Fénice et les noms des dementors – la réponse est dans le chapitre 45 de JXC, Journal de Remus, 20 juin, et dans la revue que Zazaone m'a laissée sur le chapitre trois - ces drôles de nom sont des références ! Prière d'aller voir dans le Livre !
Zazaone – je crois que je t'ai déjà répondu quant au titre …
La mer est une protection – elle isole Azkaban du reste du monde magique et muggle et une menace – elle s'infiltre et menace les murailles.
Léna – merci pour ces jolies choses, l'inversion de la chaleur et du froid sur Gn1-2. Le chocolat, oui , Pandora, la gourmande devrait avoir cela dans ses placards !
Loutre02 – Mille mercis pour le coup de chapeau et les compliments ! Pandora fragile, oui, mais pas tant que cela. Et voilà la suite, désolée, je ne suis pas très règulière dans les mises en ligne, je suis plus efficace sur le Loup et l'Azur ! (as-tu essayé ? )
Fée – toujours perspicace, tu tapes dans le mille avec ce problème d'identité … quelle place pour Gn1-2 à cheval entre les dementors et les muggles ? A un moment, il aura acquis suffisamment de conscience de lui pour se poser la question et cela le fera souffrir… j'aurais peut-être dû en faire un gros beauf !
Pour aujourd'hui, c'est du quasiment pur OC (autant vous dire de l'expérimental ! ), et Guézanne étant ce qu'elle est, de l'OC qui doute !
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Directeur d'Azkaban.
C'était presque la fin de la journée.
Quelqu'un frappa à sa porte, entra sans attendre la réponse.
John-Fox. Typique de lui.
« Ah, Mallord, vous avez enfin la fameuse liste ?
- Elle est arrivée il y a trois minutes, vous voyez que je n'ai pas perdu de temps….
- Mais Mallord, je n'ai jamais pensé que vous pourriez perdre du temps dans une quelconque de vos tâches. »
Trixos Périlogue, directeur de la prison d'Azkaban, vit les lèvres de son adjoint s'aplatirent en s'étirant sur les côtés. Il se demanda si un jour elles lui barreraient tout le bas du visage, oui, barrer était bien un mot qui convenait au directeur adjoint de la forteresse d'Azkaban.
Mallord John-Fox était un très grand homme, plus grand que Périlogue, très mince, à la limite de l'émaciement, les joues hâves, un nez busqué et une mâchoire puissante. Il était toujours enveloppé de sa robe noire, plus discrètement brodée que celle de son directeur, à l'encolure et au bas des manches, et qu'il disposait soigneusement autour de lui, à chaque fois qu'il s'asseyait. Nissie, qui semblait éprouver une certaine sympathie pour le bonhomme, trouvait qu'il avait un beau visage d'aigle, des " yeux bleus à perte de vue ", alors que Trixos pensait plutôt à des yeux d'émail, opaques et défensifs, surmontés de sombres sourcils broussailleux – seule divagation pileuse qu'il semblait se permettre - il était toujours impeccablement rasé et ses cheveux gris, sans doute pour s'accorder à une calvitie bien affirmée sur le dessus de son crâne, ne dépassaient jamais les quelques millimètres.
Pour le moment, ils étaient réunis tous les deux dans le bureau directorial, se faisant face par delà la surface de la longue et lourde table de chêne, qui remontait, disait-on, à la fondation d'Azkaban, mais dont le bois était resté, de façon surprenante, extrêmement clair, comme si le panneau venait tout juste de se dégager du rabot du menuisier.
Mallord tendit un parchemin à son directeur, la table était si large qu'ils durent tous deux se soulever légèrement de leur siège pour que le document passât de l'un à l'autre. Périlogue parcourut rapidement des yeux les quelques noms qui la composaient – rien que de très classique.
« Des remarques à faire Mallord ? »
L'homme en face se permit un léger sourire – mais bien malin celui qui saurait le décrypter – Mallord avait cette habitude exaspérante de s'abriter derrière des sourires de ce type – honteusement supérieurs.Il se mit à réciter, comme si son directeur n'avait rien lu
« Cornélius Fudge, Juan Palafox, Ian Devereaux, un secrétaire, non encore identifié – nouveau petit sourire, clairement méprisant cette fois-ci - et l'invité surprise j'imagine … Honor Klee. Je ne savais pas qu'Azkaban faisait partie des circuits touristiques des Frenchies…
- Je ne pense pas que Madame Klee viennent faire du tourisme chez nous…
- De l'espionnage peut-être ? C'est quand même l'adjointe de Monsieur Berlacaron pour les affaires judiciaires et pénales, elle…
- Enfin, Mallord, ne soyez pas parano, elle est déjà venue ici, lors de l'incarcération de son fameux Gargamolle, puis une autre fois, une inspection de routine. Je suppose que c'est à ce titre qu'elle a été invitée par Fudge… à moins qu'elle n'amène un autreprisonnier dans sa sacoche ? »
L'idée fit rire le directeur, sans qu'il sache d'ailleurs très bien pourquoi. Sans doute en avait-il besoin pour marquer son territoire face à son adjoint. A moi le rire, à toi la gueule pincée.
Ou était-ce la pensée de revoir Honor Klee (1) dont il n'avait pas eu de nouvelles depuis longtemps ? Aurait-il couché avec elle si elle lui avait proposé lors de sa deuxième visite ? Ou, si lui lui avait demandé ? Il eut un mouvement d'impatience – de toute façon, il allait bientôt être père, cela était suffisant pour régler la question.
« Je vous ferais remarquer que nos capacités d'accueil sont pour le moment inexistantes ? Et que ce problème est porté à l'ordre du jour du prochain consistoire.
- J'en toucherai déjà un mot à Fudge, autant prendre les devants, j'ai l'impression qu'il va falloir le travailler au corps pour lui faire admettre une idée d'extension. »
Périlogue leva soudain une main impatiente en direction de Mallord.
« Même si vous allez me rappeler que nous avons deux grands juges dans la poche… Mais, ipso facto, un troisième qui n'y est pas, et est même farouchement opposé à ce projet. Laissez Fudge à ses rêves de petitesse et occupez vous plutôt d'Onslow Aglionby… C'est lui qu'il faut convaincre. »
Périlogue fit mine de réfléchir quelques instants à cette habile injonction, mais, en fait, ses pensées étaient parties rejoindre Nissie et le futur bébé, se noyant dans cette zone de malaise qu'il avait découverte récemment en lui.
- Et j'ai cru comprendre que nous aurons le plaisir de voir Madame Périlogue demain soir ? »
Avait-il lu dans les pensées de son directeur ? Le perçait-il si bien à jour ou Périlogue devenait-il si transparent quand il était question de sa femme ? Quoi qu'il en soit, et comme toujours quand le sujet était Nissie, l'expression de Mallord s'était subtilement adoucie – il n'avait jamais réussi à comprendre quelle partie de son visage se détendait, mais le fait était là, la simple évocation de Nissie réussissait l'impossible ! En fait, Mallord ne devait le supporter que parce qu'il était l'époux de sa femme ! Mais difficile de dire si cet homme était, même un tant soit peu, amoureux d'elle.
Avait-il jamais aimé quiconque d'ailleurs ? Certaines histoires courraient sur son compte parmi les gardiens, le nom d'une Ellen Sipswich semblait revenir souvent dans les conversations, Pandora devait en être à l'origine, mais le directeur d'Azkaban se voyait mal se mettre à soudoyer ses dementors afin de se mettre au courant des ragots qui concernaient son adjoint. Non, décidément il ne pouvait rien faire contre Mallord John Fox, il était plus inexpugnable qu'Azkaban. Et il n'était pas impossible qu'il ne fût pas, aussi….
« Oui, mon épouse arrivera vers 15 heures, de Glasgow… nos visites et nos réunions ne l'intéressent pas vraiment…
- Encore qu'elle y ait déjà assisté, et avec beaucoup d'attention. Madame Périlogue a fait des études de droit me semble-t-il ? »
Fichtremerlin, comment savait-il cela, lui ? Tenait-il un dossier sur son épouse ou … cette information figurait-elle, en bonne place, dans le sien ? Car, de cela, il était certain, Mallord rassemblait toutes les informations qu'il pouvait sur son directeur – cela faisait partie de cette procédure, mi-officielle, mi-officieuse, qui voulait que les directeurs d'Azkaban fussent étroitement surveillés dans l'exercice de leurs fonctions, à charge pour eux de se révéler plus astucieux que leur taupe lorsqu'ils voulaient jouir d'un peu de privauté.
Evidemment, le rôle joué par Mallord n'était pas fait pour instaurer de la cordialité dans leurs rapports, pourtant Trixos s'était souvent dit que Mallord, aurait dû, en bon espion, savoir forcer sa vraie nature de pisse-froid et créer entre eux une atmosphère de bonne camaraderie, fût-elle complètement artificielle. Il aurait ainsi très certainement recueilli bien des confidences, tant il vrai qu'il est quasiment impossible de se tenir constamment sur ses gardes lorsque l'on commerce avec une personne sympathique. Donc, dans les faits, Mallord sabordait lui-même une partie de sa mission.
« Vous êtes bien renseigné …
- J'entends dans votre voix comme un reproche… pourtant je peux vous citer mes sources : Lexloss tout simplement, lors de la réception du début d'été, nous avions parlé de choses et d'autres et notamment de vous et votre épouse et de l'heureux événement. J'ose espérer que Madame Périlogue se porte bien ? »
Trixos attendit que la sensation de froid dans son dos ait disparu, Mallord avait mis suffisamment de sous-entendus dans sa voix en lui lâchant son notamment de vous et de votre épouse, pour qu'il soit certain que leurs propos n'avaient pas été simplement anodins, avant de lui répondre.
« Elle se porte très bien, maintenant que les … désagréments des premiers mois sont passés. »
Que savait Mallord des nausées des femmes enceintes ? S'il en connaissait l'existence, il devait les mettre sur le compte d'une déplorable tendance à trop s'écouter…à moins qu'il ne fasse une exception pour Nissie ?
« Très en forme, même, vous pourrez le constater vous-même ce soir. »
Il s'était mis à le scruter avant même de lui répondre, mais le visage de Mallord était resté absolument impassible. Mais peut-être n'avait-il pas regardé où il le fallait ? Et si, se sentant épié, Mallord avait transféré sa réaction ailleurs, dans un imperceptible frémissement de ses mains ? Cet homme savait si bien se contrôler qu'il était tout à fait possible qu'il ait joué à ce jeu !
Un peu par défi, il se décida à lui raconter une blague, qu'il avait ramenée de sa dernière réunion londonienne. Il se souvenait qu'il en avait énormément ri, mais maintenant, les yeux de Mallord attachés à lui, comme un matériau visqueux, il n'était plus si sûr de la drôlerie de son histoire. Il se dit néanmoins qu'il allait s'agir d'un bon test, si Mallord esquissait un sourire, c'est que l'histoire aurait été vraiment très très drôle.Il se lança avec une sorte de frisson, de ceux qu'on éprouve en transgressant, sans trop de risque, une règle établie depuis longtemps.
Lorsqu'il eut terminé, Périlogue regarda le visage de son adjoint, et constata que rien ne s'y était manifesté, et que les rayons du soleil couchant ne parvenait ni à l'adoucir, ni même à lui conférer une quelconque chaleur.
Bon sang, n'avait-il vraiment aucun sens de l'humour, savait-il au moins qu'il y avait des gens qui riaient ? et qui ne faisaient pas que sourire d'un air fat ? Devant le total manque d'humour de son secrétaire, lui en était parfois réduit à aller écouter incognito ses gardiens plaisanter, même avec le risque d'entendre les oreilles lui siffler … voilà tout ce qu'Azkaban pouvait lui offrir : de l'humour de dementors.
Pourtant, il savait que Mallord s'était très bien entendu avec Von Schlass, même s'il ignorait si leurs rapports avaient vraiment dépassé le stade de la bonne intelligence professionnelle. Il y avait des jours où il se découvrait jaloux de ce que son secrétaire mettait un soin redoutablement efficace à lui dissimuler. Il s'entendit soudain demander :
« Mallord qu'est-ce que vous feriez si un jour vos … vos fonctions à Azkaban prenaient fin ? »
Comme il s'y attendait, son secrétaire tiqua sur la mauvaise partie de la question.
« Et pourquoi devraient-elles prendre fin ? Y aurait-il une raison valable ? »
Voilà donc à quoi se résumait la vie pour lui, une glaciale succession de raisons valables.
« Rassurez-vous, Mallord, Azkaban n'a aucune raison de se passer de vos précieux services. C'était simplement une question d'école – disons que ça m'intéresse. Et puis, il est des questions qu'il vaut mieux se poser à l'avance, vous ne croyez pas ? »
John-Fox avait haussé les épaules et pincé la bouche – fin de non recevoir, Trixos, tu vas bien être obligé d'admettre un jour qu'il n'y a rien à tirer du bonhomme – que du froid dans le dos.
« Vous vous laissez aller, Périlogue.
– Non, j'essaie de me retrouver ! »
Il avait vu Mallord blêmir subitement en entendant le presque sanglot qui était remonté dans sa gorge au moment où il lui rétorquait cela. Puis, ils s'étaient ressaisis tous deux, et s'étaient souhaités le bonsoir.
Et son adjoint avait refermé la porte, poussant un long soupir de désapprobation.
Avait-il eu raison de pousser – un peu, si peu – Mallord dans ses retranchements ? En tout cas, s'il voulait le faire réagir et en apprendre un peu plus sur lui, c'était absolument raté. Et d'ici à ce qu'il s'imagine que son patron voulait se débarrasser de lui ! Mais peu importait tout cela.
Le départ de son adjoint signifiait qu'il en avait terminé avec ses tâches quotidiennes, il pouvait maintenant se décharger de lui, quitter son bureau, venir s'asseoir près de la baie orientée à l'ouest et s'abîmer dans la contemplation du soleil couchant.
La mer était apaisée, lisse. Le ciel empilait délicatement d'impondérables couches de rose, de jaune et de bleu, d'une douceur à vous faire pleurer. Et pour vous faire apprécier davantage sa bienveillance, ou pour vous la faire regretter, ou comprendre combien elle était élusive, une redoutable avant-garde de nuages gris et compacts se positionnait méthodiquement au-dessus de l'horizon, comme si la nuit avait déjà laissé les traces de ses mains sombres sur ces si tendres couleurs.
La nuit – ou les cauchemars qui saccagent les nuits.
Trixos soupira profondément, passant brièvement ses mains lasses sur son front.
La plupart de ses nuits étaient écartelées, distendues du soir au matin, une infinie période d'agonie, qui ne recédait que devant des potions, toujours plus fortement dosées. Ses prisonniers savaient-ils qu'il souffrait parfois autant qu'eux et que les nuits étaient ses gardiens, ses dementors attitrés ? Son destin était-il d'être vidangé lui aussi ? Il avait parfois l'impression qu'il se désemplissait de son bonheur aussi sûrement que ses prisonniers, et qu'Azkaban finirait par avoir sa peau.
Oui, des couches de bienveillance dans le ciel, pour lui rappeler que, sous ses pieds, il y avait des couches de prisonniers, et d'exactions, du plus banal des délits au plus terrifiant, et plus terrible le crime, plus grand l'éloignement de la beauté, plus profond et sordide l'enfouissement sous le niveau de l'eau.
Et Nissie qui se maintenait si loin… toute la mer et toute cette violence entre eux. Nissie, elle avait été une bulle de légèreté et d'insouciance dans sa vie, comment pourrait-elle jamais accepter de comprendre ce qu'il était devenu, depuis qu'il était ici ? Maintenant, quand il regardait dans ses yeux, il se voyait, non pas immobile, en train de la contempler, mais en mouvement, reculant à toute allure, comme aspiré par une autre force qu'elle.
Fudge s'était trompé en le recrutant, le poste demandait un homme sans interrogation, un de ceux qui font aveuglément confiance à la justice de la communauté ; qui sache se dire : derrière chaque prisonnier dont j'ai la charge, il y a un crime à punir. Et non pas : derrière chacun des prisonniers se trouve peut-être un innocent, qui a été jugé à la va-vite, sans l'assistance d'un avocat. Et qui même coupable, ne mérite pas le châtiment que, par dementor interposé, je suis chargé de lui infliger. Comme lui maintenant, comme lui dans ses cauchemars.
Il essayait pourtant de se raisonner, quotidiennement il reprenait leurs dossiers, lisant tous les parchemins qui les constituaient, les minutes des procès, les verdicts des juges, il s'imprégnait de la culpabilité de tous ces hommes et ces femmes qui étaient ici. De la matérialité de leurs crimes. Il ne devait pas aller plus loin, les sentences des juges n'étaient-elles pas irrévocables ?
Le seul moyen de résister qu'il eût trouvé consistait à abandonner le pouvoir qui lui avait été confié à 666, à son incurie, à sa négligence, à son sale foutoir. Une sorte de résistance par l'inaction. C'était lâche, car il aurait pu tout envoyer promener et leur flanquer sa démission, leur envoyer en pleine figure l'absurdité de la méthode qu'il était chargé de faire appliquer, l'effroyable inhumanité du sort qu'il était payé pour procurer jour après jour à ses prisonniers. Mais il n'en avait pas le courage, il n'avait pas le courage d'imposer cela à Nissie, la désapprobation officielle qui ne tarderait pas à se manifester, fermant toutes les portes devant lui et réduisant à rien ses chances d'obtenir un quelconque autre poste. Et puis, ne suffisait-il pas d'être simplement patient, encore deux ans et il pourrait se libérer – se libérer ! – de ses fonctions et obtenir un prestigieuse poste londonien ? Et ainsi retrouver Nissie… et son innocence ? Mais s'agissait-il bien encore de sa femme ? Néanmoins, il venait à peine d'entamer cette période de deux ans, et il avait l'impression qu'il était déjà trop tard.
Mais, en attendant, qu'est-ce qu'il espérait de son inaction ? Que les gardiens allaient se bouffer les uns les autres ? Sachant que travailler ici était plutôt considéré comme une planque – pas besoin de courir après ses proies - il était peu probable qu'ils prennent de mettre en péril leur sécurité de l'emploi.
Alors quoi d'autre ? que les prisonniers allaient se révolter, se mutiner, qu'Azkaban allait disparaître dans une grandiose apocalypse, avec trompettes et bête à sept têtes ? Rester inactif et réciter des incantations pour que tout cela explose ? Combien se serait confortable alors, tout cela obtenu sans avoir fait montre du plus médiocre des courages ?
On frappa à sa porte, c'était Pandora. Elle avait enfilé sa tenue de service directorial, elle avait ôté son vieux duvet orange et enfilé une sorte de casaque, d'un bleu délavé, qui flottait autour de ses chevilles. Elle lui rappela qu'il était largement l'heure de dîner, lui demanda où il souhaitait être servi, elle avait préparé du welsh rarebit au chester. Il fit semblant de réfléchir pendant un bref instant, alors même qu'il savait déjà ce qu'il allait répondre
« Merci, mais vous me servirez une assiette de la soupe des prisonniers, j'imagine qu'il en reste, et une cruche de cervoise des gardiens. Dans l'antichambre des cachots. »
Comme prévu, l'elfe lui jeta un regard d'abord indigné, puis furieux, alors qu'en bonne domestique, elle aurait dû regarder ses pieds et obtempérer. Et pour bien lui montrer combien elle était courroucée, non contente de le regarder de face, elle serra les poings !
« Maître Trixos, vous n'y pensez pas, la soupe des prisonniers, c'est … c'est mauvais !
– C'est pourtant vous qui la faites ? Et justement, je veux savoir ce qu'il en est avant l'arrivée de monsieur le Ministre demain, si jamais il avait envie d'en apprendre davantage sur le sujet. Et puis, il paraît que la cervoise des gardiens est immonde, ce n'est pas la première fois que 666 y fait allusion, autant que je me rende compte par moi-même de ce qu'il en est.
Et maintenant, Pandora, au lieu de faire la forte tête, si vous obéissiez ? Mon dîner dans 10 minutes, antichambre des cachots et demandez à 666 de m'y rejoindre, nous avons encore à parler de la visite de demain. »
Elle ne put s'empêcher de marmonner, suffisamment fort pour qu'il l'entende :
« Evidemment forte tête, c'est pour ça qu'on m'a envoyée ici. »
Périlogue haussa les sourcils, ah elle aussi, alors, elle est venue se faire discipliner à Azkaban. Décidément, fallait-il qu'il soit le bourreau de tous ici ? Il s'autorisa tout de même un léger sourire – elle était tellement coriace qu'il y avait peu de chances qu'elle devînt jamais une parfaite elfe. Assurément pas du genre à se taper le crâne contre les murs en signe de contrition… Mais de toute manière, une perle n'aurait pas résisté pas à la fréquentation des dementors. Il était donc heureux qu'elle eût le caractère bien trempé.
« Ah, Pandora, une dernière chose : tout est-il prêt pour l'arrivée de mon épouse ? Elle a prévu d'être là vers trois heures, il faudra que vous l'accueilliez, car je serai occupé avec mes visiteurs à cette heure-là. Mais vous me ferez prévenir de son arrivée, peut-être pourrais-je m'esquiver quelques minutes pour … pour venir la saluer. »
Il n'allait certes pas dire devant Pandora qu'il s'échapperait pour savoir s'il restait encore quelque chose entre lui et sa femme.
…
Cette fichue inspection, suivie de son habituelle et assommante réception, était enfin terminée. Fudge était reparti rapidement, pour rien au monde il ne resterait ici une fois la nuit tombée, ce moment où Azkaban s'enfonce encore plus dans son néant.
Il avait consulté les dossiers des nouveaux arrivants, pas grand chose de remarquable, puis il était allé passer en revue l'équipe de 666, les 12 gardiens d'Azkaban, dont l'excellence et l'infaillibilité était un de ses sujets de fierté.
Cette fois-ci, il avait même réussi à dissimuler à peu près correctement le dégoût et la peur qu'ils lui inspiraient malgré tout, tout excellents qu'ils fussent. Périlogue l'avait aidé à faire bonne figure : il avait fait installer autant de torches spéciales que nécessaire afin que la pièce dans laquelle la revue se déroulait garde toute la luminosité et la tiédeur inédite d'une superbe journée de fin octobre. Et il s'était toujours tenu strictement à ses côtés, certes un pas en arrière, en raison du protocole, mais comme une sorte de garde du corps prêt à intervenir au moindre dérapage. Quant aux autres visiteurs, Lexloss, Palafox, Creswell et toute la clique des conseillers et autres sénéchaux et baillis, ils avaient l'habitude.
Il avait revu Honor Klee, il lui avait présenté Nissie, Nissie et le ventre de Nissie bien sûr, ce glorieux appendice sur lequel les regards d'Honor s'étaient immédiatement attendris. Il avait échangé quelques mots avec elle, un dialogue bien pensant, neutre, entre gens de la même boutique – ils avaient parlé de l'éventuelle réforme du Codex des Pénalités et Prisons. Et il lui avait confirmé ce qu'elle avait entendu dire au service des Sceaux du MK – que de toute façon, Fudge maintiendrait Azkaban hors champ de cette possible révision.
« Vous resterez donc à la tête d'une zone de non-droit ! »
Il lui avait répondu, à voix aussi basse que la sienne :
« Azkaban une zone de non-droit, oui, moi à sa tête, c'est sans doute une autre histoire. »
Elle lui avait envoyé un sourire d'encouragement, presque complice et elle l'avait laissée là, alors qu'il aurait voulu qu'elle l'interrogeât sur ce qu'il venait de lui dire.
Et maintenant, il achève son habituel tour sur la terrasse, la mer, noircie par la nuit, comme du bois carbonisé, commence à clapoter durement aux pieds des murailles.
Mais cette nuit, il ne va pas la passer seul, Nissie reste avec lui. Il avait été obligé de lui demander - ce n'est pas elle qui lui avait proposé. Il avait tout d'abord cru qu'elle allait refuser, il avait vu le refus dans ses yeux, un non buté, qui lui faisait doucement secouer la tête, redoublant ainsi son message. C'était la semaine dernière, comme tous les quinze jours, Azkaban le temps d'un week-end, était confié à 666 et son adjoint et lui avait quartier libre.
Il avait donc rejoint Nissie à Glasgow, où il habitait officiellement. Une ville commode, pas trop loin d'Azkaban, et où Nissie avait de la famille – une vieille grand-tante, une écossaise de pure souche magique qui possédait une imposante maison.
Elle leur avait concédé l'usage d'un petit appartement que Nissie s'amusait à redécorer dans un style plus jeune et plus gai – moins paléolithique, précisait-elle quand Dame Seònaid MacDonachie ne pouvait pas entendre.
Ils avaient fait l'amour, un peu maladroitement, parce que le bébé avait grandi, faisant grossir le ventre entre eux. Trixos avait eu l'impression qu'il avait contre lui une sorte de ballon facétieux, pressé de rouler hors du lit, pressé de lui échapper.
Puis le lundi matin– il s'arrangeait pour repartir le plus tard possible, juste à temps pour réendosser à sept heures la lugubre tunique noire brodée de gris des directeurs d'Azkaban – ils avaient parlé de cette fameuse visite de Cornélius Fudge, le vendredi prochain. Nissie lui avait annoncé qu'elle se sentait suffisamment en forme, pour y assister, comme elle le faisait habituellement, animant leur austère assemblée de sa grâce souple de joli félin, de ses yeux si clairs dans son visage à la pâleur nacrée – tant de clarté et de lumière offertes à Azkaban.
C 'était ce qu'il pensait avant, avant … qu'elle se fût arrangée pour qu'il lui plantât un enfant dans le ventre. Il se souvenait des regards qu'elle avait pour lui, avant. Un regard animé d'une tendresse pleine de vitalité, dont personne à Azkaban ne savait plus qu'elle existait. Quant il l'avait rencontrée, il avait été immédiatement attiré par sa sensibilité, légèrement indécise, un peu étonnée de se laisser voir dans toute son ingénuité. Maintenant, elle rusait, elle lui dérobait ses yeux, ou plus exactement elle lui donnait l'impression de toujours regarder en dedans d'elle, dans son ventre.
Une idée l'avait alors traversé, qu'elle s'éloignait de lui au fur et à mesure que son ventre s'arrondissait. Son ventre, cet enfant en train de se faire, cela la rendait resplendissante et forte, une force distanciée et indifférente qui n'existait que pour elle-même et l'enfant à naître, et qui n'avait pas besoin d'adversaire pour exister. L'exact contraire de ce qu'il faisait subir à ses prisonniers.
Elle avait hésité longtemps, il avait répété sa question, il l'avait même saisie par le poignet, la serrant fortement, comme pour l'empêcher de s'enfuir, mais il n'y avait aucune peur dans ses yeux, (mais avait-il voulu qu'il y ait de la peur dans ses yeux ?), plutôt une sorte de menace, et tout d'un coup elle l'avait gratifié d'un sourire triomphant et elle avait accepté.
Il pourrait dormir, accolé à elle, et il essaiera de poser ses mains sur son ventre plein, pour conjurer l'horreur de la vie à Azkaban. Et il essaierait de se contraindre à accepter l'idée qu'elle était en train de lui fabriquer un enfant.
Quand il pense que 666 l'avait félicité quand il avait appris la futur paternité de son directeur, il ne sait d'ailleurs pas trop par quel canal, Pandora peut-être ? Car lui, Trixos, n'aurait jamais songé à lui en faire part, car qu'est-ce qu'un dementor peut penser de la paternité ? Est-ce qu'on dit à son chien qu'on va devenir père ? Et pourtant un chien, lui, se reproduit, à peu près comme son maître.
Evidemment, 666 lui en avait parlé pour se faire bien voir, mais tout de même, quelle situation absurde ! Comment pouvait-il s'imaginer ce que cela représentait pour lui ? Il avait failli lui demander, pour le déstabiliser, s'il savait comment les humains se fabriquaient. Cela aurait été cruel, sans doute, les dementors eux-mêmes ne sachant pas comment ils apparaissaient, un beau jour, sur cette terre, mais même un tel scrupule ne voulait rien dire – un dementor n'a pas de sentiment et ne pouvait donc être victime de ce type de cruauté.
En tout cas, ces félicitations avaient plongé Trixos dans un malaise profond, qui avait duré toute la journée. Comme si Azkaban s'était glissée dans son lit.
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(1) ) Je ne résiste pas au plaisir de vous rappeler qu'il est fait mention d'Honor dans le journal d'Isolfe, entrée du 6 février, chapitre 24 et de vous annoncer qu'elle interviendra dans LAZ.
