Miguel était à présent à quelques millimètres d'elle et elle pouvait sentir son souffle chuter contre son visage. Dorea maintint son regard avec défi.

- Jamais je ne te suivrai bien sagement pour porter allégeance à Lord Voldemort.

- Tu prononces son nom, siffla Miguel d'un air mauvais.

- Exactement. Et pour finir, je préfère terminer au couvent que de passer une nuit de plus avec toi.

- Oui, c'est vrai, tu préfères les garçons comme …. Drago Malefoy.

- Comment…

- Votre petite histoire est de notoriété publique dans la communauté. Mais tu sais – il leva sa main pour caresser sa joue et Dorea se dégagea, affichant une expression rebutée – je suis certain que je pourrai le surpasser dans ce domaine. Toi, tu as besoin d'être maté. Que l'on te prenne sauvagement, que l'on te domine, pour rabaisser un tant soit peu ton ego de Lady-Sainte-Nitouche.

À cet instant, sa main descendit vers son cou, puis brutalement, il le saisit l'étranglant progressivement.

Dorea sentit un étau se resserrer autour d'elle et attrapa l'avant-bras du Mexicain, tentant de se défaire de lui. Elle leva sa main droite, tâchant de se servir de ses pouvoirs et de repousser Miguel. Seulement rien ne vint. Elle lança alors une œillade horrifiée à sa main et Miguel se mit à sourire avec mésestime.

- Tu crois que je ne suis pas au courant de ta légende. Le collier que je t'ai offert endigue tes pouvoirs. Même si tu l'enlevais, tu ne les retrouverais pas avant quelques heures.

Dorea, dont l'air manquait peu à peu, l'observa complètement terrorisée. Qu'allait-elle faire à présent ?

Elle cessa de réfléchir lorsque Miguel saisit sa cuisse et plaqua son bassin contre le sien. Elle sentit l'érection proéminente du jeune homme ce qui ne fit qu'accentuer son dégoût. Elle entreprit alors de se débattre, mais cela ne fit qu'aggraver son cas.

- Tu es totalement à ma merci, lui chuchota-t-il à l'oreille.

Il commença à défaire sa ceinture, Alors que Dorea lançait vainement des coups de pieds dans les airs.

Soudainement, il la lâcha ou plutôt fut contraint de la lâcher et Dorea tomba à terre, toussant fortement et tâchant de retrouver de l'air. Elle eut le temps d'apercevoir le jeune homme aux cheveux châtains désarticuler brutalement la tête de Miguel de son cou. Ce dernier tomba inerte sur le carrelage des toilettes, les yeux grands ouverts vers elle, sans vie et joue contre sol.

Dorea qui s'était assoupie, bercée par le ronflement du moteur de la voiture, ouvrit soudainement les yeux. Le soleil fit son apparition, alors qu'ils avaient roulés toute la nuit.

Ce fut seulement quand elle sentit l'auto s'arrêter et Gabriel couper le moteur qu'elle émergea réellement, soulagée d'avoir fui cette sordide cabine où Miguel avait failli commettre l'irréparable.

- Où on est ? questionna Payton à l'arrière d'une voix pâteuse.

Dorea ouvrit les pupilles et vit qu'ils s'étaient arrêtés à une station-service. Elle lança un regard à l'horloge sur le tableau de bord et distingua qu'il était déjà pour ainsi dire onze heures du matin.

- Nous sommes à San Fernando, répondit Gabriel. On est près de la frontière américaine.

Dorea tourna la tête vers son ami, tandis que Payton s'étirait sans dissimuler un long bâillement.

L'anglaise vit l'agent du M.A.C.U.S.A fixer droit devant lui, l'expression brusquement imparable. Elle suivit son regard et vit un parking qui se trouvait face au petit cabanon qui servait de station-service.

Un groupe d'hommes étaient devant une voiture, ou plutôt un énorm aux vitres teintées, et les observaient non sans méfiance.

- Restez dans la voiture, ajouta Gabriel. N'en sortez sans aucun prétexte, ordonna-t-il en ouvrant la porte.

- Qui sont ces mecs ? questionna Payton avec curiosité observant le jeune Kowalski cheminer vers eux. Ils n'ont pas l'air jouasse.

Dorea ne répondit pas, n'en sachant pas plus que la brune. Cependant, toutes deux virent, qu'à l'inverse, Gabriel, lui, les connaissait plutôt bien.

Le jeune homme se mit tout d'abord à converser avec les quatre hommes – physiquement costauds et habillés dans un look purement motard - qui l'entourèrent, prêts à en découdre. Puis Dorea décela Gabriel sortirent une liasse de billets de dollars américains et le donner à ce qui avait l'air d'être le chef de bande.

- En-tout-cas, ton copain est un régal pour les yeux, dit Payton qui était accoudée aux deux sièges avant.

- Ce n'est qu'un ami Payton, soupira Dorea.

- Alors je peux tenter quelque chose avec lui ?

- Ce n'est pas ton genre d'homme, répondit Dorea d'une voix lasse.

- Donc tu aimerais tenter quelque chose avec lui ? insista la brune.

- Payton ! s'énerva Dorea en se retournant vers l'américaine. Crois-tu vraiment que c'est le moment de penser à ça ?

- Je ne sais pas, rétorqua la brune en haussant les épaules sans le moindre gène. Toute cette tension lorsque vous avez échappé à la fusillade… Vous pourriez vous détendre tous les deux avec une partie de jambes en l'air ?

Dorea ferma les yeux et balança sa tête contre l'appui-tête, dépitée par l'esprit grivois de son amie.

- Ne me dis pas que tu n'as pas remarqué comment il te regarde… J'ai l'impression de tenir la chandelle, poursuivit Payton.

Dorea contracta la mâchoire, tâchant d'occulter les propos de l'américaine.

- Ne va pas me faire croire qu'une bonne séance de sexe où il te lèche entièrement et te prend sauvagement par-derrière…

- Payton, la ferme ! s'exclama Dorea en empoignant sa tête entre ses mains.

- Oh, tu n'es vraiment pas drôle, soupira Payton en se réinstallant sur son siège.

La tension accumulée et les émotions par lesquelles elle était traversée eurent raison d'elle. Les yeux soudainement déments, Dorea fit volte-face et toisa la jeune femme avec dédain.

- En toute franchise, est-ce que tu crois que je pense à ça en ce moment ? J'ai failli mourir une fois de plus la nuit dernière. L'homme dont je pensais être un ami a voulu me violer et pour finir, je dois à nouveau fuir, tout ça parce que mon identité a été révélée aux yeux du monde entier. Alors non Payton, je peux t'assurer que je n'ai pas eu le temps d'imaginer Gabriel me lécher entièrement et me prendre sauvagement par-derrière durant ces dernières heures !

À cet instant, ledit Gabriel entrebâilla la portière pour l'ouvrir entièrement et entendit la dernière phrase de la jeune anglaise. Cette dernière se mit ostensiblement à rougir et fustigea mentalement la brune, qui elle, ricana moqueusement.

- Tout va bien ici ? s'enquit le jeune Kowalski en se penchant vers l'intérieur de l'habitacle, tenant un sac-poubelle en main.

- Parfaitement bien, nous faisions que discuter, répondit Payton avec un grand sourire tandis que Dorea se retourna et croisa les bras sur sa poitrine, l'expression furax.

- Bien, vous feriez mieux de me suivre, on va changer de voiture.

- Quoi ?! s'exclamèrent surprises les deux jeunes femmes.

- C'est pour éviter que l'on se fasse repérer, expliqua Gabriel. Dott', il y a des toilettes dans la station-service, prends ce sac et change-toi, ajouta-t-il à son adresse en lui tendant le sac-poubelle.

- Mmmh… Si autoritaire, murmura Payton pour que seule Dorea puisse l'entendre.

Cette dernière maintint bouche close ne souhaitant pas s'énerver plus contre la jeune Sanders et se saisit du sac pour ouvrir la portière du côté passager et sortir de la voiture. Un bruit de plusieurs pétarades retentit aux alentours. Les quatre hommes passèrent devant eux sur leur moto cylindrée pour regagner la route qui bordait leur emplacement.

- Qui sont ces hommes ? demanda Payton avec curiosité, qui elle, était restée dans la voiture.

- Des contacts.

- Des contacts ? Sérieusement ?

- Payton, tu devrais accompagner Dorea, au lieu de poser des questions sur des sujets qui ne te concernent pas, répondit Gabriel sèchement.

- Dorea n'a pas besoin…

Elle s'interrompit en voyant le regard insistant du jeune homme.

- J'ai compris, soupira-t-elle. Pas de questions, pas de problèmes.

- Je vois que la leçon commence à rentrer.

- Franchement, je ne comprends pas ! s'exclama Payton en sortant de la voiture alors que Gabriel avait décalé le siège conducteur vers l'avant pour la laisser passer.

- Qu'est-ce que tu ne comprends pas ? questionna Dorea en fronçant des sourcils.

- Vous agissez si… bizarrement tous les deux ! D'abord tu mens sur ton identité et je découvre que tu es une riche héritière anglaise avec un titre. Tu fuis tes amis et ta famille pour vivre au Mexique, et voilà que l'un des plus grands Cartel de l'Amérique du Sud tente de te kidnapper sans aucune raison. J'ai quand même le droit de me poser quelques questions, non ?

- Tu l'as dit toi-même : je suis une riche héritière, voilà pourquoi Guzman souhaitait me kidnapper, répondit calmement Dorea.

- Oui, mais ça ne m'explique pas pourquoi tu as fui l'Angleterre ?

- Écoute Payton, si tu ne veux pas mourir dans d'atroces souffrances, je te conseils de garder tes questions pour toi. D'accord ? rétorqua Dorea un peu plus froidement. Je te demande de ne poser aucune question. Je ne peux pas t'en révéler plus que ce que tu sais déjà. Et c'est bien suffisant.

Payton considéra alternativement Dorea puis Gabriel puis prit une ample inspiration et balança les bras sur le côté l'air vaincu, comprenant qu'elle devait s'accommoder de cette simple réponse.

- Bien, d'accord. Je te suis alors, Dorea, dit-elle en appuyant le ton sur son véritable prénom.

L'américaine se dirigea vers l'intérieur du cabanon et alors que la sorcière se mit en route pour la talonner, elle fut retenue par Gabriel qui l'attrapa vivement par le coude.

- Dès que l'on arrive à New-York, tu ne m'empêcheras pas de lui lancer un « oubliette ».

Dorea hocha la tête, plus que d'accord avec son ami et chemina à son tour vers les toilettes.

Lorsqu'elles ressortirent toutes deux du cabanon, Dorea habillée d'un jean, d'un t-shirt et d'une casquette, elles remarquèrent que l'Aston Martin avait disparue de son emplacement.

- Où est-ce qu'elle est ? questionna Payton en grignant le front.

La jeune Artwood avait déjà la réponse, et ce fut une toute autre question qui la taraudait : l'usage de la magie – même si Gabriel était un sorcier de deuxième cycle – n'allait-il pas les faire repérer ?

- Dott', Payton, par ici, les appela Gabriel.

Les deux amies cheminèrent vers le jeune Kowalski, qui lui aussi s'était changé dans une tenue plus décontractée et qui se tenait devant l aux vitres teintées. À leur approche, il contourna l'automobile pour ouvrir la portière côté conducteur et pénétrer l'habitacle. Dorea et Payton l'imitèrent, prenant, pour la première, place à l'avant et la seconde à l'arrière.

Lorsqu'elles refermèrent les portes de la voiture – qui soit dit en passant ressemblait plus à un salon à l'intérieur qu'une voiture lambda – Gabriel tourna la clé dans le contact et démarra le moteur du 4 x 4. Il dévia alors le regard de la route pour le poser sur Dorea. Il avait continuellement cet air revêche.

- Lorsque nous serons aux abords de Reynosa, tu devras te cacher dans le coffre.

- Les douaniers vont fouiller le coffre, tu es courant de ça ? intervint Payton à l'arrière.

- Ne t'inquiète pas, ils ne vérifieront que ce qu'ils ne verront.

Payton fronça des sourcils, intriguée par cette réponse qui n'avait ni queue ni tête pour elle. Gabriel tourna le volant pour faire reculer la voiture et enfin avancer pour reprendre la route.

0o0

Drago était resté éveillé durant la nuit entière, la discussion entre sa mère et son parrain qu'il avait secrètement épiée, tournant et retournant en boucle.

Il vissa ses prunelles orageuses vers l'horloge doré, posée sur sa table de nuit et vit qu'il était près de onze heures. On toqua à la porte pour la énième fois de la matinée et d'une voix lasse, il répéta ce qu'il s'évertuait à dire depuis plus de deux heures à présent.

- Minty, je t'ai déjà dit de me laisser tranquille. Dis à ma mère que je me lèverai lorsque j'en aurais l'envie.

La porte s'ouvrit et se referma aussitôt. Il tourna la tête et son sang se glaça soudainement en apercevant sa tante, la respiration haletante, le dévisager de son regard fou.

Elle était debout devant l'entrée et un mi-sourire goguenard naquit sur ses lèvres fines. Drago revêtit son expression inlassablement paresseuse et impavide, refermant aussitôt son esprit. Il savait parfaitement bien quel était l'objet de cette visite.

- Juajez est mort et ta petite copine a réussi à s'échapper.

- Bonjour à vous aussi, tante Bella, soupira Drago en balançant ses jambes par-dessus la couche.

Il se releva et vêtu que d'un boxer, il attrapa sa robe de chambre à l'effigie de la maison serpentard pour s'en habiller.

- Ne sois pas impoli Drago.

- De nous deux, je ne crois pas être celui qui manque de politesse, dit-il inébranlablement en nouant les liens de son vêtement.

Bellatrix avança vers lui, d'un pas mesuré.

- Elle est partie avec un homme du nom de Gabriel Kowalski. Sais-tu qui c'est ?

- Pas la moindre idée, répondit négligemment Drago en enfonçant ses mains dans les poches de sa robe de chambre.

- Sais-tu où elle pourrait fuir ? demanda la mangemort suspicieuse en amorçant un autre pas vers lui.

- Je n'en sais rien tante Bella, et pour ce que cela vaut, je me fiche où cette fille peut bien se cacher.

- J'ai pourtant vu…

- Vous avez vu, en effet. Mais tout cela est fini à présent. Dois-je de nouveau m'expliquer ?

- Nous comptons sur toi Drago, dit Bellatrix dans un murmure. Tu as été pourvu d'une mission et c'est ta chance de nous faire tous honneur, ajouta Bellatrix avec une voix dissimulant à peine la menace.

- Et comme je vous l'ai déjà dit, je suis extrêmement honoré d'accomplir cette mission, dit Drago d'un ton convaincant. Je suis d'accord pour dire que cette fille m'a quelque peu éloigné des dogmes dans lesquels j'ai été élevé. Et comme je vous l'ai déjà exprimé, j'ai mis fin à cette relation dès que j'ai compris clair dans son jeu.

- Ho mon cher Drago, je te crois, tu sais ? fit Lestrange qui fut assez près de lui pour poser sa paume contre sa joue. Les erreurs, cela nous arrive à tous. Mais à présent, concentre-toi sur ta mission.

- J'y réfléchis tante Bella, et je suis en train de monter un plan pour que cela soit rapide et efficace.

- Le temps joue contre nous, effectivement. Mais tu devras être également précautionneux. La hâte et la soudaineté peuvent te faire commettre des erreurs.

- Je me souviendrai de vos précieux conseils, tante Bella.

- La moindre erreur peut tous nous coûter la vie, Drago, dit-elle en abaissant le menton, ses paupières épaisses soutenant son regard ébène.

- Je ne commettrais pas les mêmes bévues que mon paternel, si c'est ce que vous cherchez à savoir.

- Bien, fit-elle plus gaillardement en laissant tomber son bras, le long de son corps. Je vois que mes leçons ont fini par être assimilées.

Elle fit volte-face, ses cheveux noirs et annelés volant derrière elle. Quand la mangemort referma la porte dans son dos, Drago lâcha une expiration tremblante.

0o0

Une heure et demie plus tard, alors que Dorea était demeurée silencieuse, plongée dans ses pensées depuis leur halte à San Fernando, et que Payton et Gabriel ne cessaient de se disputer la diffusion de la chaîne sur le poste radio, la voiture se stoppa aux abords d'une route entourée d'un champ où la verdure s'étendait à perte de vue.

Gabriel sorti de la voiture, la contourna par l'avant et ouvrit la portière du côté passager, ainsi que celle de derrière.

- Payton, va à l'avant, dit-il d'un ton directif. Dorea, suis-moi.

L'anglaise suivit son ami à l'arrière de la voiture, l'américaine s'installa sur le siège avant.

Gabriel ouvrit le coffre, et lança un coup d'œil sur le côté d pour vérifier si Payton avait bien refermé la porte.

Il sortit discrètement sa baguette de la poche intérieure de son blouson, et l'agita une première fois vers la voiture. Un jet de lumière bleu défila vers l'intérieur et Dorea vit Payton s'évanouir aussitôt.

- Qu'est-ce que tu viens de faire ?

- Un simple sortilège de somnifère. Elle n'a pas besoin d'entendre et de voir ce qu'il va suivre, expliqua-t-il en saisissant la banquette qui dissimulait le dessous de coffre.

Il posa la banquette contre la carrosserie et Dorea découvrit un creux formé par la tôlerie du véhicule.

- Tu veux que je monte là-dedans ? questionna Dorea qui comprit aussitôt le plan du jeune Kowalski.

- Jusqu'à ce que l'on passe la frontière.

- Tu es au courant que je suis recherché dans le monde entier. Avec ce qu'il s'est passé hier à Guadalajara, je suis certaine que Guzman a posté des hommes à chaque frontière du pays.

- C'est pour ça que tu seras dissimulée par un sortilège d'invisibilité.

- Ce n'est pas risqué d'utiliser la magie. Je te rappelle que Guzman n'est un qu'un petit problème. J'ai les membres de l'Ordre et les mangemorts à mes trousses, dit Dorea d'une voix tremblante, se laissant gagnée par la panique.

- Dott', est-ce que tu me fais confiance ? rétorqua Gabriel d'un ton posé.

- Euh… Jusque-là, oui, répondit-elle avec néanmoins une certaine hésitation.

- Je sais ce que je fais, Dorea, assure-t-il d'une voix claire. Une fois que tu seras chez ta tante, tu seras en sécurité…

- Avec tout le respect que je te dois, ce n'est pas une cracmol qui va pouvoir me défendre envers et contre tous.

Gabriel resta silencieux et fixa son amie, un léger éclair de surprise traversant ses prunelles ambrées. Il reprit contenance très vite, quelque peu soulagée que la jeune femme n'ait rien remarqué. Seulement, il se demanda si cette dernière connaissait l'entière vérité sur les nombreux secrets qu'avait dissimulés la famille Artwood au cours de la dernière décennie écoulée.

- Bon, je crois que je n'ai pas le choix, soupira Dorea. N'est-ce pas ?

- Eh bien, c'est soit ça, soit nous devons affronter les hommes de Guzman et les sbires de Tu-Sais-Qui à la frontière. Et je suppose que tes pouvoirs ne sont pas encore revenus. Ce serait donc un véritable problème pour se défendre.

Dorea fronça des sourcils, une question ou plutôt un véritable souci apparut soudainement dans son esprit.

- Me cacher ne suffira pas, Gabriel. Tu dois être tout autant recherché que moi et ne parlons pas de Payton qui est certainement dans la spirale meurtrière de Guzman.

- J'ai tout prévu, fit Gabriel en sortant une fiole de la poche arrière de son jean.

- Du polynectar, devina l'ancienne serpentard.

- Ce n'était prévu que pour toi et moi au départ, mais comme on a dû emmener cette moldue…Ça durera le temps que ta copine fasse une bonne sieste, sourit-il.

- Bon, ok, alors ne perdons pas plus de temps, dit Dorea bien plus convaincue qu'elle ne l'avait été quelques minutes auparavant.

Gabriel, qui se mit à sourire du soudain empressement de l'ancienne serpentard, lança un sort vers l'intérieur du coffre, puis pointa sa baguette sur le haut du crâne de Dorea. Cette dernière sentit brusquement son corps se glacer, comme si de l'eau coulait le long de sa tête, de ses bras, de son buste et de ses jambes jusqu'au bout de ses orteils. Et lorsque Gabriel rangea de nouveau sa baguette dans la poche intérieure de sa veste, elle baissa les yeux pour découvrir que l'entièreté de son corps avait disparu.

Sans attendre, elle entra dans le coffre et fut étonnée que ce soit si confortable, comme si elle s'était retrouvée dans un lit particulièrement douillet.

- C'est bon, tu es bien installée ? demanda Gabriel qui ne pouvait déceler si la jeune fille était bien entrée dans le coffre.

- Oui, c'est bon. Merci pour le sortilège de cousinage.

- Pas de quoi. J'ai lancé également un sort pour que tu puisses entendre tout ce qu'il se passe dans la voiture. Ok ?

- Ok.

Dorea vit Gabriel se pencher au-dessus d'elle, saisissant la banquette pour la placer sur elle.

- Ne t'inquiète pas, tu vas pouvoir convenablement respirer comme si tu étais à l'air libre.

- D'accord, dit-elle.

Elle entendit le coffre se rabattre, puis une porte s'ouvrir pour se claquer à nouveau. Un temps, quelques minutes ou secondes elle n'en savait rien, se passa sans qu'elle ne perçoive quoi que ce soit.

- Si tu voyais ta copine, les cheveux blancs ne lui vont pas du tout. Et surtout elle ronfle !

C'était la voix de Gabriel et Dorea pouffa, comprenant qu'il s'adressait à elle.

Le moteur démarra alors et elle sentit la carrosserie vibrer sous elle, ce qui voulait dire qu'ils étaient de nouveau en route. Elle lâcha une expiration, le stress apparent progressivement en elle, se demandant si toute cette mascarade, si toutes ces précautions allaient marcher ?

C'est là même qu'elle prit conscience qu'elle devait être infiniment reconnaissante à son ami d'enfance. Il prenait tous les risques pour elle, alors qu'ils ne s'étaient plus revus depuis des années.

Ils étaient à présent des inconnues pour l'un et l'autre et il aurait très bien pu refuser la mission que lui avait confié sa tante. Mais non, il était là. Présent et volant à sa rescousse comme il l'avait constamment fait lorsqu'ils étaient plus jeunes.

Plusieurs minutes défilèrent et s'étirèrent jusqu'à ce qu'elle entende de nouveau Gabriel, comme s'il était à ses côtés.

- On arrive devant la frontière. Reste calme, ok ?

Pour toute réponse, Dorea avala avec difficulté sa salive, priant intérieurement pour que le plan se déroule comme prévu.

- Pasaporte ? demanda une voix d'homme.

Passeports ?

Elle perçut Gabriel ouvrir la boite à gants et plusieurs secondes s'écoulèrent dans le plus grand des silences.

- ¿Cual es el propósito de su viaje? Senior … Artmann

- Désolé, je ne comprends pas bien l'espagnol, pouvez-vous répéter ? fit Gabriel d'un ton naïf.

- Quel est l'objet de votre voyage, monsieur Artmann ? répéta l'homme en anglais avec un accent sonore espagnol.

- Mon épouse et moi-même venons de prendre notre retraite, alors nous avons décidé d'accomplir un périple en Amérique du Sud.

- Et pourquoi vous rejoignez les États-Unis d'Amérique ? Vous rentrez chez vous ?

- Exactement. Nous habitons San Francisco, mais nous souhaitions d'abord rendre visite à des cousins à San-Antonio.

- Mmmh…

Une minute, puis deux minutes passèrent, lorsque l'homme s'exclama :

- ¡Busca el coche!

Fouillez la voiture !

Dorea ferma les yeux et contracta la mâchoire, tâchant de garder son calme. Elle entendit Gabriel sortir de la voiture et bientôt toutes les portes, arrière et avant s'ouvrir et se refermèrent dans un claquement sec.

Elle perçut alors des pas s'approcher du coffre et un imperceptible mouvement comme si on armait un pistolet.

Le grincement du coffre fit comprendre à Dorea que celui-ci venait de s'ouvrir.

- Quitar el aciento, ordonna le douanier.

Enlevez la banquette.

La lumière du jour aveugla presque l'anglaise, Dorea vit Gabriel – ou plutôt un homme âgé d'une soixantaine d'année, portant des lunettes aviateurs - ainsi que trois hommes – en tenue verte et casquette style army - fixer l'endroit où elle se trouvait. Cette dernière arrêta de respirer, espérant qu'ils ne distinguent pas les battements de son cœur marteler sa poitrine. Les armes étaient pointées vers elle, et alors qu'un agent de la police aux frontières avança la main pour balayer l'endroit où elle était allongée, une autre voix, un peu plus loin à l'avant les interpellèrent.

- ¡Los pasaportes están en regla!

Les passeports sont en règles.

L'homme s'éloigna aussitôt et vira le regard vers Gabriel, qui lui était resté stoïque durant la fouille.

- Merci pour votre collaboration, Monsieur Artmann, congratula l'agent.

- C'est bien normal, sourit Gabriel avec complaisance.

Les trois agents disparurent sur la droite et Gabriel remit la baquette, l'expression tout aussi impassible. Le coffre se referma puis l'agent pénétra de nouveau la voiture, le moteur s'enclencha et l franchit la frontière sans le moindre problème.

Ils roulèrent ainsi durant plus de vingt minutes sans que ce dernier n'articule le moindre mot. Dorea profita de ces instants pour relâcher la pression, la respiration plus que saccadée.

Cela avait été moins une et elle ne sait pas ce qu'elle aurait fait si l'agent de police avait découvert une forme se découper à travers l'espace du coffre. Pour examiner et fouiller chaque véhicule passant la frontière de cette façon, ils avaient certainement dû recevoir des instructions.

La plénitude quelque peu angoissante, où la jeune Artwood se doutait que Gabriel tâchait de recouvrer son calme tout autant qu'elle, fut interrompue par un long bâillement sonore.

- J'ai fait un de ces rêves …, dit Payton qui bailla de nouveau.

- Qu'as-tu fait comme rêve ?

- Que tu m'avais ensorcelé avec un bâton de bois.

Dorea perçut un ricanement moqueur.

- Tu en as de l'imagination, dis-moi.

- Et plus encore, répondit Payton aguicheuse.

- Tu m'en diras tant…

- On a passé la frontière ? enchaina la brune plus sérieusement.

- Oui, ça y est, confirma le jeune homme.

- Et Kate… enfin, je veux dire Dorea ? Ça me fait toujours bizarre, murmura-t-elle.

- Elle est cachée sous la banquette du coffre.

- Ils n'ont rien découvert.

- Non, c'est bon.

- Comment as-tu fait pour les passeports ? s'enquit la jeune Sanders.

- J'ai simplement pris le tien, vu que tu es de nationalité américaine et le mien qui est un faux.

Dorea se mordilla la lèvre, sachant très bien que le sorcier avait dû jeter un sortilège sur le passeport de la brune pour le modifier au nom d'Artmann. Elle devait reconnaître qu'il fallait y penser et elle ne pouvait qu'admirer la lucidité de son ami d'enfance. Même elle, sous une telle pression, n'aurait pu mentir aussi effrontément auprès de qui que ce soit durant ces dernières heures.

Elle prit ainsi conscience qu'elle s'était entièrement reposée sur le jeune Kowalski, et elle éprouva une sensation de bonheur de l'avoir à ses côtés pour traverser toutes ces épreuves et surtout de l'avoir retrouvé, bien que les conditions ne soient pas propices pour renouer avec ce qui fut autrefois son meilleur ami.

- Alors… Tu vas enfin me dire comment Dorea et toi vous vous connaissez ? questionna Payton.

- Nos familles se côtoyaient. On se connaît depuis le jardin d'enfants, expliqua posément le jeune homme.

- Et vous ne vous êtes jamais perdu de vue ?

- Si tu poses la question, c'est que tu dois connaître la réponse.

- Comment ?

- J'ai intégré un… collège américain très … sélectif.

- Pourquoi n'a-t-elle pas intégré le même ?

- Parce que premièrement, nous avons près de quatre ans d'écart.

- J'aurais dû me douter qu'elle avait moins de dix-neuf ans. Une fille qui a prêt de la vingtaine n'agit pas comme elle le fait.

- Que veux-tu dire ?

- Elle est si prude…

Dorea remua la tête de dépit, obstruant ses prunelles, lassée des reproches de la brune.

- Donc vous vous êtes perdus de vue, poursuivit Payton. Et ensuite ?

- J'ai fait ma vie de mon côté et elle la sienne.

- Tu es devenu agent d'élite, c'est ça ? Un peu comme… James Bond ?

- C'est à peu près ça, oui.

- Et donc, tu n'as jamais pensé à elle une seule fois durant tout ce temps ?

Gabriel garda le silence et Dorea tendit, malgré elle, l'oreille, bien plus à l'écoute qu'auparavant.

- Oh allez, soupira Payton, j'ai bien vu comment tu la regardes. Elle ne nous entend pas, qu'est-ce que cela peut faire ?

- Je ne l'ai jamais oublié, si c'est que tu veux savoir. Nous étions très proches enfants.

- Tu étais amoureux ?

La question franche et direct abasourdie la jeune Artwood.

- Payton, je crois que tout ceci ne te regarde pas.

- Donc je vais prendre cette réponse pour un oui.

- Tu n'es pas croyable, souffla Gabriel sur un ton agacé.

- Et tu l'es toujours d'après ce que je vois, ajouta Payton avec un brin de satisfaction dans la voix.

- Ça t'arrive de la fermer ?

- Jamais. Je suis une éternelle romantique et j'adore quand les histoires d'amour se finissent bien.

Gabriel expira sa lassitude et à cet instant le poste radio fut à nouveau allumé pour faire défiler des chansons country.

Une heure plus tard, alors que Dorea se laissait bercer par le vrombissement de la voiture et qui plongeait progressivement dans un état proche de la somnolence, sentit les pneus crisser quelque peu sur le bitume, ce qui la fit sursauter.

Les deux portes avant s'ouvrir puis le coffre et elle retrouva enfin la luminosité du jour.

- Tu peux sortir, on est en sécurité, annonça Gabriel – qui avait retrouvé son physique originel.

Il agita rapidement sa baguette pour défaire l'enchantement de désillusion. À peine eut-il ranger le bâton de bois que Payton débarqua à son tour.

- Allez, viens, Lady Artwood, fit celle-ci tendant sa main vers elle. Je t'aide !

Dorea saisit la main de son amie qui l'aida à se relever et à enjamber la carrosserie du coffre pour atterrir au sol.

La jeune femme vit qu'il se trouvait proche d'un aéroport, garés devant un restaurant type « diner ».

- On va manger un bout avant de reprendre la route, précisa Payton.

La jeune Lady hocha le chef et suivit son amie qui commençait à se diriger vers l'entrée du restaurant. Néanmoins, lorsqu'elle remarqua que Gabriel ne les suivait pas, elle se stoppa puis fit volte-face vers lui. Le jeune homme était en train de réorganiser le coffre avant de le refermer d'un claquement sec.

Il avait une expression renfrognée, la mâchoire serrée.

- Tu… tu ne viens pas avec nous ? interrogea Dorea d'un ton hésitant.

Le jeune homme ne leva même pas les yeux alors qu'il se baissait pour observer les pneus.

- Je dois d'abord vérifier les pneus, dit-il froidement. Nous avons encore près de quatre jours de voyages, on ne peut se permettre d'être ralenti par la moindre anomalie.

- Nous devrions nous arrêter pour que tu puisses dormir un peu. Tu as conduit toute la nuit.

- Nous nous arrêterons seulement lorsque l'on sera du côté de Houston.

- Bien, dit Dorea quelque peu rassurée.

Elle entreprit de faire demi-tour pour rejoindre Payton qui était déjà installée à une table lorsqu'elle se rendit compte qu'elle avait oublié de faire une chose primordiale. Elle se retourna et dit :

- Merci Gabriel, pour… Pour tout.

Ce dernier leva les yeux vers elle, grigna le front puis finalement lui fit un signe de tête, acceptant ses remerciements.

Dorea se mit à sourire et rejoignit à son amie, qui avait tout observé depuis la fenêtre du restaurant.

- J'ai commandé trois hamburger-frites, j'espère que ça vous ira ? informa Payton lorsque la blonde se fut installée sur la banquette rouge face à elle.

- Ça ira très bien, je te remercie, souffla Dorea qui enleva sa casquette à l'effigie d'une équipe de baseball.

- Alors, de quoi vous parliez ? interrogea Payton d'une curiosité non-feinte.

- Tu es lourde Payton, lâche-moi un peu avec ça ! répondit Dorea sur la défensive.

Payton se recula s'adossant à sa banquette et leva les mains en signe de reddition. Quelques minutes, plus tard, Gabriel se joignit aux deux jeunes femmes, prenant place aux côtés de la jeune Artwood. Les plats arrivèrent aussitôt et ils se mirent à manger dans le plus grand des silences, chacun encré dans ses réflexions.