Chapitre 29

PDV Hermione

Depuis que Victor et Cédric Diggory avaient été emmenés à l'infirmerie, ils n'avaient plus eu de nouvelles de Fleur Delacour et Harry. Hermione s'inquiétait pour le bulgare mais ne pouvait pas quitter les tribunes pour aller prendre de ses nouvelles : il pouvait arriver quelque chose à n'importe quel moment.

A ses côtés, Ginny, Neville et Colin discutaient des éventuelles créatures qui se trouvaient dans la forêt et de ce que les Champions avaient dû faire face à elle. La brune s'efforçait de participer à la conversation afin de faire passer le temps et de penser à autre chose quand il y eut du mouvement à la table du jury. Le directeur de Poudlard semblait débattre d'un sujet avec le ministre et celui-ci et Karkaroff ne semblaient pas d'accord avec le vieux sorcier. Hermione vit Mme Maxime mettre une main sur sa bouche, comme si elle était inquiète de quelque chose, et Ludo Verpey ne revêtait plus son habituel air guilleret.

- Sonorus ! Vit-elle plus qu'elle n'entendit incanter le professeur Dumbledore au loin. Votre attention à tous !

Le calme se fit rapidement dans les tribunes.

- Le Tournoi est terminé !

A cette annonce, les élèves de Beauxbâtons et de Poudlard se mirent à parler de plus belle : qui avait gagné ?

- Je vous demande de regagner la grande Salle en attendant que le jury et moi-même allions nous occuper des deux Champions. Les résultats seront annoncés dans quelques heures afin de laisser le temps à Miss Delacour et à Mr Potter le temps d'être soignés.

Hermione fronça les sourcils.

Quelque chose n'allait pas.

- Tu viens Hermione ? Demanda Ginny.

- Oui, oui, j'arrive ! Dit Hermione en se forçant à sourire.

Verpey n'avait-il pas dit que le gagnant serait ramené par la coupe devant les tribunes ?


Lorsqu'Harry se réveilla, une douleur lancinante lui vrillait la tête. Il ouvrit les yeux et essaya de bouger les bras mais se rendit compte que quelque chose entravait ses mouvements. Il regarda autour de lui mais bouger sa tête était très douloureux. Droit devant lui, il aperçut seulement une silhouette encapuchonnée avant de retomber dans l'inconscience.


PDV Daphné

Apprendre les mêmes sorts qu'Harry en même temps que lui s'avérait utile.

Daphné marchait sous les tribunes, cherchant à rejoindre le bord opposé où se trouvait, entre autres, le jury, moins le directeur Karkaroff qui devait se trouver à l'infirmerie avec Krum. L'herbe sous ses pieds ne faisait aucun bruit, merci au sort de discrétion qu'elle avait appris au cas où Harry en aurait eu besoin pour la Première Tâche –ce qui n'avait finalement pas été le cas.

- Comment ça « il a disparu » ?! Entendit-elle crier.

Elle s'arrêta près du bord et utilisa son miroir à double sens pour observer la scène sans avoir à dépasser sa tête.

Elle reconnut le professeur Lupin, retenant un homme aux cheveux noirs bouclés qui voulait se jeter sur Dumbledore. Ce devait être Sirius Black, le parrain d'Harry. Mais il ne ressemblait en rien aux affiches collées à travers tout le Royaume-Unis l'année dernière : il avait un petit bouc taillé et ses cheveux étaient plus cours et soignés.

- Sirius, calme-toi, lui dit le professeur Lupin.

- Harry n'est plus dans la forêt ni ailleurs dans l'enceinte de Poudlard, répondit calmement le vieux sorcier.

Daphné eut le souffle coupé à cette nouvelle.

Harry a disparu ?!

Il y eut du mouvement venant de la forêt et tous se tournèrent vers les arbres. Le professeur McGonagall revint avec Fleur Delacour qui boitait et avait sa robe à moitié brûlée. Mme Maxime sembla soulagée et se rendit jusqu'à son élève. La directrice de Beauxbâtons et la directrice de la maison Gryffondor se dirigèrent vers les portes du château, surement pour l'amener à l'infirmerie.

Le garde-chasse sortit à son tour de la forêt une minute plus tard, le trophée des Trois Sorciers à la main, et se dirigea vers Dumbledore.

- Je l'ai trouvé là où elle devait être professeur. Mais elle était tombée par terre.

Le directeur la lui prit des mains et passa sa baguette dessus, incantant des sorts que Daphné ne pouvait entendre de là où elle était. Par contre, avec le miroir, elle le vit froncer les sourcils.

- Elle n'est pas tombée toute seule, dit-il. J'ai cherché à savoir pourquoi le portoloin n'avait pas fonctionné et il s'avère qu'il n'a jamais été enchanté.

- Impossible ! S'exclama le professeur Flitwick de sa voix fluette. Je suis allé l'enchanter avant que la Tâche ne commence !

- Vous en êtes certain ? Demanda soudainement le Ministre qui n'avait pas dit un mot jusque-là.

Il n'avait fait que remettre son chapeau melon droit sur son crâne toutes les deux secondes.

Le petit professeur sembla réfléchir.

- Je me souviens très bien avoir déposée le Trophée sur le tronc d'arbre dont on avait parlé et je me souviens bien être revenu après l'avoir enchanté mais…

Il réfléchit de nouveau, grattant sa barbichette.

- Mais… quoi ? Aboya Sirius Black.

La Serpentard sursauta. La voix du parrain d'Harry avait soudainement augmenté de volume. Elle ne pouvait pas lui en vouloir : elle aussi était inquiète et voulait savoir ce qu'il se passait.

- Je ne parviens pas à me concentrer… Quand je pense au Trophée et au moment où je l'ai changé en portoloin, mes souvenirs sont flous…

- Le sortilège de confusion, conclut le professeur Lupin après une minute de silence.

- Bon, on vous a ensorcelé pour que vous pensiez avoir enchanté le Trophée sauf que vous ne l'avez pas fait, mais en quoi ça nous aide à trouver Harry ? S'énerva Sirius Black.


Lorsqu'il reprit conscience la seconde fois, sa tête lui faisait moins mal mais sa cicatrice était en feu. Il gémit de douleur et il entendit des pas précipités. Il entrouvrit les yeux malgré la douleur et aperçut la même silhouette que plus tôt s'approcher de lui. Il tira de sa cape un morceau d'étoffe noire qu'il lui fourra dans la bouche en guise de bâillon. Puis, sans un mot, il s'éloigna. Harry n'entendit plus rien.

Il regarda autour de lui. Il se trouvait dans un cimetière obscur, envahi par la végétation. A sa droite, derrière un grand if, se dessinaient les contours d'une petite église. A sa gauche s'élevait une colline et Harry distingua la silhouette d'une belle maison ancienne qui se dressait à son sommet.

Il y eut soudain du bruit à ses pieds. Harry baissa les yeux et vit un gigantesque serpent qui ondulait dans l'herbe, autour de la pierre tombale à laquelle il était attaché. Il entendit la respiration sifflante et saccadée du sorcier s'approcher à nouveau. On aurait dit qu'il traînait derrière lui quelque chose de très lourd. Il revint alors dans le champ de vision d'Harry qui le vit pousser un chaudron de pierre contre la tombe. Harry n'avait jamais vu un chaudron aussi grand. C'était un énorme récipient de pierre, arrondi comme un ventre, dans lequel un homme adulte aurait eu la place de s'asseoir. Apparemment, il était rempli d'eau -Harry l'entendait clapoter.

Un tas de tissus non loin sur sa gauche, qu'Harry n'avait pas vu avant, commença à s'agiter. Un animal ou une créature devait se trouver dedans. A présent, le sorcier, une baguette magique à la main, s'affairait autour du chaudron. Soudain, des flammes crépitèrent sous l'énorme récipient et le grand serpent s'éloigna en ondulant dans l'obscurité.

Le liquide qui remplissait le chaudron semblait chauffer très vite. Il se mit à bouillonner en projetant des étincelles enflammées comme s'il avait pris feu. Il s'en échappait une épaisse vapeur, estompant la silhouette du sorcier qui entretenait les flammes. Le ballot d'étoffe parut s'agiter de plus en plus et Harry entendit la voix aiguë et glacée :

– Dépêche-toi, dit-elle.

Harry pâlit d'effroi. Il avait déjà entendu cette voix. Il comprenait mieux pourquoi sa cicatrice le faisant tant souffrir.

A présent, toute la surface du liquide projetait des étincelles, comme si elle était incrustée de diamants.

– C'est prêt, Maître, dit le sorcier.

En s'approchant du tas de tissus, il le prit et, en se relevant, sa capuche tomba.

Queudver !

– Maintenant..., dit la voix glacée.

Queudver déplia alors la robe, révélant son contenu, et Harry laissa échapper un hurlement étouffé par le morceau de tissu qui le bâillonnait.

C'était comme si Queudver avait soudain renversé une pierre sous laquelle se cachait une chose repoussante, visqueuse, aveugle — mais ce que Harry avait sous les yeux était pire encore, cent fois pire. La chose avait la forme d'un enfant accroupi et pourtant, rien n'aurait pu paraître plus éloigné d'un enfant. C'était un être entièrement chauve, recouvert d'écailles grossières, d'un noir rougeâtre. Il avait des bras et des jambes frêles, graciles, et un visage plat, semblable à une tête de serpent, avec des yeux rouges et flamboyants — jamais un enfant n'aurait pu avoir un tel visage.

La créature semblait tout juste capable de faire quelques gestes. Elle leva ses bras minces et les passa autour du cou de Queudver qui la souleva et la transportait près du chaudron. Pendant un instant, la tête aplatie, maléfique, fut éclairée par les étincelles qui dansaient à la surface du liquide. Queudver déposa alors la créature dans le chaudron. Il y eut un sifflement et elle disparut sous la surface. Harry entendit son corps frêle heurter avec un bruit sourd le fond du récipient de pierre.

Harry sentit son cœur battre plus vite. Il comprenait ce qu'il se passait puisque Barty Croupton Junior avait avoué qu'il avait pour mission de le ramener grâce à un portoloin auprès de Voldemort afin d'accomplir un rituel qui devait ramener le Seigneur des Ténèbres. Mais le voir en vrai, c'était autre chose. En plus, malgré ses précautions, il ne pouvait rien faire pour arrêter le rituel.

Queudver parlait. Sa voix tremblait et il semblait fou de terreur. Il leva sa baguette magique, ferma les yeux, puis prononça ces paroles dans la nuit noire :

– Que les ossements du père, donnés en toute ignorance, fassent renaître son fils !

Aux pieds d'Harry, la tombe grinça. Horrifié, il vit une fine volute de poussière s'élever dans les airs puis, obéissant à Queudver, tomber doucement dans le chaudron. La surface, brillante comme le diamant, s'agita et un long sifflement s'en échappa. Des étincelles jaillirent en tous sens et le liquide prit une couleur bleu vif qui ressemblait à un poison.

Poussant un faible gémissement, Queudver sortit de sous sa cape un long poignard à la fine lame argentée. Des sanglots brisèrent sa voix tandis qu'il prononçait ces paroles :

– Que la chair - du serviteur - donnée vo-volontairement - fasse - revivre - son maître.

Il tendit sa main droite devant lui — la main à laquelle il manquait un doigt — puis il serra étroitement le poignard dans sa main gauche et l'éleva au-dessus de lui.

Harry comprit ce qu'il allait faire une seconde avant qu'il accomplisse son geste. Il ferma les yeux, les paupières étroitement closes, mais ne put ignorer le hurlement qui déchira la nuit et transperça Harry comme si lui aussi avait reçu un coup de poignard. Il entendit quelque chose tomber sur le sol puis les halètements angoissés de Queudver, et enfin un bruit d'éclaboussure qui lui retourna l'estomac. Harry ne pouvait se résoudre à rouvrir les yeux, mais une lueur d'un rouge incandescent, qui venait du chaudron, traversa ses paupières closes...

Queudver gémissait de douleur, la respiration précipitée. Ce fut seulement lorsqu'il sentit son souffle sur son visage qu'Harry prit conscience de la présence de Queudver juste devant lui.

– Que le s-sang de l'ennemi... pris par la force... ressuscite celui qui le combat.

Harry ne put rien faire. Il était trop solidement attaché. Se débattant inutilement contre ses liens, il vit le poignard étincelant trembler dans la main désormais unique de Queudver. Puis il sentit la pointe de la lame pénétrer le creux de son bras droit et le sang couler lentement dans la manche de sa robe déchirée. Queudver, haletant sous la douleur, fouilla maladroitement dans sa poche et en tira un flacon dont il appuya le goulot contre la coupure de Harry pour recueillir le sang qui gouttait.

D'un pas chancelant, il retourna ensuite auprès du chaudron et y versa le sang. Le liquide devint aussitôt d'un blanc aveuglant. Sa besogne achevée, Queudver tomba à genoux devant le chaudron, puis s'affaissa sur le flanc et resta étendu sur le sol, agité de spasmes et de sanglots, serrant contre lui le moignon sanglant de son bras mutilé.

Le chaudron bouillonnait, projetant de tous côtés des étincelles semblables à des diamants si brillants que tout le reste paraissait par contraste d'un noir profond. Pendant un long moment, rien ne se produisit...

Non, non, non, non, non… Pria Harry.

Puis soudain, les étincelles qui jaillissaient du chaudron s'éteignirent. Un panache de vapeur s'éleva alors à la surface du liquide en formant un écran de fumée si épais qu'Harry ne pouvait plus rien voir d'autre.

Mais bientôt, une vague de terreur le glaça des pieds à la tête : à travers le nuage de vapeur, il venait d'apercevoir la silhouette sombre d'un homme grand et squelettique qui s'élevait lentement du chaudron.

– Habille-moi, dit la voix aiguë et glacée au milieu du panache de vapeur.

Secoué de sanglots, Queudver, tenant toujours contre lui son bras mutilé, ramassa la robe noire étalée par terre. Il se releva et, de sa main unique, passa la robe sur la tête de son maître.

L'homme squelettique sortit alors du chaudron. Il regarda Harry... et Harry regarda en face le visage du meurtrier de ses parents, du sorcier dont il avait vu la pale copie quelques années plus tôt. Plus livide qu'une tête de mort, les yeux écarlates et grands ouverts, le nez plat, avec deux fentes en guise de narines, à la manière des serpents...

Lord Voldemort venait de renaître devant lui.


PDV Daphné

- Peut-être devrait-on interroger de nouveau Barty Croupton Junior, proposa Dumbledore au ministre.

- Je ne vois pas en quoi cela nous aiderait, dit le Ministre, l'air borné.

- Il avait après tout un plan pour enlever Harry. Peut-être avait-il des complices qui ont accompli sa mission.

- En tant que parrain d'Harry et son tuteur et en tant que Lord Black, Mr le Ministre, je demande à ce que Croupton soit interrogé de nouveau, dit Sirius Black.

- Très bien, très bien, accepta finalement Cornelius Fudge. Il est dans une des cellules d'Azkaban où les effets des détraqueurs ne peuvent l'atteindre en attendant son procès. Rendons-nous au département de la Justice où il sera amené.

- Filius, vous devriez aller voir Pompom afin qu'elle vous ausculte, lui dit Dumbledore.

Le professeur de sortilège acquiesça et se dirigea vers le château alors que le garde-chasse rejoignait sa cabane.

Les cinq sorciers se tournèrent vers les portes du château et Daphné recula sous les tribunes pour qu'ils ne la voient pas en passant. A peine quelques mètres plus loin, elle vit le professeur Lupin s'arrêter et lever la tête. Puis il arrêta Sirius Black par le bras et lui parla à l'oreille. Ils se tournèrent tous les deux vers les tribunes et la virent.

Le professeur Lupin lui sourit, bien que son sourire n'atteigne pas ses yeux, et il se tourna vers Sirius Black pour lui chuchoter quelque chose à l'oreille. Lord Black la regarda de nouveau et lui sourit aussi. Puis il lui fit un signe de tête et ils rattrapèrent les autres sorciers, déjà devant les portes du château.

Daphné soupira de soulagement. Le professeur Lupin avait dû la reconnaitre et révéler son identité au parrain d'Harry. Elle n'aurait pas d'ennuis pour avoir écouté leur conversation mais il lui fallait à tout prix rejoindre la Grande Salle et espérer bientôt avoir des nouvelles d'Harry. Elle ne pouvait rien faire d'autre qu'attendre.


Voldemort détourna le regard et commença à examiner son propre corps. Il contempla ses mains, semblables à de grandes araignées blafardes, puis caressa de ses longs doigts blanchâtres sa poitrine, ses bras, son visage. Ses yeux rouges, aux pupilles verticales comme celles d'un chat, paraissaient encore plus brillants dans l'obscurité. Il tendit les mains devant lui, plia et déplia les doigts avec une expression de ravissement. Il n'accorda pas le moindre regard à Queudver qui se tortillait sur le sol, le bras ruisselant de sang, ni au serpent qui était revenu et sifflait en décrivant des cercles autour de Harry. Voldemort glissa dans une poche de sa robe une de ses mains aux doigts d'une longueur surnaturelle et en sortit une baguette magique. Il la caressa doucement, la leva et la pointa sur Queudver qui fut soulevé du sol et projeté contre la pierre tombale à laquelle Harry était attaché. Il s'effondra par terre et resta là, recroquevillé, gémissant. Voldemort tourna alors ses yeux écarlates vers Harry et éclata d'un rire aigu, glacial, sans joie.

Du sang luisait sur la cape de Queudver. Il avait enveloppé son moignon dans un pan d'étoffe.

– Maître..., sanglota-t-il. Maître... vous aviez promis... vous aviez promis...

– Tends ton bras, dit Voldemort d'un ton nonchalant.

– Oh, Maître... Merci, Maître...

Il tendit son moignon sanglant, mais Voldemort éclata d'un nouveau rire.

– L'autre bras, Queudver.

– Maître, s'il vous plaît... s'il vous plaît...

Voldemort se pencha et saisit Queudver par son autre bras. Il lui remonta la manche jusqu'au-dessus du coude et Harry vit quelque chose sur sa peau, une sorte de tatouage rouge, éclatant, qui représentait une tête de mort avec un serpent qui sortait de la bouche -la même image qui était apparue dans le ciel le jour de la Coupe du Monde de Quidditch : la Marque des Ténèbres. Voldemort l'examina attentivement, sans prêter attention aux sanglots incontrôlables de Queudver.

– Elle est de retour, dit-il à voix basse. Ils l'auront tous remarquée... Maintenant, nous allons voir... Nous allons savoir...

Il appuya son long index blanchâtre sur la marque que portait le bras de Queudver.

Aussitôt, une douleur aiguë transperça à nouveau la cicatrice d'Harry et Queudver poussa un long gémissement. Voldemort retira son doigt et Harry vit alors que la marque était devenue d'un noir de jais.

Avec une expression cruelle et satisfaite, Voldemort se redressa, rejeta la tête en arrière et scruta l'obscurité du cimetière.

– Combien auront le courage de revenir lorsqu'ils la sentiront ? murmura-t-il, ses yeux rouges flamboyant vers les étoiles. Et combien seront assez sots pour rester à l'écart ?

Il se mit à faire les cent pas devant Harry et Queudver, son regard balayant l'étendue du cimetière. Au bout d'un long moment, il se tourna à nouveau vers Harry et un sourire féroce déforma son visage de serpent.

– Harry Potter, tu te tiens sur les restes de mon père, dit-il d'une voix sifflante. C'était un Moldu et un imbécile... très semblable à ta chère mère. Mais tous deux ont eu leur utilité, n'est-ce pas ? Ta mère est morte pour te protéger quand tu étais enfant... et moi, j'ai tué mon père. Mais regarde comme il m'a été utile dans la mort...

Lorsque le Seigneur des Ténèbres insulta sa mère, Harry cria contre lui pour lui montrer son mécontentement, bien que ses cris fussent à moitié étouffés par son bâillon.

Une nouvelle fois, Voldemort éclata de rire. Il recommença à faire les cent pas en jetant des regards tout autour du cimetière et le serpent continua de décrire des cercles dans l'herbe.

– Tu vois cette maison sur la colline, Potter ? Mon père y habitait. Ma mère, une sorcière qui vivait ici, dans ce village, est tombée amoureuse de lui. Mais il l'a abandonnée quand elle lui a révélé ce qu'elle était... Mon père n'aimait pas la magie... Il l'a donc quittée avant même ma naissance pour retourner chez ses parents moldus. Ma mère est morte en me donnant le jour et j'ai été élevé dans un orphelinat moldu... mais j'avais juré de retrouver mon père... et je me suis vengé de lui, de cet idiot qui m'avait donné son nom... Tom Jedusor...

Il continuait inlassablement de faire les cent pas, ses yeux rouges allant d'une tombe à l'autre.

– Écoute-moi ça, voilà que je suis en train de revivre l'histoire de ma famille..., dit-il à voix basse. Je deviens sentimental... mais regarde, Harry ! Ma véritable famille revient...

S'élevant de partout, Harry entendit soudain des bruissements d'étoffe. Entre les tombes, derrière l'if, dans chaque coin d'ombre, des sorciers vêtus de capes arrivaient en transplanant. Tous avaient le visage masqué par des cagoules. Et un par un, ils s'avançaient... lentement, précautionneusement, comme s'ils avaient du mal à en croire leurs yeux. Debout au milieu du cimetière, Voldemort les regardait venir vers lui. Puis l'un des Mangemorts tomba à genoux, rampa vers Voldemort et embrassa l'ourlet de sa robe.

– Maître... Maître..., murmura-t-il.

Le Mangemort qui se trouvait derrière lui fit de même.

Chacun d'eux s'avança ainsi à genoux vers Voldemort, embrassa le bas de sa robe puis rejoignit les autres qui formaient à présent un cercle autour de la tombe de Tom Jedusor, de Harry, et de Queudver qui n'était plus qu'un petit tas de chiffon secoué de sanglots. Les Mangemorts avaient laissé des espaces libres dans leur cercle comme s'ils attendaient de nouveaux arrivants. Voldemort, lui, ne semblait attendre personne d'autre. Il regarda les visages masqués de ses fidèles et, bien qu'il n'y eût pas de vent, un frémissement parcourut le cercle, comme s'ils avaient été saisis de frissons.

– Soyez les bienvenus, Mangemorts, dit Voldemort à voix basse. Treize ans... Treize ans ont passé depuis la dernière fois que nous nous sommes vus. Pourtant, vous avez répondu à mon appel comme si nous nous étions quittés hier... Cela signifie que nous sommes toujours unis sous la Marque des Ténèbres ! Mais est-ce bien sûr ?

Il rejeta en arrière son horrible tête et renifla, élargissant ses narines en forme de fentes.

– Je sens les effluves de la culpabilité, dit-il. Une terrible culpabilité qui empeste l'atmosphère.

Un nouveau frisson parcourut le cercle, comme si chacun d'eux avait voulu, sans l'oser, faire un pas en arrière.

– Je vous vois tous en parfaite santé, avec des pouvoirs intacts -vous avez été si prompts à transplaner ! — et je me demande... comment se fait-il que tous ces sorciers ne soient jamais venus au secours de leur maître à qui ils avaient juré une fidélité éternelle ?

Personne ne répondit, personne ne fit un geste, à part Queudver qui continuait de sangloter sur le sol en serrant contre lui son moignon sanglant. Harry travaillait depuis plusieurs minutes à enlever son bâillon et, grâce à ses cris, il avait réussi à pousser suffisamment les pans de tissus afin de l'enlever de sa bouche à l'aide de sa langue. Voldemort était trop occupé à faire le show et les mangemorts à le regarder avec crainte pour le voir essayer de défaire ses liens.

Malheureusement, sa baguette se trouvait à ses pieds et il ne pouvait pas l'atteindre. Il ne pouvait pas défaire ses liens pour le moment alors il attendit.

– Je peux donner la réponse moi-même, murmura Voldemort. C'est sans doute qu'ils m'ont cru brisé, parti, disparu. Ils sont donc retournés parmi mes ennemis, ils ont plaidé l'innocence, l'ignorance, ils ont prétendu avoir été ensorcelés... Je me demande alors... Comment ont-ils pu penser que je ne reviendrais pas ? Eux qui savaient tout ce que j'ai fait, il y a déjà longtemps, pour me garantir contre la mort ? Eux qui avaient eu la preuve de l'immensité de mes pouvoirs, au temps où j'étais le plus puissant des sorciers ? Cette fois encore, je peux avancer une réponse. Peut-être ont-ils cru qu'un pouvoir plus grand encore pouvait exister, un pouvoir qui aurait pu vaincre Lord Voldemort lui-même... Peut-être ont-ils juré fidélité à un autre ? Peut-être à ce défenseur des gens du commun, des Sang-de-Bourbe et des Moldus, Albus Dumbledore ?

A la mention du nom de Dumbledore, le cercle frémit et certains murmurèrent en hochant la tête.

Mais Voldemort ne leur prêta aucune attention.

– C'est pour moi une déception... Je m'avoue déçu...

L'un des sorciers masqués se jeta alors en avant, brisant le cercle. Le corps parcouru de tremblements, il se laissa tomber aux pieds de Voldemort.

– Maître ! S'exclama-t-il d'une voix perçante. Maître, pardonnez-moi ! Pardonnez-nous !

Voldemort se mit à rire et leva sa baguette.

– Endoloris ! dit-il.

Le Mangemort se tordit sur le sol en poussant des hurlements. Harry était sûr qu'on devait l'entendre dans toutes les maisons alentour... Mais il savait que la police moldu ne pourrait pas le sauver, donc il laisser tomber l'idée.

Voldemort leva à nouveau sa baguette et le Mangemort endolori resta étendu à plat ventre, la respiration saccadée.

– Lève-toi, Avery, dit Voldemort d'une voix douce. Lève-toi. Tu demandes mon pardon ? Sache que je ne pardonne pas. Et que je n'oublie pas. Treize longues années... Je veux que tu me rendes treize ans avant de te pardonner. Queudver, ici présent, a déjà payé une partie de sa dette, n'est-ce pas, Queudver ?

Il baissa les yeux vers le petit être prostré qui continuait de sangloter.

– Tu es revenu vers moi non par loyauté, mais par crainte de tes anciens amis. Tu as mérité cette souffrance, Queudver. Tu le sais, n'est-ce pas ?

– Oui, Maître, gémit Queudver. S'il vous plaît, Maître... s'il vous plaît...

- Tu es pathétique, dit Harry à l'encontre de Pettigrew. Vous êtes tous pathétiques, dit Harry en regardant les mangemorts.

Ces derniers, qui ne l'avaient pas vu jusqu'à présents, eurent des exclamations stupéfaites.

Voldemort fit comme s'il n'avait pas été interrompu.

– Mais tu m'as aidé à retrouver mon corps, poursuivit Voldemort de sa voix glacée en regardant Queudver sangloter par terre. Bien que tu sois une canaille et un traître, tu m'as aidé... et Lord Voldemort récompense ceux qui l'aident...

Une nouvelle fois, Voldemort leva sa baguette et la fit tournoyer au-dessus de sa tête. Une volute qui semblait faite d'argent fondu apparut dans les airs, jaillissant dans le sillage de la baguette magique. La volute tournoya sur elle-même en prenant peu à peu la forme d'une main humaine qui brillait sous la lune. La main fondit alors sur Queudver et se fixa à son moignon sanglant.

Queudver cessa brusquement de sangloter. La respiration rauque et précipitée, il releva la tête et contempla d'un air incrédule la main d'argent attachée à son bras sans qu'on puisse distinguer la moindre cicatrice, comme s'il portait un gant étincelant. Il plia et déplia ses doigts scintillants puis, d'un geste tremblant, il ramassa une brindille sur le sol et la réduisit en poussière.

– Maître, murmura-t-il. Maître... Elle est si belle... Merci... Oh, merci...

Il se précipita à genoux et embrassa la robe de Voldemort.

– Que ta loyauté ne vacille plus jamais, Queudver, dit Voldemort.

– Oh non, Maître... Plus jamais, Maître...

Le visage encore luisant de larmes, Queudver se releva et alla prendre sa place dans le cercle, sans quitter des yeux sa nouvelle main à la poigne puissante.


Après avoir parlé avec Malfoy, Macnair, Crabbe, Goyle et Nott et avait loué les Lestranges se trouvant à Azkaban, il reprit :

– Ici, dit-il, il manque sept Mangemorts... Trois sont morts à mon service. Deux autres ont été trop lâches pour revenir... Ils le paieront. Un autre m'a quitté définitivement... Le dernier a été l'investigateur de la venue de Mr Potter ici et sera bientôt libéré de sa cellule. Mais passons.

Il se tourna vers Harry.

- Harry Potter a eu l'amabilité de se joindre à nous pour fêter ma renaissance. On pourrait même aller jusqu'à le considérer comme mon invité d'honneur.

Il y eut un grand silence. Puis le Mangemort qui se trouvait à la droite de Queudver fit un pas en avant et la voix de Lucius Malefoy s'éleva sous sa cagoule :

– Maître, nous avons hâte de savoir... Nous vous supplions de bien vouloir nous dire... comment vous avez accompli ce... ce miracle... Comment avez-vous réussi à revenir parmi nous... ?

Voldemort parla de la nuit de sa disparition et du sacrifice de Lily Potter, invoquant alors une vieille magie qui protégeait Harry contre Voldemort et empêchait ce dernier de toucher le jeune Potter. Puis il avance un long doigt maigre et blanc et l'appuya sur le front d'Harry, pile là où se trouvait sa cicatrice.

Harry eut l'impression que sa tête allait exploser de douleur.

Après avoir retiré son doigt et éclaté d'un rire glacial, Voldemort conta ce qui lui était arrivé durant ces treizes années, son état presque inexistant, les possessions d'animaux, Quirrel et la pierre philosophale, l'arrivée de Queudver ses côtés, son corps rudimentaire, Bertha Jorkins, le Tournoi des Trois Sorciers, Barty Croupton Junior et enfin l'enlèvement d'Harry par Queudver.

Voldemort s'avança lentement et se tourna pour faire face à Harry. Puis il leva sa baguette.

Endoloris ! dit-il.

Jamais Harry n'avait ressenti une telle douleur. Il avait l'impression que ses os étaient en feu, que sa tête se fendait de part et d'autre de sa cicatrice. Ses yeux, devenus comme fous, ne cessaient de rouler dans leurs orbites, il n'avait plus qu'une envie : que tout finisse... que tout sombre dans les ténèbres... plus qu'une seule envie : mourir...

Puis la douleur disparut. Le corps inerte, incapable de se tenir debout, Harry n'était plus retenu que par les cordes qui le liaient à la pierre tombale du père de Voldemort. A travers une sorte de brouillard, il leva le regard vers les yeux rouges et brillants tandis que les rires des Mangemorts résonnaient dans la nuit.

– Vous comprenez maintenant à quel point il était insensé d'imaginer que ce garçon puisse jamais l'emporter sur moi, reprit Voldemort. Que personne ne s'y trompe : seule la chance a permis à Harry Potter de m'échapper. Et je vais faire la démonstration de mon pouvoir sur lui en le tuant ici même, sous vos yeux. Cette fois, Dumbledore ne pourra pas l'aider et sa mère ne sera pas là pour mourir à sa place. Mais je vais quand même lui donner sa chance. Il aura le droit de combattre et vous saurez alors lequel de nous deux est le plus fort. Il te faudra attendre encore quelques instants, Nagini, murmura-t-il.

Le serpent s'éloigna en ondulant dans l'herbe et rejoignit le cercle des Mangemorts avides d'assister au spectacle.

– A présent, détache-le, Queudver, et rends-lui sa baguette magique.

Queudver s'approcha de Harry qui s'efforça de se redresser pour pouvoir tenir debout lorsque les cordes auraient été détachées. Queudver leva sa nouvelle main d'argent puis, d'un geste, trancha les liens qui l'attachaient à la pierre tombale.

Ses jambes tremblaient sous son poids, aussi se tint-il à la pierre tombale près de lui. Le cercle des Mangemorts se resserra, effaçant les espaces libres qu'auraient dû occuper les absents. Queudver recula de quelques pas, ramassa la baguette magique de Harry et la lui mit brutalement dans la main sans le regarder. Puis il alla reprendre sa place dans le cercle des Mangemorts.

– On t'a appris à te battre en duel, Harry Potter ? dit Voldemort à voix basse, ses yeux rouges étincelant dans l'obscurité.

Harry leva les yeux et croisa le regard rougeoyant de son ennemi. La peur aurait dû le paralyser mais il avait une solution de secours et devait l'utiliser afin de quitter cet endroit au plus vite. Alors il se redressa du mieux qu'il put sur ses deux jambes, serrant sa main sur sa baguette.

- Oui, un peu.

Voldemort sourit.

- La première chose à faire est de s'incl…

- Mais je ne suis pas assez idiot pour me croire assez puissant pour me battre contre vous, répondit Harry.

- Interrompre Lord Voldemort est une erreur, Harry Potter.

- Je suis juste réaliste, dit Harry en serrant les dents.

- C'est bien d'être réaliste, Harry, dit Lord Voldemort.

- Mais je voulais vous faire savoir que Bertha Jorkins n'est pas la seule à avoir été une mine d'information. Croupton Junior a eu la langue bien pendue quand on lui a administré du Veritaserum, révéla Harry.

Le Seigneur des Ténèbres plissa les yeux, cherchant à savoir où il voulait en venir.

- Si vous croyez que j'ai été assez stupide pour croire que, une fois Barty emprisonné, vous alliez abandonner l'idée de m'enlever, alors, de vous à moi, c'est vous l'idiot.

Les yeux du sorcier maléfique furent réduits à des fentes face à l'insulte et il leva sa baguette, sans doute pour le torturer à nouveau mais Harry se hâta de l'interrompre :

- Reconnaissez-vous cet objet ?

Harry sortit lentement un stylo de sa poche. En voyant l'objet moldu, Voldemort baissa la baguette, méfiant et confus à la fois.

- Un stylo, répondit-il avec mépris. Pourquoi sortir un objet moldu quand je suis sur le point de te tuer Harry Potter ?

- Vous pensiez vraiment que je ne prendrais pas de précaution ? Demanda rhétoriquement Harry, le cœur battant à tout rompre. Aujourd'hui n'est pas le jour où je mourrai, conclut-il.

Et il fit sauter le capuchon du stylo. Il entendit le hurlement de fureur de Voldemort à l'instant même où il sentait, au niveau de son nombril, la secousse qui signifiait que le Portoloin avait fonctionné…