Chapitre 7

Massif d'Olympia, Washington, 1937

« Emmett Mc Carty, voulez-vous prendre pour épouse Rosalie Cullen ?

« Oui ! »

« Rosalie Cullen, voulez-vous prendre pour époux Emmett Mc Carty ? »

« Oui ! »

« Par les pouvoirs qui me sont conférés, je vous déclare mari et femme. »

L'officiant offrit un sourire crispé et inquiet à l'assemblée composée de huit invités, huit vampires aux yeux dorés.

« Félicitations. » ajouta-t-il avant de s'éloigner.

Une minute plus tard, le révérend du village de San de Fuca était remonté dans son auto et se promettait de ne plus accepter de célébrer de mariage à l'extérieur, même pour deux cents dollars.

Si Emmett avait mis plus de deux ans à pouvoir être aussi proche d'un humain sans le tuer, ça n'était pas parce qu'il avait été très malade avant de devenir un vampire comme moi, c'était parce qu'il adorait le sang et la chasse, les deux étaient indissociables et nécessaires. Un jour Rosalie lui avait ramené un lynx et il avait boudé, rien que deux minutes mais c'était signe qu'il avait été très affecté car il n'avait pas lui-même chassé son repas et en retirait donc moins de plaisir. Or le plaisir était la quête absolue du membre le plus récent de notre famille. Sang, chasse et plaisir amoureux. Il ne vivait que pour ça. Très vite Rosalie passa favorite devant la chasse et le sang mais ces deux occupations restaient une part très importante de la vie d'Emmett, l'empêchant de travailler sur son contrôle pendant de longs mois et retardant donc ce mariage.

Sa carrure nous avait fait redouter un nouveau-né incontrôlable et bien trop fort, et nous avions eu raison. Pourtant, son coup de foudre avec l'ange qui l'avait sauvé de la mort l'avait forcé à se partager entre sa soif pour le sang et son amour.

La petite fête durerait toute la nuit, Rosalie le méritait bien. Nous avions dépensé pratiquement toutes nos économies pour son mariage. Sur une des falaises surplombant la mer, juste après le coucher du soleil, quand les derniers rayons de l'été avaient continué d'illuminer le ciel sans nous dévoiler pour autant, le révérend avait célébré le mariage selon le rite protestant, comme Rosalie l'avait décidé.

Emmett avait grandi dans une famille athée, écossais par son père et irlandais par sa mère, ayant tous perdu la foi à la suite de tragédies familiales et nationales au fil des décennies. Il avait mis plusieurs jours à tenter de souvenir si tout de même, les Mc Carty descendaient de catholiques ou protestants, avant d'abandonner. Même lors de son enterrement, auquel Esmé et moi avions assisté discrètement, symbolique car l'ours l'avait dévoré selon la version officielle, aucune mention de dieu n'avait été faite. Il était le premier d'entre nous à n'avoir pas envie de penser à dieu, à ne pas se poser de questions comme pourquoi ou comment. Le monde avait-il à ce point changer suite à la Grande Guerre et nous ne l'avions pas réalisé ?

Nous portions tous de magnifiques tenues, une arche fleurie avait été confectionnée par Esmé et moi, sous laquelle les amoureux s'étaient dit oui, tout autour de splendides bouquets de fleurs blanches et roses pâles. Le chemin menant à l'arche était un tapis de velours de couleur ivoire. En face de l'arche, trois chaises pour le reste de famille d'un côté du tapis et cinq de l'autre côté pour le clan de Tanya. L'auto qui avait conduit Rosalie avait été également décorée, telle une princesse, elle en était descendue gracieusement, un magnifique bouquet de fleurs fraiches à la main, une tiare de diamants dans les cheveux, des diamants aux oreilles. Personne ne savait encore comment Emmett avait réussi à acheter une bague avec un aussi gros un diamant pour sa demande, mais il avait promis ne pas l'avoir volée.

Et la robe, je n'en avais jamais vue de plus belle. Esmé l'avait confectionnée avec Rosalie, comme le reste de nos tenues. Toutes deux s'étaient prises de passion pour la mode le lendemain où Emmett avait fait sa demande mais qu'il avait été clair qu'il ne pourrait pas tenir bien longtemps chez un tailleur pour lui confectionner son costume. Depuis, elles s'étaient promis de continuer à créer leurs propres vêtements.

Je devais bien admettre que parfois, en nous regardant tous, je nous voyais tels que nous étions, des aberrations de la nature, des monstres cruellement beaux. Et pourtant cette nuit-là, Rosalie ressemblait réellement à un ange. Divinement belle, l'amour la nimbait d'une aura de pureté, le bonheur le plus absolu lui donnait des ailes.

Nous avions donc invité nos amis et ils partagèrent pour certains la joie de voir s'unir un couple si parfait, et pour d'autres, célibataires endurcies, un soupçon de doute. Elles attendaient depuis mille ans, Rosalie avait trouvé son âme-sœur deux ans après sa renaissance. Fallait-il y voir une sorte de décision divine, Rosalie méritait-elle plus que les trois sœurs d'être aimée ?

« Bella, sois gentille avec tes cousines. » me réprima mon créateur quand je partageais mes réflexions philosophiques.

Rosalie valsait avec Emmett, Esmé avec Carlisle et Carmen avec Éléazar, cela pouvait paraître injuste pour nous autres célibataires mais à voir ces couples être eux-mêmes parmi les leurs était forcément un moment précieux et rare, et je n'aurais pas voulu les empêcher d'en profiter.

« Tu ne veux pas inviter des Quileute, Bella ? Pour que nous puissions aussi danser ? » me demanda Tanya.

« Hors de question. »

« Nous pourrions leur plaire. Carlisle a dit qu'ils peuvent vivre très longtemps et qu'ils sont plus forts que la moyenne sous leur forme humaine. »

Carlisle quitta la piste de danse pour s'assurer que les trois succubes n'étaient pas sérieuses et réitéra l'interdiction de s'en approcher. Le clan partirait à l'aube, pour ne pas risquer d'autres mutations au sein de la tribu. Notre fête avait été d'ailleurs organisée à l'opposé de la réserve, pour éviter toute rencontre malencontreuse, sur l'île de Whidbey, au sommet d'une falaise de San de Fuca, face à la longue mer de Salish qui se déversait dans l'océan Pacifique.

« Qui sait, avec toutes les tribus dans la région, je pourrais en trouver un moi-même. » tenta Tanya.

Je vis le regard inquiet échangé entre Carmen et Éléazar, Tanya avait, sans surprise, très mal vécu le bonheur de Rosalie. Ses sœurs aussi étaient envieuses mais il me semblait que leur sœur, qui était leur chef depuis la mort de leur créatrice, accusait le coup avec moins de… grâce. Elle avait voulu connaitre tous les détails de la rencontre entre Rosalie, Emmett, et l'ours, car Emmett refusait de laisser l'animal hors de cette histoire. Tanya avait exigé la description de leur ressenti, de cette magie qui était censée s'opérer. Elle n'avait pas pu cacher sa déception après ces confidences, reconnaissant encore une fois les mêmes « symptômes » qu'elle-même avait ressentis pour un homme croisé près de quatre cents ans plus tôt.

« Bella, tu ne veux pas venir avec nous ? » me proposa Irina.

« Où ? »

« Nous allons retourner en Russie quelques temps, nous voulons voir les changements, la vie sans le tsar. »

« Emmett n'est pas encore totalement prêt. Nous ne sommes pas trop de quatre pour le retenir. » prétextai-je.

« Nous t'enverrons un télégramme quand nous aurons trouvé une maison. Tu sauras où nous trouver, si tu le souhaites. » insista-t-elle.

« Merci. »

« Avec deux couples dans la même maison, ça ne doit pas être facile pour toi. » ajouta Irina.

« Tu sais que je suis une solitaire dans l'âme. Je me suis trouvé une cabane de pêcheur sur la cote, j'y passe mes nuits, quand je ne travaille pas, évidemment. »

« Est-ce si important pour toi de gagner de l'argent ? » s'enquit Kate.

« Carlisle insiste pour que nous vivions comme les humains, son seul salaire ne peut pas suffire. Quand je peux travailler, je le fais. C'est grâce à cela que nous avons pu offrir cette magnifique cérémonie à Rose. » répliquai-je avant de détailler sa tenue, très simple et mal coupée, comme celle de ses sœurs.

« Je n'ai jamais fait attention à ça, nous ne nous mêlons pas humains comme vous. Je n'en vois, personnellement pas l'intérêt, malgré ce que nous en a souvent dit Carlisle. »

« Je sais, nous sommes bizarres. » voulus-je conclure, mais elle voulait continuer de m'interroger.

« Que fais-tu d'autre avec l'argent ? »

« Nous avons une radio, deux autos maintenant, j'achète beaucoup de livres et je revends ceux qui ne m'ont pas plu. C'est agréable d'avoir des vêtements neufs, je l'avoue, même si longtemps, je n'en voyais pas l'intérêt. À la ferme, nous n'avons pas le choix que de nous salir. »

« Vous gardez votre argent, ou vous partagez ? »

« Nous mettons en commun. »

« Pourquoi ? »

Je ris doucement, allais-je remettre en cause mille ans d'existence pour les trois sœurs ?

« Nous sommes une famille. »

Ma réponse la laissa pensive et j'en profitais pour m'échapper.

À l'aube, les jeunes mariés nous firent leurs aurevoirs, mais pas avant la dernière tradition que ma créature voulut respecter. Et sans surprise mais avec émotion, ce fut dans mes mains exactement que Rosalie jeta son bouquet. Elle vint m'enlacer et me baisa la joue.

« Merci, ma Bella. Merci de m'avoir sauvée. »

« Enfin, tu le reconnais ! » dus-je plaisanter car j'étais bien trop émue et je ne voulais pas la retenir plus longtemps.

Ils n'auraient qu'une semaine de lune de miel, dans une cabane construite pour l'occasion, plus au sud de la maison de la forêt, nous ne les entendrions pas mais resterions proches s'ils avaient besoin de nous. Emmett lança un clin d'œil à son créateur, j'en aurais rougi si j'avais pu. Il se permettait des sous-entendus ou des blagues salaces avec Carlisle qui, bien plus patient avec lui qu'il ne l'avait été avec moi, souriait toujours pour ne pas vexer le nouveau-né.

J'avais surpris Carlisle et Emmett en pleine conversation quelques semaines après sa renaissance, ils avaient pu échanger quelques impressions sur leur vie intime. J'avais été heureuse de ne pas en avoir entendu davantage et les avais encouragés à poursuivre quelques kilomètres plus loin encore. J'avais été touchée de les voir ensemble, Carlisle n'était plus le seul homme de la famille, enfin, et ils pouvaient tous deux parler de certaines choses sans avoir honte ou peur de nous choquer. En l'occurrence, le nouveau-né avait voulu s'assurer que les femmes vampires aimaient les mêmes choses au lit que les femmes humaines.

Éphraïm tint compte des jours et au matin du huitième jour de la lune de miel, il exigea le retour au bercail du couple, il se méfiait beaucoup d'Emmett, et je ne pouvais pas le blâmer.

A deux kilomètres de la cabane, je pus les entendre, ils parlaient et rien d'autre, relevai-je avec soulagement. J'attendis une minute sans chercher à écouter, pensant qu'ils me repéreraient bientôt et rejoindraient. Mais non, alors je m'assis sur une grosse pierre et attendis.

« Je sais bien, mais moi j'ai été élevé comme ça. » disait Emmett.

« Ça me rend triste, peut-être que j'ai tort, mais j'ai l'impression que tu n'étais pas heureux. »

« J'étais heureux, enfin pas comme maintenant, c'est certain. C'était très différent, on vivait au jour le jour, sans argent, on a tous arrêté l'école à douze ans, on aidait en travaillant. »

« Nos enfants n'auraient pas travaillé. » s'offusqua ma créature.

« Nous n'aurions peut-être pas eu le choix. »

« C'est vrai, mais- »

« Rosie, je t'aime plus que tout. Et ne pas pouvoir te donner d'enfants restera le seul et unique regret de cette éternité. Mais je ne veux pas qu'on y pense, parce que ça nous fait du mal de se dire : et si ? Tu ne crois pas ? »

« Si, bien sûr… C'est juste que j'ai tellement prié pour un amour aussi fort que le nôtre, et dieu m'a entendue, alors j'ai encore prié quand tu chassais, pour qu'il m'accorde encore un miracle. »

« Je ne t'en veux pas, ma chérie. S'il existe, je ne crois pas que dieu intervienne dans nos vies, je suis de l'avis de Bella sur ce point. Mais je comprends que tu penses le contraire. Si je pensais comme toi, je prierais aussi, je te le jure, je prierais tous les jours pour qu'ils nous changent en humains et qu'on vive ensemble, qu'on ait des enfants, mais d'un autre côté, tu es parfaite maintenant, et c'est la réalité, alors je préfère prier pour qu'il te protège, pour qu'il ne t'arrive rien et que tu restes à jamais ma Rosie. »

« Oh Emmett, je t'aime tant. »

« Tu es parfaite telle que tu es. »

« Tu m'aurais trouvé plus jolie quand j'étais humaine. » lui dit-elle tristement et je réalisai que j'ignorai cela.

Je la pensais heureuse d'être encore plus belle maintenant, plus mince, ses cheveux plus brillants sa peau certes pale mais parfaite, sans défauts, ses gestes plus gracieux, son regard doré plus enchanteur que celui de n'importe quel autre vampire végétarien.

« Si je t'avais croisée humaine, j'aurais prié ce dieu pour qu'il t'envoie dans mes bras, juste là, dans mes bras. Tu es la femme parfaite, humaine ou vampire, tu es mon âme-sœur. Le reste n'a pas d'importance. Tu es mon ange. »

« Je ne suis pas si parfaite, Emmett. »

« Tu es mon dernier souvenir en tant qu'humain et mon premier en tant que vampire. Juste avant de m'évanouir, je t'ai vu penchée sur moi, tu semblais horrifiée, et je me suis dit, pourquoi un ange s'inquiète pour moi ? »

« J'avais déjà compris pourquoi j'avais été attirée par toi, mais l'ours a été trop rapide, je suis arrivée trop tard. »

« Tu es un ange, tu es parfaite pour moi telle que tu es. Et tu es dans mes bras. »

« Tu es sûr que tu ne m'en veux pas de t'avoir fait devenir un vampire ? Certains pensent que c'est comme être en enfer. »

« Évidemment que je suis sûr de moi. L'enfer me va bien si je peux garder mon ange avec moi. J'ai tellement de chance, Rosie. Je me répète ça depuis que je suis devenu un vampire grâce à toi, et je continuerai à me le dire chaque jour. »

« Moi aussi, mon amour. Je suis plus heureuse que jamais, ils m'avaient dit que si je te trouvais, tout ça en vaudrait largement la peine, et ils avaient raison. »

« Je vais vraiment m'améliorer, bébé, parce que je veux d'autres lunes de miel, rien que nous deux, sans personne pour venir nous chercher. »

J'avais donc été enfin repérée.

« Désolée, les jeunes mariés. » répondis-je toujours loin d'eux.

À notre retour à la maison, Éphraïm était toujours là, il attendait sur le perron et me sourit tristement en me voyant apparaître en sautant devant lui, sans le surprendre évidemment.

« Les voilà, mission accomplie. »

« Demande à Carlisle de sortir, s'il te plait, Isabella. »

Son ton m'inquiéta, qu'avait-il à lui dire seul à seul ? Mon créateur se matérialisa aussitôt à mes côtés, je n'avais pas envie de les laisser seuls, j'avais tendance désormais à me sentir la chef dans cette maison, même si Carlisle était notre véritable chef, le fondateur du clan.

« Carlisle, nous devons changer le pacte. » annonça Éphraïm.

« Je vous écoute. »

« Vous êtes cinq désormais, c'est beaucoup trop. »

« Rosalie a trouvé son compagnon, c'est l'évolution logique à notre famille. Un jour, Bella aussi- »

« Et comme toujours, vos bébés viennent se cacher ici en attendant d'être sevrés, le coupa le chef Quileute. Mais là c'est trop. »

« Je ne comprends pas, un autre guerrier s'est-il transformé en loup ? » s'inquiéta Carlisle.

« Non, ça n'est pas ça le problème. Votre nouveau vampire est un ogre ! Il n'y a presque plus de gibier dans la région, nous devons aller de plus en plus loin pour chasser. Et je ne vous parle même pas de ce qu'Isabella et lui ont fait avant-hier. »

« Je suis navré, ils ont pensé que c'était une bonne idée, un défi en quelque sorte. Et ils ne pensaient pas que quelqu'un trouverait la carcasse aussi rapidement. »

« Une baleine sur la plage, ça se voit, Carlisle ! »

« Je suis sincèrement désolé, Chef. Mais ils se sont occupés de tout, vous avez un stock important de viande de baleine, vous allez vendre toute l'huile, vous allez pouvoir exploiter la peau pour en faire du cuir, et je vous l'ai dit, j'ai trouvé un acheteur pour la graisse, il arrive demain. De plus, Bella et Emmett ont promis de reconstituer le squelette et de l'exposer dans votre salle commune pour une sorte d'hommage aux pêcheurs de la tribu. »

« Carlisle, vous êtes tous bien attentionnés, je le sais, mais c'est trop, je suis navré. Je sais que vous n'êtes pas un danger pour nous, mais déjà, ça ne me paraît pas normal de condamner des mourants à devenir des Sangs-froids, et ici, nous ne sommes qu'une petite tribu qui lutte tous les jours pour conserver notre culture et notre indépendance. »

« Avez-vous besoin d'aide financière ? »

« Bella nous aide déjà avec le commerce de bois, et effectivement, cette baleine va nous être profitable, mais Carlisle, le problème c'est vous, vous tous. Je suis désolé, vous devez partir. Les membres de ma tribu se posent des questions, cette baleine sans plus une goutte de sang, ça ne s'explique pas facilement. Ils ont peur, nos légendes nous ont enseigné de nous méfier. »

Je ne pus rester à l'intérieur plus longtemps, Carlisle avait déjà pactisé avec les Quileute et je ne voulais pas risquer un bannissement éternel. Contre toute attente, je me sentais enfin chez moi dans cette forêt.

« Je garde la maison. » intervins-je, bien décidée à protéger la seule chose qui m'appartenait vraiment encore dans ce monde.

« Évidemment, répondit Éphraïm, un autre sourire triste sur son visage. Tu es la bienvenue, tu peux revenir quelques temps, passer par là, si tu laisses les baleines tranquilles. Ma tribu est en émoi, je dois penser à eux avant tout. J'ai beaucoup à faire, le gouvernement a enfin accepté de s'occuper de nous, mon combat pour nos droits est long mais je ferai tout ce qui peut être fait. »

« Nous avons compris, Éphraïm. Nous vous remercions infiniment pour toute votre aide et nous vous souhaitons de réussir pour votre tribu. » lui dit mon créateur.

« Carlisle, nous devons ajouter une clause au pacte, que vous ne devez mordre aucun humain. »

« Nous ne nourrissons jamais d'humains. »

« Vous allez vivre longtemps, moi, moins longtemps, et quand je me serai imprégné, quand j'aurai des enfants, je cesserais sûrement de me transformer. J'ai besoin de savoir que ma tribu sera hors de danger, même dans cent ans ou mille ans. Puisque vous ne vous nourrissez que de sang animal, ça ne devrait pas poser de problème. Et si seule Bella revient, de temps en temps, nos descendants n'auront aucune raison de muter à leur tour. »

« Un clan peut s'agrandir de plusieurs façons, Éphraïm, clarifiai-je. Nous sommes une famille, si un jour je rencontre un autre vampire et que j'en fais mon compagnon, tu ne pourras rien y faire. »

« Bien, mais ne mordez pas d'humains, d'accord ? »

« C'est entendu. » conclut mon créateur.

« Adieu. »

La nouvelle assomma notre famille, la joie du mariage venait d'être remplacée par la tristesse de devoir partir, la colère d'être rejetés. Éléazar avait mis en garde plusieurs fois Carlisle moi contre ce pacte. Il nous avait dit que nous pouvions faire confiance aux Quileute, que nous étions des ennemis de leur tribu, et ne serions jamais acceptés comme des alliés, malgré cet accord.

« Il vous a installés exactement là où il l'a voulu, pour vous surveiller, pour tout apprendre de notre race, et si un jour il le veut, il se servira de ce savoir contre vous. » avait-il répété après le mariage, quand une nouvelle fois, il nous avait proposé de les rejoindre dans le Grand Nord.

Nous avions aimé vivre ici tous les cinq, même si la maison restait à moi, et que chacun d'eux n'avait osé vraiment s'y installer. Cette parenthèse allait donc se refermer, nous devions trouver vite une autre petite ville où nous installer, au milieu d'une forêt ou d'une vaste plaine riche en animaux sauvages. Éphraïm n'avait pas exigé un départ immédiat mais le plus tôt était le mieux, évidemment, et puisque Carlisle n'avait pas repris le travail, par peur d'être reconnu et d'intriguer par sa jeunesse éternelle, nous n'avions aucune obligation qui nous retenait.

Je m'en voulais d'avoir une fois de plus cédé aux défis lancés par Emmett. Il avait parfaitement complété notre famille et j'étais plus mature que jamais, en phase avec ma position de cinquième roue du carrosse. Il lâchait rarement sa Rosie ou une proie, et quand il le faisait, nous avions appris que ça n'était jamais bon signe. Il était farceur, aventurier, curieux de tout, et parieur. Arrogant à cause de sa force qui s'était à peine essoufflée en deux ans, il transformait la chasse en compétition, et si nous ne voulions pas entrer dans son jeu, il nous provoquait en duel. Il avait rapidement cessé de le faire avec Rosalie et Esmé. Carlisle parvenait à perdre avec le sourire et ne manquait jamais de féliciter sa créature. Moi, c'était différent, j'avais été la plus forte avant son arrivée, désormais je comptais sur mon intelligence pour gagner. Et quelque fois, je n'étais plus si mature que ça, surtout quand Emmett s'impatientait et trichait.

Deux jours avant son mariage, tandis que nous chassions tous les cinq, il m'avait chipé un cerf d'entre mes mains, alors que j'allais planter mes dents dans la carotide. Il avait sauté à vingt mètres de moi et croqué dans ma proie tout en me narguant.

« Maledetto irlandese! » avais-je grogné, sachant que je ne trouverais plus une aussi grosse bête après tout notre raffut. (Maudit Irlandais !)

Mais soudain j'avais été encerclée par les quatre autres membres de ma famille.

« Comment peux-tu dire ça ?! » m'attaqua Rose.

« Ça m'a échappé. » répliquai-je en haussant les épaules.

« Ça suffit avec ça, Isabella. Déjà la semaine dernière tu n'as pas voulu revendre les livres à cet homme simplement parce qu'il était irlandais et maintenant tu t'en prends à mon homme. On est des vampires, on s'en fiche d'où on vient maintenant ! »

« Dit celle qui n'a voulu se marier que selon le rite protestant alors que son homme est sûrement catholique ! » rétorquai-je.

« On n'en sait rien, il ne s'en souvient pas et ça n'était pas important pour lui ! »

« Mais pour toi oui ! On est des vampires, à quoi bon parler religion ? »

« Bella, tu es insupportable, quelquefois. Laisse les Irlandais tranquilles ! » avait ajouté Esmé.

C'était plus fort que moi, je n'aurais rien eu contre eux si nous ne nous avions pas été rackettés par des Irlandais à Ellis Island, en arrivant aux États-Unis. Mes parents et moi en avions été traumatisés et c'était pour cette raison que mon père avait voulu partir de New York le plus vite possible. Ce gang avait été le premier contact que nous avions ais eu avec ce nouveau pays qui était censé réaliser tous nos rêves. Cependant Rosalie avait raison, évidemment, et ça n'était pas la première fois que je me faisais la réflexion.

« Je n'ai pas voulu vendre les livres à cet homme parce qu'il a dit qu'il s'en servirait dans sa cheminée. » m'étais-je défendue avant de les laisser et d'aller chasser seule, plus au nord.

Je m'occupais chaque nuit à aider à l'exploitation du bois, je ne pouvais m'impliquer plus pour augmenter mes profits sans me dévoiler. Le commerce du bois continuait de faire vivre tant de gens dans la région. Personne ne devait savoir que les Quileute n'étaient pas tous des bucherons, seul Levi et Quil travaillaient avec moi. Pendant mes absences, l'activité avait ralenti mais notre système était bien rôdé et ils s'étaient bien débrouillés sans moi. De plus, les Quileute ne cherchaient pas à s'enrichir, simplement à subvenir à leurs besoins sans avoir à trop se mêler aux Visages Pâles.

La vie ici allait me manquer, j'y reviendrais toujours, hélas pas avec toute ma famille, mais je comprenais Éphraïm. J'étais la seule à côtoyer les Quileute, après toutes ces années, Quil et Levi étaient toujours sur leurs gardes et ne me racontaient rien de personnel. Ce que je savais d'eux, je l'avais découvert, deviné, entendu grâce à mes capacités vampiriques. Je savais ce que l'imprégnation signifiait, que Quil était le premier à l'avoir vécue quelques années plus tôt. Depuis, il partageait son temps entre son travail et sa vie de famille. Il avait déjà commencé à vieillir de nouveau, et quand il s'était de nouveau transformé à notre retour, il avait effrayé sa femme. Un jour, elle s'était approchée de ma maison, furieuse et peut-être aussi curieuse.

« Et si Bella tombe amoureuse d'un humain ? » souleva Esmé tandis que nous faisions nos valises.

« Je ne vois pas le problème, répondit Emmett. Nous n'avons pas à dire aux Quileute qu'elle l'aura transformé, elle dira qu'elle l'a rencontré quand il était déjà vampire. »

Rosalie et Carlisle me dévisagèrent, attendant mon avis sur la question. Me connaissant mieux, étant respectivement ma créature et mon créateur, ils savaient ce que signifiait de transformer et d'être transformé. Évidemment, après ce qui était arrivée à Rosalie, je m'étais posée la question plus souvent. Tanya, Irina et Kate continuaient de chercher avec assiduité leur âme-sœur, selon elles, ce qui me confortaient dans l'idée qu'elles sabotaient elles-mêmes leur futur bonheur en agissant ainsi. Soit elles croyaient au destin et devaient attendre patiemment, comme l'avait fait Rosalie et Carlisle, soit elles voulaient chercher leur âme-sœur comme moi mais pour cela elles ne devaient plus se compromettre autant avec des conquêtes humaines et vampires.

« Quand tu auras un orgasme, tu changeras d'avis, gamine. » m'avait lancé Kate la dernière fois que nous nous étions étendues sur ce sujet et qu'à nouveau son don n'avait pas fonctionné sur moi.

« Elle est trop rigide, même si elle rencontre un homme, elle n'arrivera pas prendre du plaisir. » avait surenchéri Irina.

Elles ne me détestaient pas, mais ce sujet était si épineux qu'ils faisaient remonter de vieilles rancunes et mettaient à jour les insécurités de chacune.

J'étais morte à dix-huit ans, des rêves romantiques plein la tête et mon cœur encore innocent, n'avait jamais expérimenté la luxure, mais je savais pertinemment que c'était un des sept péchés capitaux. En devenant vampire sans avoir aimé et sans être aimée, en toute logique, mon corps été resté de marbre, en attente de quelqu'un. Et sans donner crédit à la thèse de la destinée et des âmes-sœurs, je croyais désormais au coup de foudre, pour avoir en été témoin.

Qui aurait pu prédire qu'Emmett et Rosalie allaient s'aimer aussi vite et passionnément ? Il ne l'avait vue que quelques secondes avant de mourir, elle avait été la première personne qu'il avait vue en se réveillant de la transformation, bien que nous eussions tous été présents pour le maitriser si besoin.

Celle-ci avait été si heureuse de réaliser qu'elle avait fait le bon choix car elle l'avait reconnu et ressenti au plus profond d'elle-même qu'il était bien son âme-sœur. Elle lui avait alors tendu les bras et il l'avait enlacé sans retenue.

« Comment tu te sens-tu ? » lui avait demandé Carlisle.

« Comment tu t'appelles ? » avait-il, lui, demandé à Rosalie.

« Rosalie. »

« Magnifique, c'est vraiment le prénom d'un ange. »

« Et toi ? »

« Emmett Mc Carty. »

« Emmett. » avait-elle répété, son air aussi ébahi que le sien, son regard doré et amoureux dans celui rouge du nouveau-né.

Carlisle avait dû encore insister pour avoir l'attention d'Emmett. A notre grand étonnement, ce dernier n'avait jamais entendu parler des vampires. Sa vie dans le Tennessee semblait ne s'être résumée qu'au travail sur les chantiers de chemins de fer, la chasse, les soirées à parier et à boire, et quelques conquêtes, avait-il dû consentir à avouer et Rosalie lui avait juré qu'elle ne lui en voulait pas.

Rosalie savait qu'elle n'aurait pas été assez forte pour changer Emmett elle-même et malgré ses supplications, j'avais refusé de le changer également. Le poids de la responsabilité était trop lourd, je manquais de recul, je l'avais changée, elle, deux ans auparavant et je m'en voulais toujours. Je ne pouvais que me féliciter de ne pas avoir changer Emmett moi-même, s'occuper de lui était un bien lourd travail. Carlisle, lui, avait accepté, pour elle, parce qu'elle lui avait décrit ce qu'elle avait ressenti, et il avait compris. Il avait pris la même décision qu'il avait pris pour Esmé et comme Esmé, Emmett le remerciait toujours de ce choix. J'avais enfin entendu ces mots à mon tour de la part de ma créature, la vie serait plus facile désormais, je n'en doutais plus. Rosalie était heureuse de ne pas avoir succombé en 1931, elle m'avait remerciée de l'avoir transformée en vampire.

En quittant ma chère maison, je priai vraiment pour avoir enfin le calme, un petit coin en pleine campagne avec ma famille.

Washington DC, 1941

« Joyeux Noël, mon grand ! »

« Merci ! »

« Joyeux Noël, princesse ! »

« Merci ! »

Je tendis un paquet à la petite fille suivante mais elle refusa de lâcher son ours en peluche. Emmett s'accroupit à côté d'elle et lui sourit. Il offrit le cadeau à son père qui nous remercia et s'éloigna rapidement, sa fille sous un bras pour la protéger du froid.

« Carlisle va nous passer un savon, tu crois ? » murmura Emmett en se réinstallant dans le fauteuil décoré.

« Il va encore nous faire la morale, c'est à prévoir. Tu es certain que ça en vaut la peine ? »

« Ce type est un général, il a été nommé juste après l'attaque de Pearl Harbor, je suis sûr qu'on peut en apprendre beaucoup en l'espionnant. Je te le dis, si on veut participer à cette guerre à notre façon, on a besoin d'infos, et c'est ce type qui les a. »

« Pourquoi moi ? » maugréai-je en faisant teinter la clochette de mon costume.

« Joyeux Noël ! » lança Emmett au petit garçon à qui était le tour.

« C'est vraiment toi le père Noël ? »


Décidemment Bella n'aura jamais un peu de tranquilité avec cette famille!