Tract # 11 : Manipulateur !
Mika toujours occupée à sermonner Shuichi ne détourna son attention du jeune homme que quand un bruit familier de claquement de talon lui fit détourner les yeux. D'un simple léger mouvement de tête, elle pu apercevoir du coin de l'œil l'américaine qui les avait surpris dans leur conversation.
Voyant que les regards s'étaient posés sur elle, son attitude changea du tout au tout. Elle s'avança d'un pas sûr vers la femme de Tohma les bars tendus, un sourire forcé lui barrant le visage, plus hypocrite que jamais.
Mika ! Quel plaisir de te revoir ! Scanda-t-elle faussement.
Il en est de même pour moi ! Lui répondit Mika en imitant volontairement son attitude sournoise.
Elles se sourirent, se serrèrent tout d'abord la main, Shuichi remarqua très distinctement qu'elles s'enfonçaient l'une et l'autre sans ménagement les ongles dans la peau. Leurs visages respectifs semblaient crispés par l'effort. Ce fut Mika qui coupa court à cette scène d'intimidation silencieuse en lui lâchant vivement la main sans pour autant montrer le moindre signe de douleur quelconque.
Si on allait discuter autour d'un café ? Je t'invite si tu veux ?
Merci mais j'ai largement de quoi me payer un simple café ! Tu savais que j'étais présidente de ma propre société. Un peu comme Tohma mis à part que moi je n'ai personne à charge. L'allusion était subtile mais Mika la compris aisément.
Certes ! Lui répondit-elle en serrant les dents. Dis moi tu n'aurais pas un peu grossie.
Ce n'est que du muscle, mon professeur de sport particulier est très compétent.
Devant tout cette scène, Shuichi ne pouvait s'empêcher de rire intérieurement : elles se détestaient véritablement, comme deux rivales pour un même homme. Il voulut s'éclipser discrètement mais il sentit une main l'attraper par les épaules et le ramener vers les deux furies prêtes à exploser à tout moment.
Tu boira bien un café avec nous ? Lui proposa Mika.
Euh ! C'est que la tout de suite je dois aller à la salle d'enregistrement. Bafouilla-t-il comme excuse.
Mais non ne t'en fait pas, ça peut bien attendre. Insista l'américaine.
Mais Sakano va…
Il comprendra très bien ! Affirma Mika.
Vaincu, il s'inclina et les suivit à contre cœur. Il ne pu que observer impuissant leur débat verbale sans intervenir réellement, cependant, il voyait clairement que Mika tentait de faire tourner la conversation vers lui. Le chanteur la remerciait silencieusement.
Tu dois être une femme d'affaire redoutable. Annonça Mika.
Je me débrouille comme je peux avec mes propres moyens, c'est un monde difficile, peut-être d'avantage pour une femme que pour un homme. Affirma fièrement l'américaine.
Tes méthodes doivent être sans failles.
Personne n'a jamais su me résister. Tout ce que je veux je l'ai.
Shuichi remarqua soudainement une faille dans son discours.
Mais…Tenta-t-il timidement. Tohma s'est marié avec Mika alors vous ne l'avez pas réellement eut.
L'américaine fut comme figée dans son élan, le souffle coupé. Quand elle releva les yeux vers le jeune homme, il put y lire de la colère et peut-être une pointe de haine. Sentant qu'il avait touché un point sensible, il jugea bon de s'éclipser en bégayant quelques excuses. Elles ne le retinrent pas cette fois-ci.
Il ne revit pas la jeune femme de la journée, il remerciait plus que jamais Mika, il était certain qu'elle faisait tout pour l'éloigner de lui et l'occuper un maximum. Ses paroles tournaient dans son esprit, comment allait-elle pouvoir la faire renoncer ? Elle l'avait dit elle-même, la seule personne qui pouvait faire réagie Tohma était Yuki, mais Shuichi ne voulait pas l'ennuyer d'avantage avec ses problèmes. Yuki avait déjà tellement fait pour lui.
Le jeune homme eut la plus grande peine du monde à faire revenir Tatsuha chez Yuki, le fan ne voulait plus décoller de son idole, ce ne fut qu'avec la promesse échangée de se revoir qu'il daigna enfin réagir et accepter de rentrer.
De retour chez lui, Shuichi tenta tant bien que mal de cacher ses inquiétudes et son humeur morose à son amant. Il pensa sincèrement qu'il y était parvenu.
Tatsuha eut l'amabilité de s'éclipser de bonne heure et de se recroqueviller dans la chambre qui avait été préparé pour lui, laissant ainsi les deux amants entre eux devant un écran de télévision qui n'était pas réellement regardé avec attention.
Yuki s'était dérobé lui aussi dans son bureau, Shuichi était donc resté seul au salon. Ruminant de sombres pensées, il s'était allongé sur le divan en position fœtale. Il se sentait vraiment mal, il avait l'impression d'avoir comme un pincement au cœur qui se serait d'avantage chaque jours au fur et à mesure que le voyage en Amérique approchait. Pour la première fois, il avait envi de pleurer et ce n'était pas par la faute de Yuki.
Il se laissa finalement aller. Ce n'était pas une grosse crise de larmes mais juste de quoi évacuer la pression, le stresse et peut-être un peu de fatigue. Il en avait terriblement besoin. Il s'enfouit le visage au creux de ses bras. Il voulait que personne ne le voie, Tatsuha dans sa chambre et Yuki dans son bureau, il ne craignait rien.
Du moins, c'était ce qu'il croyait.
Il ne remarqua pas que Yuki était revenu dans le salon. Ce qui l'avait poussé, c'était une impression, si léger, si infime mais persistante. Malgré tous les efforts de Shuichi, il avait compris que les choses ne s'étaient pas arrangée avec l'intervention de Mika, et il découvrait à présent un Shuichi parcourut par un spasme muet, pleurant en silence et en secret.
Il pleurait et pour une fois, ce n'était pas à cause de lui. Cette vision était cauchemardesque pour l'écrivain, il détestait par-dessus tout le faire pleurer et quand c'était de sa faute, il savait qu'il pouvait contrôler la peine de son amant, il savait comment se racheter et faire cesser ses pleures mais là il se sentait impuissant.
Impuissant ?
Non, il ne l'était pas réellement, il y avait un moyen.
Il s'agenouilla et caressa la tête de Shuichi qui releva vers lui des yeux gonflés et rougis. Etonné, le jeune homme s'emmitoufla dans les bras étrangement devenus protecteur et compatissant de son amant.
Un timide « pardon » fut prononcé et Shuichi s'endormit le cœur léger pour la première fois depuis plusieurs nuits.
