Chapitre 7 : Sortie scolaire
Début janvier.
Les choses ne se sont pas arrangées pour Ginny.
Non seulement son retard plus que suspect quelques semaines plus tôt n'a pas arrangé sa réputation auprès du corps enseignant, mais en plus, elle s'est attaquée à Pansy Parkinson au point de l'envoyer à l'infirmerie.
Ou comment obtenir directement un rendez-vous chez la Directrice...
– VOTRE COMPORTEMENT DEPUIS CETTE RENTRÉE EST TOUT BONNEMENT INACCEPTABLE ! hurla le professeur McGonagall. Vous n'aviez jamais eu aucun problème de discipline...
Ginny leva un sourcil.
– ...Grave jusqu'à présent, aucun ennui scolaire, et voilà que vous oubliez carrément les règles élémentaires de l'école !
Ce n'était pas la première fois que Ginny entendait le professeur McGonagall crier aussi fort.
Mais la dernière fois, c'était lors d'un match de Quidditch, et elle avait un porte-voix…
– Retard ! Insubordination ! Manque de travail ! Et maintenant, violences !
Ginny savait que tenter de justifier son geste était inutile : Harry avait connu le même genre de situation avec Malefoy, deux ans plus tôt.
De toute façon, quelles que soient les conséquences de ses actes, ça en valait la peine...
– À croire que vous voulez mettre en l'air votre vie scolaire ! continua le professeur McGonagall. J'aimerais bien savoir quel est votre problème !
Ginny voulu répondre "c'est un truc de filles, vous ne pouvez pas comprendre", mais elle préféra se taire. Cette réplique lui aurait certes apporté l'estime de la majeure partie de ses frères, mais étant donné l'état dans lequel était le professeur, il valait mieux ne pas en rajouter.
Le professeur McGonagall aurait pu servir de cobaye dans une étude physiologique sur le surmenage.
Elle paraissait complètement dépassée par les événements.
Des cernes supplémentaires s'étaient creusées sous ses yeux, signe que le repos ne devait pas avoir une grande place dans son emploi du temps. Son chignon avait perdu sa rigueur d'antan, tout comme ses vêtements, qui n'avaient pas dû être repassés depuis des semaines.
Elle semblait surtout crouler sous le travail.
Son bureau était couvert de papiers administratifs de tout genre, de rapports, de bilans, de programmes d'études, de devoirs de Métamorphoses à corriger, et d'autorisations diverses.
La décoration du bureau du directeur avait aussi été changée.
Les bibelots argentés du professeur Dumbledore, que Ginny avait aperçu la dernière fois, avaient été remplacés par des cartons, remplis à ras bord de dossier d' élèves plus ou moins épais. Il y en avait beaucoup d'autres réparti sur le sol, de tel sorte que seul un petit chemin permettait d'accéder de la porte d'entrée au bureau.
Et c'était sans parler des nombreuses cages, entassées à droite et à gauche, et remplies de rongeurs, de volatiles et de reptiles plutôt répugnants (attendant certainement d'être transformés en couvert ou en lacets par des élèves indélicats).
L'état du professeur McGonagall faisait peur à voir.
Cumuler les postes de Directrice, Chef de Maison et professeur de Métamorphose, sans adjoint, et avec des journées de seulement 24 heures, ne devait pas être de tout repos.
Après s'être arrêtée de s'égosiller, le professeur McGonagall s'assit dans son fauteuil, épuisée.
Ginny se redressa.
Comme toujours, après les réprimandes venaient la sentence.
Elle commençait (un peu) à regretter son geste.
Quelle que soit la punition, cela ne serait pas une simple retenue. Cela serait un problème de plus à gérer, et sans doute pas des moindres (Ginny envisageait d' ailleurs d'en faire une liste).
Le professeur McGonagall s'apprêtait à prendre la parole, quand soudain, quelqu'un frappa à la porte et l'ouvrit brusquement.
– Professeur McGonagall ! Professeur McGonagall !
– Oui, Filius ? soupira la Directrice.
– Nous avons un problème.
– Lequel ?
– Et bien... Un cinquième année à tenter de transplaner, répondit le professeur Flitwick dans un souffle. Mais il a été désartibulé.
Le professeur McGonagall mit les mains devant le visage.
– Et bien arrangez la situation, selon la procédure habituelle…
– Le fait est que les sortilèges protégeant notre établissement ont un peu exagéré la situation.
– C'est-à-dire ?
– Et bien... Disons que pour l'instant, nous n'avons retrouvé que les deux-tiers de son anatomie…
Le professeur McGonagall leva les yeux au ciel, l'air las.
Elle soupira un grand coup, se leva de son fauteuil et suivit le professeur Flitwick.
– Vous, restez ici, ordonna t-elle à Ginny sans même la regarder, tandis qu'elle se faufilait entre les cartons.
Quand la porte du bureau se referma, Ginny reprit une respiration normale.
Quel coup de chance.
Mais ce n'était qu'un contretemps, en attendant que le professeur McGonagall ne revienne et ne donne sa sentence.
Un sacré bourbier.
Voilà où Ginny s'était fourrée.
Elle pouvait en effet s'attendre au pire.
Fred et Georges lui avaient pourtant toujours conseillé de pratiquer l'empoisonnement plutôt que l'attaque directe, en cas de vengeance...
– Oh ! Bonjour, Miss Weasley !
Ginny sursauta sur son siège, et leva les yeux.
Le portrait d'Albus Dumbledore était en train de la regarder.
– Je n'avais pas remarqué que vous étiez encore là, dit-il. Je devais être en train de somnoler... Encore.
– La vie de tableau est donc si fatigante ? demanda Ginny.
Cela lui faisait bizarre de re-parler avec le professeur Dumbledore.
Autant parce qu'il était mort que parce qu'elle l'avait toujours connu en trois dimensions…
De plus, cet Albus là paraissait plus tranquille que le vrai.
Il était souriant, et semblait avoir l'esprit léger, sans être accablé par les soucis qu'il avait connu à la fin de son existence.
En somme, il avait l'air heureux.
– Je dirais plutôt que la vie d'une oeuvre d'art est ennuyeuse au possible, répondit Dumbledore. Alors que paradoxalement, elle devrait être haute en couleurs !
Son trait d'esprit sembla particulièrement l'amuser.
Contrairement à Ginny.
– Mais... Quelque chose ne va pas ? s'inquiéta-t-il.
– Oui, votre humour vaseux, dit Victorio Dwen (1847-1875), un des anciens Directeurs, lui aussi sous forme de portrait.
– Oh, vous, on ne vous à rien demandé...
– C'est... C'est juste que..., commença à répondre Ginny. J'ai quelques soucis, en ce moment. Des problèmes de concentrations.
Ginny pouvait en effet résumer ça comme ça.
– Une fumiste.
– J'ai, en effet, souvent pu entendre le professeur McGonagall faire l'étalage de votre palmarès, dit Dumbledore, sans faire attention à la remarque de Brian Sonman (1301-1303).
Ginny avait un peu honte.
– Mais ne vous inquiétez pas, reprit-il, avec un grand sourire. Les choses vont s'arranger. Vous verrez.
Sa bonne humeur était presque communicative.
Presque.
– Je suis convaincu que cette période de trouble ne durera pas, continua t-il. Poudlard connaît certes quelques ennuis, mais le professeur McGonagall saura arranger tout cela en attendant que le calme...
– Peuh ! Elle est incompétente ! l'interrompit Claudius Wright (1909-1913).
– Vous ne pouvez pas dire ça sérieusement ! s'indigna Karl Mergens (1575-1628). Nous sommes tout de même en temps de guerre, et puis...
– Elle n'arrive pas à suivre le rythme ! Elle ne sait même pas déléguer !
– "Déléguer" ? Ha ha ! s'esclaffa Mizernia Breakone (1732-1796). Naturellement, vous et vos quinze adjoints ! De toute l'histoire de Poudlard, aucun directeur n'a été aussi absent de son bureau !
– Peut-être, mais j'ai amélioré mon put, rétorqua Claudius Wright, songeant à ses exploits au golf.
Ginny était un peu perdue entre tous ces portraits qui se disputaient.
– Excusez-les, lui dit Dumbledore. C'est l'absence de tous ces élèves qui fausse leur jugement sur le professeur McGonagall.
– Oui, je comprends. Beaucoup… Ne sont pas revenus.
Ginny baissa les yeux en disant cela.
Dumbledore comprit.
– Hum... Je vois où est le problème, dit-il, d'un ton bienveillant. Le professeur McGonagall m'en a parlé à la rentrée. C'est Harry qui vous manque, n'est-ce pas ?
Ginny se mit rougir.
Ce qui amusa une fois de plus Dumbledore, qui, pour le moment, ressemblait plus à un gentil grand-père qu'à un sorcier redoutable et capable de tout.
– Oui, répondit Ginny, avec un sourire gêné. Je... Je n'arrête pas de penser à lui, et... C'est ça qui m'attire… Des embêtements.
Cela faisait plusieurs mois que Ginny évitait d'aborder ce sujet avec quiconque, et voilà que la première personne à qui elle en parlait était le portrait d'un vieux bonhomme décédé, et devant toute une assemblée d'anciens Directeurs d'école, en plus.
L'Amour rendait vraiment fou.
Dumbledore, lui, sembla encore plus jovial en entendant cela.
– Haaa... Les petits tracas de la jeunesse..., commenta Julius Greatbridge (1913-1937). Les premiers émois amoureux...
– Ridicule, dit Sophiana Shouldwere (1666-1684), interrompant l'élan nostalgique de Greatbridge. Ce ne sont pas quelques amourettes adolescentes qui peuvent justifier les écarts de conduite de cette jeune fille.
Ginny voulu répliquer, mais Dumbledore le fit à sa place.
– Ma chère Sophiana, vous sous-estimez la puissance d'un Amour véritable. Et quand je parle de puissance, ce n'est pas d'un point de vue magique. L'Amour peut pousser à faire des choses insensées. Il peut aussi pousser à des réactions inconsidérées, comme cela a pu être le cas pour cette jeune femme.
Ginny rougit encore plus.
Le professeur Dumbledore était une des rares personnes qui ne la considérait plus comme une petite fille.
À part peut-être...
– Ne vous inquiétez pas, Miss Weasley, reprit Dumbledore. Comme je l'ai dit tout à l'heure, tout va s'arranger. J'ai confiance en Harry. Je sais ce dont il est capable.
Il afficha un sourire radieux.
– D'ailleurs, comment va-t-il ?
– Oh ! Je... Je ne sais pas, monsieur, répondit Ginny.
Dumbledore parut surpris.
– Vous ne correspondez pas avec lui ?
– C'est à dire, monsieur, que...
Il n'y avait pas meilleur moyen pour retourner le couteau dans la plaie.
– Nous sommes séparés.
Le sourire de Dumbledore s'estompa peu à peu.
– Mais... Vous disiez que...
– Oui, je... Je pense encore à lui..., ajouta Ginny. Mais... Harry a mis un terme à notre relation avant les vacances d'été, monsieur. Il ne voulait pas que je sois impliqué dans tout cela et que... Je cours des risques.
Dumbledore avait maintenant perdu son sourire.
Son air était maintenant grave, sérieux.
– Il a donc préféré être seul ?
– Oui, je crois qu'on peut dire cela comme ça.
Le professeur Dumbledore sembla effaré.
Pour la première fois depuis tout à l'heure, il avait l'air triste, presque désespéré.
Et surtout, de la déception se lisait sur son visage.
Il baissa la tête, marmonna quelque chose, et soupira.
Personne ne dit plus rien.
Ginny ne comprenait pas.
Quelques minutes plus tôt, il était d'un optimisme fou, et voilà qu'il semblait avoir apprit la Fin du Monde...
Ginny ne préféra rien dire.
Ce fut Dumbledore qui brisa le silence.
– Miss Weasley, ce que je vais vous demander va peut-être vous paraître indécent de la part d'un vieil homme tel que moi…, commença-t-il. Mais il faut que vous me répondiez en votre âme et conscience, et en toute franchise. D' accord ?
– Euh... Oui ? répondit Ginny, qui comprenait de moins en moins.
– Bien. Alors s'il vous plaît, donnez-moi une réponse claire. Est-ce que vous aimez Harry, et cela du plus profond de votre être ?
D'ordinaire, Ginny n'aimait pas être interrogée par les professeurs. Mais cette fois, c'était différent.
Et cela pour la simple et bonne raison qu'elle connaissait parfaitement la réponse.
Des larmes apparaissaient aux coins de ses yeux rien que d'y penser.
– Oui, monsieur, répondit-elle. Plus que tout. J'en suis sûre.
Dumbledore ne dit rien pendant plusieurs secondes.
Puis, il reprit la parole d'un ton plus enjoué.
– Et bien... Il semblerait que tout ne soit pas perdu, tout compte fait. Néanmoins, Miss Weasley, j'ai bien peur que nous ayons à organiser votre renvoi de Poudlard.
Ginny ouvrit de grands yeux.
– Hein ?
Même s'il aurait paru plus convenable de tenir un discours plus développé, cela représentait bien son état d'esprit.
La renvoyer ?
Organiser son renvoi ?
– C'est inadmissible ! s'exclama Mathilda Torline (1140-1169).
– Scandaleux ! s'emporta Humphrey Gilbert (1489-1533). Vous ne pouvez pas, vous, un Directeur honorable, proposer un renvoi à une enfant !
– FOU ! IL EST FOU ! cria Axius Pelacius (1205-1272). Les dorures de son cadre lui ont abîmé le cerveau !
Ginny était d'accord.
Eviter un renvoi aurait été sa priorité si Dumbledore n'avait pas commencé à converser avec elle.
– Taisez-vous ! Taisez-vous ! dit Dumbledore. Miss Weasley, ce que vous devez comprendre, c'est que parfois, il faut faire des choses qui vous semblent folles, pour une finalité bien plus importante. Pour le bien de la communauté, et même si vous n'en comprenez pas encore la raison, vous devez absolument revoir Harry.
Ce n'était pas ça qui dérangeait Ginny.
– Mais..., commença-t-elle.
– Pourquoi un renvoi ? la coupa Amelicia Nuggets (1828-1831). Pourquoi ?
– Disons que c'est un moyen plus rapide qu'une simple demande officielle d'arrêter ses études, répondit Dumbledore. Pour ce type de demande, il est nécessaire, soit que l'élève soit majeur ce qui n'est pas encore le cas ici , soit que les parents soient consentants et connaissant la mère de notre jeune amie, je doute que cela puisse se faire.
En effet, Ginny ne préférait même pas imaginer la réaction de sa mère si elle lui demandait de quitter l'école.
– Oh oui, splendide idée, Albus ! intervint Brian Sonman. Mais oui. Laissons cette pauvre petite dans la nature, sans baguette, avec tous ces tueurs en série qui rodent...
– Au contraire, l'interrompit Tarja Wishes (1637-1659). Selon le décret 5-1 de 1490, il est dit qu'en temps de guerre, il est autorisé aux élèves de 1ère Classe de conserver leur baguette, même en cas de renvoi formulé par le Conseil de l' Institution Scolaire, et cela dans un but d'autodéfense…
– Mais le Seigneur des Ténèbres n'a pas officiellement déclaré la guerre, non ? fit remarquer Julius Greatbridge.
– Je doute que l'administration aille chercher aussi loin dans les détails..., dit Will Durchets (1533-1560).
– Certes, mais...
Des discutions sur la légitimité d'un renvoi, sur les différents décrets des trois derniers siècles, et sur les élèves fumistes en temps de guerre, étaient maintenant lancées entre la majeure partie des portraits.
Ginny avait du mal à suivre les conversations.
– Il reste un autre point important, ajouta Dumbledore.
Tout le monde se tut.
– Où est Harry ?
Ça, Ginny ne le savait pas.
À moins que...
– Heureusement, nous avons ici une des personnes qui le connaît le mieux. Miss Weasley, Harry aurait-il laissé échapper un indice quant à sa destination ?
Aucun.
Néanmoins, Ginny avait peut-être une idée...
– J'ai rêv... J'ai pensé que peut-être, il aurait pu retourner au 12, Grimmault Place ?
Dumbledore sourit.
– C'est en effet plausible. C'est un lieu qu'il affectionne sans doute beaucoup, et qui présente un grand intérêt, puisqu'il est situé à proximité du Chemin de Traverse... C'est une très bonne idée.
Ginny ne préféra pas expliquer pour quelle raison elle avait eu cette... "Idée".
– Maintenant, il nous reste à vérifier. Phineas ? Phineas ?
Phineas Nigellus, l'aïeul de Sirius Back, somnolait tranquillement dans son cadre.
Ce qui, avec le brouhaha alentour, ne pouvait être que pure affabulation.
– Phineas !
Pas de réponse.
Le professeur Dumbledore passa alors dans le portrait de son voisin, pour ensuite rejoindre celui de Nigellus.
Il enleva son chapeau et s'en servit pour frapper Nigellus au visage.
– PHINEAS !
– Oh ! Mais quoi, encore ? s'exclama l'ancien Directeur, en sursautant.
– Content que vous soyez des nôtres, dit Dumbledore, en remettant son chapeau. Nous avons besoin de vos services.
– Une nouvelle fois ?! Oh, Albus... Ne suis-je donc bon qu'à ça ?
– Et moi, alors ? Ne suis-je donc bon qu'à vous le demander ?
Nigellus soupira, tira la langue de façon puérile, et sortit de son cadre, les mains dans les poches, en grommelant.
Le coeur de Ginny battait à tout rompre depuis déjà un bon moment.
Elle ne contrôlait aucunement la situation.
Elle ne décidait de rien.
Elle ne savait qu'une chose : elle allait peut-être bientôt pouvoir rejoindre Harry, et se blottir entre ses bras.
C'est en tout cas ce que planifiait Dumbledore.
Sauf si...
Si Harry se révélait ne pas être au 12, Grimmault Place, toute cette stratégie tombait à l'eau.
Et elle risquait de ne plus pouvoir...
Nigellus revient enfin, l'air toujours aussi grognon.
Ginny avait mal aux doigts à force de les croiser.
Il s'approcha du professeur Dumbledore et lui murmura quelque chose à l'oreille.
Quelle sale fripouille…
Ginny n'en pouvait plus.
Dumbledore se tourna alors vers elle, avec un large sourire.
– Miss Weasley, avez-vous déjà entendu parler de ce qu'on appelle "l'intuition féminine" ?
