Chapitre 22

Les cours du jeudi et du vendredi de la semaine suivante avaient été annulés. Alors Harry décida de s'entrainer pour la Deuxième Tâche dans le Lac Noir, seul.

Hermione s'était rendue à la bibliothèque, poussant Ron à faire ses devoirs afin qu'il ait son week-end de libre. Harry avait donc tout le temps, et personne pour le gêner, de nager dans le lac.

Il avait enfilé un short et un t-shirt mais n'avait rien pris avec lui, excepté sa baguette. Il enleva ses baskets, qu'il plaça sur l'herbe près de lui puis entra dans l'eau, pas à pas. Il s'éloigna du bord, nageant à la surface pour s'habituer aux basses températures. Puis, après avoir lancé le sort tête-en-bulle, il s'enfonça dans les profondeurs.

A part des algues longues de plusieurs mètres et remontant jusqu'à lui, Harry n'aperçut rien d'intéressant les dix premières minutes. D'ailleurs, la visibilité n'était pas géniale à cause de la bulle autour de lui. De petits poissons frétillaient autour de lui, comme des fléchettes d'argent. Par deux fois, il crut voir quelque chose de plus grand bouger un peu plus loin mais, lorsqu'il s'en approcha, il ne découvrit qu'un gros morceau de bois noirci et un enchevêtrement particulièrement dense de plantes aquatiques.

Des herbes d'un vert pâle, d'une cinquantaine de centimètres de hauteur, s'étendaient devant lui, aussi loin que portait son regard, comme une prairie luxuriante. Les yeux grands ouverts, Harry essayait de distinguer des formes dans l'obscurité... Il ferma les yeux et se traita de tous les noms. Il était un sorcier, bon sang ! Il lança le sort lumos et les quelques mètres de sable s'étendant sous lui furent éclairés. Malheureusement, nager avec sa baguette dans la main ne le faisait que peu avancer.

Se trouvant à nouveau complétement stupide pour ne pas y avoir pensé plutôt, il utilisa sa baguette pour tracer une rune de lumière sur son front et l'activa. Semblable à une lampe frontale moldue, la rune lui permettait d'éclairer le chemin devant lui et de nager avec ses mains lires. Rangeant sa baguette à nouveau dans l'étui qu'il avait accroché plus tôt à son mollet, il bougea à nouveau mais soudain, il sentit quelque chose lui saisir la cheville.

Harry se retourna et vit un strangulot, un démon des eaux doté de petites cornes, qui venait de surgir d'entre les herbes. Ses longs doigts étaient étroitement serrés autour de sa jambe, et il montrait ses dents pointues. Harry n'attendit pas plus longtemps pour leur jeter un sort.

– Lashlabask ! s'écria Harry.

Le strangulot le lâcha et fut projeté quelques mètres plus loin. Harry se mit à nager aussi vite qu'il le pouvait, envoyant régulièrement d'autres sorts par-dessus son épaule, sans prendre la peine de viser. De temps à autre, il sentait un Strangulot lui attraper à nouveau la cheville et donnait de grands coups de pied pour s'en débarrasser. Finalement, il sentit son pied toucher une tête cornue ; il se retourna et vit un Strangulot étourdi dériver en zigzag, le regard brouillé, tandis que ses congénères menaçaient Harry du poing avant de disparaître à nouveau parmi les herbes.

Il arriva près de bâtisses en pierre et vit, au loin, quelques êtres à la tête grise et à la queue de poisson. Harry nagea encore plus vite et, bientôt, les abris de pierre devinrent de plus en plus nombreux. Certains étaient entourés de jardins de plantes aquatiques et il vit même un Strangulot apprivoisé, attaché à un piquet devant une porte.

Au centre, plus loin, il vit une grande statue représentant un être de l'eau.

Il regarda sa montre. Il était dans l'eau depuis cinquante minutes. Il ne lui restait plus qu'à remonter en ligne droite verticale avant que le sortilège ne cesse.

Lorsqu'il atteint la surface, la bulle éclata et il prit une bonne bouffée d'air frais. Il avait maintenant des points de repère pour vendredi. Cela lui prendra moins de temps pour explorer les lieux et trouver la personne qu'on lui prendrait.

24 février

– Sonorus !

La voix de Ludo Verpey résonna de la surface du lac jusqu'aux tribunes dressées sur la rive opposée.

– Et voilà, dit-il, tous nos champions sont prêts à entreprendre la deuxième tâche qui commencera à mon coup de sifflet. Ils auront exactement une heure pour reprendre ce qui leur a été enlevé. Attention, à trois... Un... deux... trois !

Un coup de sifflet strident retentit dans l'air frais du matin. Des applaudissements et des cris explosèrent dans les tribunes. Sans regarder ce que faisaient les autres champions, Harry enleva ses chaussures et ses chaussettes, lança le sort de tête-en-bulle et plongea dans l'eau.

Le lac était si froid qu'il avait l'impression qu'on lui brûlait la peau. Il ne s'attarda pas, voyant ses concurrents s'éloigner et il bascula alors verticalement et s'enfonça dans les profondeurs.

Le silence devenait de plus en plus épais tandis qu'il découvrait un étrange et sombre paysage nimbé de brume. A présent, sa visibilité était réduite et à mesure qu'il avançait, de nouveaux contours se dessinaient dans les ténèbres : de véritables forêts de plantes aquatiques ondulaient lentement, de larges étendues de boue étaient jonchées de pierres qui miroitaient faiblement dans la pénombre. Il descendit de plus en plus loin vers le cœur du lac, scrutant ses profondeurs grises et inquiétantes, essayant de percer le mystère de ses ombres, là où l'eau devenait opaque.

Lorsqu'il n'y vit plus à plus de deux mètres par manque de lumière, il traça la rune de lumière sur son front puis rangea sa baguette dans son étui.

Un silence pesant oppressait ses tympans engourdis. Il savait qu'il devait se trouver à une profondeur encore plus grande mais rien ne bougeait, à part les herbes aquatiques qui ondulaient lentement.

Il nagea à un rythme rapide pendant une quinzaine de minutes jusqu'aux ruines qu'il avait aperçu la veille. Il voyait défiler de vastes étendues noires d'où s'échappaient des tourbillons de boue dans les remous qu'il provoquait. Enfin, il entendit un morceau de l'obsédante chanson des sirènes :

Pendant une heure entière, il te faudra chercher

Si tu veux retrouver ce qu'on t'a arraché.

Harry nagea plus vite et vit bientôt un grand rocher se dessiner dans l'eau boueuse. Des dessins de sirènes et de tritons y étaient gravés. Ils étaient armés de lances et poursuivaient ce qui paraissait être le calmar géant. Harry passa devant le rocher en suivant le son de la chanson qu'il continuait d'entendre :

La moitié de ton temps s'est enfuie, hâte-toi

Sinon, ce que tu cherches en ces eaux pourrira...

Super rassurant, se dit Harry.

Il arriva enfin au niveau des bâtisses aperçues la veille. Par endroits, derrière les fenêtres sombres, Harry apercevait des visages... des visages qui ne ressemblaient en rien au portrait de la sirène, dans la salle de bains des préfets... Ces êtres avaient la peau grise et de longs cheveux hirsutes d'une couleur vert sombre. Leurs yeux étaient jaunes, tout comme leurs dents cassées, et ils portaient autour du cou de grosses cordes fabriquées avec des cailloux. Ils lancèrent à Harry des regards mauvais en le voyant passer et un ou deux d'entre eux sortirent de leurs repaires pour l'observer de plus près, une lance à la main, leurs puissantes queues de poisson argentées battant l'eau avec force.

Les êtres de l'eau sortaient de tous les côtés, à présent. Ils le regardaient avec avidité, échangeaient des remarques sur son passage, la main devant la bouche. Harry accéléra l'allure et un très étrange spectacle s'offrit alors à ses yeux.

Une véritable foule était rassemblée devant les bâtisses qui délimitaient une sorte de place de village aquatique. Un chœur composé d'êtres de l'eau chantait au milieu de la place, invitant les champions à s'approcher. Derrière le chœur, grossièrement taillée dans un bloc de rocher, s'élevait une gigantesque statue qui représentait une de ces créatures. Quatre personnes étaient solidement attachées à la queue de poisson de la statue.

Hermione était ligotée à côté de Ginny. Il supposa que c'était la rouquine qu'il devait sauver. Après tout, il avait été au bal avec elle et Hermione devait être sauvée par Krum.

Il pensa au tempérament de la jeune Weasley. Il ignorait si elle allait le tuer car elle se trouvait dans le Lac à cause de lui ou, au contraire, si elle allait être flattée d'être 'ce qui lui était le plus précieux'. Bon, si Hermione n'avait pas été là pour Krum, sa meilleure amie serait là pour de lui et, si Ron n'était pas là, c'était parce qu'ils n'étaient plus amis depuis le mois d'octobre. Et puis, le Directeur ignorait tout de son amitié avec Daphné donc son absence dans le Lac était normale.

Ses deux amies se trouvaient toutes deux entre Cho Chang, l'attrapeur de Serdaigle, et une fillette qui ne devait pas avoir plus de huit ans. En voyant ses longs cheveux d'un blond argenté qui flottaient autour d'elle comme un nuage, Harry eut la certitude qu'il s'agissait de la sœur de Fleur Delacour. Tous les quatre semblaient plongés dans un sommeil profond. Leurs têtes ballottaient sur leurs épaules et de minces filets de bulles s'échappaient régulièrement d'entre leurs lèvres.

Harry se précipita vers les prisonniers. Il s'attendait à voir les êtres de l'eau foncer sur lui en brandissant leurs lances, mais ils ne firent pas un geste. Les prisonniers étaient attachés avec de grosses cordes, solides et visqueuses, constituées d'herbes aquatiques entremêlées. Il sortit sa baguette et lança le seul sort de coupe qu'il connaissait sur la corde qui craqua un peu. Il dut le lancer à plusieurs reprises mais parvint enfin à la sectionner. Ginny, inconsciente, flotta dans l'eau à quelques centimètres au-dessus du fond, dérivant légèrement au gré des mouvements de l'eau.

Harry regarda dans toutes les directions, mais il n'y avait aucun signe des autres champions. Bien qu'il fût contraint de participer à ce Tournoi, il était tout de même content d'être le premier à sauver son amie. Il regarda sa montre. Il lui restait vingt minutes. Il la prit par la main et commença son ascension à un rythme tranquille. Au bout de cinq minutes, sa tête émergea à la surface du lac. De l'air ! Un air frais, lumineux, délectable, qui lui picotait le visage. Il tira Ginny à lui et celle-ci remonta à son tour.

Un grand tumulte s'élevait des tribunes. Les spectateurs s'étaient levés, ils criaient, hurlaient, comme s'ils avaient peur que Ginny soient morte. Ils avaient tort : elle venait d'ouvrir les yeux. Elle cracha un long jet d'eau, cligna les yeux et, après avoir retrouvé ses esprits, dit à Harry en souriant :

– Il fait un peu humide, par ici...

- Désolé que tu te sois retrouvée dans le Lac à cause de moi, s'excusa-t-il.

- C'est le Tournoi, justifia-t-elle en claquant des dents. Et puis, Hermione était déjà prise, il fallait bien une digne remplaçante, répondit-elle en lui faisant un clin d'œil.

Ils nagèrent vers la rive où les juges les attendaient. Une vingtaine d'êtres de l'eau les accompagnaient comme une garde d'honneur en chantant d'une voix criarde leurs horribles chansons.

Harry vit Madame Pomfresh se diriger vers eux avec d'épaisses couvertures sous le bras. Dumbledore et Ludo Verpey, debout côte à côte, souriaient à Harry et à Ginny qui se rapprochaient de la rive, mais Percy, qui semblait très pâle et soudain plus juvénile qu'à l'ordinaire, se précipita à leur rencontre en pataugeant dans l'eau. Pendant ce temps, Madame Maxime essayait de retenir Fleur Delacour, prise d'une véritable crise de nerfs, qui se débattait comme une diablesse pour retourner dans l'eau.

- Tu n'as quand même pas pris cette chanson au sérieux Fleur ? On ne nous aurait pas laissés mourir au fond de l'eau ! Ta sœur sera sans doute ramenée par les êtres de l'eau.

La jeune française s'arrêta net, rougissante. Celui qu'elle avait qualifié de gamin venait de lui faire comprendre qu'elle avait été idiote.

Percy attrapa Ginny par les épaules pour la traîner jusqu'à la rive mais elle se dégagea de lui et se dirigea vers Madame Pomfresh. Dumbledore et Verpey aidèrent Harry à se relever et Fleur, qui avait réussi à se dégager de Madame Maxime, alla s'assoir sur un banc.

– Viens ici, toi, dit la voix de Madame Pomfresh.

Elle prit Harry par le bras et l'amena auprès de Ginny. Elle l'enveloppa alors dans une couverture en serrant si fort qu'il eut l'impression de se retrouver dans une camisole de force, puis elle l'obligea à avaler une potion incroyablement pimentée qui lui fit sortir de la vapeur par les oreilles.

Lorsqu'elle se fut retournée, il sortit sa baguette et sécha Ginny avant de se sécher lui-même. Puis, se débarrassant de sa couverture, se dirigea vers ses camarades de Gryffondor. Fred et Georges était en train de donner une bourse à Neville quand il arriva à leur hauteur.

- Qu'est-ce que c'est ? Demanda-t-il au jeune Londubat.

- Fred et Georges ont organisé des paris et j'ai misé sur toi, dit-il en soupesant la bourse, plutôt content de lui.

- Ça fait un sacré nombre de gallions dis-moi ! Dit Harry en considérant le poids de la bourse.

- Je suis le seul à avoir misé sur toi, répondit Neville, en rougissant. Je vais pouvoir monter ma propre serre cet été.

- Je suis vraiment content pour toi, Neville. Et merci d'avoir eu confiance en moi, ajouta-t-il en lui tapant l'épaule.

- Oh, de rien Harry, rougit encore Neville. Je… Je vais voir comment va Ginny.

Et le Gryffondor partit.

- Harry !

Dans la foule, un homme aux cheveux couleur sable et aux traits tirés essaya de venir à lui et agitait la main à son attention.

- Remus ?

Harry usa de quelques coups de coude pour arriver jusqu'à lui. Enfin face à son oncle de cœur, il sauta presque dans ses bras.

- Félicitations Harry ! Tu as été formidable !

- Merci, dit-il en le serrant dans ses bras. Mais qu'est-ce que tu fais ici ?

- Eh bien, je n'ai pas pu assister à la première tâche alors je ne pouvais pas manquer la deuxième, lui dit-il. Patmol voulait venir mais je l'en ai dissuadé, chuchota-t-il.

- Sage décision, répliqua Harry.

- Alors, commença Remus en passant un bras sur ses épaules, raconte-moi ce qu'il s'est passé là-dessous. Nous, à part la surface du Lac, on n'a rien vu du tout !

Les deux s'éloignèrent pour discuter.

28 février

Lorsqu'il avait croisé le regard de Daphné depuis la deuxième tache, il n'avait fait que recevoir des regards froids, teintés de colère. Bien sûr, il fallait s'en douter. Déjà qu'elle lui en voulait de ne plus vouloir la voir ni lui parler en dehors des cours, même si ce n'était que temporaire, que Ginny ait été son 'bien le plus précieux' pour la Deuxième Tâche n'arrangeait pas les choses. Même si elle avait affirmé à plusieurs reprises ne pas être jalouse.

Il était là à réfléchir au Poste, regardant Daphné, Tracy et Blaise discuter dans la salle commune des Serpentards et se demandant quand aborder son amie et comment elle agirait quand il l'accosterait. Elle ne l'appelait plus via le miroir depuis la semaine précédente alors peut-être ne l'entendrait-elle pas s'il l'appelait. Le seul moyen de s'assurer qu'elle l'écoute était de se présenter à elle en tant que Seigneur du moins, il espérait qu'elle écouterait.

Le mardi après les cours, il vit sur la carte du Maraudeur que ses trois amis vert et argent se dirigeaient vers les cachots. Aucun autres Serpentards ni autres élèves à l'horizon, Harry emprunta des raccourcis pour les atteindre. Il y arriva avant que les trois élèves n'entrent dans leur salle commune.

- Hey Greengrass !

Qu'il l'appelle par son nom de famille du lui faire quelque chose car elle s'arrêta, suivie de ses deux amis.

- Salut Blaise, salut Tracy, les salua-t-il.

Blaise lui fit un signe de la tête et Tracy lui fit un petit sourire.

- Il faut que je te parle, dit-il ensuite en s'adressant à Daphné.

- Je n'ai rien à faire avec toi, répliqua-t-elle sur son ton froid en se retournant et en continuant de marcher vers leur salle commune.

Blaise et Tracy se regardèrent, indécis sur ce qu'il fallait faire.

- Daphné, c'est important, insista-t-il. Ça concerne ta famille, ajouta-t-il. Et si ce n'est pas un argument valable pour toi alors sache que je veux te parler en tant que Lord.

- On vous donne une heure, les interrompit rapidement Tracy en prenant son ami par le bras. Viens Blaise, laissons-les discuter.

Et les deux élèves entrèrent dans leur salle commune sous les regards noirs de Daphné.

- Si tu veux bien me suivre, dit Harry en se dirigeant vers une salle de classe vide.

Lorsqu'ils furent installés contre une table, à l'opposé l'un de l'autre, Harry regarda Daphné qui n'avait pas quitté le masque qu'elle formait grâce à son occlumencie. Il soupira et se décida à commencer à parler :

- Je suis désolé.

Elle continua de le regarder, sans piper mot.

- J'avais peur que tu veuilles t'éloigner, comme tu l'as dit au bal. Je ne voulais pas perdre mon amie.

C'était même plus que ça. Bien plus que leur amitié. Mais il ne le dit pas.

- Je savais que, si on en arrivait là, tu tiendrais ta parole quoi que je te dise pour te faire changer d'avis. Alors j'ai pris les devants et je me suis éloigné. Je me suis éloigné car je savais que ce ne serait pas pour longtemps.

Les bras croisés, l'air impassible, Daphné ne parla toujours pas.

- Tu sais que tu comptes énormément pour moi, Daphné. Et si notre amitié te met en danger, si elle vous met en danger toi et ta famille, alors je dois trouver une solution pour ne pas vous mettre en danger ou je devrais rompre notre amitié.

Harry ignorait si elle finirait par lui parler ou si elle attendait qu'il ait fini de parler pour partir, alors il continua :

- Tu as peur que Voldemort revienne et tu as peur pour ta famille. Et être ami avec moi, c'est se mettre en danger, j'en suis totalement conscient. C'est pourquoi je veux protéger les gens qui me sont chers. Et tu m'es cher, Daphné.

Il vit à ses yeux que ses mots l'avaient touchée, mais son masque d'impassibilité formé par le maintien de son occumencie était toujours là.

- Je suis désolé d'avoir rompu tous contact depuis la rentrée et de t'avoir ignoré lors des cours. Je voulais respecter ta sécurité et attendre d'en savoir plus sur ce que je voudrais proposer à ta famille. Maintenant, j'en sais assez et puis, je n'aurai pas pu attendre plus longtemps : tu me manque beaucoup trop.

Daphné détourna le regard, la mâchoire serrée. Il ne savait pas si elle était bouleversée …

- Vraiment ? Demanda-t-elle sèchement. Il me semble que cela t'as pourtant permis de passer plus de temps avec Granger et la fille Weasley.

… ou énervée. Très énervée.

Et, peut-être, jalouse ? Espéra Harry.

- Elles m'ont beaucoup aidé à me préparer pour la Deuxième Tâche, c'est vrai. Et elles participent toutes les deux à l'élaboration du Poudlard Magazine. Je passe plus de temps qu'avant avec Hermione. Après tout, ce n'est pas parce que je ne suis plus ami avec Ron qu'elle ne doit plus l'être non plus et que je doive en être fâché.

Harry déglutit. Ce n'était jamais facile pour lui de parler de ses sentiments, surtout à cause de l'enfance désastreuse et sans amour qu'il avait passé chez les Dursley mais il voulait faire des efforts.

- J'ai appris à connaitre Ginny aussi. Elle est gentille, loyale, drôle et elle a un caractère aussi explosif que celui de sa mère, ajouta-t-il en souriant.

Puis il ajouta :

- Toi, tu es sarcastique, froide, tu fais difficilement confiance et je ne sais pas si notre amitié compte autant pour toi que pour moi.

Et, lorsqu'il vit dans ses yeux qu'elle ne savait pas comment réagir à ses propos, il s'empressa d'ajouter :

- Mais quand on est seuls, tu me laisse voir que tu es douce et drôle. Je sais que tu utilises l'occlumencie autant pour te protéger que pour protéger ceux qui compte pour toi et tu ne laisses personne te marcher sur les pieds, ni te manipuler. Ton sourire fait battre mon cœur à une vitesse anormale, ton rire me fait sourire et croiser ton regard embellit ma journée. Ginny est une amie précieuse, c'est vrai, mais toi tu es, non seulement une très bonne amie, mais surtout beaucoup plus que ça.

Le masque de Daphné se fissura. Aucune des larmes qui s'amassaient dans ses yeux ne coula mais les émotions éprouvées par la jeune fille éclatèrent au grand jour.

- Tu m'as manqué aussi, dit-elle d'une voix tremblante.

Sur cet aveu, la Serpentard serra Harry dans ses bras, enterrant son visage dans son cou et laissant librement couler ses larmes.

La fin de l'heure arriva rapidement tant ils avaient de choses à se dire. Il lui dit avoir trouvé le Grimoire de sa famille et que le sort de la famille Potter pourrait protéger toutes les familles qui s'allieraient à lui durant la future guerre contre Voldemort. Et si cela ne suffisait pas, il pourrait toujours proposer à la famille Greengrass d'habiter dans une de ses propriétés et utiliser le sort du Fidelitas. Il serait, bien sûr le Gardien du Secret car il ne faisait confiance à personne d'autre pour l'être. Connaissant son père, Daphné lui dit que Lord Greengrass refuserait de se cacher –c'était un homme politique important, un excellent duelliste et il ne pouvait pas laisser tomber ses employés- et que, pour cette raison, leur neutralité avait toujours été très importante pour leur sécurité.

Harry dut convenir avec Daphné qu'elle ferait mieux de lui envoyer d'abord une lettre lui expliquant qu'elle était devenu amie avec l'héritier d'une puissante famille qui seraient en mesure de les protéger du Seigneur des Ténèbres et qu'elle ne pouvait en divulguer ni la manière ni le nom de son ami. Enfin, elle finirait sa lettre par une requête pour un rendez-vous pour un samedi du mois d'avril. Elle demandait à être présente ce jour-là au Manoir Greengrass et d'en informer le Directeur de Poudlard.

Harry n'aurait pas à prévenir Dumbledore car, n'ayant pas cour le samedi, il pourrait très bien disparaitre du château sans qu'on ne s'aperçoive de son absence. Il n'avait plus qu'à attendre que Daphné reçoive la réponse de son père, en espérant qu'elle soit positive.


Il semblerait que le fait d'avoir été le premier à terminer la Deuxième Tâche ait persuadé tout le monde qu'il méritait sa place dans le Tournoi. A part quelques Serpentards qui ne l'aimaient vraiment pas, plus personne ne portait les badges 'Potter pu' et 'Cédric est le vrai champion de Poudlard ' et les regards méprisants des Poufsouffles avaient considérablement diminués.

Eleanor l'avait félicité cette fois dans la Grande Salle avec deux de ses amies de Poufsouffle qui avaient rougies, telles des Ginny Weasley plus jeunes. D'ailleurs, quand il le lui fit remarquer, la rouquine, assise à côté de lui, lui donna une rude tape sur l'épaule.

Le lendemain, il reçut la Gazette du Sorcier de la part de Remus. Il devait contenir quelques informations intéressantes. Sur la couverture, on pouvait lire « Barty Croupton Senior, retrouvé chez lui sous l'emprise du sortilège de l'imperium, conduit à Ste Mangouste ! » Apparemment, c'était son fils qui l'avait contraint à rester chez lui sans donner de nouvelles à personnes et il avait contraint son elfe de maison à lancer le sort faisant apparaitre la marque des ténèbres lors de la Coupe du Monde de Quidditch.

Pauvre Winky, s'était attristé Hermione.

5 mars

Lorsqu'ils descendirent les marches du sous-sol pour assister au dernier cours de l'après-midi -cours commun de potions, Malfoy, Crabbe et Goyle se trouvaient déjà à l'entrée de la salle en compagnie de Pansy Parkinson et de sa bande de filles de Serpentard. Ils ricanaient bruyamment en regardant quelque chose qu'Harry ne pouvait voir. La tête de bull-dog surexcité de Pansy se pencha derrière la robuste épaule de Goyle, les yeux fixés sur Harry et Hermione.

– Les voilà ! Les voilà ! Gloussa-t-elle.

Le cercle des Serpentard se brisa et Harry vit que Pansy tenait un magazine à la main — Sorcière-Hebdo. La photo animée de la couverture montrait une sorcière aux cheveux bouclés qui souriait de toutes ses dents en pointant sa baguette magique sur un énorme gâteau.

– Tiens, Granger, il y a quelque chose qui devrait t'intéresser, là-dedans ! s'exclama Pansy.

Elle jeta le magazine à Hermione qui l'attrapa au vol, l'air surpris. Au même moment, la porte du cachot qui servait de classe s'ouvrit et Rogue leur fit signe d'entrer.

Comme d'habitude, Hermione et Harry allèrent s'asseoir au fond de la salle. Dès que Rogue eut tourné le dos pour écrire au tableau la liste des ingrédients de la potion du jour, Hermione feuilleta rapidement le magazine sous sa table et finit par trouver ce qu'elle cherchait dans les pages centrales. Harry se pencha pour lire par-dessus son épaule. Une photo en couleurs d'Harry accompagnait un court article intitulé :

LA BLESSURE SECRÈTE D'HARRY POTTER LE MAL-AIMÉ

C'est sans nul doute un garçon différent des autres -mais qui pourtant ressent comme les autres les tourments de l'adolescence, écrit Rita Skeeter. Privé d'amour depuis la disparition tragique de ses parents, Harry Potter pensait avoir trouvé à quatorze ans une consolation auprès de son amie de cœur, Hermione Granger, issue d'une famille moldue et elle aussi élève au collège Poudlard. Il était loin de se douter qu'il allait bientôt subir un nouveau choc affectif dans une vie déjà marquée par le malheur.

Miss Granger, une jeune fille ordinaire mais ambitieuse, semble éprouver pour les sorciers célèbres une attirance particulière qu'Harry ne peut satisfaire à lui tout seul. Depuis l'arrivée à Poudlard de Viktor Krum, l'attrapeur de l'équipe de Quidditch de Bulgarie et héros de la dernière Coupe du Monde, Miss Granger paraît s'amuser beaucoup de l'affection que lui portent les deux garçons. Krum, qui s'est de toute évidence pris de passion pour la tortueuse Miss Granger, l'a déjà invitée à lui rendre visite en Bulgarie pendant les prochaines vacances d'été et ne cesse de lui répéter qu'il n'a « jamais ressenti quelque chose d'aussi fort pour une autre fille ».

Il n'est toutefois pas certain que ce soit le charme discutable de Miss Granger qui ait eu sur le malheureux un tel pouvoir d'attraction.

« Elle est vraiment laide », n'hésite pas à affirmer Pansy Parkinson, une jeune fille vive et séduisante, élève de quatrième année. « Mais elle est très ingénieuse et serait bien capable d'avoir fabriqué un philtre d'amour. Je crois que c'est comme ça qu'elle y arrive. »

Bien entendu, les philtres d'amour sont interdits à Poudlard et il ne fait aucun doute qu'Albus Dumbledore s'appliquera à vérifier l'exactitude de ces affirmations. En attendant, les admiratrices d'Harry Potter devront espérer qu'à l'avenir il saura mieux choisir l'élue de son cœur.

Hermione contemplait l'article d'un air perplexe.

- Je l'avais pourtant prévenue de ne plus s'attaquer à nous, murmura Harry, quelque peu énervé.

– Si c'est tout ce que Rita est capable de faire, ça veut dire qu'elle commence à faiblir, lui dit Hermione qui riait sans bruit.

Elle jeta l'exemplaire de Sorcière-Hebdo sur une chaise vide à côté d'elle.

– Complètement idiot, tout ça.

Elle se tourna vers les Serpentard qui les observaient à l'autre bout de la salle pour voir si l'article de Rita Skeeter avait produit l'effet escompté, et leur adressa un signe de la main, accompagné d'un sourire sarcastique. Puis Harry et elle sortirent de leurs sacs les ingrédients nécessaires à la fabrication d'une potion d'Aiguise-Méninges.

– Il y a quand même quelque chose de bizarre, dit Hermione une dizaine de minutes plus tard, son pilon suspendu au-dessus d'un bol rempli de scarabées. Comment Rita Skeeter a-t-elle fait pour savoir ?

– Pour savoir quoi ? demanda Harry alors qu'il hachait les limaces.

– Eh bien, dit Hermione en recommençant à piler ses scarabées, je me demande simplement comment elle a pu savoir que Viktor m'avait invitée à venir le voir cet été.

- Ah ? Cette partie de l'article est donc vrai ? Fut étonné Harry en souriant.

- Il me l'a proposé juste après m'avoir sortie du lac, marmonna Hermione. Quand il a été débarrassé de sa tête de requin, Madame Pomfresh nous a donné des couvertures à tous les deux et là, il m'a entraînée un peu à l'écart et il m'a dit que, si je ne faisais rien de spécial l'été prochain, il aimerait bien que je vienne le voir…

- Et qu'est-ce que tu lui as répondu ? Demanda-t-il, heureux pour son amie.

- Que ça me plairait bien mais que je devais en parler à mes parents. Et il a dit qu'il n'avait jamais ressenti quelque chose d'aussi fort pour une autre fille, reprit Hermione en devenant si écarlate que Harry sentait presque de la chaleur émaner de son visage.

Ils continuèrent de concocter leur potion en silence pendant quelques minutes.

- Il n'y avait personne d'autre que nous, continua de murmurer Hermione, plongée dans sa réflexion. Comment Rita Skeeter a-t-elle pu l'entendre ? Elle n'était pas là... Ou alors peut-être qu'elle y était quand même ? Peut-être qu'elle a aussi une cape d'invisibilité et qu'elle a réussi à se faufiler dans le parc pour assister à la Deuxième Tâche…

- Ma cape est unique toutes les autres capes d'invisibilité fonctionnent mais moins bien qu'un sort de désillusion.

- C'est vrai, concéda-t-elle.

- Certaines personnes savent se faire discrètes, j'imagine. Une qualité bien utile pour un journaliste, commenta Harry.

Puis il reprit :

- Mais il va falloir que je fasse quelque chose. Mes avertissements n'ont pas suffi il faut que j'agisse cette fois.

- Qu'est-ce que tu vas faire ? Demanda-t-elle en versant la poudre de scarabées, ingrédient final de la potion, dans leur chaudron.

- Acheter un plus grand pourcentage de la Gazette : à partir de cinquante-et-un pourcent, j'ai le droit de la virer.

- Vraiment ? S'étonna Hermione. Et tu en possèdes combien pour le moment ?

- Trente-trois, dit-il. Il faut que j'envoie une lettre à Gripsec, dit-il en prenant son sac. A tout à l'heure !

Du coin de l'œil, il vit la potion virer au rose, comme indiqué dans le manuel.

Le soir-même, il envoya une lettre à Ragnock afin de négocier l'achat des dix-huit pourcents qu'il lui manquait pour pouvoir faire ce qu'il voulait : virer Skeeter.

Le samedi, il ne reçut pas de réponse du gobelin. Le vent était implacable dehors et gênait le vol des hiboux. Il traina à Pré-au-Lard avec Ginny, Hermione et Neville puis ils burent des bièraubeurres après avoir fait des emplettes chez Honeydukes.

Le dimanche matin, il reçut enfin une réponse du gobelin : les négociations avaient été un succès et il aurait tous les droits sur Skeeter dès le mercredi de la semaine suivante. Cette journaliste des bas-fonds ne savait décidément pas à qui elle avait affaire.