Fenice a bien aimé…

Bonjour à Alana …chic chic une nouvelle lectrice ! (il me semble que je t'ai répondu à propos de Gargamolle, ça fait longtemps… )

Fée je suis certaine que Gn1-2 serait ravi que quelqu'un lui explique qu'il a un cœur qui pousse, car il est un peu largué sur ce coup là ! Et oui Ms Snows n'a rien à voir avec une Bellatrix. Et oui Matthew est son fils et ses souvenirs les plus précieux… (il est même prévu qu'un jour on apprenne qui est le père de Matthew).

Je garde le même titre que la dernière fois … je n'ai rien trouvé d'aussi bien.

Bonne lecture !

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Il se faufile jusqu'à la cellule de sa prisonnière, dont la porte est restée fermée, après son départ de ce matin. Apparemment personne n'a remarqué le manquement à la procédure, ou alors personne n'a pris la peine d'y remédier.

Il entrouvre la porte le plus doucement possible, il ne la voit d'abord pas, puis la distingue finalement – elle s'est cachée sous son châlit, recroquevillée. Subitement Gn1-2 ne sait plus quoi faire. Il suffirait pourtant de la tirer pour la faire sortir, ou lui flanquer un coup de pied. Il ouvre complètement la porte, silencieusement. Elle ne bouge toujours pas. Pourtant, elle ne peut pas ne pas avoir remarqué qu'un gardien est entré dans sa cellule, le froid et l'obscurité…

Au bout d'un moment, il s'approche du châlit et se penche pour la voir en dessous.

« Allez, sors de là, c'est l'heure. Si tu viens pas, je vais être obligé de te tirer de là-dessous, ça serait un peu…,bon enfin, zut, allez viens. Ça va pas être long »

Gn1-2 ne se souvient pas avoir jamais autant parlé à un prisonnier, en fait il ne leur dit jamais rien, il se contente de prendre. Il s'aperçoit tout d'un coup qu'il est à genoux devant le châlit, à genoux ! un redouté gardien d'Azkaban ! mais il s'en fiche, où est le problème ? …I

Il étend doucement la main vers elle, elle se rétracte encore plus, il attrape son bras, elle se débat et se cogne la tête. Doit-il abandonner, la laisser en paix et ne revenir que demain ? Ce serait encore une entorse au règlement, mais au point où il en est…Mais il a tellement envie, ou besoin ? de savoir si ce qui s'est passé ce matin avec elle n'aura été qu'un simple ratage, ou si … cela va recommencer.

« Tu t'es fait mal ? »

Elle ne répond pas, il pourrait même jurer qu'elle serre les dents, il repense brièvement à l'air affolé de 666 devant son lambeau grisâtre.

« Allez, sors de la dessous ! ».

Il a crié, sa voix résonne lugubrement dans la cellule obscure. Mais noyés au milieu de l'écho, il pourrait presque entendre d'autres mots : Viens m'aider à comprendre. Sauf qu'il n'a jamais été question d'aide entre prisonniers et gardiens.

Elle bouge enfin, il la voit ramper sur ses coudes, vers l'extrémité du lit, à l'opposé de là où il se trouve, la pulsation intérieure se fait plus forte, et plus lente aussi, la tête de Snows émerge enfin, il voit du sang, elle a dû se cogner salement contre un des clous… il y en a toujours un ou deux qui dépassent, prêts à tomber sur le sol, mais ce n'est que lorsqu'un châlit s'est entièrement effondré que l'on songe à en changer.

Il dit pour l'encourager

« C'est bien, tu es raisonnable, c'est bien »,

et aussi, un peu absurdement et tout à fait inutilement puisqu'elle est déjà sortie de sa dérisoire cachette

« Fais attention à ta tête… ne va pas te cogner à nouveau ».

Elle le regarde d'un air où la méfiance prendrait presque le pas sur la peur. Elle se relève, il tente un geste dans sa direction, sa bouche s'ouvre en un long cri silencieux, puis elle recule dans un angle et cache ses yeux de ses mains.

Et subitement tous deux entendent sa voix à lui, Gn1-2 qui lui dit de ne pas avoir peur, et qu'il ne veut pas lui faire de mal, et qu'il a besoin de son aide. Et il tire davantage son capuchon sur son visage et ainsi il dissimule tout ce qui pourrait lui faire peur et il reprend, d'une voix adoucie par le tissu noir

« Regarde moi, j'ai caché mon visage, tu vois bien que je te veux pas de mal. »

Il l'entend gémir « Non, non » et comprend qu'elle n'a pas découvert ses yeux. Et comme il ne sait pas quoi dire, il lui demande :

« Tu as froid ? »

Quelle question idiote, évidemment elle a froid, n'est-il pas ici pour cela, ce savoir-faire là ? geler les humains jusqu'au tréfonds, corps et âme, les plonger dans une nuit si froide qu'elle n'existe nulle part ailleurs sur terre ? Et pourtant la voix de la fille s'élève, hésitante, étonnée

« Non, je n'ai pas froid, enfin si, mais c'est la cellule, elle est humide, mais non, je n'ai pas froid comme avec les autres… ceux qui m'ont arrêtée et amenée ici. »

Et puis soudain elle a à nouveau peur, elle se précipite tête la première dans sa peur :

« Qu'est-ce que c'est que çà ? encore un piège ? qui es-tu, pourquoi tu me parles ? qu'est-ce que tu veux encore me faire avouer ? j'ai déjà tout dit, je l'ai juré, j'ai tout dit ! »

Une fois encore, Gn1-2 ne sait quoi dire et là, il est vraiment à court d'inspiration. On ne lui a jamais demandé de comprendre les prisonniers, il ne s'est jamais occupé de ce qu'ils pouvaient raconter, certains en hurlant, d'autres en murmurant à travers leurs larmes, enfin tout çà c'est au début, quand ils arrivent, les premiers jours, parce qu'après, et bien après, il est passé par là, il leur a cloué le bec.

Bon, il ne va jamais s'en sortir, il repousse son capuchon en arrière d'un geste brusque, ah, elle le regardait finalement, elle se planque la tête dans l'encoignure, il s'approche, en deux pas il est près d'elle ; lui saisissant les épaules (il n'a pas oublié combien elles étaient proches et fragiles, alors il n'y va pas trop fort) il l'oblige à se retourner vers lui, avant d'avoir pu lui expliquer une nouvelle fois qu'elle ne devait pas avoir peur, il est rattrapé par ses instincts, il se glisse en elle, cerveau, mémoire, souvenirs, émotions.

Le même choc que ce matin, l'impression d'être entraîné vers un lieu inconnu, d'être aspiré vers autre chose. Il plonge dans un souvenir, qui lui est incompréhensible : une douleur qui se contracte, du chaud qui glisse rapidement hors de lui, et puis tout d'un coup quelque chose de très chaud, humide et doux et lourd sur lui, dans ses mains, la douleur est partie, autre chose qu'il n'a jamais ressentie, autre chose, autre chose… mais quoi ? Comme s'il était, à la fois, totalement vidé et totalement rempli.

Il entend pleurer doucement, c'est Snows, elle s'est dégagée de son emprise, elle est recroquevillée sur le lit ; serrées sur sa bouche, ses mains inondées de larmes, elle répète mécaniquement

« Non, non, ne me prends pas çà, s'il te plaît, pas lui, pas lui. »

Gn1-2 part en courant, se demandant si elle a conservé le souvenir qu'il a pourtant sorti d'elle. Il décide d'aller se coucher, plus tôt que d'habitude, il espère plonger d'un coup dans le sommeil.

Quand il pénètre dans le dortoir qu'il partage avec les dix autres gardiens, 666 et Dt4-24 ont chacun une cellule à part, la pièce est déserte, les autres doivent terminer leur service de nuit, ou boire et jouer aux cartes. A moins que Périlogue en ait harponné deux ou trois pour effectuer une ronde sur la terrasse, cette inutile fantaisie le prenant de temps en temps.

Il s'installe dans sa bannette, située tout au fond de la pièce, ce qui fait qu'il n'a qu'un voisin. Il se tourne vers le mur et ferme les yeux, décidé à ne plus penser à tout cela. Mais trois heures plus tard, il y pense toujours.

Entre-temps, les autres sont arrivés, aussi peu discrets qu'à l'ordinaire, il n'a pas pu faire autrement que d'entendre le compte-rendu de leur foutue partie de magic poker, il peut même dire que c'est ce crétin de Ex10-22 qui a gagné ; ils ont également parlé du fameux lambeau de 666, apparemment c'est le troisième qu'il perd et il commence à baliser sérieusement, il se demande si ce n'est pas l'humidité d'Azkaban, mais M7-32 lui a dit de se rassurer, d'ailleurs Gn1-2 l'entend en ce moment même et se surprend à tendre l'oreille :

« Alors, j'lui ai dit – Bon chef, pas la peine de vous faire de la bile, j'ai jamais vu un dementor partir un lambeau » là, il s'interrompt afin de laisser le temps aux autres de claquer des mâchoires et de savourer la blague,

« et on est allé dans la réserve et j'ai pris le premier flacon qui m'tombait sous la main et j'lui en ai donné une sacrée dose en lui racontant tout l'bien qu'ça allait lui faire. Et pis j'ai rajouté – J'vous conseillerais de pas trop vous énerver sur les gardiens, ça doit être ça qui vous chiffonne. »

Et là, ils repartent tous à se secouer les ratiches pendant cinq bonnes minutes. Puis tout se calme subitement. Enfin, leur bruyant coucher a au moins eu le mérite de distraire Gn1-2 de ses préoccupations, mais maintenant il est à nouveau en plein dedans. Il se concentre alors sur le battement en lui, espérant que le rythme régulier va le calmer et le faire disparaître dans le néant du sommeil sans rêve des dementors. Mais forcément, ça ne marche pas.

Excédé, il se relève, et décide de se rendre à la réserve.Il songe à réenfiler son uniforme par dessus sa tunique de nuit, afin de donner un semblant de vernis officiel à son expédition nocturne, mais il laisse tomber – le seul risque qu'il voit vraiment serait de rencontrer 666 ou Dt4-24 au moment où il passera devant leur cellule, mais il pourrait toujours leur raconter n'importe quoi et puis que feraient-ils debout à une pareille heure ? A moins que 666 se soit fait réveiller par un lambeau qui se serait enroulé autour de son cou ?

Il se faufile dans le corridor désert, il doit remonter du niveau – 1, celui de son dortoir, jusqu'au niveau 2, celui des premières cellules, situées bien au-dessus de l'étiage. Ce faisant, il va passer devant la cellule de la fille, mais il juge plus prudent de ne pas s'arrêter. Après tout, il est plutôt en train de chercher à oublier tout cela.

Au bruit qui vient de se modifier autour de lui, il sait qu'il a atteint le niveau de la mer. Habituellement, il marque toujours une pause à cet endroit, il ne saurait pas expliquer pourquoi, mais il sait aussi qu'il est le seul à faire cela – comme un passage subtil dont il sentirait la marque sur lui, sans savoir l'expliquer.

Mais là, il ne ralentit pas son allure, au contraire il presse le pas. A quelques mètres devant lui maintenant, la porte de la réserve. Qui lui semble entr'ouverte… en fait plus exactement, elle est en train de s'ouvrir.

Ses réflexes de dementor jouent pour lui, il est déjà plaqué contre la paroi, essayant de disparaître dans l'obscurité malgré la tunique claire qu'il porte. Fais chier, s'il se fait choper, ça sera uniquement à cause de ça. Parce que, celui qui manœuvre la porte ne peut être que le directeur ou son secrétaire, et au titre de leur fonction, ils sont immunisés contre le froid et l'obscurité que produisent leurs subordonnés. D'un autre côté, que ce soit l'un ou l'autre, ils retourneront sans doute vers les niveaux supérieurs, où se trouvent leurs appartements – il serait bien improbable qu'ils s'enfoncent dans les profondeurs d'Azkaban à cette heure de la nuit.

Le quelqu'un se décide enfin à sortir, trop petit pour être Mallord. Il referme la porte à clé, jette un coup d'œil dans la direction où Gn1-2 s'écrase contre la paroi, c'est bien Périlogue, puis se met vivement et silencieusement en marche. Gn1-2 laisse passer quelques minutes, puis reprend sa progression vers la porte. Il la dépasse d'ailleurs de quelques mètres, scrutant attentivement le mur afin de repérer la pierre astucieusement disjointe servant de cachette à la clef qui fut, il y a longtemps, dérobée à Von Schlass et qui permet maintenant à tous les gardiens d'aller se servir dans la réserve au gré de leurs besoins.

Il ouvre la porte sans bruit et se dirige sans hésitation vers la gauche de la pièce, troisième étagère en partant du bas où se trouve un flacon de potion de sommeil, dosage dementor – autant dire que l'humain qui s'y risquerait en aurait pour 15 jours à s'en remettre. Il s'en saisit, le débouche, et en avale une bonne dose.

Sachant que l'effet ne va pas être immédiat, il décide de monter jusqu'à la terrasse, prenant le risque d'y rencontrer Périlogue, qui lui aussi serait allé prendre l'air après son passage à la réserve. Mais la terrasse est absolument déserte, Gn1-2, saisi par une irrépressible envie, s'approche du bord et se penche absurdement pour regarder la mer battre mollement les flancs d'Azkaban. Ensuite, il retournera finalement dans son dortoir et n'aura que le temps de se jeter dans sa bannette avant de s'endormir comme une souche.

Ce n'est que le matin, en se réveillant encore vaseux, qu'il se souviendra de ce qu'elle lui avait dit – qu'elle n'avait pas froid.

Cette constatat lui fait l'effet d'un violent coup au creux de l'estomac, une alerte rouge sur l'étendue de ce qui est en train de lui arriver – mais comment une seule journée aurait suffi pour changer tant de choses ? Il décide de laisser les autres se lever, il n'a pas envie de se retrouver en leur compagnie. Il s'étend sur le ventre et se fourre la tête sous son oreiller, afin de s'épargner le bruit généré par un bataillon qui se réveille. Et puis aussi, il a peur que les autres remarquent, pour le froid. Non pas qu'il a perdu la capacité de le répandre autour de lui, si tant est que la fille ne se soit pas trompée… parce que les dementors ne ressentent pas ce phénomène de glaciation qui provient pourtant d'eux, mais que maintenant, c'est lui qui a froid.

Quand tout est redevenu calme, il a pris sa décision : aujourd'hui, il va effectuer son service comme si de rien n'était, comme si rien ne s'était passé, mais surtout, surtout, il ne va pas aller voir Snows, il suffira de remplir le tableau. Et il va essayer d'oublier ce fichu battement qui insiste au milieu de lui.

La journée se déroule sans anicroche, 666 reste invisible, il doit bien croiser un ou deux de ses collègues en entrant ou sortant d'une cellule, il arrive même à répondre à leur salut.

Les prisonniers dont il a la charge sont faciles – ils sont tous arrivés depuis longtemps et il ne reste quasiment plus rien à leur prendre, à ce stade, mais le travail est finalement plus « technique » , consistant à s'assurer qu'ils sont toujours réduits à l'état de déchets décérébrés – c'est Mallord Fox qui parle comme cela, une expression piquée à Von Schlass. Gn1-2 n' a jamais entendu Périlogue l'employer, lui dit « prisonniers neutralisés ».

Il passe donc de cellule en cellule, il a 19 visites à effectuer, la procédure veut qu'il passe y en moyenne une demi-heure, sachant qu'il doit savoir adapter cette durée, en plus ou en moins, à la condition et à l'ancienneté de ses prisonniers – c'est là que réside son subtil savoir-faire de gardien : savoir déterminer la juste dose de son effrayante et démoralisante présence qui va maintenir l'homme ou la femme dont il a la charge dans un état à la limite de de la souffrance supportable – afin que la peine soit rigoureusement et irrémissiblement purgée jusqu'à son terme.

A ce stade de sa carrière, Gn1-2 ne surveille que les petits délits, deux ans d'emprisonnement maximum, il lui faudra encore quelques années avant de se voir confier des prisonniers plus sérieux – dans cette ascension professionnelle qui le mènera un jour jusqu'en haut de la pyramide - et aux plus profondes cellules d'Azkaban : utilisation des sorts impardonables et de la magie noire en général, crimes de sang sur des magiques et, crimen nefandum : atteintes aux intérêts de la communauté magique.

Enfin, tout cela c'est la théorie pénale magique, qui se mêle de régler dans les moindres détails le fonctionnement pénitentiaire d'Azkaban . Et ensuite, ensuite, il y a la réalité concrète d'Azkaban, les indifférences de Périlogue, l'impéritie de 666, les libertés que chacun saisit et tout cela vient bousculer, si ce n'est démolir, le strict ordonnancement voulu par les juges. Mais aujourd'hui, le bruit de la pulsation ne laisse plus subsister grand-chose de toutes ses ambitions.

En fait, il s'arrangera pour passer le temps réglementaire dans chaque cellule, mais sans agir auprès de ses prisonniers, il les laissera tranquilles, restant éloigné le plus possible, utilisant plutôt ce temps disponible à essayer de réfléchir à ce qui lui arrive. Mais à la fin de sa tournée, il ne sera pas plus avancé.

C'est finalement Pandora, qui lui apportera un début de réponse.

Il aurait plutôt envie de rester seul, mais le soir venu, il s'oblige à aller faire un tour dans la salle de service – pas la peine de se faire trop remarquer, déjà ce matin, son réveil tardif a été observé avec un peu de méfiance par M7-32.

Lorsqu'il y fait son entrée, l'habituelle partie de poker magique bat son plein, comme à peu près tous les soirs. Gn1-2 jette un coup d'œil rapide, et somme toute méprisant, sur la tablée : ils ont décidé de la jouer à la muggle, à cinq, la version magique se jouant par nombres pairs. Mais, dans les deux cas, les dementors utilisent des cartes conventionnelles, ils n'ont pas le droit aux cartes magiques. Autant dire qu'ils sont considérés comme des moins que rien par les magiques, pire que des chiens.

Nb6-2 vient de remporter une mise, il s'autorise quelques secondes de détente, pendant lesquelles il ne va pas s'imaginer que les autres joueurs trichent, chacun de son côté ou pire, complotent contre lui en s'envoyant des signaux (grattement de bras, claquement de mâchoires, jusqu'à milles façons de reposer sa pinte de cervoise sur la table). Il lève donc les yeux et aperçoit Pandora s'apprêtant à quitter la salle de service. Il l'interpelle, il est vraiment d'excellente humeur, la chance est avec lui, il sent qu'il va gagner. Sa voix est gouailleuse et un peu, mais un peu seulement, menaçante.

« Pourquoi qu'tu disparais toujours dans ta cuisine, pour une fois, sois une chic fille, reste un peu avec nous, ça m'changera de ces faces de macaques. »

Pandora lui jette un de ses fameux regards furibonds qui déclenchent toujours l'hilarité générale. Mais c'est tout ce qu'elle peut leur opposer, seule contre tous, aucune chance de se défiler, et puis bon, c'est vrai que par moment, ils sont franchement rigolos, bien plus que Périlogue, quant à ce pisse-froid de Mallord, pas la peine d'en parler.

Et là , comme d'habitude, ils comptent sur elle pour leur faire part des derniers potins de la forteresse. Ils peuvent lui faire confiance sur ce point là, elle est très habile à laisser traîner ses oreilles à droite et à gauche, et quand elle n'a rien de bien sensationnel, eh bien, elle invente, un peu ou beaucoup, de toute façon, ils sont tellement crédules et tellement contents que quelqu'un, qui, sur l'échelle de humanité se situe plus près des magiques qu'ils ne le sont eux-mêmes, s'intéresse à eux. Voilà où se trouve le pouvoir de Pandora, finalement. Le seul problème avec eux, c'est le froid – elle va encore passer la soirée à se les geler – c'est pas faute de rebattre les oreilles de Périlogue et de Mallord avec sa demande d'immunisation…

Elle soupire longuement pour la forme et tire une chaise à côté de Gn1-2, il est un peu plus petit que les autres, il fait moins peur, on pourrait presque dire qu'il a quelque chose de spécial. Bon, c'est vrai aussi qu'il s'intéresse moins à ce qu'elle peut raconter…

Elle grimpe sur la chaise, rate son coup, évidemment les chaises des gardiens sont aussi gigantesques qu'eux, elle, Pandora, leur arrive aux genoux ; à la deuxième tentative, elle est surprise de constater que Gn1-2 lui tend la main et la soulève jusqu'au niveau du siège. Une fois fermement installée, à un mètre du sol, ou peu s'en faut, elle resserre autour d'elle les pans de son vieux duvet orange, constatant avec dépit que ses mains sont déjà bleues de froid et comme elle déteste ça, ça devient carrément horrible, en plus d'être très gênant, dans quelques minutes, elle ne saura plus rien faire de ses dix doigts.

« Alors, Pandora, qu'ess t'as à nous raconter ? Est-ce que Périlogue va enfin de décider à acheter notre cervoise ailleurs ? dans une bonne maison pour changer ! »

L'obsédé de la cervoise, c'est Jb13 qui vient de sortir son couplet habituel, tant en réfléchissant à sa tactique pour la prochaine levée. Et quand il réfléchit, sa respiration devient carrément sifflante, un vrai nid de serpents. Pandora se tait, elle n'a rien à dire, sauf de leur balancer qu'ils sont vraiment lourdingues avec leur cervoise ! D'un autre côté, comme il n'ont pas besoin de manger, c'est un plaisir qu'ils n'ont pas – Pandora, elle, est terriblement gourmande, voire gloutonne, à tel point elle n'est pas loin d'être aussi volumineuse sans qu'avec son duvet orange – zut, elle en était où ? Ah oui, ils ne connaissent pas le voluptueux bonheur qui consiste à s'empiffrer de nourriture, elle peut donc comprendre qu'ils soient si chatouilleux sur cette histoire de cervoise.

« Bon, la miss dit rien, donc j'imagine que le sujet est pas encore à l'ordre du jour. Va encore falloir se contenter de la bibine habituelle, enfin moi j'crache pas dans la soupe. »

Toute la tablée se secoue les dents, même Gn1-2 fait semblant, tandis que Nb6-2 lâche ses cartes d'une main – il les tient à deux, des fois que les autres essaieraient de regarder dans son jeu – et vide le reste de sa chopine.Il déglutit de plaisante façon et fait entendre un claquement de langue finalement assez approbateur.

« Enfin, c'est toujours mieux que l'espèce de rinçure d'égout qu'ils servent à Ankou. »

Les gardiens opinent du capuchon, Jb13 annonce une quinte flush et abat ses cartes à grand bruit sur la table. Ex10-22, qui joue dans la deuxième équipe, commence à s'énerver, ça fait trois tours qu'il n'a marqué aucun point, ou cette enflure de Jb13 a vraiment un pot de cocu (les dementors ne voient que très vaguement ce que peut-être un cocu, mais cela ne les empêche pas d'utiliser l'expression – après tout, une de seules choses qu'ils partagent avec les humains n'est-elle pas le langage ? ) ou il triche depuis le début. Sentant les embrouilles venir, et avec les gardiens d'Azkaban, il y a une forte probabilité que les embrouilles se finissent en pugilat, Dt4-24 endosse son rôle de gardien en second et fait signe à Ex10-22 de se calmer. Le jeu reprend, tous les joueurs se concentrant de plus belle.

« C'est drôle ça, c'est quoi ? »

Gn1-2 vient de tirer un peu sur le duvet de Pandora. Elle manque tomber de sa chaise sous l'effet de la surprise, avec ça qu'elle se serait cassée quelque chose, quelle horreur obligée de se faire soigner ( et tripoter ) par ce vieux dégoûtant de M7-32 ou alors peut-être que le Gn1-2 l'aurait rattrapée, comme tout à l'heure.

« C'est pour me protéger du froid que vous dégagez, gros malin !

- Ah, oui, le froid. »

Non, je n'ai pas froid, la phrase est restée en lui, comme s'il l'avait conservée dans le froid, justement. Alors, pourquoi ne pas tenter sa chance avec Pandora, après tout, c'est la seule qui pourrait l'aider.

« T'as vraiment si froid que ça ?

– Ben, j'vois pas comment j'pourrais avoir chaud, avec vous tous dans les parages ! Regarde mes mains, elles sont toutes bleues ! »

. Pandora étend ses mains, devant elle, elles doivent être dix fois plus petites que les mains de Gn1-2. Lui, l'a vu avant elle, avec un grand coup au cœur qui remet en branle la pulsation : les mains, grassouillettes, de Pandora ont une couleur tout à fait habituelle pour une elfe, un ivoire légèrement nacré.

« Ah ben, ça alors ! qu'est-ce que c'est que ça, je suis malade ou quoi ? J'ai d'la fièvre ?

Elle se tâte précautionneusement le front, comme si elle avait peur de se brûler la main.

- Ben non, c'est tout normal ».

Soudain, elle se recule le plus loin possible de Gn1-2, et se met à gigoter tout au bord de la chaise.

« T s'rais pas en train de me jouer un tour, des fois ? Mais comment t'arrives à faire ça ? »

. L'excitation a fait grimper sa voix, Ex10-22 jette un regard gourmand dans leur direction.

« Alors, Pandora, t'as un scoop ? Fais en profiter tout le monde ! »

Tous les gardiens ont maintenant les yeux rivés sur elle, sauf Gn1-2 qui lui, n'ose pas la regarder et espère simplement qu'elle va résister à l'envie de raconter ce qu'elle vient de découvrir, qu'elle va comprendre que tout cela doit rester secret, que la vérité est trop dangereuse. Il croit qu'il n'a jamais eu si peur de sa vie, ou est-ce la première fois qu'il a vraiment peur ? en ce moment où il voit du coin de l'œil, Pandora ouvrir sa bouche avec une lenteur exaspérante.

« Il y des chances que Fudge se fasse dégommer… et je connais le nom de son remplaçant … «

Ex10-22 pousse un soupir méprisant, les autres remontent les cartes qu'ils avaient abaissées contre la table dans l'attente du fameux scoop, sans plus se préoccuper de Pandora. Seul Dt4-24 consent à s'adresser à l'elfe, de façon d'autant plus urbaine qu'il la sent, bizarrement, déstabilisée – d'ailleurs, elle est toute rouge. Lui aussi sait singer les magiques, et sans doute bien mieux que 666, quand cela s'avère nécessaire et là, il a décidé de se foutre un peu d'eux.

« Ma chère Pandora, je te signale que la dernière fois que tu nous a parlé du dégommage de Fudge, et par conséquent de son remplaçant, le Wizengamot a apporté un dementi cinglant à tes assertions en lui attribuant le titre de Grand Commandeur de l'Ordre de Talem.

Tu comprends donc notre manque d'enthousiasme devant ce scoop qui n'en est pas un. Mais enfin, je serais quand même curieux de connaître le nom de l'heureux élu ? »

Il n'est certain du tout, à voir la moue boudeuse et vexée qui crispe la bouche de l'elfe que celle-ci soit prête à lâcher quelque information que ce soit. Il l'entend pourtant articuler soigneusement, alors que Jb13 le pousse du coude pour lui rappeler que c'est à son tour de jouer.

« Lexloss, un des grands-juges ».

Le jeu s'arrête à nouveau, et on entend même Nb6-2 lâcher un retentissant

« Corne de bouc ! v'la l'genre de nouvelles qui me dessèche le gosier. »

Lexloss, les dementors le connaissent bien, du moins de nom, n'est-ce pas lui qui approvisionne Azkaban en prisonniers ?

« Et Palafox, il deviendrait quoi ?

- Il prendrait la place de son beau-père, évidemment.

– Ben dis donc, tu tiens ça de qui ?

– J'ai entendu Ohnsetz et Mallord en parler au déjeuner, quand c'était le dernier comité.

– Et tu crois que Périlogue est au courant ? Parce qu'il aurait du souci à se faire, le petit protégé de Fudge…

- Allez, Dt4-24, on s'en fout, nous, de toute façon, Fudge ou Lexloss, c'est du pareil au même. J'te signale que ça fait cinq minutes qu'on attend qu't'abattes tes putains de cartes…

- Quéqu'chose me dit que tu vas pas être déçu, mon gars. »

Les cartes s'étalent triomphalement sur la table : un brelan d'as, les dementors l'appellent « le baiser de la mort » , … qui fait bondir le score de Dt4-24 presque au niveau de la terrasse d'Azkaban.

Gn1-2, profitant de ce qu'ils sont tous à admirer le coup, tire un peu sur le duvet orange et souffle « Merci » en direction de Pandora. Puis il quitte la salle, mais une fois qu'il a franchi la porte, il attend un peu, juste le temps de constater que l'elfe est en train de regagner ses cuisines, resserrant les pans de son duvet autour d'elle.

Lui décide d'aller faire un tour sur la terrasse, il a toujours été attiré par la mer, cette étendue d'eau tellement gigantesque que, pour elle, Azkaban ne représente pas plus qu'un vulgaire petit rocher. Déjà à Ankou, l'endroit où il est apparu il ne sait pas trop pourquoi ni comment, et où finalement il a pris vaguement conscience de lui, il aimait se rendre près de la mer et marcher le long du rivage, c'était comme s'il se promenait avec toujours la même vague à ses côtés. Sauf que là-bas, il y avait des mois où la mer elle-même était emprisonnée par la glace. Ici, jamais, la mer est toujours forte et libre et il la préfère comme cela. C'est un tel apaisement qu'il en arrive à oublier ce qui le préoccupe si fort.

Enfin presque, parce que tout d'un coup, une question se forme dans sa tête, comme une bulle qui se préparerait à exploser - n'est-ce pas parce qu'il est différent des autres qu'il trouve de l'apaisement ici ? Aucun des autres gardiens ne vient jamais ici de son plein gré, même s'ils s'y retrouvent tous trois fois par semaine pour des séances d'entraînement ou quand Périlogue les embarque dans une de ses rondes de surveillance – tous ses collègues sont persuadés qu'il ne s'agit que d'une mesure vexatoire, pour les faire chier, comme ils disent, et, là encore, il ne pense pas comme eux ! il a senti qu'il y a des jours où Périlogue ne supporte plus Azkaban et la solitude dans laquelle la forteresse l'enferme.Et lui se porte toujours volontaire pour ces équipées, une fois, c'était peu de temps après son arrivée ici, il s'était même retrouvé tout seul avec lui, et ils avaient sauvé trois muggles, enfin, c'était surtout Périlogue, mais lui, quand même, avait joué son rôle et après il avait même aidé le directeur à se mettre à l'abri et voilà, il s'en souvient, c'est à cette occasion qu'il lui avait dit que la mer était à la fois une protection et une menace pour Azkaban.

Demain il retourne voir Snows.