Chapitre 9 : Le nouveau Gardien

Cela faisait à peine un mois que Harry, Ron et Hermione s'étaient installés chez Sirius Black.
Et cela fait maintenant trois semaines que Ginny est arrivée.
La vie s'est réorganisée dans la grande maison.
Comme quoi, les changements peuvent parfois être les bienvenues...

– Tu as déjà pensé à avoir les cheveux plus courts ?
– Dis-le tout de suite si tu en as marre de me coiffer…
Tous deux assis sur le bord d'un des lits de la chambre, Ginny tournait le dos à Harry, qui lui brossait les cheveux en douceur.
– Non, ce n'est pas ça, répondit-il. C'est juste que... Je crois que ça t'irait bien. En tout cas, ça me plairait...
– Oh, et ben... Je n'en sais rien. J'ai toujours eu les cheveux longs, tu sais…
Harry s'y prenait comme un manche. De peur de lui faire mal, il allait très lentement, et cela prenait des heures.
Et Ginny adorait ça.
Se faire caresser les cheveux par Harry était un de ces petits plaisirs quotidiens dont on ne se lasse jamais.
– Et des tresses ? reprit Harry.
– Trop gamine, rétorqua Ginny.
– Des couettes ?
– Trop ridicule.
– Hum...
Tout en réfléchissant, Harry continuait de lui brosser les cheveux.
Jusqu'à présent, il ne s'était jamais plaint d'avoir à faire ça presque chaque matin. Il devait encore avoir l'arrivée de Ginny en tête…
– Je sais, dit-il.
Il ramena les cheveux de Ginny en arrière.
– On n'a qu'à les attacher, ou alors faire une natte.
L'idée n'était pas mauvaise.
– D'accord, répondit Ginny. Il doit y avoir un ruban qui traîne dans ma valise...
– J'y vais. Ne bouge pas.
Depuis son arrivée, Ginny n'avait pas encore déballé ses affaires, faute de temps.
Sa valise était donc "rangée" au pied du lit, grande ouverte, laissant entrevoir jupes, robes et autres sous-vêtements en pagaille.
Harry ne se fit pas prier pour aller fouiller là-dedans...
– Alors, tu trouves ? demanda Ginny.
– Deux secondes. C'est juste que... Woah.
Ginny tourna la tête.
– Si tu veux fantasmer sur mes soutiens-gorge, attend au moins que je les p... Oh.
Harry, à genoux devant la valise, tenait dans la main, non pas la lingerie de Ginny, mais une rose.
Une Rose Bleue.
Une couleur qui s'accordait mal avec la teinte que chacun de leurs visages avaient prise.
– Donc, tu l'as... Tu l'as gardé…, constata Harry.
– Oui, c'est...
Ginny se souvenait de cette soirée comme si c'était hier.
– C'était le dernier souvenir que j'avais de toi, alors...
Elle savait qu'elle n'aurait pas du être gênée à ce point.
Après tout, de l'eau était passée sous les ponts, depuis le temps.
Mais cette Rose représentait quelque chose de très important pour Ginny : une promesse d'Amour à long terme.
– J'y ai fait très attention, dit-elle.
– Oui, je... Je vois ça.
Harry se releva et se rassit auprès de Ginny, la Rose à la main.
Il paraissait tout aussi troublé qu'elle.
– Et tu... Tu te rappelle ce que je t'ai dit ce soir là ? lui demanda t-il, d'une voix mal assurée.
Ginny rougit encore plus.
– Oui. Et toi, tu le penses encore ?
– Oui, répondit Harry précipitamment.
Un silence gêné s'installa, bientôt brisé par Harry.
– En tout cas, elle est en bon état, dit-il, pour dissiper ce moment de flottement. C'est le professeur Chourave qui t'a…?
– Non, c'est parce que c'est une Fleur Éternelle, répondit Ginny.
– Une Fleur Éternelle ?
– Oui. Elles ne fanent pas, elles ne s'abîment pas, elles sont quasi-éternelles. Celle-ci, par exemple, doit avoir une bonne soixantaine d'années...
– C'est pour ça que vous avez eu du mal à en trouver pour Fleur ?
– Elles sont cultivées par des sorciers parfumeurs du Sud de la France, ou quelque chose comme ça.
Harry leva la Rose à mi-hauteur et tous deux la sentir à tour de rôle.
– C'est vrai. Elle n'a rien perdu de son parfum, dit Harry.
En relevant la tête, leurs regards se croisèrent.
– Mais... Je crois que je préfère le ti... Ouch !
Harry lâcha la Rose : avec le temps, les épines avaient repoussé, et il venait de se piquer malencontreusement.
Ginny pu voir une petite goutte de sang se former au bout de son doigt.
Harry s'apprêtait à le porter à la bouche.
– Attends…, dit Ginny.
Elle prit délicatement la main de Harry, et mit le doigt dans sa bouche, passant la langue à son extrémité, pour que le sang arrête de couler.
Harry était plus rouge que jamais.
– Hum... Si on y réfléchit bien, c'est ma faute, murmura Ginny avec un sourire en coin. Si je n'étais pas venue avec la Rose, tu ne te serais pas piqué…
– Oui, tu n'as pas tort...
Harry souriait, lui aussi.
– Alors..., continua Ginny, d'une voix douce.
Elle se rapprocha de lui.
– Il faut bien que je me fasse pardonner...
Elle commença à déboutonner son chemisier.
– Oh, mais tu sais, je suis très rancunier..., répliqua Harry, qui avait compris où elle voulait en venir.
Harry découvrit l'épaule de Ginny en faisant glisser le chemisier, qu'elle continuait à déboutonner. Puis, il la prit par la taille, l'embrassa langoureusement, et la...
Hem hem.
Ginny fit volte-face, furieuse.
– Ron, commença Harry. Il y a trois étages, douze chambres, quatre salons, deux salles de bains et une cuisine dans cette maison. N'essaye pas de me faire croire que tu es ici par hasard...
– C'est Hermione, répondit Ron en leur lançant un regard noir. Elle nous réclame dans le Grand Salon.
– C'est si urgent que ça ? demanda Ginny, frustrée.
– Dans le Grand Salon du rez-de-chaussée.
Harry et Ginny levèrent les yeux au ciel et soupirèrent, agacés.
– Bon, d' accord, dit Harry en quittant la pièce, pendant que Ginny se rhabillait.
Quand elle se leva, elle vit que Ron était en train de l'attendre devant la porte.
– Quoi ? dit-elle, d'un ton sec.
– Tu devrais avoir honte, répondit Ron.
– Honte de quoi ?
Ron marcha à côté d'elle, en direction de l'escalier.
– Tu sais très bien de quoi je parle.
– Oh, Ron, je t'en pris... On en a déjà parlé une centaine de fois...
– Tu... Tu ne devrais pas faire ça.
– Tu ne sais même pas se qu'on fait...
– Et je ne veux pas le savoir.
– Par exemple, l'autre jour, j'étais allongée, et Harry m'a...
– JE NE VEUX PAS LE SAVOIR !
Arrivés au bout du couloir, ils commencèrent à descendre l'escalier.
– Ron, ce que tu peux être puéril ! dit Ginny, exaspérée.
– Si Maman savait tout ça, tu passerais un sale quart d'heure ! rétorqua Ron
– Elle n'en saura rien…
– Elle sait toujours tout ! Non seulement tu as quitté l'école, mais en plus, c'est pour rejoindre Harry et puis...
– Et toi, alors ? Et Fred ? Et George ?
– Oui, mais toi, tu n'es pas majeure ! Toute cette histoire va nous retomber dessus. Et sur Harry aussi ! Elle t'empêchera de le revoir !
Ginny en avait assez d'entendre Ron jouer les oiseaux de mauvais augures.
Cela faisait trois semaines qu'il lui prédisait les pires choses.
C'était comme ça depuis son arrivée au 12, Grimmault Place.
Heureusement, Ron avait hérité des tâches ménagères et des commissions, ce qui l'empêchait de la sermonner à longueur de journée, puisqu'il était trop occupé à cuisiner ou à sortir faire les courses.
– Ron, le Temps, les profs, l'Institution scolaire, le règlement, et les kilomètres ne m'ont pas empêché de revoir Harry, alors ce n'est pas Maman qui y arrivera…
– Ne la sous-estime pas !
Ils atteignirent le Hall d'Entrée et se dirigèrent vers le Grand Salon.
– Tu es trop jeune pour... Pour ça !
– Mais Ron, il n'y a pas d'âge pour s'aimer, dit Ginny en tapotant l'épaule de son frère.
– Mais Ginny... Ginny !
Elle ne l'écoutait plus.
Ginny détestait être culpabilisée de cette manière.
Personne n'avait le droit de l'empêcher de faire ce qu'elle voulait avec Harry. Ce n'était plus une enfant qu'on bordait le soir en chantant une berceuse, et qui devait obéir et prendre en compte toutes les recommandations.
Elle était maintenant indépendante, et capable d'assumer ses actes.
Et puis de toute façon, il était trop tard. Le mal était fait.

Est-ce que Ron le savait ? C'était quasiment certain.
Quand Ginny repensait à cette soirée, ce n'était pas avec nostalgie. Du moins, pas encore...

Rien n'avait été prévu.
Faire ça aurait voulu dire reproduire ce qu'elle avait vu dans le Miroir, à Poudlard, quand ses pulsions prirent le pas sur ses sentiments sincères.
Tout était arrivé naturellement, petit à petit, au fur et à mesure des caresses et des baisers. Pris dans une spirale incontrôlable, Harry et elle en été venu à... S'aimer.
Les sentiments de Ginny étaient partagés et multiples, et l'empêchaient de classer ce moment dans la catégorie "bon souvenir".
D'abord, le bonheur, le plaisir, la tendresse.
Puis vient l'appréhension, la peur.
La souffrance, les frissons.
Une sensation de froid.
Suivi de la prise de conscience, de l'inquiétude, et même du dégoût.
Non.
Quel que soit le cas, une Mort n'est pas un "bon souvenir"…
Ginny aurait aimé pouvoir en parler avec quelqu'un, avant d'être mise devant le fait établi. Sa mère, l'infirmière de l'école, n'importe qui.
Mais personne ne lui avait rien dit. Elle n'était pas préparée à ça.
C'est pour ça qu'après coup, un horrible sentiment s'immisça en elle. Un sentiment qu'elle ne s'était pas imaginée ressentir en cette occasion : de la honte.
L'impression d'avoir été trop loin, d'avoir fait quelque chose de mal.
Ginny pensait ne plus pouvoir regarder Harry en face, après ça. Comme si ce court instant, cette blessure, allait gâcher la beauté et la pureté de leur relation à jamais.
À la fois triste et écoeurée, elle s'était mise à pleurer.
Qu'allait-il penser d'elle, maintenant ?
Heureusement, Harry se comporta le plus merveilleusement du monde. Ça aussi, Ginny s'en rappelait parfaitement.
Jamais il ne s'était montré aussi attentionné.
Voyant Ginny trembler, il la prit dans ses bras.
Il sécha ses larmes. La consola. La rassura.
Il lui dit que ce n'était pas grave. Qu'il était là. Qu'il l'aimait.
Harry ne laissa pas à Ginny le temps d'être seule dans ses pensées.
Il ne savait peut-être pas ce qu'elle ressentait, mais il la comprenait. Car même si c'était dans une autre mesure, pour lui aussi, ce n'était que la première fois.
Toute la nuit, il lui parla doucement, et dissipa ses doutes. Il ne fallait pas que Ginny ait peur de l'Amour.
Et cela marcha.
Ginny finit par s'endormir, la tête posée contre la poitrine de Harry, bercée par les battements de son coeur.
Ce soir-là, Harry remplissait tous les critères de l' Homme Parfait : ami, amant, confident.
Et ça, c'était un "bon souvenir"…
Depuis, même si quelques incertitudes existaient encore, les choses n'étaient plus les même pour Harry et Ginny.
Une nouvelle dimension de l'Amour leur était accessible. Comme un voyage privé à la découverte de leurs corps. Une expédition sans autre guide qu'eux-mêmes. Une quête charnelle dont on aurait passé le seul obstacle, laissant apparaître un champ infini de possibilité et de plaisirs.
Ginny avait bien l'intention de profiter de tout cela.
Même si, officiellement, ce n'était qu'une enfant, officieusement, c'était maintenant une femme.
Et rien n'avait pu l'empêcher de le devenir...

Ginny entra dans le Grand Salon.
Il était à l'image de la maison : lugubre et de mauvais goût.
Trois grands canapés aux coussins mangés par les mites étaient disposés en cercle autour de l'antre de la cheminée, à moitié détruite (apparemment par un Sortilège fort peu Pardonnable), au-dessus de laquelle étaient accrochées verticalement quatre grandes épées rouillées. De vieilles tapisseries moyenâgeuses étaient suspendues aux murs, représentant des Trolls en armures, commandés par des sorciers aux regards durs, qui écrasaient une armée de Gobelins baveurs. Il y avait aussi des étagères pleines de livres de Magie plus ou moins Noire, et dans le coin droit, il y avait une grosse mappemonde à la peinture écaillée.
Harry était déjà assis dans un des canapés.
Ginny s'installa près de lui, tandis que Ron alla s'asseoir à l'extrême opposé, comme pour les surveiller de loin.
Ils entendirent alors Hermione descendre les marches de l'escalier quatre à quatre, puis ils la virent entrer en trombes dans la pièce, les bras chargés par de grands parchemins, quelques livres, et Pattenrond, qui ne semblait pas apprécier d'être ballotter de cette façon.
– Mademoiselle, Messieurs, je vous demande vos applaudissements, dit-elle, d'un ton enjoué.
Harry, Ron et Ginny applaudirent.
– Merci, merci, je ne le mérite pas...
Elle jeta tout son fourbi sur le dernier canapé (Pattenrond réussissant de justesse à retomber lourdement sur ses pattes) et s'affala, avec un bruit de vieux ressorts.
– Euh... Au fait, dit Harry. Pourquoi on applaudit ?
– Pour célébrer mon travail et ma réussite, après plusieurs jours de labeur et des nuits toutes aussi laborieuses...
Hermione n'avait pas été très présente, ces derniers temps.
Et même si elle paraissait de bonne humeur, la fatigue se lisait sur son visage.
Hermione avait élu domicile au troisième étage de la Maison, à deux pas de la vieille Bibliothèque des Black. Elle avait aussi aménagé une des chambres en petit laboratoire de Sorcellerie, trop contente de pouvoir enfin faire les choses par elle-même, sans être guider par un livre d'école (une faculté qu'elle enviait jusqu'alors à Fred et George).
Potions, mixtures, incantations en tout genre...
Après plusieurs semaines d'une vie nomade avec Harry et Ron, elle avait enfin pu appliquer les théories qu'elle avait imaginées. Et si bien sûr, cela pouvait leur être utile, que demander de plus ?
– Je m'explique, commença t-elle. Cette maison est réputée comme vide. Nous même, nous ne sommes pas censés être là. Personne n'est censé savoir que nous séjournons ici. Du moins, c'est ce que je croyais. Mais quand Ginny est arrivée, j'ai compris que nous courrions des risques...
– Oui, dit Ginny. Harry, il faut que tu le saches : je suis l'ennemi public numéro 1.
– Ce n'est pas grave, Princesse, répondit Harry. J'ai toujours aimé vivre dangereusement…
– Il n'est pas question de ça, reprit Hermione. Il est question que si Ginny a su nous retrouver, pourquoi pas quelqu'un d'autre ?
Elle n'avait pas tort, même si à première vue, c'était plus de la paranoïa qu'autre chose.
Tout le monde croyait la vieille Maison des Black inhabitée. Et depuis son démantèlement, le vieux QG de l'Ordre du Phénix n'intéressait plus grand monde…
– Le but est donc de nous protéger d'éventuelles attaques, en continuant de faire de cette cachette une cachette.
– Mais, et le Sortilège de Fidelitas, alors ? intervint Ron. Le Gardien du Secret, et tout ça ? Ça ne cache pas la Maison ?
– Non, dit Harry. Plus maintenant. Dumbledore est mort, le Charme a été rompu. Si Ginny a pu trouver cette vieille bicoque...
– C'est parce que je la voyais, pas parce que je savais, termina Ginny.
– Précisément, dit Hermione. Je ne m'inquiète pas pour les Moldus, bien évidemment, mais avouez que la situation est, par les temps qui courent, relativement périlleuse.
– Et tu proposes quoi, alors ? demanda Ron. Qu'on déménage ?
– Je ne propose rien, Ron. Je présente, répliqua Hermione, avec un sourire malicieux.
– Hein ?
D'un geste théâtrale, elle se leva, pointa de sa baguette les parchemins qu'elle avait apportés et les déroula dans les airs, comme des affichettes volantes.
On pouvait y lire des mots latinisés, des calculs, des formules, le tout parsemé de ratures et de taches d'encre.
– Comme dit le proverbe, c'est dans les vieux Chaudrons qu'on fait les meilleures Potions... Partant de ce principe archaïque mais néanmoins éprouvé, j'en ai conclu que le Sortilège du Gardien du Secret était la meilleure solution pour préserver un foyer...
Ginny vit Harry serrer le poing.
Elle savait à quoi il pensait.
Elle lui prit la main.
– Cependant, un problème se posa, continua Hermione. Ce charme n'est abordé qu'au cours de la septième année d'Études de Magie, une année qui, je vous le rappelle, nous est étrangère...
Un soupçon de regret perça dans sa voix en disant cela.
– Ben... Il n'y a qu'à trouver un vieux manuel de Sortilèges, l'interrompit Ron.
– Idée simpliste, mais efficace, je te l'accorde. Hélas, aucun livre scolaire n'en vient à expliquer en détails le charme... Mais j'ai trouvé le moyen d'y remédier grâce à ceci.
Elle envoûta un des vieux grimoires qu'elle avait ramené et le fit passer devant Harry, Ron et Ginny.
La couverture usée était en cuir rougeâtre, et Ginny pu lire le titre, inscrit en lettres dorées : Recueil de Conseils pour la Protection, la Dissimulation et la Discrétion des Sorciers vis-à-vis des Autres.
Hermione récupéra le livre.
– Cet ouvrage a le mérite de décrire dans les moindres détails le Sortilège de Fidelitas. Ce qui m'évita des recherches infructueuses dans mille et un de ses congénères.
– Tu parles d'un coup de chance ! s'exclama Ron.
– La Chance n'a rien à voir là-dedans. Comme vous le savez, ce livre a été distribué aux Grandes Familles de Sorciers de 1678 à 1856, en vertu du Traité Ministériel sur le Maintien du Secret Magique...
Harry et Ginny se regardèrent, et haussèrent les épaules.
– Comme vous auriez dû le savoir, en tout cas, rectifia Hermione.
– Hé ! s'indigna Ron. On n'a pas eu ce bouquin, nous !
– Les Weasley ne sont plus une Grande Famille de Sorciers depuis longtemps, je te le rappelle, dit Ginny. Et qu'est-ce que tu voudrais qu'on cache ? Les patchworks de Maman ?
Ron fit la moue.
– Quoiqu'il en soit, reprit Hermione, j'ai l'honneur de vous annoncer que le Charme du Gardien du Secret est actif depuis ce matin, 5 heures.
Harry et Ginny ouvrirent de grands yeux.
Ron se redressa.
– Ah ouais ?
– Oui.
– Wow, dit Harry.
– Je prends ça comme un compliment.
– C'en est un.
Hermione paraissait particulièrement fière.
Il y avait de quoi.
Seuls des sorciers confirmés avaient jusqu'à présent réussi ce sort.
Rien qu'à voir les équations griffonnés sur les grands morceaux de parchemins, Ginny en avait mal à la tête (mais la fine écriture d'Hermione y était peut-être pour quelque chose).
C'était un de ces vieux sorts compliqués qui vous faisait regretter de ne pas être un Moldu…
– C'est bizarre, je n'ai rien senti, dit Ginny.
– C'est bien la première fois, dit Harry à voix basse.
Ginny lui donna un coup de coude.
– Le Sort que j'ai mis en place ne porte pas sur nous, mais sur la Maison, expliqua Hermione. Mais seul le Gardien du Secret sera en mesure de révéler son existence. Les autres, bien qu'ils sachent où elle se situe, ne pourront rien dire.
À la manière d'un professeur qui range ses affaires avant de quitter la classe, Hermione enroula tous ses parchemins. Elle posa le Recueil de Conseils pour la Protection, la Dissimulation et la Discrétion des Sorciers vis-à-vis des Autres sur le canapé, et se rassit.
Apparemment, elle avait fini son exposé.
– Et... Qui est le Gardien ? demanda Ron.
Hermione eut un petit rire sournois qui lui donna un air de Génie du Mal.
– C'est là que réside l'astuce. J'ai choisi quelqu'un de confiance. Quelqu'un de sincère. Quelqu'un dont je sais qu'il ne parlera jamais...
Harry, Ron et Ginny se regardèrent les uns les autres.
– Allez. Viens ici, mon minou...
Hermione donna une petite tape sur le canapé, et Pattenrond lui sauta sur les genoux. Elle le prit dans ses bras, et le fixa droit dans les yeux.
– Alors, mon gros pépère, tu as bien dormi ? C'est mon gros chaton à moi, ça !
Ginny ne comprenait qu'une chose : l'épuisement rendait Hermione gâteuse.
– Non..., dit Harry. Je le crois pas...
– Et si, acquiesça Hermione.
Harry pouffa de rire.
– Tu es... Complètement folle.
Ginny venait de saisir.
La seule personne dans la maison qu'Hermione appréciait et qui en même temps ne risquait sûrement pas de trahir le Secret en le disant, c'était son chat.
En effet, Ginny imaginait mal des Mangemorts torturer Pattenrond pour lui faire cracher le morceau.
C'était génial.
– Bien sûr, je vous passe les détails sur la modification, l'adaptation du sort au monde animal, les essais manqués, et tous ces trucs rébarbatifs au possible…, ajouta Hermione.
Il valait mieux, oui.
– Donc, si je comprends bien…, dit Ron, l'air perplexe. Notre sécurité est entre les griffes de cette vieille touffe de poils ?
– Ron, tu pourrais montrer un peu plus de respect envers notre sauveur, rétorqua Hermione, en caressant Pattenrond.
– Mais c'est carrément dingue ! On ne confie pas une telle responsabilité à un chat !
– Tu avoueras quand même que c'est une très bonne idée, intervint Ginny.
– Il n'en ait même pas conscient ! Il... Il ne fait que manger et dormir ! Il passe son temps à flemmarder à la maison, en laissant des poils partout dans les draps !
– De toute façon, tu n'as jamais aimé Pattenrond. Hein, mon matou ? dit Hermione, en grattant le menton du dit matou.
– Il n'est pas question de ça, c'est... C'est juste que... Oh, et merde !
Ron abandonna prématurément la partie, voyant une absence totale de soutien envers lui.
À part pour servir de chauffe-lit, Ginny n'avait jamais vu le chat d' Hermione comme quelque chose d'utile.
C'était maintenant chose faite.
Grâce à lui, ils allaient pouvoir rester tranquillement ici, sans risquer de voir débarquer quelqu'un d'indésirable.
En l'occurrence...
– Tu t'en es bien sortie, sur ce coup-là, dit Ron à Ginny, avec un regard accusateur.
– À quoi fait-tu allusion, frère adoré ? répondit Ginny d'une voix qui aurait dû être innocente.
– Oh, ne joue pas à ça avec moi. Je te connais ! Ça ce voit à ton petit sourire. Tu te dis que Maman ne pourra plus venir t'empêcher de faire quoi que ce soit, maintenant !
– Mais pas du tout !
C'était complètement faux.
Voir s'évaporer la menace que représentait sa mère était la première chose à laquelle Ginny avait pensé.
À sa décharge, il faut dire que Ron l'avait harcelé assez souvent pour lui marquer l'esprit beaucoup plus qu'une bande de Mages Noirs psychopathes.
Ron ne brandirait dorénavant plus cette Epée de Damoclès parentale à chaque fois qu'il jugerait sa conduite comme immorale et déviante.
Peut-être même qu'il laisserait tomber !
– Ne crois pas t'en sortir aussi facilement, en tout cas, reprit Ron, en la pointant du doigt.
Et non.
– Cette situation est temporaire. Bientôt, il faudra que tu assumes tes actes.
Têtu comme une mule…
– Quels actes ? rétorqua Ginny.
– Tes... Tes actes.
– Vous parlez de quoi ? intervint Harry.
– De sexe.
– DE RIEN ! répliqua Ron, qui ne put couper la parole à sa sœur à temps. Surtout que toi aussi, tu es fautif !
– Ça y est, ça va encore être de ma faute...
– Il recommence encore ? demanda Hermione, en baillant.
– Peuh ! Il ne s'est jamais arrêté..., dit Ginny, d'un ton affligé.
– Parfaitement ! C'est à cause de Harry que Ginny a quitté l'École. Maman s'en fiche de l'Amour et de tous ces trucs. Quand elle saura ce qui se passe, Harry aussi va en prendre pour son grade !
– Oh, mais non, voyons, répliqua Ginny en prenant Harry par le bras. Elle n'osera jamais toucher à son futur beau-fils.
La réaction de Ron ne se fit pas attendre.
– Son futur beau-quoi ?! s'exclama-t-il.
– Ouh la…, laissa échapper Harry.
Hermione émit un sifflement et se rapprocha, comme pour mieux profiter du spectacle.
– Harry, est-ce que c'est vrai ? demanda-t-elle, surexcitée.
– Ben, à vrai dire...
– Pourquoi pas, après tout ? le coupa Ginny, tout en gardant un oeil sur Ron. Nous nous aimons tellement !
Elle serra Harry comme une gamine son ours en peluche.
– Ce serait fantastique ! s'exclama Hermione.
Il était clair qu'elle voyait où Ginny voulait en venir.
Et elle jouait le jeu à merveilles.
– ATTENDEZ, ATTENDEZ ! s'écria Ron, paniqué. C'est quoi, cette histoire ? Harry ! Ne me dis pas que tu...
– En fait, je...
Le pauvre Harry, entouré de Ginny et Hermione, se laissait malmener sans rien comprendre.
– Bien sûr, rien n'est officiel, dit Ginny, trop heureuse d'inquiéter son frère. Mais tout devrait être prêt pour le printemps !
– Oh, oui ! renchérit Hermione. Une cérémonie sous les premières fleurs des arbres ! La brise légère ! Le Soleil ! C'est si romantique !
– Mais, vous ne pouvez pas ! Vous êtes...
– Oh Ginny ! Je suis si contente pour vous deux !
– Merci ! Je crois qu'on devrait envoyer les faire-part de mariage dès demain.
– Le plus tôt sera le mieux. Ensuite, on s'occupera de la robe !
– Euh... Les filles..., tenta Harry en levant timidement l'index.
Mais elles ne firent pas attention. Du moins, elles firent semblant de l'ignorer, comme elles le faisaient avec Ron.
– La... La robe ? balbutia celui-ci. De mariée ?!
Il paraissait dépassé par les événements.
C'était tout à fait ce que Ginny souhaitait.
– Bien entendu ! répondit-elle. Je veux une longue traîne et un grand décolleté !
– Avec de la dentelle ? demanda Hermione.
– Absolument ! Ça met les seins en valeur. N'est-ce pas, mon petit chéri ?
Ginny bomba la poitrine en avant en disant cela.
Harry fit tout son possible pour détourner le regard, sous l'oeil indigné de Ron.
– NON ! Je ne... Je ne vous laisserai pas faire ! Vous êtes bien trop jeune ! Même Bill et Fleur ont eu du mal et...
– Est-ce que le poste de Demoiselle d' Honneur est déjà pris ? demanda Hermione, toujours en pleine représentation.
– Hélas, oui, répondit Ginny, l'air désolé. Mais tu peux être mon témoin, si tu veux !
– Cool ! J'adore remplir des papiers !
– Mais, ce n'est pas possible ! Vous ne pouvez pas vous marier !
Ron devait penser vivre un cauchemar éveillé, ou quelque chose dans le genre.
– Par contre, il va falloir qu'on pense à la Lune de miel, dit Ginny pour enfoncer le clou. Harry, porte-jarretelles ou petite culotte en soie ?
Harry, le visage dans les mains, déclinait toute responsabilité pour la scène à laquelle assistait Ron.
Hermione, heureuse de pouvoir continuer encore un peu, répondit à sa place.
– Les bas résilles, ça fait vulgaire. Mais la petite culotte... Hum... C'est sexe !
– J'adore ce mariage ! s'exclama Ginny.
– Moi aussi !
– STOP !
Ron se leva d'un bond.
Hermione et Ginny se tournèrent vers lui.
Harry préféra ne pas faire un geste.
– VOUS DEVRIEZ AVOIR HONTE ! VOUS POUVEZ ÊTRE SÛR QUE CE MARIAGE N'AURA PAS LIEU ! SI VOUS CROYEZ QUE CE GENRE DE CHOSE SE DÉCIDE À LA VA-VITE, VOUS VOUS TROMPEZ ! ON VOUS EN EMPÊCHERA ! ON VOUS SÉPARERA, S'IL LE FAUT !
Hermione sauta du canapé, et leva le poing au ciel.
– NON, RO-ÔN ! Personne ne s'opposera à leur Am-Oûr ! dit-elle en sur jouant horriblement.
La supercherie prit fin suite à cette magnifique interprétation : Ron comprit enfin qu'on se payait sa tête.
Il en avait mis du temps...

– Ce n'est pas drôle ! s'emporta-t-il. Je... Je suis sérieux. Vous prenez ça à la rigolade, mais vous verrez... Vous serrez bien forcés de rentrer un jour à la maison, de toute manière.
– Pas forcément, répliqua Ginny en haussant les épaules. On pourrait parfaitement mener une vie d'exilés, voyageant au gré de nos envies, cheveux au vent, et le regard fier, pointant l'horizon bleu. N'est-ce pas, Harry ?
– J'aime bien aller au Terrier, moi, répondit-il.
– Moi aussi, acquiesça Hermione. Quand votre mère reniera Ginny et maudira Harry jusqu'à la quatorzième génération, j'aurais le droit de revenir quand même, moi ?
– OK. Si vous voulez jouer à ça, très bien..., dit Ron.
Il pointa Harry et Ginny du doigt.
– Maman n'est pas là, mais moi, je suis là. Et je vous empêcherais de faire n'importe quoi.
– "N'importe quoi" ? répondit Ginny. Comme ça, par exemple ?
Elle attrapa Harry par le col et l'embrassa fougueusement, sans prévenir.
C'était un de ces longs baisers dont elle devenait de plus en plus experte avec le temps.
Hermione ouvrit de grands yeux, à la limite de l'admiration.
Ron, qui tenta d'abord de feindre l'indifférence, ne put bientôt plus supporter la scène et sortit du Grand Salon, en vociférant.
Ginny ne lâcha Harry que plusieurs secondes après le départ de son frère (pourquoi se priver ?).
Tous deux purent ainsi reprendre leur souffle, sous le regard amusé d'Hermione.
– Alors, ça fait quel effet d'être un Homme Objet ? demanda-t-elle.
– J'ai connu pire, répondit Harry, qui s'en remettait à peine.

Peu de temps après, Hermione, épuisée, partit se coucher pour un repos bien mérité.
Harry et Ginny restèrent seuls dans le Grand Salon, avec Pattenrond.
– Ron n'a pas tort, dit Ginny en tenant le chat à bout de bras. Ça fait bizarre de se dire que notre protection est sous la responsabilité de ce vieux sac à puces.
Pattenrond ne sembla pas apprécier l'expression "sac à puces".
Ginny le posa sur ses genoux, pour éviter de se prendre un coup de patte dans l'oeil.
– Tu approuves Ron, toi, maintenant ? rétorqua Harry.
Cela avait échappé à Ginny. Elle avait oublié qu'elle en voulait beaucoup à Ron.
Elle détourna le regard et croisa les bras.
– Non. Il est bête et agaçant et je l'aime plus, d'abord...
Harry pouffa de rire.
– Vous êtes pire que des gosses, tous les deux !
– Je n'ai pas besoin de ses conseils sur ma vie privée ! Ça ne le regarde pas...
Ginny avait déjà eu du mal à surmonter elle-même cette expérience.
Se voir pointer du doigt par toute sa famille ne lui aurait été que plus pénible.
Harry mit son bras autour d'elle.
Instinctivement, Ginny se pencha vers lui et mit la tête sur son épaule.
– Tu n'aurais pas dû jouer avec ses nerfs en lui parlant de cette histoire de mariage.
– C'était bien fait pour lui.
– Écoute, Princesse...
Ginny adorait quand Harry l'appelait "Princesse".
Et Harry le savait.
– C'est normal qu'il s'inquiète pour toi, non ? C'est ton frère. Il n'a pas envie qu'il t'arrive quelque chose de grave.
– Mais j'en ai assez qu'il me traite comme une enfant. Je suis une femme !
Tiens.
Dis comme ça, ça sonnait un peu faux…
– Tu es aussi sa petite sœur, dit Harry. Et ça, ça ne changeras jamais. Ce sera toujours lui le plus âgé, et il considérera toujours que tu es trop jeune. C'est une réaction basique de grand frère. Il ne veut pas que tu fasses de bêtises... Réfléchis. A-t-il jamais fait quelque chose qui n'était pas dans ton intérêt ?
Ginny ne répondit pas tout de suite. Elle essaya de se rappeler l'attitude de Ron envers elle, ces seize dernières années.

Étant la petite dernière, elle avait usurpé le rôle de cadet à Ron.
Même si celui-ci n'avait qu'un an à l'époque, elle savait qu'en grandissant, un léger sentiment de jalousie s'était développé chez lui. Il n'était pas le plus sportif, ni le plus beau, ni le plus intelligent, ni Fred et George, et il n'était pas le plus jeune non plus. De plus, avec si peu de différence d'âge, Ginny et Ron avaient quasiment été élevés ensemble, ce qui aurait pu accentuer un esprit de compétition qui aurait fait d'eux les pires ennemis apparentés du Monde.
Pourtant, aussi loin qu'elle pouvait se souvenir, Ron avait toujours était gentil avec elle.
Quand sa mère était trop occupée avec Fred et George pour l'empêcher d'aller sortir jouer sous la pluie, c'était Ron qui lui rappelait de mettre ses bottes. Quand elle avait perdu son doudou, c'est Ron qui lui avait prêté le sien pour qu'elle s'arrête de pleurer. Quand elle avait voulu prendre la baguette magique de Charlie pour faire apparaître un petit chiot, c'était Ron qui avait fait le guet. Quand elle s'écorchait les genoux, c'était Ron qui lui apportait un chocolat chaud pour la consoler. Quand son père était trop fatigué pour lui raconter une histoire le soir, c'était Ron qui le faisait (avec beaucoup de difficulté). Quand il y avait de l'orage, c'était Ron qui venait la border et lui tenir compagnie (en tremblant tout autant qu'elle)...
Ginny avait des centaines d'autres souvenirs comme ceux-là.
Plus elle y songeait, plus elle se rendit compte d'une chose : Ron était de loin le frère dont elle était le plus proche.
Ce n'était pas le plus malin, ni le plus drôle, ni celui dont elle était la plus fière, mais c'était celui qu'elle aimait le plus.
Elle l'aimait de cet Amour fraternel issu d'on-ne-sait-où, et qui permettait d'apprécier les pires défauts de l'autre.
C'était ce genre d'Amour inexplicable qui pouvait lier éternellement deux personnes aux caractères complètement opposés.
Un Amour qui commençait à la naissance du cadet pour ne s'arrêter qu'à la mort de l'un d'eux.
Et c'était surtout un Amour, si fort, qu'il permettait de tout pardonner, pour se retrouver comme au temps de la petite enfance, quand les sentiments sont purs et sincères.

Ginny commençait à regretter ce qu'elle avait fait.
Comment pouvait-elle se disputer (aussi longtemps) avec ce frère, qui l'avait aidé tant de fois ?
Comment pouvait-elle en vouloir à son grand frère d'être ce qu'elle avait toujours préféré le plus chez lui, c'est-à-dire attentionné ?

La joie d'avoir fait tourné Ron en bourrique s'était estompée.
Ginny avait maintenant des remords.
– Alors…, dit Harry. Tu as revu ton jugement ?
– Mouais..., répondit-elle en faisant la moue. J'admets qu'il avait de bonnes intentions. Qu'il voulait seulement prendre soin de moi...
– Et...?
– Et que je n'aurais pas du jouer avec ses nerfs.
– Bien.
Ginny soupira un grand coup.
– Je déteste quand tu as raison.
Harry l'embrassa sur la joue.
– Au fait, si ça t'intéresse, je suis de l'avis d'Hermione, dit-il.
– À propos de quoi ?
– Le printemps. C'est vraiment une belle saison...