Chapitre 2 : La source du problème
Poudlard a rouvert, malgré les événements qui y ont eu lieu, quelques mois plus tôt.
Ginny est donc en route pour sa sixième année à l'école...
En cinq ans, Ginny n'avait jamais trouvé aussi facilement de compartiment libre dans le Poudlard Express.
Elle avait même réussi à passer dans le couloir avec sa grosse valise, sans bousculer (trop) d'élèves.
Le train paraissait étrangement vide par rapport à d'habitude.
– C'est normal, tu crois ? demanda-t-elle à Neville.
– Peut-être que les parents ont eu trop peur de laisser leurs enfants prendre le train et qu'ils les conduiront directement à l'école...
– Oui. Peut-être…
Jusqu'à présent, Ginny n'avait retrouvé aucun de ses amis de classe.
Bien sûr, elle aimait bien Neville, mais on ne pouvait pas vraiment dire qu'ils étaient très proches, puisqu'ils n'étaient pas de la même année...
– Viens, on n'a qu'à se mettre ici, dit celui-ci.
Tous deux traînèrent leurs valises dans le compartiment où était déjà installée Luna Lovegood.
Elle était assise près de la fenêtre, et lisait un vieux livre de Sortilèges (Charmes inconnus : comment les reconnaître).
– Tiens, salut ! dit Neville.
Luna leva les yeux de son bouquin, et fit un grand sourire.
– Oh, bonjour ! Vous me cherchiez ?
– Non, c'est juste un coup de chance, répondit Neville, un peu gêné. On… On cherchait un compartiment, et puis voilà !
Lui aussi affichait un grand sourire.
– Oui…, dit Ginny, d'un air sceptique. Un simple coup de chance...
Ils entrèrent et tentèrent tant bien que mal de bloquer leurs valises de façon à ne pas les recevoir sur la tête.
Ce qui arriva malheureusement à Neville.
Luna lâcha son livre pour lui venir en aide.
Ils se lançaient toujours de grands sourires.
– Oh, tu sais... Je... Je peux me débrouiller tout seul..., dit Neville.
– Non, mais je vais t'aider, répondit Luna, précipitamment. Ce n'est pas très pratique, il faut l'avouer...
– Ben... Merci !
Ils levèrent tous deux la lourde valise et la rangèrent, puis ils s'assirent tout en continuant à se regarder l'un l'autre.
Ginny leva les yeux au ciel.
– Tu as remarqué comme le train semble vide ? demanda-t-elle, alors que Luna était prête à replonger dans sa lecture.
– Oui.
Réponse claire et nette.
– Et…?
– Ça doit être parce que les élèves sont moins nombreux.
Ginny et Neville se regardèrent.
Ça, ils auraient pu le deviner tous seuls.
– Nous, on pense que les parents d'élèves ont eu peur que leurs enfants utilisent le train, dit Neville.
– Ce n'est pas ça.
Ginny et Neville se regardèrent encore.
Luna avait l'habitude de paraître sûre et certaine de choses incertaines.
– Et ce serait quoi, alors, d'après toi ?
– Je crois que comme tout le monde a cru que Poudlard allait fermer, bon nombre de parents ne sont pas au courant que l'École a rouvert. C'est une erreur que font souvent les gens : ils ne vérifient pas leurs sources.
Ginny étouffa un petit rire.
Pour ce qui était de vérifier ses sources, ni elle, ni son père, ni même la rédaction toute entière du Chicaneur n'avaient de leçons à leur donner.
– Euh... Luna ? Le Daily Prophet n'a pas arrêté d'en parler pendant près d'une semaine, dit Ginny.
– La nouvelle de la réouverture a fait trois fois la Une, ajouta Neville. Ma grand-mère a conservé les numéros, tellement elle était outrée de la réaction du Ministère.
– C'est vrai. Le Département de Sécurité des Sorciers de Premières Classes a fait un rapport pour prouver que Poudlard n'avait pas des normes assez strictes pour les plus jeunes...
– Un groupe d' experts en Magie Noire a déclaré que l'intrusion des Mangemorts était tout à fait prévisible...
– McGonagall a dû expliquer sa décision devant le Ministre lui-même...
– Elle a d'ailleurs failli crever un oeil au journaliste qui l'interviewait et qui mettait sans cesse en avant sa prétendue "incompétence"...
– Le Daily Prophet a même lancé une enquête sur mille sorciers et sorcières lambda pour savoir ce qu'ils pensaient de la sécurité à Poudlard à leur époque...
– L' architecture vétuste a aussi été mise en avant. En clair…
– Tout le monde le sait, conclut Ginny.
Luna les regarda tous les deux, et fit la moue.
– Peuh ! Le Daily Prophet. Cette feuille de choux...
Luna paraissait particulièrement vexée que quelqu'un sache quelque chose qu'elle ignorait, surtout que d'ordinaire, c'était elle qui savait le plus de chose (même si ce qu'elle savait se montrait en général infondé...).
– Ce journal est à la botte du Ministère, dit-elle. On ne peut pas lui faire confiance.
– Peut-être, répondit Ginny, mais au moins, lui, il aborde l'actualité, même s'il manque d'objectivité.
– Qu'est ce que tu sous-entends par "lui" ?
Luna avait un regard que Ginny ne lui avait jamais connu.
Cela ressemblait presque à… De la colère ?
– Je sous-entends que le Chicaneur n'aborde pas l'actualité prioritaire, par exemple, dit Ginny.
– Le Chicaneur aborde l'actualité prioritaire, rétorqua Luna. Il met toujours en avant les choses importantes.
– Importantes pour qui ?
– Les lecteurs.
– C'est sûr. Vu le chiffre des ventes...
– Ce ne sont pas les ventes qui déterminent la qualité d'un journal.
Neville les regardait toutes les deux sans trop savoir quoi dire.
– Non, bien sûr. Elles sont juste une représentation de l'intérêt que les gens portent à l'information, continua Ginny.
– Les gens ne s'intéressent pas aux bonnes choses, répliqua Luna. Le Daily Prophet les manipule.
– Ben voyons…
– Ce sale canard leur cache les vrais problèmes de la société.
– La sécurité des enfants et les attaques de Mangemorts sont des problèmes de société.
– Le Chicaneur pourrait parfaitement aborder ces thèmes.
– Oh que non.
– Oh que si.
– Pourquoi ne l'a t-il pas encore fait, alors ? Parce que ce n'est pas assez... Étrange ?
– C'est parce que ce n'est pas assez intéressant.
Ginny n'en croyait pas ses oreilles.
Un danger de mort permanent, pas assez intéressant ?
– Pourtant, le Chicaneur n'a même pas fait un petit encadré de trois lignes pour parler de ça, alors que c'est tout de même dans l'actualité, dit-elle.
– C'est... C'est parce que c'est un hebdomadaire, rétorqua Luna.
– Cela ne change rien.
– Cela change tout.
– Non.
– Si.
– Le Chicaneur n'est qu'un tissu de mensonges non vérifiés et d'infos tout bonnement inutiles. Il serait incapable de donner précisément la date. Le Daily Prophet n'a certes aucun recul sur l'information, mais il a le mérite de traiter de sujets réellement important, et non pas juste de quelques histoires à dormir debout.
La colère était maintenant parfaitement perceptible sur le visage de Luna. Il n'y avait plus aucun doute possible.
– C'est ce que tu penses vraiment ? demanda t-elle, d'un ton sec.
– Oui, pourquoi ? répondit Ginny. Tu veux vérifier tes sources, pour changer ?
Luna se leva d'un bond, et détourna le regard.
Elle prit sa valise, et sortit du compartiment, sans se retourner.
Ginny était particulièrement fière d'avoir pu rabattre le caquet de Luna.
Elle la connaissait depuis pas mal de temps, et ses légendes urbaines idiotes, alors que des sorcières et des sorciers mouraient chaque semaine, avaient eu raison de sa patience.
Ginny ne pouvait pas supporter que Luna considère les attaques de Mangemorts comme peu importantes.
Son grand frère avait été défiguré par l'un d'entre eux, et son père avait failli mourir suite à l'attaque du serpent de Lord Voldemort.
Et surtout, Harry était en perpétuel danger, avec tous ces Mages Noirs aux trousses...
– Luna ! Mais attend ! cria Neville.
Il ouvrit la porte du compartiment, mais Luna était déjà loin.
Neville soupira, et s'affala sur la banquette.
– Pff… Pourquoi tu t'en es prise à elle ?
– J'en avais marre de son air de "Mademoiselle-j'en-sais-plus-que-vous", répondit Ginny.
– Il n'était pas nécessaire de t'en prendre à son père, ou même à son journal...
Neville avait l'air particulièrement outragé par l'attitude de Ginny, mais celle-ci n'avait aucun regret.
– C'est quand même le Chicaneur qui a diffusé l'interview de Harry il y a deux ans, dit Neville. Tu sembles l'oublier...
– Ils ne l'ont publié que parce qu'elle semblait invraisemblable, répliqua Ginny d'un ton sec. Et à part mettre le doute chez certaines personnes trop stupides pour réfléchir par elles-mêmes, et faire grimper le nombre des ventes, cela n'a finalement pas servi à grand chose...
Cette fois, ce fut Neville qui leva les yeux au ciel.
– Dis plutôt que tu es jalouse.
Ginny le fixa.
– Jalouse ? De quoi ?
– Tu le sais très bien... Tu sais que... Moi et Luna... On... On s'entend bien. Et comme toi, tu es toute seule...
La conversation commençait à partir sur un terrain où Ginny ne voulait pas qu'elle aille : sa vie sentimentale.
– Je... Et alors ?
– Tu es jalouse que Luna ait... Quelqu'un dans la vie, alors que toi, tu es incapable de tenir une relation, répondit Neville.
– Moi ?
– Tu es incapable de tenir une histoire d'amour correctement. Tu as jeté Michaël Corner, puis Dean Thomas, et même Harry Potter ! Tu te sers des garçons.
Aborder le sujet de sa rupture avec Harry était insupportable pour Ginny, mais elle ne pouvait pas laisser dire ça.
– Je n'ai pas jeté Harry !
– Peut-être pas... Mais, les deux autres, si, dit Neville, avec une audace qui ne lui était pas coutumière. Dès que tu perds un de tes petits amis, tu t'en trouves un autre aussi sec. Tu te sers littéralement des garçons.
– C'est... C'est faux, je...
Ginny ne pouvait pas croire que Neville pensait ça d'elle.
Mais pour quelle genre de fille la prenait-il ?
– Et comme tu vois deux personnes qui... Qui s'aiment pour de bon, sans que l'un serve... D'accessoire à l'autre… Tu es jalouse ! ajouta Neville.
– Mais… Non !
En y repensant, Ginny était bien obligée d'admettre qu'elle ressentait une certaine jalousie envers Neville et Luna.
Mais cela était juste dû au fait qu'ils pouvaient être ensemble, eux.
– Ce genre d'attitude est vraiment immonde, continua Neville. Tu manipules les autres pour ton petit plaisir, et cela sans aucun remord. Tu sais quoi, Ginny ? Je crois que tu es jalouse parce que tu n'as jamais connu l'Amour.
Cette phrase écoeura Ginny.
Comment pouvait-il dire ça ?
Il n'en savait rien, et ce n'était qu'un idiot.
Ginny savait parfaitement ce qu'était l'Amour, et c'était bien ça le problème.
C'est ce sentiment qui lui gâchait la vie depuis plus de deux mois.
C'est ce sentiment qui l'empêchait de penser à quelqu'un d'autre que Harry.
C'est ce sentiment qui lui brisait le coeur à chaque fois qu'elle pensait à lui et à leur rupture.
Et c'est ce même sentiment qui lui fit prononcer cette phrase, qui allait peut-être mettre un terme à une amitié vieille de cinq ans :
– FERME-LA, PAUVRE IMBÉCILE ! JE T'INTERDIS DE DIRE CE GENRE DE CHOSE !
Neville sursauta.
Il devait s'attendre à tout, sauf à ce genre de réaction.
– Tu ne connais pas ma vie ! continua Ginny. Tu ne sais pas ce que je ressens ! Alors tais-toi, espèce de crétin !
Neville lui jeta un regard noir.
Mais Ginny s'en fichait.
– Sors d'ici ! Va la rejoindre, ta "Bien-aimée" ! cria-t-elle.
Neville se leva, prit sa valise aussi vite qu'il le pouvait, et quitta le compartiment comme Luna l'avait fait, quelques minutes plus tôt.
Des curieux s'approchèrent du compartiment, alertés par les cris.
Ginny ferma la porte d'un coup sec, et se rassit sur la banquette près de la fenêtre, ruminant sa rage...
