Chapitre 8 : Arrivée impromptue

Ginny a pu quitter Poudlard.
Elle se trouve maintenant Grimmault Place, en plein milieu d'après-midi...

Ginny souleva sa valise à bout de bras, et monta les marches enneigées du perron du 12, Grimmault Place.
Arrivée devant la porte massive, elle souffla un grand coup et respira l'air frais de l'hiver, qui lui glaça la gorge.
Elle espérait qu'il y ait au moins quelqu'un à l'intérieur. Elle n'avait pas l'intention de faire le pied de grue en attendant qu'on vienne lui ouvrir...
Ginny lâcha sa valise d'une main, et frappa à la grosse porte décrépie de toutes ses forces.
Pas de réponse.
Des flocons étaient en train de recouvrir son bonnet et ses épaules.
Elle re-frappa à la porte encore plus fort, regrettant de ne pas avoir emmené de gants (autant à cause de la douleur que de la température).
Elle continua à cogner à la porte pendant de longues minutes.
Toujours rien.
– Hé Ho ! cria-t-elle. J'aimerais éviter de mourir de froid !
Ses bras lui faisait mal, et elle ne savait pas qui la laisserait tomber en premier : sa patience ou sa santé ?
Soudain, un cliquetis mécanique se fit entendre.
Quelqu'un était en train d'ouvrir.
La poignée argentée en forme de serpent s'abaissa lentement, et la lourde porte s'ouvrit, en faisant grincer ses gonds d'une façon sinistre.
– Ginny ?! Mais qu'est-ce que tu... Humf !
Ginny ne laissa pas à Harry le temps de finir sa phrase.
En le voyant, elle oublia tout.
Elle laissa tomber sa valise, et lui sauta au cou sans lui laisser le temps de comprendre.
Quatre mois.
Cela faisait quatre mois que Ginny n'avait pas vu (le vrai) Harry.
Et cela en faisait six qu'ils ne s'étaient pas embrassés.
Ginny avait bien l'intention de corriger le tir.
Le baiser qu'elle lui donna sembla durer une éternité (ce qui était proportionnelle au temps qu'elle avait passé sans lui, sachant que dans ce genre de situation, la notion de Temps était très relative).
On aurait dit que sa vie en dépendait, ou qu'elle s'entraîner pour un record de tendresse.
La neige sur ses vêtements commençait déjà à fondre, et il n'était pas certain que le chauffage du Hall d'Entrée y soit pour quelque chose…
Quelques instants plus tard (bien plus tard), Ginny stoppa son étreinte, et poussa un petit soupir de contentement.
Harry, l'air hagard, tentait de se rappeler ce qui se passait.
– Mais... Mais pourquoi es-tu... AÏE !
Ginny venait de le gifler.
Bien que faisant quasiment partie de la famille Weasley, Harry n'avait jamais eu à subir les foudres de la mère de Ginny.
Celle-ci s'empressa d'arranger ça.
– HARRY JAMES POTTER ! hurla-t-elle. SIX JOURS ! IL M'A FALLU SIX JOURS POUR REJOINDRE LONDRES ET ARRIVER JUSQU'ICI !
– Quoi ? Tu as quitté Poud...
– J' AI MARCHÉ PENDANT DES HEURES ! J'AI ENDURÉ LE FROID ! J'AI GLISSÉ SUR DES PLAQUES DE VERGLAS ! J'AI DEPENSÉ LES QUELQUES DEVISES MOLDUS QUE LES GENS DE L' ECOLE ONT BIEN VOULU ME LAISSER POUR DORMIR DANS DES HOTELS MITEUX !
– L'École est au courant ? Mais tu es...
– J' AI PRIS DES LIGNES DE BUS QUI NE MENAIENT NULLE PART ! J'AI SUIVI DES PLANS D'ANGLETERRE OBSOLÈTES ! J'AI FAILLI MOURIR D'HYPOTHERMIE EN TOMBANT DANS UNE FLAQUE D'EAU ! J'AI MÊME DÛ FAIRE DU STOP, POUR ME RETROUVER AVEC UN CAMIONNEUR QUI ME REGARDAIT D'UN DROLE D'OEIL !
– Hein ?! Mais tu vas...
– ET QUAND, ENFIN, J'ATTEINS LONDRES, ET QUE JE RETROUVE BON GRÉ MAL GRÉ CE QUARTIER MINABLE, QU'EST-CE QUE TU FAIS ?!
Harry reculait un petit peu plus à chaque seconde, ce qui ne faisait que conforter Ginny dans son action.
– TU ME LAISSES POIREAUTER DEHORS, PAR UN TEMPS PAREIL !
– Mais Ginny, je...
– ET TU SAIS POURQUOI J'AI FAIT TOUT ÇA ? TU SAIS POURQUOI JE SUIS ICI ?
Ginny sortit sa baguette.
– Ho, ho ! Du calme, du calme ! dit précipitamment Harry, qui était maintenant accolé au mur.
Ginny se tourna vers l'entrée, et pointa sa baguette vers sa valise, restée sur le perron.
La valise fut projetée vigoureusement vers l'intérieur, manquant de peu Harry.
Ginny ferma ensuite la porte, qui claqua dans un grand bruit.
– J'AI ATTENDU PENDANT CINQ ANS QUE TU ME REMARQUES ! reprit Ginny. J'AI ATTENDU PENDANT CINQ ANS QUE TU FASSES ATTENTION À MOI, ET QUE TU ME CONSIDERES COMME AUTRE CHOSE QU'UNE PETITE SOEUR D'ADOPTION !
Ginny avait toujours sa baguette à la main, la brandissant d'une manière menaçante.
– ET QUAND TU ME REVÉLES ENFIN TON AMOUR, QUAND ON COMMENCAIT ENFIN À ÊTRE HEUREUX ENSEMBLE, TU CROYAIS VRAIMENT POUVOIR TE DEBARRASER DE MOI AUSSI FACILEMENT ?
– J'ai déjà...
– NON MAIS POUR QUI TU ME PRENDS ?! TU CROYAIS QUE J'ALLAIS T'ATTENDRE GENTILLEMENT PENDANT JE-NE-SAIS-COMBIEN DE TEMPS ?
Ginny reprit sa respiration.
– ESPÈCE D'IDIOT !
Dire à Harry tout ce qu'elle avait sur le coeur (même si cela s'était fait avec une centaine de décibels de trop) la démangeait depuis déjà plusieurs jours.
Et cela lui avait fait du bien.
Une fois cette tâche accomplie, elle se calma d'elle-même, petit à petit.
Harry, lui, restait paralysé, attendant l'éventuelle reprise des hostilités.
Ginny enleva son bonnet, et le lui jeta au visage.
– J'ai fini, dit-elle avec un grand sourire.
– Tu es sûre ?
Pour seule réponse, Harry reçut une écharpe trempée en pleine figure.
– Bon, il est temps que je déballe mes affaires et que je m'installe, dit Ginny en enlevant son manteau.
– Quoi ?! s'exclama Harry.
Ginny posa négligemment son manteau sur la rampe d'escalier, et ensorcela sa lourde valise pour la faire léviter.
– Tu vas t'installer ici ?!
– Bien sûr, répondit Ginny. Tu crois que j'ai fait tout ce chemin uniquement pour venir te dire des politesses ?
Les marches du vieil escalier craquaient comme si elles allaient lâcher à tout moment.
– Oui, et bien déjà... Tu aurais pu prendre le Magicobus, quelque chose comme ça..., répliqua Harry.
– Ho ho ! Si tu savais le nombre de petits privilèges qu'on perd lorsqu'on se fait renvoyer ! dit Ginny, d'un ton dégagé.
Harry, qui la suivait d'aussi près que possible (c'est à dire à une distance qui l'empêcherait de se prendre un malencontreux coup de bagages dans l'oeil), s'arrêta net.
– "Renvoyer" ? demanda-t-il, d'un air incrédule.
Ginny se retourna et le regarda dans les yeux, avec un petit sourire qui aurait pu passer pour de la fierté.
– Oui. Renvoyer.
– Renvoyer ?!
– Mais ne t'inquiète pas pour ça, reprit Ginny, en continuant à gravir les marches. J'ai arrangé le coup avec McGonagall. Je suis renvoyée, mais elle a promis de ne pas prévenir Papa et Maman, ce qui n'est pas plus mal. Je suis donc ici incognito, d'un certain point de vue...
Elle atteignit le palier du premier étage, toujours talonnée par Harry.
Elle s'arrêta pour qu'il la rattrape.
– Bien évidemment, cet état de fait à quelques conséquences fâcheuses. Officiellement, je n'ai plus le droit d'utiliser la Magie, par exemple.
Harry la dévisagea, puis porta son regard sur la valise qui flottait tranquillement près de sa propriétaire.
Il leva un sourcil.
– Plus de Magie ? Vraiment ?
– Nous sommes dans une maison qui a été habitée par des sorciers pendant plusieurs décennies, mon petit chéri, dit Ginny, qui voyait parfaitement où il voulait en venir. Je doute que le Ministère la surveille encore. Je doute même que l'École les ait prévenu…
Les marches de l'escalier craquèrent une nouvelle fois, mais cette fois-ci en provenance du deuxième étage.
– Oh, salut Hermione ! dit Ginny.
Hermione était en train de descendre, tout en sirotant une canette de soda.
Ginny lui trouva une allure négligée. Mais étant donné qu'Hermione passait d' ordinaire 85 de son temps en uniforme, n' importe quelle tenue sortant du cadre scolaire (en l'occurrence, ici, un jean et un pull) lui aurait donnée une allure négligée.
Quand elle vit Ginny, Hermione ouvrit de grands yeux.
– Euh... Salut ?
Elle paraissait aussi étonnée que Harry.
Sauf que Harry n'avait pas eu le temps d'être étonné.
– Tu es arrivée quand ? demanda-t-elle.
– Y'a pas dix minutes, répondit Ginny.
– Oh. Cool !
– Hé ! s' exclama Harry, en lançant à Hermione un regard accusateur. C'est toi qui lui as conseillé de venir ?
– Innocente ! répondit Hermione, en continuant de boire son soda.
Elle descendit l'escalier et passa devant Harry.
– Débrouille-toi tout seul, sur ce coup-là, lui dit-elle avec un petit clin d'oeil. Ça te changera…
Et elle laissa Harry seul avec Ginny.
– C'est Dumbledore qui m'a dit de venir, dit celle-ci, en se dirigeant vers l'une des chambres du couloir. Enfin, pas le Dumbledore, celui qui est mort, seulement son portrait... Mais passons. Une histoire de Puissance de l'Amour, quelque chose comme ça...
– Ah oui, je vois le genre..., dit Harry.
Ginny s'arrêta devant la dernière porte du couloir et l'ouvrit.
– Parfait !
L'adjectif "parfait" n'était pas vraiment approprié pour cette pièce.
Le papier peint était en lambeaux, laissant apparaître des portions de murs fissurées. La grande fenêtre qui aurait dû donner sur l'extérieur était condamnée par des planches de bois rongées par les termites.
La décoration en elle-même était d'un mauvais goût plutôt extraordinaire.
Le grand lit qui trônait au milieu de la chambre était en ébène, sculpté de façon à représenter des créatures de cauchemars. Sur la gauche se trouvait une énorme penderie, qui touchait presque le haut plafond. Elle aussi était ouvragée, mais une des portes pendait dangereusement, et il manquait plusieurs tiroirs. Dans le coin se trouvait un bureau caché sous un tas de cartes et de vieux grimoires. Le large fauteuil en cuir qui l'accompagnait aurait pu paraître normal, si le dossier n'avait pas été percé de trous, et couvert de taches de sang séchées. De petits tableaux représentant des paysages campagnards avait été disposés un peu partout, sans doute pour égayer un peu l'endroit. Mais leurs couleurs jaunies par le temps ne faisaient que rendre la pièce encore plus sinistre.
La seule source de lumière provenait d'un chandelier en cristal, recouvert par un ou deux siècles de poussières.
Ginny entra, et annula le Sortilège de Lévitation de sa valise, qui s'écrasa sur le sol, faisant craquer le plancher par la même occasion.
– Ginny. C'est ma chambre, dit Harry.
– Ce n'est pas ça qui t'aurait dérangé, il n' y a pas si longtemps, répondit Ginny, avec un petit sourire en coin.
– Oh, mais c'est très fin, ça, vraiment..., répliqua Harry, d'un ton sarcastique.
– Mais si tu veux jouer les jeunes vierges effarouchées, mon petit chéri, il y a une solution...
Ginny pointa le grand lit du bout de sa baguette.
Separamente !
Le lit se divisa alors en deux parties distinctes, qui se repoussèrent comme deux aimants pour heurter avec fracas les parois de la pièce, en faisant tomber des pans de murs, en produisant des petits nuages de poussières, et en faisant tinter le chandelier de cristal.
Il y avait maintenant un lit à chaque extrémité de la chambre, séparés par une distance plus que morale.
Ginny se tourna vers Harry.
– Alors, heureux ?
Harry leva les yeux au ciel en soupirant.
Ginny était particulièrement amusée.
– Je n'arrive pas à croire que tu sois venue ! dit Harry. En plus, en faisant tout ce chemin toute seule !
– Ne t'inquiète pas. J'avais ma baguette, de toute façon, rétorqua Ginny. Et un vieux décret de 1490 qui...
– Mais, tu te rends compte ? Il aurait pu t'arriver n' importe quoi ! Il y a des Mangemorts qui traînent, là dehors. Des Détraqueurs, des loups-garous... Et ils sont de plus en plus nombreux ! Ce n'est vraiment pas le moment de jouer les fugitives !
– Harry, arrête d' exagé...
– Je n'exagère pas, Ginny !
Il avait élevé la voix en disant cela.
Ginny se tut.
– Tu ne comprends pas ? continua-t-il. Tu ne te rends pas compte ? Tu es complètement inconsciente...
Il commença à faire les cent pas.
– Ce n'est pas un jeu ! Ce n'est plus un entraînement, ce n'est plus de la théorie. C'est le monde réel ! Il y a des types qui traînent un peu partout et qui butent tout ce qui bouge ! On risque notre peau à chaque coin de rue ! C'est pour ça que je ne voulais pas que tu viennes !
– Mais, Ron et Hermione..., commença Ginny.
– Ron et Hermione, c'est différent ! la coupa Harry. Ils connaissaient les risques. Ils savaient tout ça. Et ils savent surtout ce qu'il faut faire et ce qu'il ne faut pas faire ! Ils n'agissent pas sur un coup de tête, et ne se jettent pas dans la gueule du loup pour rien ! Bon sang, Ginny... On était pourtant d' accord...
– "On" ? "On" ?!
Ginny n'en croyait pas ses oreilles.
Tu étais d' accord ! s'emporta-t-elle. Tu ne m'as pas vraiment laissé le choix, je te le rappelle. Tu m'as laissé toute seule du jour au lendemain !
– Et bien je pensais que tu avais vraiment compris pourquoi je faisais ça, répondit Harry. Que tu avais saisi l'ampleur du problème. Je pensais que tu savais l'enjeu que cela représentait. Je pensais que tu étais assez mâture pour l'accepter et pour comprendre mon choix !
Il la fusilla du regard.
Ginny baissa les yeux.
Après quelques instants de silence gêné, Ginny se rapprocha de Harry et reprit la parole.
– Harry. Je savais parfaitement pourquoi tu m'avais quitté. Je savais parfaitement les risques que je courais en restant avec toi. Je savais que c'était la meilleure solution.
Harry détourna le regard, l'air sceptique.
– J'étais prête. Prête à t'attendre. Prête à te laisser t'éloigner de moi, pour aller je-ne-sais-où. Bien qu'étant amoureuse de toi, j'étais prête à te laisser filer. Mais il y a eu un problème...
Ginny posa la main sur le visage de Harry, pour qu'il la regarde.
– Je n'ai pas pu. Je n'ai pas pu faire ça. J'avais sous-estimé mon amour pour toi. Je ne pouvais pas arrêter de penser à toi. Tu te rends compte ? Mes sentiments étaient plus forts que ma raison. Plus fort que tout.
– Tu ne devrais pas être là, dit Harry. C'est...
– Il faut que tu comprennes.
Ginny mit ses bras autour de son cou.
– Je ne suis pas venue pour te voir, dit-elle. Je suis venue parce que je t'aime.
– On ne devrait pas. C'est trop dangereux...
– Je sais. Mais je m'en moque.
Harry fronça les sourcils.
– Tu es irresponsable.
– Et toi, tu oublies quelque chose, rétorqua t-elle. Dans une vraie relation amoureuse, il y a trois choses qui se font à deux : le Début, l'Amour, et la Fin. Pour l'instant, nous n'en sommes qu'au commencement...
Ginny l'embrassa sur la joue, à l'endroit même où elle l'avait giflé, quelques minutes plus tôt.
– Et je ne veux pas que ça finisse.
Elle se serra contre lui, posant sa tête sur son épaule.
Harry mit ses bras autour d'elle.
– Oh, et une dernière chose, lui susurra t-elle au creux de l'oreille. La prochaine fois que tu voudras avoir l'air furieux... Évite de sourire bêtement.
Harry eu un petit rire.
– Bon. Apparemment, il est inutile de vouloir tenter de te raisonner..., soupira t-il.
– Hélas, c'est peine perdue, répondit Ginny.
Elle l'embrassa, puis le lâcha.
– Maintenant, sors d'ici, dit-elle. Il faut que je change de vêtements...
– Ce n'est pas ça qui t'aurais dérangée, il n'y a pas si longtemps, répliqua Harry, d'un ton amusé.
– Oh, va t'en, espèce de...
Harry se faufila hors de la chambre à reculons, et Ginny lui claqua la porte au nez.
– Espèce d'idiot, je sais, entendit-elle en provenance du couloir.
Tous deux pouffèrent de rire, chacun d'un côté de la porte.
Une fois que Harry se fut éloigné, Ginny s'élança sur le lit, en poussant un cri de joie.
Elle ne pouvait pas y croire.
Après tout ce temps, c'était enfin arrivé : elle était avec Harry.
Elle avait l'impression de goûter à une tranche de bonheur à l'état pur.
C'était comme un Sortilège d' Allégresse mal dosé, mais en plus puissant.
Allongée sur le lit, elle regarda autour d'elle.
Ce n'était pas tout à fait comme elle l'avait rêvé, bien sûr. Mais dans un sens, c'était mieux.
Car là, ce n'était pas un rêve...
Ginny resta dans cette position un long moment, en ne faisant rien d'autre que de repenser à ce qui venait de se passer.

Était-ce la fatigue du voyage ou le flot d'émotions qui était venu à bout de son énergie ?
Il était impossible de le savoir.
Mais pour la première fois depuis longtemps, Ginny s'endormait le coeur léger...