Louve

Merci de trouver que c'est une super idée. Et je suis comme toi, Azkaban Azkaban est celle de mes fics que je préfère, parce que c'est celle qui s'éloigne le plus de l'œuvre d'origine.

Quant à Sirius, je vais prendre mon temps avant de vous faire descendre dans sa cellule,a au risque de te choquer, je ne le considère pas comme le personnage principal de cette fic…

Fenice

S'il y a un parallèle belle / bête, il n'est pas conscient. Je ne sais pas s'il y a une belle dans cette fic, en tout cas, la bête pour moi, c'est Azkaban elle-même. Peut-être qu'en fait, la similitude entre LAZ et Azkaban Azkaban, c'est le fait que, parfois, un homme a besoin d'une femme pour se sauver de lui-même.

Et puis, les chefs, la hiérarchie, là, très clairement, je me défoule.

Astorius

Ta colère ( ?) est drôle, la fille de Périlogue récupérée par Lupin – mais que fais-tu de la mère, ie Nissie Périlogue ? A mon avis, sa fille, elle, elle n'est pas prête à la lâcher !

Patmol, dans quel état ? C'est le défi d'écriture que pose Azkaban Azkaban – essayer de trouver les mots qui pourront décrire cet anéantissement - ou qu'est qui reste quand on s'est fait digéré par Azkaban, comme tu me le suggères…

Fée Fléau

Effectivement, Gn1-2 se fait baptiser, une première fois par Eleïssa, il y aura un deuxième nom pour lui aussi, et puis Sirius le nommera aussi – mais ça tu le sais déjà puisque tu as lu JXC …

Léna

Je suis très sensible à ton idée de vie par procuration, – c'est d'ailleurs à mon sens plus le gardien qui bénéficie de cette procuration que le prisonnier, même si ce nouveau chapitre est construit sur un épisode qui fonctionne dans le sens gardien – prisonnier : c'est dire que même réduits à l'état de loques, les prisonniers possèdent toujours quelque chose dont Gn1-2 sait qu'il est privé – leur humanité.

Fière de « mon »Sirius : merci ! – il était pour moi inconcevable qu'il ne résistât pas, même une fraction de seconde, son orgueil et sa bravade étaient là pour y veiller.

Bonne lecture a tutti - il ne se passe pas grand chose dans ce chapitre, le temps carcéral ralentit et étouffe l'écriture…

A l'ouest du soleil

Les cadors on les retrouve aux belles places

Les autres c'est Saint Maur Chateauroux Palace plus de ciel

Les cadors

Alain Souchon

Après cette confidence, la relation entre lui et sa prisonnière s'installa dans une routine, à la fois intimidante et apaisante, une sorte d'angoisse quotidienne remplie de perspectives inconnues dont il était avide.

Chaque jour, il commençait par lui parler du temps qu'il faisait ; il s'était aperçu que c'était surtout la couleur et l'aspect du ciel et de la mer qui l'intéressaient, elle s'était même une fois un peu fâchée, parce que ses descriptions n'étaient pas assez précises : piqué au vif, et malheureux, il s'était précipité hors de la cellule, avait bousculé quelqu'un sans le voir et sans y prêter la moindre attention et avait couru jusqu'à la terrasse.

Là, il avait regardé le ciel et la mer avec une attention douloureuse et inquiète, essayant de trouver en lui les mots précis et beaux qui allaient permettre à Eleïssa de voir le spectacle dont elle était privée. Il était revenu dans la cellule, au mépris des règles qui présidaient à sa tournée de gardien, pressant l'allure, ayant vaguement conscience que le gardien chef ou John-Fox pourraient lui demander des explications.

De toute évidence, son retour avait été une surprise pour Eleïssa, ses yeux le lui avaient dit et il avait compris leur message, oui, il avait compris qu'elle avait eu peur qu'il ne revienne pas. Et pourtant de cette peur là, son visage n'avait rien laissé voir – juste ses yeux. Et ce jour là, il avait aussi découvert qu'ils étaient tous les deux liés, ayant aussi besoin l'un que de l'autre.

Il s'était lançé dans une description de la mer, il était même tout à fait content d'avoir su lui dire que les gros nuages blancs et rebondis qui parsemaient le ciel bleu lui avaient fait repenser à Ankou et au amas de neige que le blizzard créait. Elle l'avait écouté, en silence, lui suggérant parfois un mot, éblouissant avait été un de ceux-là.

Puis elle l'avait remercié, et lui avait dit

« Je ne veux pas qu'Azkaban me transforme en troll des cavernes »

et aussi

« La prochaine fois, tu enfermeras de l'air de la mer dans ton manteau et tu me le rapporteras. »

Dès le lendemain, il avait donc changé sa routine, et commençait son circuit par la terrasse : il regardait soigneusement la mer et le ciel et il gonflait son manteau de l'air du grand large. Et il se précipitait vers elle, rempli de tout cela, et il lui donnait. Elle lui avait permis d'inverser les rôles.

Et un autre jour, Eleïssa lui demanda d'aller voir pour elle le premier rayon de soleil sur la première pierre d'Azkaban. Elle lui avait ordonné

« Tu me diras où se trouve cette pierre, le plus exactement possible, de quel côté… ce ne sera peut-être pas à l'est, à quelle hauteur… tu me diras où elle est par rapport à ma cellule. Et puis tu mettras ta main dans le rayon de soleil, et quand ta main sera tiède, tu viendras me voir. »

Le lendemain, il avait fait comme elle le lui avait demandé, il s'était faufilé hors de son dortoir bien avant le lever du soleil, de peur de manquer le moment, espèrant qu'il allait faire beau.

Débouchant sur la terrasse, force lui avait été de constater que ce n'était pas le jour ; du ciel tombait un crachin épais, presque gluant. Il persista pourtant, trempé, le dos collé à la tourelle où débouchait l'escalier. Sur le coup de six heures, il commença à faire un peu plus clair, une sorte de bouillie grisâtre qui se déposa un peu partout en même temps, comme de la saleté. Le moyen de retrouver la première pierre dans toute cette cochonnerie de jour !

Il jura entre ses dents, et rentra à l'intérieur, afin de commencer son service avant que les autres ne remarquent son absence.

Pendant les trois jours suivants, le temps persista dans cette veine déguelasse ; mais, chaque matin, Eleïssa lui répétait avec un sourire, à la fois joli et triste, qu'elle avait le temps et qu'il y avait peu de chances qu'elle sorte d'Azkaban avant qu'il ne se remette à faire beau.

Enfin, le soir du troisième jour, un fort vent d'ouest se leva, libérant le ciel de la couche grise et terne qui l'avait encrassé. Une bonne humeur l'envahit tout d'un coup, et il eut envie d'une chope de cervoise.

Alors qu'il se dirigeait vers la salle de service, il croisa Périlogue, qui, lui, montait l'escalier. Il se mit en position lige, mais le directeur lui fit signe de laisser tomber.

« Tu es en service ? »

Gn1-2 répondit que non, mal à l'aise. Pourtant Périlogue lui sourit

« Moi, non plus. Je vais nager. »

Et il ajouta

« La pluie a enfin cessé. J'ai envie de soleil … De soleil sur la peau. »

Et il reprit son ascension, vers ses appartements, avalant les marches deux par deux. Gn1-2 faillit lui crier après, lui asséner, comme une évidence

« Vous aussi alors, vous avez besoin de ça ! »

Mais il resta silencieux, méditant lugubrement sur ce que Périlogue avait dit, le soleil sur la peau. Bien sûr, il était comme elle, un humain, ils avaient besoin de ça, ils étaient capables de savoir ce que ça faisait, le soleil sur la peau. Et puis, qu'est-ce que Snows en ferait, de sa main qu'il aurait laissée dans le soleil, elle n'oserait pas la toucher tout de même, et puis elle devait bien savoir qu'un dementor c'est froid quoiqu'il fasse, il était un puits sans fond pour le chaud, le bonheur.

C'est de Périlogue dont Eleïssa avait besoin, pas de lui. Un humain, un de ceux qui ont le torse plat et qui sont attirés par l'autre sorte, comme l'était Snows, les humains qui ont le torse gonflé. De la poitrine, ça s'apellait, les gardiens d'Azkaban savaient cela, grâce à Pandora, et qu'il paraît même qu'ils dormaient ensemble, les uns et les autres. Ça leur semblait tellement incroyable, à ces dementors qui ne se touchaient que pour se foutre sur la tronche. Sang de Merlin, comme il aurait voulu être comme Périlogue, là, tout de suite, un besoin urgent, taraudant, et pas pour le pouvoir, non, même s'il aurait pu envoyer ce connard de Nb6-22, devant son cinquième conseil de discipline, non, juste pour Eleïssa, pour être de la même espèce qu'elle. En si ce n'était pas possible d'être comme Périlogue, alors qu'à cela ne tienne, il était même prêt à se transformer en cet abruti fini de John-Fox, qui malgré sa bêtise et sa méchanceté, voire sa cruauté, avait encore le privilège d'être un humain d'être comme elle.Etre un humain et partager avec Eleïssa leur peur impuissante devant les dementors – quel comble, tout de même !

Subitement, il en eut marre de cette inutile gamberge – il réexpédia promptement toutes ces idées au plus profond de lui, où elles allèrent s'entasser avec les autres, ajoutant à la confusion qui régnait, maintenant, la plupart du temps dans cette zone de lui-même qui lui semblait s'être formée au moment même où il avait ressenti la première pulsation en lui, comme si, finalement, c'était ce premier battement, et tous les autres qui l' avaient suivi, qui avait creusé la matière obscure et dense qui remplissait les dementors, et leur interdisait de penser à autre chose qu'à se nourrir de leurs prisonniers.

Un brusque courant d'air arriva sur lui, faisant claquer sa tunique autour de ses jambes – Périlogue devait avoir ouvert la porte qui menait à la terrrasse, permettant au vent de s'engouffrer dans l'escalier.Il n'allait tout de même pas se mettre à l'eau en sautant depuis là-haut ? Gn1-2 se secoua et se dit qu'il s'en fichait éperdument – pour sa part, il allait se faufiler au plus profond d'Azkaban, et se glisser dans sa niche. Lui, son rendez-vous avec le soleil, ce serait demain matin, avec la pierre d'Azkaban qui serait touchée en premier. Pas besoin de penser à autre chose pour le moment.

Le vent souffla toute la nuit, gagnant progressivement en intensité, en même temps que les rafales irrégulières finissaient par regrouper leur force dans un puissant flux bien établi. Puis, en dernière partie de nuit, il perdit un peu de son souffle. – Gn1-2 s'était réveillé à chaque changement de régime, il y a longtemps que le lourd et opaque sommeil des dementors n'était plus le sien ; il avait également perçu, éparpillé dans la dépression qui brutalisait Azkaban, les cris de quelques prisonniers.

Il se leva environ une heure avant l'heure officielle, ce qui allait lui laisser le temps de remplir sa mission secrète, tout en haut d'Azkaban, sur cette terrasse où Azkaban cessait de peser sur vous, où on pouvait même se dire qu'on y était plus.

Il ne restait du vent de la nuit que des rafales irrégulières et alanguies, mais, à trois miles du pied d'Azkaban, la mer bouillonnait encore dans ses blancheurs de tempête, à l'endroit où la gigantesque houle venait se déchirer en grands lambeaux dangereux sur les rochers du plateau, faisant rouler son monstrueux fracas contre le vide du ciel désormais sans nuages. Il faisait déjà clair du côté de l'Ecosse, où se déployait une zone paisible qui semblait vierge de toute couleur.

Gn1-2 alla se poster à l'affût, le long du garde-corps nord : il pourrait ainsi surveiller, et la rambarde est, et la rambarde ouest, incertain qu'il était de l'endroit que viendrait frapper le premier rayon de soleil. Il se mit à regarder du côté de l'est, essayant de repérer l'endroit où le soleil allait surgir. La tunique noir se plaquait contre lui, puis se libérait et allait claquer dans le vent et la lumière pâle du jour qui venait.

Enfin, il vit apparaître une mince ligne, plus verte que dorée, à une bonne main de l'endroit qu'il avait surveillé tout particulièrement. La ligne s'arqua soudain, le soleil apparut et commença de se dégager de la ligne d'horizon. Mais la lumière semblait se perdre dans le ciel, dédaignant la mer et la terrasse Azkaban, qui restaient plongées dans leurs ténèbres.

Gn1-2 se pencha par-dessus le garde-corps, afin d'inspecter le pied de la forteresse et voir si un rayon de soleil ne l'avait pas déjà illuminé, encore que cela lui parût peu vraisemblable, mais il ne voulait pas prendre le moindre risque. En bas, il faisait aussi noir qu'en haut. Gn1-2 se redressa et reprit son affût.

Le soleil apparaissait maintenant en entier, énorme, et légèrement déformé et la mer s'éclaircissait enfin. Gn1-2 faisait aller et venir ses yeux entre les garde-corps est et ouest. Rien ne se passait encore de ce qu'il attendait – il n'aurait jamais cru qu'un lever de soleil pût être si long. Peut-être est-ce pour cela qu'Eleïssa lui avait demandé d'épier ce moment, peut-être savait-elle qu'il serait à long à venir, et que, d'une certaine manière, le temps que Gn1-2 passerait sur la terrasse serait comme du temps qu'elle n'aurait plus à attendre dans sa cellule. Oui, peut-être qu'il avait un lien, en ce moment précis, entre elle et lui, entre l'en-dedans et l'en-dehors d'Azkaban, un lien qui se déjouait des murs et du corridor.

Le ciel était maintenant tout à fait clair, d'une drôle de couleur, à la fois grise et bleue et le bouillonnement de la mer lui-même semblait plus lumineux. Et aussi plus menaçant. Et puis, enfin, un rayon de lumière atteignit Azakan, et vint se déposer sur le garde-corps ouest – sur toute la rangée de pierre en même temps, une grande lame dorée sur laquelle Gn1-2 plaça sa main droite et dont il sentit immédiatement la tiédeur, malgré les aigres rafales. Alors, bien sûr, il aurait toute une rangée de pierre à raconter à Eleïssa, mais du moins en avait-il choisie une pour sa main – ce serait donc celle-là, celle du milieu.

C'était agréable d'être là, à regarder le soleil monter dans le ciel maintenant totalement éclairci, c'était plaisant d'être seul ici, de ne plus avoir l'impression d'être toujours en dessous de ceux qui vous entourait, le gardien chef, cet abruti de Nb6-22, Pandora, parce qu'elle savait tellement de choses qu'il ignorait, John-Fox, et Périlogue, les humains sorciers qui décidaient de son sort. Et même ses prisonniers finalement : même réduits à rien, ils possédaient encore plus qu'un dementor – ils étaient nés humains et même la mort les prendraient comme des hommes.

Mais là, ce matin, la mer, le ciel et même la terrasse d'Azkaban l'acceptaient. Il se mit à repenser à certains des arbres d'Ankou, droits et noirs et aussi, avec une bizarre exactitude, à une statue de fer qu'il avait vue un jour, une silhouette immense, sombre, maigre, immobile dans les plis de fer de son manteau, tenant une sorte de lance dans sa main. C'était à l'époque où il avait été affecté à la garde du corps du grand-juge, et les aurors qu'il accompagnait en avaient parlé entre eux, mais il était trop loin d'eux pour avoir pu entendre ce qu'ils en disaient. Il avait simplement noté qu'à un moment, l'un d'entre eux, l'auror minor, s'était tourné vers lui, puis lui avait indiqué la statue de la main, en souriant d'une drôle de façon. Evidemment, à ce moment là, il n'avait pas su quoi en penser, il faisait ce qu'on lui disait de faire, il se contentait d'être froid et de répandre le froid autour de lui.

Sa main était plaisamment tiède, il se risqua à baisser les yeux vers elle, sa couleur grise elle-même semblait moins terne, en particuliers sur les jointures. Il eut envie d'offrir la même expérience à sa main gauche, mais il eut peur de rompre la promesse faite à Eleïssa, qui avait bien parlé d'une seule main. Il se dit qu'il reviendrait un autre jour.

La terrasse était pleine de soleil, il marcha jusqu'au côté est, se pencha au dessus du garde-corps et découvrit le spectacle des murailles d'Azkaban, resplendissant dans la lueur dorée du matin. Et tout en bas, entrant dans l'eau, calme de ce côté-ci, une infime silhouette noire – le directeur, sans nul doute. Gn1-2 resta encore quelques instants à le regarder s'éloigner vers les rochers au large. Il nageait rapidement, sans perturber la surface de l'eau scintillante. Il eut tout d'un coup envie de crier après lui, de lui dire que lui était là haut et qu'il le voyait avancer dans l'eau, et que ce matin, il y avait quelqu'un avec lui et qu'Azkaban les avaient oubliés.

Mais il resta silencieux ; il enveloppa sa main droite dans un pan de la tunique noire qui avait absorbé la chaleur du soleil et il rentra à l'intérieur de la forteresse, dans le froid et l'humidité.

Il ne rencontra personne, il devait être un peu en avance sur le service du matin… tant mieux, il aurait détesté devoir dégager sa main afin de saluer un supérieur.

Comme d'habitude, Eleïssa était déjà réveillée et l'attendait, debout, sous sa torche. Il savait, parce qu'elle lui avait dit, qu'elle se réveillait très tôt et qu'elle redormait une fois qu'il était passé le matin, souvent jusqu'au milieu de la journée. Il vit ses yeux venir tout de suite se poser sur sa main emmaillotée de noir. Elle resta immobile, mais sa voix exprimait une réelle inquiétude

« Qu'est-ce qui se passe, tu es blessé ? Tu t'es battu ? »

Se battre ? Il lui avait effectivement raconté ce qui se produisait régulièrement entre les gardiens, ces combats qui n'avaient besoin que du plus futile des prétextes pour survenir entre eux, des pugilats pour se répartir le pouvoir, et les magiques utilisaient la hiérarchie ainsi instituée afin de repérer les meilleurs gardiens, ceux qu'ils réservaient aux criminels les plus lourdement punis – la sauvagerie instrumentalisée, mise au service de l'administration pénitentiaire.

Il secoua la tête, étirant sa bouche – il savait que ce mouvement ne faisait que découvrir ses dents, mais c'était ce qu'il pouvait produire de plus ressemblant à un sourire d'humain.

« Non, me battre, non, c'est juste que depuis hier soir, il ne pleut plus et ce matin, je suis allé en haut, et donc j'ai fait ce que tu m'avais demandé. »

Eleïssa laissa échapper un petit cri qui ne ressemblait à aucun de ceux que poussaient les prisonniers ici – il était tendre et impatient. Il reprit très vite, une fois le petit cri se fût allé se loger en lui

« Mais il faut que tu saches, et il ne faut pas que tu sois déçue, mais en fait, j'ai bien regardé, et je suis certain de ne pas avoir manqué le moment, mais, tu vois, le soleil s'est posé d'un seul coup, comme ça

– et il claqua une main allongée sur la paume ouverte de l'autre,

- et en fait, et bien, il a touché plusieurs pierres, d' un coup, en fait toutes celles du haut de la rambarde. »

Eleïssa alla s'installer sur son châlit ; elle semblait se désintéresser de lui, regardant dans la direction opposée. Il se demandait si cela signifiait qu'il devait s'en aller ; incapable de se décider, il resserra nerveusement la pan de tunique autour de sa main – effectivement, il aurait pu être blessé, mais qu'elle n'aille pas s'imaginer surtout qu'un dementor perdait du sang comme les humains ! D'ailleurs, qu'est-ce qu'elle savait d'eux ?

Eleïssa venait de se relever et avançait vers lui, le regardant en plein visage, dédaignant sa main.

« Eh bien, dis donc, du soleil sur toute une rangée de pierre ! quel cadeau tu m'apportes, hein, mon gardien… »

Il n'y avait plus entre elle et lui que la distance de son bras. Elle l'étendit, raide, les doigts déployés, remontés, comme si elle voulait parer un coup. Il la vit déglutir, les dementors n'avaient pas de salive à avaler, mais il savait ce que ça voulait dire chez les muggles, et puis son bras tremblait aussi, à tel point qu'il eut envie de lui dire d'arrêter et d'aller se cacher dans un coin, le temps qu'il disparaisse de sa vue, qu'il ne voulait pas que ça se passe comme ça, que ce qu'elle lui avait demandé, la trace sur lui d'un soleil dont Azkaban et sa justice la privait, soit à ce prix là. Et que demain, il volerait une serviette, un torchon, une loque à Pandora et qu'il irait la mettre à chauffer dans le soleil et qu'il lui tendrait sans un mot et qu'il les laisseraient tranquilles.

Et en même temps, il avait terriblement envie de savoir si Eleïssa irait jusqu'au bout. Car l'enjeu était plus que de toucher quelque chose de chaud, l'enjeu était de toucher, sans contrainte, une main de dementor. C'était un enjeu et aussi , peut-être, un piège – on croyait qu'on attrapait un rayon de soleil et derrière, il y avait… ça ! une main de dementor, une morceau de quasi monstre, d'autant plus terrifiant, peut-être, qu'il essayait de se faire passer pour un humain. Pris d'une sorte de panique, il recula d'un pas, reculant sa main du même coup.

Il vit les épaules d'Eleïssa se crisper, remonter, et ce mouvement contrarié, détendit son bras, qui se baissa, prêt à abandonner. Pourtant, voilà qu'elle faisait un autre pas vers lui. Et voilà qu'elle lui disait

« C'est moi qui aie peur, gardien, ne me vole pas ce rôle là. S'il te plaît. »

Et voilà que son bras se fortifiait à nouveau, et se remettait à trembler aussi, et Gn1-2 se disait qu'il ne pouvait pas en être autrement, et qu'un bras tendu à bout de bras ne pouvait que trembler, aussi, et voilà, elle touchait sa main, du bout de ses doigts rigides et tremblants. Et ses doigts prenaient appui sur sa main et se calmaient, allongés, détendus, immobiles. Il ferma les yeux, et quand il les rouvrit, quelque chose avait changé dans la cellule.

Eleïssa tenait la main de Gn1-2 dans la sienne, et pas le contraire ! il n'aurait jamais osé ! Elle la tenait fortement, l'ayant attrapée ou attirée dans la sienne. Elle la tenait fermement, entre le pouce et les quatre autres doigts, le pouce opiniâtrement logé au creux de la paume, appuyant, en palpant la tiédeur. Et lui s'émerveillant de ce que cette main restait, tranquillement, autour de la sienne, sans chercher à fuir – Azkaban avait renoncé à la main de son gardien. Peut-être est-ce pour cela qu'Eleïssa avait décidé qu'elle pouvait la toucher. Et lui avait l'esprit totalement disponible pour s'émerveillerde ce que cette main restait, tranquillement, sereinement, dans la sienne.

Il revit rapidement l'image qui s 'était présentée à lui, tout à l'heure, sur les terrasses d'Azkaban, le minuscule directeur nageant vers le large, presque disparu dans l'Atlantique, se mettant hors de portée de la forteresse, et la mer plate, horizontale, immense, qui réduisait à rien toute la hauteur d'Azkaban, cette orgueilleuse montée vers le ciel et ce féroce enracinement dans les profondeurs.

L'image se déchira au moment où Eleïssa retira sa main. Puis, elle lui dit de partir. Et, obéissant, il partit.

Puis un jour, encore, Eleïssa lui déclara, en chiffonant sa tunique d'une main, comme une petite fille qui aurait trouvé une bonne et belle idée, et s'apprêterait à la présenter à un adulte, à la fois sûre d'elle et redoutant pourtant de n'être pas comprise

« Je me disais qu'aujourd'hui, on pourrait peut-être faire autrement, non attends, ne me fais pas ses yeux là, je sais que tu as besoin de ce qui se trouve en moi, mais aujourd'hui je vais te parler. Après tout, je l'ai déjà fait une fois. Et je crois que je devrais recommencer, mais sans que tu te …faufiles d'abord dans mes souvenirs…. Tu comprends, n'est-ce pas, je suis sûre que oui ? »

Il lui fallut un certain temps pour saisir ce qu'elle lui proposait - Elle allait lui parler ! Ce qui passait de elle à lui ne se ferait plus dans cette espèce de clandestinité intrusive, qui certes avait perdu toute violence entre eux, mais qui néanmoins restait trop proche de ce qu'il avait connu pour les satisfaire tous les deux, car la méthode était trop inégale, lui continuant à être le plus fort. Mais aujourd'hui c'est librement, volontairement qu'elle lui avait fait sa proposition, ce n'est plus lui qui allait prendre, mais elle qui allait donner – comme si lui aussi était eux !

Un sentiment inhabituel l'envahit, comme si la mer autour d'Azkaban s'était réchauffée et venait à sa rencontre.

« Alors, tu es d'accord ? »

Il s'était contenté de lui adresser un signe de tête. Elle reprit :

– De quoi veux-tu que je te parle ?

– Pas de choses qui te rendent triste !

– C'est gentil de me dire ça, donc on ne va pas parler de Matthew… puisque ça reviendrait à parler de choses tristes, non, triste c'est beaucoup plus que cela, c'est à hurler. C'est insupportable de penser que je me suis laissée prendre et séparer de lui alors que j'avais cru avoir fait tout pour que ça n'arrive jamais. J'y pense tous les soirs, après ta visite, le temps reste bloqué et devient mauvais, et puis aussi j'ai l'impression qu'un autre mur se construit autour de moi, très proche, je n'ai quasiment plus de place, j'étouffe, et c'est toujours la même seconde, qui me tient indéfiniment éloignée du moment où je le reverrai.

– Et après, ça passe ? »

D'accord, c'était bête de demander ça, mais peut-être que ça pourrait l'aider, et puis que savait-il lui, de la façon dont les humains savaient se consoler ? A qui pourrait-il demander ? au directeur et son adjoint ? Quelle idée, et quel idiot il était, qui pouvait le mieux lui répondre, si ce n'était elle !

« Oui, au bout d'un moment, tout se débloque, au pire quand tu arrives et au mieux, j'arrive à me raisonner, à remettre le temps en marche et à me dire, qu'un jour, je sortirai de là. »

Elle agita les mains à hauteur de son visage, comme si elle voulait se débarrasser de quelque chose qui lui collait aux doigts, ou peut-être ses mains étaient-elles deux oiseaux pâles qui cherchaient à se détacher d'elle. Cette image le fit frissonner, il repensa à ce que Pandora lui avait dit sur ce qu'elle avait appelé l'âme des morts.

« Bien finalement on a quand même parlé de Matthew, mais peut-être est-ce mieux ainsi, peut-être que j'y penserai moins ce soir. »

Et elle lui demanda de le laisser, lui disant qu'elle lui reparlerait un autre jour.

Un autre jour, il était avec elle depuis une dizaine de minutes, il lui avait parlé du temps dehors, un seul mot avait suffi « gris » et il en était à se demander s'il devait lui raconter l'arrivée de trois nouveaux prisonniers, la veille, à la nuit tombée, et de la tête que faisait Périlogue en présidant à leur écrou, la tête d'un homme qui marche au bord d'un précipice depuis trop longtemps pour ne pas avoir compris qu'il serait plus facile de sauter, ce que Mt 24 avait traduit de façon beaucoup plus prosaïque en soufflant à voix basse à Nb6-22…. « lui y' a pas besoin de nous, c'est Azkaban qui lui bouffe la cervelle », quand Eleïssa l'interrogea d'une voix presque brusque :

« Dis-moi, est-ce que tu as un nom ? » La question l'avait d'abord surpris, le fait qu'elle puisse s'intéresser à cela, alors qu'ils étaient toujours seuls ensemble, donc il suffisait de lui dire "tu " si elle voulait lui parler, il ne pouvait y avoir d'équivoque, lui par exemple ne l'appelait jamais Snows ou Eleïssa, il lui disait "tu " et la plupart du temps, il n'avait pas besoin, il était là devant elle c'était tout, et maintenant leur routine était bien installée, il savait quoi faire, l'un et l'autre – il allait se nourrir dans sa mémoire, sans l'affamer, ce qu'il prenait, elle le gardait, et c'était pour lui un bonheur sans nom de constater ce phénomène jour après jour.

Et aussi mis mal à l'aise, parce qu'il allait devoir lui avouer qu'il portait un nom con à hurler, il s'en était aperçu depuis quelques temps « Gn1-2 », franchement, il aurait aimé connaître le cinglé qui l'avait affublé d'un tel truc, (1) un nom ça, je rigole, un numéro, oui, rien de plus.

Non pas que les autres fussent mieux lotis, même 666 qui faisait le malin parce qu'il n'avait pas de lettres, mais que des chiffres, c'est bien parce qu'il fallait qu'il fasse sentir combien il se situait au-dessus de tout le monde. Alors que vraiment, lettres ou chiffres, tout le monde s'en foutait, la seule chose qui importait, c'était qu'aucun humain ne portait un " nom " qui était comme un bric-à-brac de lettres et de chiffres et qui ne voulait rien dire. Ah, il y en avait quand même, des muggles qui étaient dans ce cas, c'est M7-32 qui lui avait appris et ceux-là, c'était des … prisonniers ! Et l'autre qui lui avait raconté cela en se secouant les dents, comme si c'était une bonne blague… Il n'avait donc rien capté, eux, des dementors, des gardiens, étaient aussi mal nommés que des prisonniers muggles ! M7-32 n'avait pas compris pourquoi il s'énervait tout d'un coup.

Il s'était quand même décidé à répondre :

« On m'appelle Gn1-2, c'est con, je sais, mais c'est comme ça. Les autres ont le même genre de nom, des lettres et des chiffres, sauf le gardien-chef qui n'a que des chiffres, on ne sait pas trop pourquoi, mais ça ne l'empêche pas de faire le malin avec ça, comme si c'était un privilège ! Et moi je ne sais pas non plus pourquoi je m'appelle comme ça, … c'est moche et ça ne veut rien dire. »

Il avait débité tout cela d'une seule traite, pour se débarrasser du sujet le plus rapidement possible. Et maintenant, il attendait sa réaction avec un peu d'inquiétude, en se raclant la gorge ; il n'osait même pas regarder de son côté.

« Gn1-2, mais… mais c'est pas si vilain que ça, tu sais. Gn 1 2 , comme si on commençait à compter. »

Elle avait soudain sursauté, et son visage s'était attristé tout d'un coup, des nuages noirs qui auraient envahi un ciel bleu. Le gardien pensait qu'elle allait se cacher dans ses mains, comme elle le faisait parfois, et il savait alors qu'elle pensait à la vie en dehors d'Azkaban, et malgré la profonde tristesse où elle était, il l'enviait alors pour cela, cette autre vie que lui n'avait pas. Mais elle s'était remise à parler, d'une voix sans timbre :

« Le jour où j'ai été arrêtée, Matthew n'était pas avec moi, heureusement. Je ne l'avais pas vu depuis cinq jours, je lui avais dit que je reviendrai…bientôt. Je lui avais dis ' A bientôt, à bientôt sweet heart '.

Quand je sortirai d'ici, il aura presque quatre ans – j'imagine qu'il saura compter. Un deux trois. Peut-être que c'est ce qu'il faut que je fasse, compter jusqu'à ce que je sorte d'ici ? »

Et c'est ce qu'elle avait commencé à faire, sur un rythme lent et déjà épuisé : un … deux… trois…quatre… Gn1-2 avait attendu jusqu'à 300, et il était parti, ne sachant s'il devait l'arrêter ou pas, ne sachant si finalement ce bizarre chantonnement qui s'élevait discrètement et obstinément dans la cellule ne lui faisait pas du bien. Avant de franchir la porte, il s'était quand même retourné et lui avait lancé 'A demain'. Mais il aurait été incapable de dire si elle avait entendu ou pas.

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(1) Gn1-2, un peu de respect pour ton auteur, STP… ton nom renvoie à ce que je considère sans doute comme une des plus belles phrases que les hommes aient écrite. Mais c'est vrai qu'il est cruel de ne pas t'en donner la clef….