heure ne vous a-t-elle donc pas suffi ! Le Conseil est mécontent de vous !
« Ça c'est vous qui le dites ! » siffla la jeune fille intérieurement. Mais elle produisit son plus mielleux et innocent sourire :
- Oh, pardon ! J'ai dit quelque chose qui vous a vexé, Maître ?
Windu ne voulut pas que ce soit et fit taire Edriel d'un geste de main. Obi-Wan soupira intérieurement : Edriel était décidément trop hardie ! Il y a des fois où il faut savoir plier ! Mais Qui-Gon ne leur avait jamais vraiment enseigné ce genre de choses... Seulement, maintenant, Qui-Gon n'était plus là pour couvrir leurs incartades, et les Maîtres modernistes n'étaient plus toujours derrière eux pour les surveiller ! Ils étaient grands, maintenant ! Mais pas assez pour tenir tête aux Maîtres... La jeunesse moderniste connaissait actuellement son plus mauvais moment...
La troisième question prit Kenobi de court.
- Et... Votre tenue... débraillée, Obi-Wan ? La passion engendrée par ce livre, sans doute ?
Le Jedi déglutit difficilement, mais prit le temps de réfléchir avant de répondre lentement...
- Oh, vous savez... J'ai la curieuse manie de me passer la main dans les cheveux à tout bout de champ, d'où les épis qui vous incommodent... Quant à ma tenue... J'ai ôté tout à l'heure ma tunique car les cellules sont excessivement chauffées, je trouve, ces temps-ci... J'espère que vous n'y voyez pas de mal ?
- Dans l'absolu, non, Maître Kenobi, mais...
Windu jeta un regard circulaire dans la cellule.
- ... je ne vois pas votre tunique. Où est-elle ?
- Euh...
- Sans doute dans la douche...
- Non !
Edriel fit un mouvement brusque qui heureusement échappa à Windu.
- Non ? reprit ce dernier, satisfait de voir Kenobi embarrassé. Alors où est-elle ?
- Eh bien, c'est-à-dire que...
La voix claire d'Edriel brisa effrontément le silence :
- Tu es si désordonné, Obi-Wan ! Maître Windu a bien raison sur cet article ! Moi, je serais toi, je regarderais sous le lit, au cas où...
Kenobi se retint de tomber à genoux pour remercier le ciel, et se précipita vers son lit :
- Tiens, vous avez raison, Maître Menel-Randir ! Je vais jeter un coup d'œil, on ne sait jamais...
Le Jedi se laissa tomber à quatre pattes sous le regard incrédule de Mace Windu, lança une main tâtonnante sous sa couche...
- AH ! La voici !
Kenobi se redressa en élevant d'une main triomphante sa tunique beige.
- Vous voyez, Maître Windu, elle n'était pas perdue !
Un moment, Windu parut comprendre, sans doute aiguillé par le sourire narquois d'Edriel et la rougeur d'Obi-Wan. Mais il ne pouvait rien prouver et ravala difficilement sa colère en croisant résolument les mains dans ses amples manches. Un jour viendrait où il le coinceraient, ces deux petits rebelles de pacotille !
- C'est bien, Maître Kenobi, mais vous devriez être plus soigneux de vos affaires... Enfin, je ne suis pas venue ici pour apprendre le savoir-vivre, mais pour une simple question.
- Dites, Maître ! s'empressa Obi-Wan en ré-enfilant précipitamment sa tunique.
- Vous n'auriez pas vue votre amie Poltergeist traîner dans les parages, par hasard ?
- Eh bien...
Edriel, sachant d'expérience Obi-Wan mauvais menteur lui coupa vivement la parole :
- Non, pourquoi ? Vous la cherchez ?
- En effet. J'ai à lui parler de toute urgence.
- Dommage, nous ne l'avons pas vue par là, reprit Kenobi avec un nouvel aplomb, une fois sa tunique ajustée. Tentez votre chance au réfectoire, c'est bientôt l'heure du dîner, et c'est toujours une des premières...
Un bruit étrange sortit de la petite salle de bains. Windu leva brusquement la tête tandis qu'Edriel foudroyait Obi-Wan du regard :
- Qu'est-ce que c'était, ça ?
- ça ! C'est rien, rien ! répliqua Kenobi en réfléchissant à toute vitesse. C'est... En fait, les jeunes Padawans du neuvième s'amusent... euh... depuis quelques temps déjà à... lancer des objets dans les canalisations ! Oui, c'est ça, d'où ce bruit étrange !
- Ils jettent des objets dans les canalisations ! s'étrangla Windu en changeant de couleur.
- M-mm ! approuva Edriel d'un vigoureux signe de tête.
- Les petits voyous ! Ils vont avoir de mes nouvelles ! Je m'en vais de ce pas les surprendre, et ça va barder !
- Enfin, quand je dis des Padawans, ce sont peut-être des Chevaliers ou même des Maîtres... risqua Obi-Wan d'un ton prudent. Je ne suis pas allé vérifier...
- Il ne manquerait plus que ça ! Bon, je vous souhaite une bonne soirée, Maître Kenobi... Vous aussi, Maître Menel-Randir...
- De même !
- ... Et je m'en vais tant bien que mal faire régner l'ordre dans ce Temple où plus rien ne va plus ! Adieu !
- A plus !
- Que la Force vous accompagne !
Quand Windu eut claqué la porte, et que le son de se spas eut décru dans le couloir, Obi-Wan osa enfin se laisser tomber sur le sol, les bras autour de ses genoux, liquéfié :
- Oh lala, mais quelle plaie, celui-là ! Si seulement les Sith avaient l'idée de le coincer, lui, au lieu de toujours s'attaquer à nous !
- Déstresse, mon chou, sourit Edriel en se levant pour venir l'enlacer. C'est fini, maintenant, il est parti ! Tu ne crains plus rien... Mais tout de même, pauvres petits Padawans... Il faudra leur expliquer...
Kenobi laissa lourdement peser sa tête sur l'épaule de l'Elfe, nicha doucement son visage dans le creux de son cou. Il y avait si longtemps qu'elle ne l'avait pris dans ses bras, comme ça, pour le consoler... Et maintenant...
- EST-CE QUE QUELQU'UN AURAIT L'AMABILITE DE S'OCCUPER UN PEU DE MOI !
Pour la deuxième fois de la journée, Edriel et Obi-Wan sursautèrent violemment avant de se séparer d'un air gêné. Sur le seuil de la salle de bains, serrant contre elle sa serviette rouge, Poltergeist les foudroyait d'un regard furibond :
- Enfoiré ! hurla-t-elle en menaçant Obi-Wan du doigt. Alors comme ça je suis « toujours la première au réfectoire » ! Dis tout de suite que je suis une goinfre ! Et comme ça je suis un « bruit de canalisation » !
- Ecoute, Polty, fallait bien trouver un truc... Sois heureuse qu'on t'ait sauvé la peau !
- EDI, TU PRENDS SON PARTI !
- Moins fort, imagine qu'il revienne ! On y passe tous, là !
- Et d'abord, qu'est-ce que tu faisais à huit heures moins cinq, en serviette de bain dans les couloirs ? C'est pas l'heure de prendre sa douche, on va bientôt manger !
L'iridonian fronça encore une fois les sourcils puis sembla se calmer. Elle se laissa tomber sur le lit, passa une main coquette dans ses cheveux...
- Eh bien, en fait, il y a soirée duel, ce soir, et je tâchais de me rendre présentable parce que Quinlan m'a invitée...
- Ah ! C'est de ça qu'il me parlait, tout à l'heure, au téléphone ! coupa Edriel d'un ton songeur.
- Quoi !
- Ben, continua l'Elfe malgré les signes de dénégation frénétiques que lui faisait Obi-Wan, en fait, je l'ai eu au comlink, y a pas longtemps, et il m'a invitée à cette fameuse soirée. Mais j'ai compris la moitié de ce qu'il disait, alors je lui ai dit que je pouvais pas...
Poltergeist se leva d'un bond, aussi rouge que sa serviette, les poings serrés. Obi-Wan se fit tout petit tandis qu'Edriel continuait :
- ...Il a du t'appeler suite à ça...
- NOON, LE MEC !
- Calme-toi, Polty !
- J'VAIS LE TAPER !
- T'es pas folle, non ! Avec Windu qui sillonne les couloirs à ta recherche !
- M'EN FOUS, J'VEUX FAIRE UN MEURTRE ! Y ME PREND POUR QUI, CE FRIMEUR ! J'SUIS PAS UN PIGEON !
- De toute façon, fit Kenobi en haussant les épaules, tu croyais que c'était pour tes beaux yeux qu'il t'avait invitée, ou quoi ?
- A LA BASE, OUI !
- Chht, Polty, calme-toi ! supplia Edriel en joignant les mains. J'ai une idée : si on y allait tous ensemble, à cette soirée ? On se constitue en équipe, et puis on met la pâtée à celle de Quinlan ! Ça sera du gâteau, et quelle belle vengeance ! Non ?
- Il est faut être quatre pour former une équipe !
- No problem, on chope mon frère en passant, et voilà !
- Tu sais où il est ?
- J'ai une petite idée. Alors ?
Poltergeist se prit le menton dans la main, esquissa un petit sourire :
- Vu sous cet angle... Je trouve ça très séduisant !
- Super ! s'exclamèrent ensemble Edriel et Obi-Wan trop heureux d'avoir évité l'orage.
- Seul problème ; vous avez des habits à me passer ? Parce que dans les couloirs, je me suis déjà fait remarquer une fois, alors...
- Ben... marmonna Kenobi désemparé.
- J'ai une idée ! s'exclama Edriel. Enveloppe-toi dans le manteau d'Obi-Wan le temps d'aller jusqu'à ta cellule. Tu te rhabilles, et tu passes nous prendre en descendant au gymnase ! Ça marche ?
- Tope-là, mec ! rit Poltergeist en tendant la main à l'Elfe.
Un instant plus tard, elle était partie, et Edriel et Obi-Wan se retrouvèrent une fois encore seuls.
- Arriverons-nous enfin à trouver un peu de temps pour nous ? sourit Edriel en entourant le Jedi de ses bras.
- Je n'en doute pas... murmura Obi-Wan en inclinant doucement le visage vers elle.
Ce furent d'abord leurs joues qui s'effleurèrent, puis leurs lèvres. Leurs souffles se mêlèrent d'un coup, leur donna un instant le vertige. Les mains de Kenobi enlacèrent avec tendresse la taille fine de celle qu'il aimait, cherchèrent à deviner, sous le lin de la chemise, la peau translucide de l'Elfe, qu'il avait guéri une fois de ses blessures, et qu'il n'avait jamais pu oublier... Edriel, quant à elle, enfouissait avec délice ses doigts dans les longs cheveux couleur de blé d'Obi-Wan, jouait avec des mèches, palpait fébrilement la chevelure qui ruisselait sur ses mains... Il l'enlaçait avec fougue, sa bouche avait un goût de miel, sa peau sentait l'iris froissé... Ce moment tant désiré leur paraissait durer depuis l'éternité quand la porte se rouvrit sans prévenir :
- Coucou ! Alors, on y va ?
- POLTY ! TU PEUX PAS FRAPPER, COMME TOUT LE MONDE !
- TU NOUS A FLANQUE UNE DE CES FROUSSES !
- Oh, ça va ! C'est vous qui arrêtez pas, aussi !
- Ah bon, on devrait s'excuser, en plus ?
- Ben tiens ! Quand on est Jedi, on fait vœu de chasteté, les cocos ! Alors, on se motive, et on y va ?
La colère d'Edriel n'avait jamais pu tenir bien longtemps face à la franchise désarmante et l'entrain de Poltergeist. En plus, elle devait reconnaître que l'iridonian s'était changée en temps record : le long manteau brun d'Obi-Wan sous le bras, elle portait à présent un haut décolleté et une jupette ultracourte d'un tissu rouge léger et chatoyant. Une ceinture de cuir noir lui ceignait les reins, où se balançait son sabre-laser à poignée courbe. La petite tenue découvrait largement les jambes, le ventre et les bras de Poltergeist recouverts de tatouages en forme de serpents, ou de signes tribaux semblable au signe noir qui marquait sa joue droite. Des larges anneaux dorés pendaient à ses oreilles, rappelant ses cornes lisses et brillantes. Elle était éblouissante... Ce que Mace Windu lui avait souvent reproché.
- On y va ! approuva Edriel en saisissant au passage le poignet de Kenobi un peu réticent.
Après avoir soigneusement refermé la porte de la cellule, les trois amis s'engagèrent dans le couloir en direction de l'escalier qui descendait l'étage inférieur.
- Non, franchement, Obi-Wan, je ne sais pas ce que c'est, cette nouvelle manie de te laisser pousser la barbe !
- Oublie-moi !
- Ce que tu es susceptible ! Au fait, Edi, on passe chercher ton frangin ?
- T'inquiète, chaque chose en son temps !
- Bon. Vous croyez qu'il y a un buffet, au gymnase ?
- Si c'est ENCORE Maître Zao qui cuisine, je n'y toucherais pas !
- Moi, j'aime bien son potage aux serbs !
- Toi, mon Obi-Wan, tu es quelqu'un de peu contrariant...
- De quel potage tu veux parler, Obi ? Il ne fait que ça ! Vive le buffet !
Les trois Jedi étaient arrivés au palier principal, d'où partait les grands escaliers ouest et est.
- Et si on prenait l'ascenseur ? proposa Poltergeist en étouffant un bâillement.
- Ok ! approuva aussitôt Obi-Wan. Pour une fois qu'on ne fera pas la course !
- Ah, mais ça peut se faire, tu sais...
- Non, non, merci ! Rentrez vite, il va partir !
Edriel et Poltergeist le suivirent dans la cabine spacieuse de la machine.
- On s'arrête au troisième étage ! annonça l'Elfe avec autorité, en pianotant un ordre sur le tableau de commande.
- HEIN ! s'écria Poltergeist en écarquillant les yeux. Qu'est-ce que tu veux allez foutre au troisième ? C'est l'étage des shootés !
- Des adeptes de la méditation, corrigea gentiment Obi-Wan, qui avait l'habitude de s'y rendre régulièrement.
- Tu verras, répondit Edriel avec un petit signe évasif.
Une brusque secousse leur fit remonter le cœur au niveau de la gorge : l'ascenseur s'était mis en route.
- Oh lala ! Je hais ces engins !
- Et moi donc !
- Hé, positivez, tous les deux ! Et appréciez les miracles de la technique : on a évité cinq volées d'escalier !
- Quelque fois, je comprends pourquoi Mace s'arrachait les cheveux lorsqu'il te formait... avança Kenobi. Aïe !
L'iridonian lui avait « malencontreusement » enfoncé son coude dans le ventre.
Un bip sonore leur vrilla les oreilles.
- Et voilà ! On est arrivés !
La porte s'ouvrit dans un chuintement sonore. Ils émergèrent dans un long couloir peu éclairé, aux murs d'un bleu d'azur doux et pastel. Ils régnait dans les lieux un silence paisible, profond, à peine troublé par le bruissement des multiples plantes vertes qui s'alignaient près des larges baies vitrées. En face d'elles, alignées le long du mur s'ouvraient de multiples petites chambres où résonnaient parfois le murmure d'une pièce d'eau : les alcôves de méditation.
- J'te redécorerais tout ça, moi, marmonna Poltergeist en serrant les dents avec dégoût.
Elle regarda d'un œil morne un panneau mural recommandant le respect des méditateurs, soit le silence le plus total. La méditation était le dernier des soucis de la jeune iridonian. Depuis qu'elle avait pu s'en passer –cela remontait à la fin de sa formation- elle n'avait plus remis les pieds dans cet étage, qui lui rappelait de douloureux souvenirs...
La jeune fille et Obi-Wan s'engagèrent dans le sillage d'Edriel, qui paraissait savoir exactement où elle allait, dépassant les alcôves les unes après les autres sans leur prêter attention.
- Où tu nous emmènes ? chuchota Poltergeist en traînant les pieds.
- A l'escalier nord.
- C'est bien la peine d'avoir laissé l'ascenseur se barrer ! Tu réfléchis, des fois !
- Bien sûr ! Il est indispensable de passer par là, je te dis !
- Non mais...
Poltergeist jeta un regard désabusé à Obi-Wan qui écarta les bras.
- ... T'es bête, ou tu le fais exprès !
Mais Edriel ne l'écoutait pas. A la dixième alcôve, elle avait brusquement freiné son pas. Elle fit un petit signe de main à ses amis :
- Continuez, j'arrive !
Elle disparut dans l'alcôve, tandis que les deux autres s'exécutaient en jetant des regards ahuris derrière eux. Un instant plus tard, Edriel ressortait de la chambre tout sourire, en traînant par la peau du cou un jeune homme que ses amis connaissaient très bien. Galaad Menel-Randir était aussi beau qu'on le disait sage, d'une beauté toute elfique. Entièrement habillé de bleu nuit, sa tunique très ajustée révélait un corps mince et souple, des membres félins et élancés. Des oreilles finement pointues. De longues mèches d'un blond châtain, qui tombaient devant son visage éthéré, presque androgyne, mais d'un calme et d'une beauté admirable. Des lèvres couleur de rose, entrouvertes sur un éclat de perle. Et, plus clairs que ceux de sa sœur, de grands yeux noisette, traversés d'étincelles vertes et grises, tandis que de longs cils soyeux ombraient de temps à autre ses joues pâles. Galaad Menel-Randir était une légende. Tant pour les Maîtres qui le donnaient en exemple que pour les jeunes Padawans qui s'inclinaient jusqu'à terre sur son passage. Formé par Maître Yoda, il avait acquis avant tous les autres apprentis de sa promotion le titre de Chevalier, suivi une semaine plus tard du rang de Maître, après le sauvetage inédit et quasi-irréalisable d'un système entier menacé de destruction. Et à côté de cela, on ne trouvait pas au Temple moins belliqueux, plus enclin à la sagesse, la méditation et la philosophie, domaines dans lesquels il excellait... Certes, Galaad Menel-Randir était une légende, mais cela ne l'empêchait pas d'avoir une sœur, comme tout le monde...
- Mais enfin, Edi...
- Allez bouge-toi, frangin ! Sinon, c'est l'overdose qui te guette !
Si la plupart du temps, Edriel était totalement dominée par son frère, vouée à l'admiration qu'elle lui dédiait, il arrivait quelquefois que les rôles s'inversent, par un caprice du hasard ou de la jeune fille. C'était précisément le cas.
- Oh, salut, les gars ! –mais enfin, lâche-moi, Edi !
- Salut !
- Tout va comme tu veux, Galaad ?
- Non : ma sœur a encore pété un câble ! Enfin, Edriel, vas-tu enfin m'expliquer pourquoi tu me tires de ma méditation qui...
- Stoppe-là les discours, frérot ! C'est un cas de force majeure !
En voyant les mines graves qu'Obi-Wan et Poltergeist s'appliquaient à prendre, Galaad cessa soudain toute revendication, et sa sœur consentit à le lâcher. Il épousseta négligemment sa tunique en observant les mines sérieuses des trois complices :
- Vraiment ? C'est si grave que ça ? Serait-ce vraiment d'importance ? Eclairez-moi, mes amis !
- Eh bien, en fait... commença Poltergeist en le prenant familièrement par les épaules, je ne te cache pas que notre avenir dépend de la tournure que prendra cette affaire...
- C'est quelque chose... de vital ! confirma très sérieusement Obi-Wan en se prenant au jeu.
- ça se passera ce soir ! ajouta Edriel en levant un doigt menaçant.
Etroitement entouré par les trois comploteurs, Galaad laissa passer une ombre d'inquiétude sur son beau visage. Il fronça ses fins sourcils, laissa tomber son sourire énigmatique :
- Enfin, dites-moi, mes amis, vous me faites mourir !
- Bon ! déclara Poltergeist en se redressant de toute sa taille. C'est très simple : cet enfoiré de Quinlan me prend pour une fille facile : il m'a invité à la soirée duel de ce soir après s'être pris un râteau par Edi. Quand je l'ai su, j'ai immédiatement compris que cela appelait vengeance : alors voilà mon plan. On va tous à la soirée duel, on est quatre, pile pour former une équipe, et on massacre tout le monde, l'équipe de Quinlan y compris ! C'est pas brillant, ça ?
La respiration tranquille de Galaad fit un curieux écart. Il blanchit de curieuse façon, si bien que ses amis crurent un moment qu'il allait perdre connaissance. Mais il n'en fut rien : il se redressa d'un bond, foudroya Kenobi, Edriel et Poltergeist du regard :
- ET C'EST POUR ÇA QUE VOUS M'AVEZ DERANGE !
- Mais enfin, Galaad, c'est un honneur...
- Ecoute, frérot, ne le prends pas comme ça...
- C'était l'idée des filles !
- BANDE DE PETITS DELINQUANTS ! POURQUOI C'EST TOUJOURS MOI QUE VOUS MELEZ A VOS HISTOIRES LOUCHES ! WHY ME !
- Qu'est-ce qu'il a dit, là ? demanda Poltergeist en écarquillant les yeux.
- Tu peux pas comprendre, répondit calmement Edriel. C'est de l'elfique. Texto, ça veut dire « pourquoi moi ». En gros, c'est une interrogation existentielle sur le destin, si tu veux...
- Ouh lala ! Tu m'étonnes qu'il était toujours premier de la classe, quand on était Padawans !
- Lui jetez pas la pierre, s'interposa Obi-Wan. C'est lui qui faisait tous vos devoirs...
- MAIS QU'EST-CE QUE J'AI FAIT AU CIEL ! C'EST ABSOLUMENT IR...
A ce moment, la tête parcheminée du vieux Maître Eeth Koth émergea brutalement d'une alcôve, furibonde :
- C'EST PAS BIENTOT FINI, CE RAFFUT ! Y EN A QUI MEDITENT, ICI !
- Mille excuses, Maître Koth, on s'en va à l'instant !
Poltergeist rejoignit au pas de course Edriel et Obi-Wan qui entraînaient de force Galaad fulminant...
Après l'escalier nord, ce fut à nouveau l'ascenseur. Comprimé entre Edriel et Poltergeist, dans l'étroite cabine, Galaad avait renoncé à se plaindre. Certain de l'inévitable, il reprenait la contenance impassible qui était la sienne, et abordait maintenant le problème du côté pratique :
- Quelqu'un m'en dit plus sur cette soirée duel ?
- Je ne suis qu'un convive récemment, euh... convié à cette petite fête, s'empressa Kenobi en se dégageant de toute responsabilité.
- En fait... commença Edriel.
- Non, pas toi ! coupa son frère d'un ton glacial. Je t'ai assez entendue pour toute la journée ! Poltergeist ?
L'iridonian échangea un clin d'œil avec Edriel puis répondit :
- En fait, je ne sais pas grand-chose, Galaad... Quinlan m'a invitée, mais il ne m'a pas expliqué...
- Bravo pour l'organisation ! Bon, finalement, Edi, je t'autorise à parler. Explique !
- Non, en fait, je voulais juste dire que je ne savais pas, et qu'il fallait demander à Polty...
L'Elfe regarda alternativement les jeunes filles d'un air incrédule, puis laissa tomber son beau visage dans ses mains. Obi-Wan lui tapota amicalement l'épaule :
- T'en fais pas, vieux frère. On est dans le même pétrin tous les deux. Je me demande ce qu'on a fait au ciel pour mériter de les connaître !
- J'te remercie ! s'exclama Poltergeist en allongeant un coup de poing outré dans l'épaule de Kenobi qui gémit.
- Polty ! Ma piqûre !
- Et lavette, avec ça !
- Bon, on rigole, frangin, avoua soudain Edriel en entourant de ses bras le cou de son frère. Poltergeist va t'expliquer. C'était pour te faire enrager... Tu nous pardonnes, hein ?
- Grrmblgfrr...
- ça a le mérite d'être explicite ! remarqua sentencieusement l'iridonian. Bon, cette soirée duel –avec buffet- se déroule en trois parties : éliminatoires, poules et finales. La der des ders sera le point culminant de la soirée et les membres de l'équipe vainqueur portera le titre de Maître Escrimeur jusqu'au prochain tournoi. Le jury seront les membres du Haut Conseil. Equipe de quatre, esprit d'équipe, toutes formes de combat autorisées –sauf la forme V, bien sûr.
- Vous pensez que je pourrais me changer en fauve ?
- NON, Edi !
- T'es pas drôle, Galaad !
- Bon, ok pour le tournoi. En fait, ça me tente plutôt, maintenant que vous m'en parlez...
- Ahh ! On retrouve enfin notre Galaad à nous !
La sonnerie stridente de l'ascenseur leur annonça l'arrivée au premier niveau souterrain : le gymnase. Les quatre amis débouchèrent dans un grand hall sombre, sans éclairage, où s'ouvraient de part et d'autre deux portes. La plus grande, à double battant, était entrouverte, et un chaleureux rayon de lumière en sortait, ainsi qu'un brouhaha de conversations. Les Jedi s'y dirigèrent sans hésiter, entrèrent.
Le gymnase était peut-être une des plus grandes salles du Temple, excepté le gigantesque hall d'entrée du rez-de-chaussée. La pièce était circulaire, couronnée d'une énorme voûte de verre bleuté. Le long des murs couleur de sable couraient de simples bancs de bois, et le sol était entièrement recouvert d'un souple tatami gris-bleu, d'une matière caoutchouteuse qui absorbait les heurts. Si les quatre amis n'avaient jamais vu le gymnase entièrement désert, ce soir-là, il paraissait impossible d'être plus rempli. Une foule de Chevaliers et de Maîtres –les Padawans étaient au lit depuis longtemps, interdits de concours- étaient là, rassemblés en petits groupes, devisant gaiement autour du buffet et des bancs. Une joyeuse réunion, une occasion de se retrouver ensemble, de mieux se connaître les uns les autres ; voilà ce qu'était pour les Jedi cette soirée annuelle. Car le Temple n'était souvent qu'un lieu de passage, et les quatorze mille Chevaliers au service de l'Ordre ne se connaissaient que peu, ce que beaucoup déploraient...
- Eh ben ! siffla Poltergeist. Y a du people, cette année ! Y ont mis le paquet...
- Une belle occasion de faire de nouvelles connaissances... ajouta Galaad dont les yeux brillaient de contentement.
- Tu peux parler ! répliqua Edriel. Toi, tout le monde te connaît, cher frère, ou cherche à faire ta connaissance... Surtout les filles...
- Edi, je te prie de cesser ces réflexions sans aucun intérêt et sans fondement aucun...
- Quinlan en vue ! annonça Obi-Wan à voix basse.
- Où ? interrogea Poltergeist en mettant sa main en visière, avec un regard de chasseur.
- Par là, derrière Maître Kolar !
- Ah ouais, j'le vois ! Venez, les gars, on va lui faire sa fête !
- Ou du moins le mettre en garde contre sa défaite prochaine... corrigea Galaad d'une voix timide.
- Pas question ! répliqua l'iridonian en saisissant l'Elfe par le col de sa tunique. A bas le pacifisme ! Je vais lui niquer la gueule tout de suite, à cet...
- Ah, vous voilà ! Je vous cherchai de partout !
Freinée dans leur élan, les coupables se retournèrent d'un bloc vers le nouvel arrivant. Il ne devait pas avoir plus de dix-neuf ans. Grand, élancé, cheveux blonds et tresse de Padawan, un sourire et des yeux bleus éblouissants... Anakin Skywalker. Apprenti d'Obi-Wan, selon la dernière volonté de Qui-Gon Jinn, c'était un jeune garçon plein de contraste, de fougue et d'impétuosité. Certains disaient qu'il était trop jeune pour commencer à être formé, lorsqu'il avait été découvert. Mais d'autres disaient aussi qu'il était l'Elu de l'antique prophétie Jedi, celui qui devait ramener l'équilibre dans la balance de la Force... Un statut qui ne laissait pas de rendre le jeune homme un peu frimeur, très sûr de lui... Et attachant au possible pour les quatre Chevaliers qui l'avaient connu pilote du haut de ses neuf ans. C'était la dernière recrue du parti moderniste, et une recrue de poids, si l'on pouvait dire... Par ses exploits et ses fantastiques talents, il devait être au moins aussi célèbre que Galaad Menel-Randir... Les conservateurs ne lui avaient jamais pardonné sa prise de parti ce qui achevait l'intégration totale d'Anakin Skywalker dans la petite bande. Une intégration qui avait cependant des limites, quand Obi-Wan prenait ce que Poltergeist appelait ses A.A.P. « abus d'autorité sur Padawan »...
- Enfin, je me doutais bien que je vous trouverai ici, continua le jeune homme. Quand même, vous m'avez fait courir, tous les quatre ! Vous tenez décidément pas en place !
La première surprise passée, Obi-Wan s'avança, les sourcils froncés, les mains sur les hanches :
- Et... C'est à nous que tu parles comme ça ? interrogea-t-il d'une voix menaçante.
- Mais... Bien entendu, Maître !
- Et... Tu te crois où, jeune Padawan ?
- Mais enfin, Maître...
- Il n'y a pas de « Mais enfin, Maître... » qui tiennent ! Tu prends beaucoup de liberté, ces temps-ci, je trouve ! Je te signale que nous sommes tous quatre Maîtres –enfin, sauf Polty qui n'arrête pas de se faire recaler, si elle arrêtait de faire enrager Windu, ça irait mieux- nous sommes donc tes supérieurs et tu nous dois le respect ! Donc, pour commencer...
- Dis, Obi, t'abuses, là... intervint Poltergeist. Il a fait pire que nous dire qu'on ne tient pas en place –ce qui est vrai !
- Là n'est pas la question ! répliqua fermement Obi-Wan, approuvé d'un geste de tête vigoureux par Galaad.
Anakin, qui avait baissé la tête d'un air soumis, s'efforça d'empêcher les coins de ses lèvres de se relever... Entreprise vaine tandis que Poltergeist murmurait, de façon à être entendue de tout le monde :
- ça y est, ça lui reprend : en plein A.A.P. !
- Polty, ne te mêle pas de ça !
- Bon, écoute, Obi-Wan, ce n'est peut-être pas vraiment le moment...
Kenobi tourna un regard stupéfait vers Edriel. Elle avait posé une main apaisante sur son bras, et l'incitait au calme d'un regard attendrissant. Evidemment, dans ce cas-là... On pouvait discuter. Mais Obi-Wan était surpris de voir l'Elfe prendre la défense d'Anakin. D'habitude, leur relation était un peu la même que celle qui le liait à Poltergeist : orageuse. Mais enfin... Une fois n'est pas coutume. Il adoucit son regard foudroyant, haussa les épaules :
- Bon, ça ira pour cette fois encore, Padawan. Mais gare à la prochaine !
- C'est cela... marmonna le jeune homme en baissant la tête d'un air soumis.
- Qu'est-ce que tu dis !
- Je dis que je suis à plat ! Je suis fatigué, ce soir !
- Ah, ben ça tombe bien, on est déjà au complet, pour former une équipe ! décréta vivement Edriel en lançant un regard en biais au jeune homme.
Celui-ci réagit au quart de tour : elle venait de déterrer la hache de guerre ! Il ouvrait la bouche pour répliquer, quand Obi-Wan s'empressa, diplomate :
- Euh, oui, on est vraiment désolé, Padawan. En fait, on pensait pas te trouver là, et... Enfin, on s'était déjà arrangé pour former un groupe... J'espère que... Enfin...
- Si vous voulez, glissa Galaad, je me dévoue et je laisse la place à Anakin...
- Pas question ! aboya Edriel. Toi, tu restes ici, frangin ! On a besoin de tes talents légendaires !
- Dis tout de suite que je suis un gros nul ! s'exclama Anakin
en serrant les poings.
- Mais pas du touuuut ! coupa
Poltergeist. Edriel n'y pensais même pas, pas vrai, Edi ?
- Pas le moins du monde... répondit doucereusement l'Elfe en tirant discrètement la langue au jeune Padawan.
Ce dernier renifla dédaigneusement, et se redressa de toute sa taille :
- De toute façon, ne vous en faites pas pour moi, j'suis déjà embauché ! Dans l'équipe de Maître Vos...
- KOÂÂÂ !
En un clin d'œil, l'iridonian avait sauté à la gorge du jeune homme, tenant fermement le col de sa tunique serré dans sa main...
- ESPECE DE TRAITRE ! TE RENDS-TU COMPTE DE LA PORTEE DE TON ACTE !
- Hé ho, Polty, faut pas exagérer quand même !
- C'est vrai, il était pas au courant !
- Cet accès de violence est in-qua-li-fia-ble !
- Est-ce que quelqu'un pourrait m'expliquer..?
- Bien entendu, Padawan. Poltergeist, lâche-le cinq minutes, s'il te plaît. Au moins qu'il sache pourquoi il meurt...
- Humpf !
La jeune fille lâcha prise avec regret, au grand soulagement d'Anakin qui entreprit de desserrer l'encolure de sa tunique...
- Hé, pas d'exhibition, Padawan !
- Mais enfin, Maître...
- Bon, je t'explique : Polty ici présente les charges suivantes : le dénommé Quinlan Vos, Maître de l'Ordre Jedi, domicilié à la cellule 46 du troisième étage du Temple Jedi, lui a proposé de l'accompagner à la soirée-duel qu'après s'être pris un râteau par la susnommée Edriel Menel-Randir, également Maître Jedi, qui confirme les faits. L'accusatrice en question dépose donc plainte contre diffamation implicite de sa propre personne, et se considère lésée dans son amour-propre ! Procureur général de la défense: moi-même, témoin à charges : Edriel Menel-Randir, greffier : Galaad Menel-Randir, président du jury : Anakin Skywalker...
- Hé !
- ... Avocat de la défense... Eh bien, il semble qu'il n'y en ait pas...
- Je n'y comprends goutte, maître.
- Tu nous embrouilles, Obi ! J'sais même plus pourquoi j'en veux à Quin, maintenant !
- Sérieux ?
- Si, maintenant ça me revient...
- Mais qu'est-ce que je fais là !
- Décidément, tu n'ouvres la bouche que pour te plaindre, mon frère !
- Bon, si j'ai bien compris, vous voulez faire la peau à Quinlan ? avança timidement Anakin.
- Exactement !
- Et comme j'me suis fourré dans son équipe, je vais me faire démonter par un de vous quatre ?
- Tu piges, vite, Anakin, le félicita Obi-Wan avec une tape amicale sur l'épaule. Je suis fier de toi !
- Oh lala ! Dans quel pétrin je me suis encore fichu ! se lamenta le jeune homme.
- ça, je dois avouer que pour t'attirer des ennuis...
- Mais qu'est-ce que je vais faire !
- Je te suggère de prier... conseilla sournoisement Edriel.
- Mais...
- Tiens, les p'tits jeunes ! Comment allez-vous ?
