Chapitre 12 : Demande surprise

Le soir.
Sept heures…

Les mains dans les poches, Harry était en train d'attendre dans le Hall d'Entrée.
Il portait un costume cravate à la mode moldue, assez chic.
Il avait fait des efforts.
Ginny respira un grand coup.
Elle allait lui en mettre plein la vue (du moins, l'espérait-elle).
– Bonsoir.
Harry se tourna vers le haut de l'escalier et ouvrit de grands yeux.
– Ginny ?!
Il est vrai qu'elle était méconnaissable.
Quand Hermione faisait quelque chose, elle ne faisait pas semblant.
Celle-ci avait opté pour un subtil mélange de sensualité et de traditionalisme.
La longue jupe de la robe flottait légèrement, tandis que Ginny descendait lentement les marches. Une petite ceinture en cuir noir lui enserrait la taille, un décolleté échancré mettait sa poitrine en valeur, et elle avait les épaules dénudées.
Ginny arborait aussi de nombreux bijoux (les rares qui n'avaient pas été jetés par Sirius), allant de bracelets argentés à des bagues serties de rubis, en passant par un pendentif constitué d'une unique perle de couleur noire.
Ginny ne mettait pas souvent de maquillage, et elle commençait à le regretter.
Son regard n'aurait jamais été aussi pénétrant sans tout ce mascara (même si au début, elle avait l'impression de ressembler à un raton laveur). Et la fine touche de rouge à lèvres qu'elle avait mise la rendait plus attirante que jamais (même si au début, elle avait peur de ressembler à un clown).
Par contre, le teint rosé de ses joues n'était pas dû à un quelconque produit cosmétique, mais à un trac légitime, lié à ce changement d'apparence.
Ginny s'arrêta à quelques marches du rez-de-chaussée, face à un Harry médusé.
– Woah, parvint-il à dire. Mais… Tes cheveux. Ils sont…
Oh non.
Ça ne lui plaisait pas !
Ginny portait maintenant les cheveux mi-longs.
Hermione leur avait donné un peu de volume, et une mèche lui retombait élégamment devant le visage.
Ginny savait bien qu'elle était allée trop loin.
Elle le savait !
– Ça…Ça ne te plait pas ? demanda-t-elle, timidement.
– Non, ce n'est pas ça, dit Harry précipitamment. Tu parais tellement différente… Mais c'est… C'est…
Harry cherchait ses mots pour décrire ce qu'il voyait.
Il regarda Ginny de bas en haut, et s'attarda sur son visage.
– C'est superbe, dit-il enfin, avec un grand sourire.
Ouf !
– Merci, répondit Ginny, soulagée. Tu n'es pas mal non plus !
En fait, à y regarder de plus près, il y avait quelques défauts.
Sa cravate était mal nouée, les manches de sa chemise dépassaient de celle de sa veste (il avait d'ailleurs fait un ourlet avec), et son costume n'était pas taillé de façon parfaitement symétrique (les Maléfices de Couture n'étaient pas à la portée du premier venu, surtout si c'était un empoté de garçon).
Mais, étrangement, Ginny s'en moquait pas mal.
Toutefois, comme elle n'avait pas l'intention de rester plantée là toute la soirée, elle décida d'en venir à l'essentiel…
– Alors ? Qu'est-ce qu'on fait ?
Harry était toujours en pleine contemplation quand elle dit ça.
– Oh ! Et bien… Euh…
Il s'éclaircit la voix.
– C'est-à-dire que…
– Oui...?
Quel était le problème ?
– Voilà. J'y pense depuis un bon moment, déjà, dit Harry, un peu intimidé. Et… Tu sais que je t'aime.
Il commença à fouiller dans la poche intérieure de sa veste.
– Et donc… Je voulais te demander quelque chose…
Le cœur de Ginny arrêta de battre.

Non…
Impossible.
Il n'allait tout de même pas…
Ginny était sous le choc.
C'était ça, ce qu'il avait prévu ?
Mais… Il ne pouvait pas… C'était beaucoup trop…
Ginny ne savait pas quoi penser.
Bien sûr, elle aimait Harry, mais… Pas si tôt !
Oh la la…
Qu'est-ce qu'elle allait bien pouvoir lui dire ? C'était…
Et si elle ne répondait pas…? Qu'est-ce qu'il penserait d'elle ?
Et si elle refusait ? Il la quitterait, déçu ?
Harry était complètement fou…
Ils étaient bien trop jeunes pour ça !
Non pas que Ginny doutait de son Amour pour lui, mais…
Oh bon sang…
Et pourquoi avait-elle mis toutes ces bagues, d'abord ?!

– Ginny Weasley…, reprit Harry d'une voix solennelle. Est-ce que tu veux sortir avec moi ?
Hein ?
– Hein ? Enfin, je veux dire… Pardon ?
Il lui montra deux billets.
– Et bien oui, si on y réfléchit, on n'a jamais eu de vraie sortie, tous les deux…
Ginny tenta de se rappeler.
– Tu es sûr ?
Harry lui tendit la main comme un galant homme pour qu'elle descende l'escalier.
– Je ne considère pas un après-midi au bord du lac de l'école, avec une troupe de premières années qui chahutent, des bouquins de révisions sur les genoux, et Hermione qui nous fait des reproches, comme une véritable "sortie"…

De ce point de vue là, il n'avait pas tort.
Ginny était persuadée qu'il devait y avoir un article quelque part dans le règlement intérieur de Poudlard qui disait "aucune réelle intimité ne sera permise aux élèves, surtout s'ils sont post-pubères et de sexes opposés".

– Alors, je me suis dis…, continua Harry.
Il serra Ginny par la taille, et la regarda droit dans les yeux.
Ha, ces yeux…
– Qu'on pouvait y remédier, et faire ça dans les règles.
L'idée était intéressante (un peu inutile, mais intéressante).
– Donc, si j'ai bien compris, tu me proposes un premier rendez-vous… Après tout ce temps passé ensemble ? résuma Ginny.
– Oui. Ça ridiculise un peu le principe, mais c'est à peu près ça.
Ginny prit un air songeur.
– J'hésite… Il y a un contrôle de Potions lundi prochain, et mes parents n'aiment pas quand je rentre tard…
– Oublie ta famille et tes responsabilités, dit Harry d'une voix suave. Ce soir, c'est toi, moi, le Monde extérieur…
Il se pencha vers Ginny.
– Et rien d'autre.
Harry serait à elle toute seule ? Toute la soirée ? Sans rien pour les importuner ?
Hum…
– D'accord, j'accepte, dit Ginny. Mais…
Elle se dégagea de l'étreinte de Harry, ce qui fit que celui-ci embrassa dans le vide.
– Attention, jeune homme, je ne suis pas une dévergondée, alors bas les pattes ! Je n'embrasse pas le premier soir…
– N'en fais pas trop, tu veux…, répliqua Harry, avec un petit sourire. Sinon on va vite s'ennuyer.
– Pas faux. Où est-ce qu'on va ?
– Dans un lieu très spécial, à quelques pâtée de maison.
Il montra les billets, et les rangea dans sa poche.
– Tu vas adorer !
Harry s'approcha de la porte d'entrée et saisit sa Cape d'Invisibilité, accrochée au portemanteau, à l'usage de Ron.
– Enfin… J'espère, ajouta-t-il, d'un ton incertain.
À part des rats, des mauvaises herbes et de la gerbe de junkies, il n'y avait rien à Grimmault Place. Quitter le quartier ne serait pas un mal.
Ginny se serra contre Harry et tous deux revêtir la Cape.

Il y a quelques années, ce genre de situation aurait été un formidable prétexte pour se coller à lui, et voilà que cela arrivait sans qu'elle en ait le réel besoin.
Le Monde était vraiment mal fait…

– En avant, jeune fille.
Ils sortirent, et descendirent tant bien que mal les marches du perron.
Cela faisait un bon mois que Ginny n'était pas sortie de la maison, et cela faisait un bien fou. L'atmosphère confinée et la poussière commençaient à lui peser.
Elle était heureuse d'avoir droit à un peu d'air frais, et de quitter pendant quelques heures la vieille masure et tous les problèmes qui y étaient associés.
Harry et Ginny s'en éloignaient de plus en plus. Et quand, au détour d'un croisement, il leur fut impossible de la voir, Ginny eu enfin l'impression d'en sortir vraiment.

Malgré tout ce qu'elle y avait vécu, elle détestait cette maison.
Car à chaque fois qu'elle s'y promenait, elle repensait à Sirius Black, à l'Ordre du Phénix, aux Mangemorts, à Lord Voldemort. À la Prophétie.
Le 12, Grimmault Place, lui évoquait les Ténèbres, et ce n'était pas seulement dû à la décoration.
Quand Ginny voyait la Coupe de Poufsouffle, quand elle lisait les notes et les recherches d'Hermione, quand elle l'écoutait discuter avec les autres des Horcruxes, elle ne pouvait s'empêcher de penser au danger que courait Harry.
Et tout ça à cause d'une vieille prédiction idiote lancée par une vieille idiote.
La seule chose à Grimmault Place qui rassurait Ginny quant au sort de Harry, c'était Harry lui-même.
Le voir vivre, le voir sourire, le toucher, l'embrasser, sentir la chaleur de son corps bien vivant.
Ginny prit Harry par la main.
Tant qu'elle serait là, il ne craindrait rien. Et tant qu'il serait là, il la protégerait.
Elle ne voulait pas être seule. Pas encore.
Pas pour toujours.
Mais pour le moment, tout ça n'était pas au programme.
Ginny devait oublier ces sombres pensées, et profiter du cadeau que lui offrait Harry : un moment de vie normale.

Tous deux arrivèrent bientôt dans un quartier de la ville bien plus animé et luxuriant que Grimmault Place.
Comme ils s'étaient assez éloignés de leur lieu de villégiature, ils se cachèrent dans une ruelle et enlevèrent la Cape d'Invisibilité.
– On manque d'asphyxier, là-dessous, dit Harry en pliant la Cape pour la mettre dans sa poche.
– Comme à la maison…, laissa échapper Ginny, bien malgré elle.
Harry comprit immédiatement.
– Toi aussi ?
Ginny acquiesça d'un signe de tête.
Apparemment, elle n'était pas la seule à être à la limite de la claustrophobie.
– Mais… Ce n'est que temporaire, non ? dit-elle, histoire d'égayer une discussion s'annonçant bien sombre. Tout va bientôt s'arranger, n'est-ce pas ?
Harry ne répondit pas tout de suite.
– Oui… Sans doute.
À voir sa mine, il aurait mieux fallu ne rien dire.
Il y eu un moment de flottement.
Puis, Harry retrouva le sourire, et amena Ginny par le bras dans la rue principale.
– Allez, viens Princesse. Et goûte à ce morceau de liberté !
– Hé ! Attend, espèce d'id…
Ginny avait peur de trébucher avec sa robe. Mais elle oublia ça rapidement.

Tout dans la rue transpirait la Saint Valentin.
Les vitrines des magasins étaient décorées avec de gros cœurs en carton et de grands bouquets de fleurs, avec des éclairages rouge passion. Il y avait quelques restaurants d'où provenait de la musique douce et sirupeuse.
Les passants étaient presque tous des couples bien décidés à fêter l'événement, de tout âge et de toute classe sociale.
Les rues de Londres étaient rarement aussi pleines de bonne humeur (à part à Noël, au Nouvel An, et lors des premiers jours des vacances).
Les seules personnes au regard morne que Ginny rencontra furent des célibataires, qui jetaient un rapide coup d'œil dans les pubs et continuaient leur chemin, dépités (il y en avait même quelques uns qui sortaient d'une étrange boutique aux vitres teintées, le col relevé, un sac noir à la main…).
Ça faisait du bien de voir des gens heureux. Harry et Ginny, main dans la main, se mêlaient parfaitement à la foule.
Même si Harry ne faisait de toute façon pas très attention à la foule.
En effet, il ne pouvait s'empêcher de regarder Ginny, comme s'il n'avait jamais rien vu d'aussi beau au bout de son bras (ce qui était somme toute assez flatteur).
Cela lui valut d'ailleurs plusieurs collisions avec des passants et des réverbères.
Mais Harry n'était pas le seul à regarder Ginny.
Plusieurs hommes tournèrent la tête à son passage (elle put d'ailleurs entendre les réprimandes de plusieurs petites amies vexées). Il y eu même une bande de garçons esseulés qui sifflèrent. Pour seule réponse, Ginny prit le bras de Harry, d'un air dédaigneux.

Ils arrivèrent bientôt face à un grand bâtiment gris à l'enseigne lumineuse, devant lequel était attroupée une petite foule.
– C'est ici, dit Harry en indiquant la grande bâtisse, qui n'avait pas l'air d'être très récente.
– Ici ?
Qu'est-ce que c'était, "ici" ?
Ginny s'attendait à quelque chose de plus romantique, comme une traversée de la Tamise ou un dîner au restaurant.
Ils passèrent devant des affiches plutôt bizarres, et entrèrent directement.
À l'intérieur, il y avait de larges couloirs mal éclairés et de la moquette rouge en mauvais état.
Harry guida Ginny vers la droite.
Arrivés devant une grande porte, il donna les deux billets qu'il lui avait montrés tout à l'heure à un grand type endimanché, qui leur souhaita une bonne soirée.
Harry emmena ensuite Ginny à l'intérieur.
C'était une grande salle plongée dans le noir.
Il n'y avait aucune fenêtre, comme si personne ne devait voir ce qui se passait ici. Des fauteuils de velours rouge étaient disposés un peu partout, et il y avait une petite scène dans le fond.
De plus, ça sentait le renfermé.
Plusieurs couples étaient déjà assis sur les fauteuils, et s'embrassaient goulûment, sans complexe, sous le regard des autres (en réalité, le faible taux de luminosité les camouflait un peu).
Ginny n'était pas très rassurée.
Cet endroit avait une ambiance un peu malsaine.
Qu'est-ce qu'on y faisait ? Pourquoi tous ces secrets ?
Elle se demandait bien qu'est-ce qui avait poussé Harry à l'amener ici.
Elle qui s'attendait à un petit coin intime, ou quelque chose dans le genre…
Elle ne comprenait pas.
– Harry, qu'est-ce que c'est que cette salle ? demanda Ginny, mal à l'aise.
– Tu vas bientôt le savoir…
Il lui indiqua deux sièges au fond de la salle, où ils s'installèrent.
– Je veux juste que tu saches que tout va bien se passer, et que surtout tu n'as rien à craindre, ajouta Harry.
Parce qu'en plus, il y avait vraiment quelque chose à craindre ?
– Mais, Harry…
– Reste assise, et n'ai pas peur, dit-il, en lui prenant les deux mains. Je suis là.
Ginny aussi était là, et elle voulait de moins en moins y être.
– Tu as confiance en moi, non ? lui demanda Harry, avec un drôle de regard. Tu me fais confiance ?
Ginny ne savait pas à quoi s'attendre.
Elle jeta encore un coup d'œil à la salle, qui se remplissait de gens bien tactiles.
C'était Harry.
Il n'avait jamais rien fait qui lui soit défavorable.
Jusqu'à présent.
– Oui, répondit Ginny.
Harry lui fit un grand sourire, et se tourna vers le fond de la salle, en direction de la scène.
C'est alors que ça a commencé.

Des sons surgirent de tout côté, encerclant Ginny sans qu'elle puisse découvrir d'où ils provenaient. De la musique inquiétante, des cris.
Des grandes images apparurent, sortant de nulle part : une jungle, des montagnes arides, un grand lac. Ginny n'avait jamais vu autant de paysages.
Il y avait un groupe d'adultes, des enfants, et des Moldus avec des machines bizarres.
Et il y avait de grands dinosaures, de toute sorte.
Ginny était pourtant persuadée qu'ils étaient tous morts, et que seuls les dragons avaient survécu jusqu'à notre époque…
Ginny était subjuguée, et ne pouvait quitter les images des yeux.
Pourtant, elle en eu plusieurs fois l'envie.
Elle était terrifiée par le spectacle auquel elle assistait.
Ce n'était pas la seule fille dans la salle à sursauter, mais ce fut celle qui cria le plus fort. Elle se cramponna au bras de Harry tellement souvent qu'il devait encore en avoir des marques.
Mais ce n'était pas une vraie peur.
Ginny sentait l'adrénaline monter en elle à chaque rugissement.
Au lieu d'être horrifiée par le passage avec les enfants dans la cuisine (avec deux dinosaures particulièrement vicieux), elle soutint le regard, rien que pour le plaisir de trembler encore…
C'était la première fois que Ginny voyait un "film".
Et elle adorait ça.

– C'était génial ! s'exclama Ginny, quand ils sortirent de la salle.
Elle était complètement surexcitée par ce qu'elle venait de voir.
Jamais elle n'aurait cru les Moldus capable d'inventer ce genre de chose.
– Je savais que tu allais aimer, dit Harry, d'un air amusé.
Il venait de passer toute la séance à la regarder, plus intéressé par ses réactions que par le clonage de vieux reptiles.
– Et comment !
Ginny lui sauta au cou.
– On y retourne ? Allez, s'il te plait !
– Désolé, Princesse, mais c'était la dernière séance. Et puis tu sais…
Il décrocha Ginny de sa nuque.
– Des films, il y en a plein. Des milliers. Tous différents. Des films d'horreur, des films d'aventure, des films d'amour… Des films nuls, aussi.
Ginny rêvait déjà à toutes les sensations que ces films lui procureraient (sauf peut-être pour les films nuls…).
– Et tu crois qu'on pourra tous les voir ? demanda-t-elle, quand ils sortirent du "cinéma".
La nuit était tombée, et il faisait beaucoup plus frais.
Ginny frissonna.
Sa robe n'était pas prévue pour les virées nocturnes.
– Je ne pense pas qu'une vie entière suffirait, répondit Harry.
Ginny sentit quelque chose de chaud se poser sur ses épaules.
Harry venait de lui donner sa veste.
Comment avait-il su qu'elle...?
– Ça vaudrait le coup d'essayer, non ? dit Ginny. Être ensemble assez longtemps pour voir tout ça ?
Harry ne répondit pas tout de suite.
– Oui. Ça vaudrait le coup, répondit-il d'une voix proche de la mélancolie.
Ginny esquissa un petit sourire, et le serra très fort.
– Monsieur Potter, vous me surprendrez toujours, je le sais.
Elle l'embrassa tendrement sur la joue, lui laissant une belle trace de rouge à lèvres.

La Saint Valentin n'était pas finie.
Harry était à Ginny pendant encore deux bonnes heures. Un temps que tous deux utilisèrent en ce promenant dans les rues commerçantes des environs, parlant de choses et d'autres, comme si le Monde était en totale sécurité.
– Des sorciers chez les Rock stars moldues ? s'étonna Harry, alors qu'ils passaient devant une boutique de vêtements de luxe.
Après avoir discuté du film, de l'élevage des dragons, de l'Europe de l'Est, de Victor Krum, de la fiancée de Victor Krum, de Quidditch, de ce magnifique petit ensemble en satin ("hors de prix"), et des Moldus qui avaient les moyens de se payer ce magnifique petit ensemble en satin ("hors de prix, oui, je sais"), ils en étaient venus à parler Musique.
– Bien entendu. La Musique est universelle, répondit Ginny, fière d'étaler sa culture populaire magique. Ça a commencé avec Sarah Bernhardt, même si elle était plutôt comédienne…
– Et il y a qui par exemple ? demanda Harry.
Black Sabbath.
– Logique.
Smashing Pumpkins.
– Facile.
– Steve Harris.
– D'Iron Maiden ?
– Ouais ! Bon naturellement, c'est le seul sorcier du groupe, mais il influence pas mal…
– Cool ! dit Harry, impressionné. Et Alice Cooper ?
– Qui ?
– Ah, pourtant, j'aurais cru…
Ginny était heureuse d'avoir ce genre de conversation futile. Ce genre de conversation sans réel intérêt, qui n'apportait rien, qui durait des heures et dont on oubliait vite le contenu.
Une conversation amicale, en fait.
Ces derniers temps, les discussions étaient d'une extrême gravité, avec les mots "mort" et "destruction" placés une ou deux fois.
Ça changeait.
Ce n'était peut-être pas grand-chose, mais cela suffisait à Ginny.
Elle passait une superbe soirée.

Harry et elle continuèrent à marcher, à la lueur des réverbères.
Ils s'approchèrent de la vitrine d'un des irréductibles magasins encore ouvert dans l'espoir de voir débarquer un dernier client qui bouclerait en beauté cette journée de profit.
C'était un chocolatier.
Il avait habilement disposé ses confiseries avec des gros rubans roses, des petits angelots suspendus et des boîtes en forme de cœur.
Mais ce qui attira le regard de Ginny, ce n'était pas les sucreries.
Grâce à l'éclairage ambiant, elle pouvait voir son reflet dans la vitrine.
Ou plutôt leur reflet.
Elle, au bras de Harry, avec sa jolie robe, et lui, élégant, avec un sourire enchanteur.
En se voyant ainsi, Ginny ne pu s'empêcher de repenser à ce qu'elle avait cru, quelques heures plus tôt, avant qu'ils ne sortent tous les deux, comme un vrai couple.

"Oui".

Voilà ce qu'elle répondrait, maintenant.
Elle en était sûre.
Elle testait en ce moment même la vie qu'elle aurait avec Harry, si… Non. Quand tout serait fini.
Une vie paisible, à ses côtés, pleine de gaieté et de bonheur.
C'était ce qu'elle désirait le plus.
Elle voulait ne jamais être séparée de lui. Elle voulait vivre avec lui.
Se réveiller avec lui. Rire. Pleurer. Aimer.
Elle voulait tout partager avec lui.
Et si leur amour devenait trop grand pour seulement deux personnes…

Ginny regarda encore une fois cette belle image, et soupira.
– C'est ça que tu veux ? lui demanda Harry au creux de l'oreille.
– Oui, répondit Ginny, sans réfléchir.
– Ça peut s'arranger…
Ginny se rendit compte de ce qu'elle venait de dire.
– Oh, attend, ce n'est pas…
Mais Harry était déjà rentrer dans le magasin, en faisant tinter un petit carillon.
À travers la vitrine, Ginny le vit demander à un gros vendeur jovial une des boîtes de chocolat qui était face à elle.
Ginny étouffa un petit rire.

Quelle espèce d'idiot.
Harry était comme ça.
Toujours à se préoccuper des autres. Toujours à trop en faire. Mais toujours avec de bonnes intentions.
Il était indéniable qu'il faisait toujours très attention à elle. Comme s'il allait la perdre.
Pourtant, elle ne voulait pas partir, bien au contraire. Même s'il n'était pas très perspicace, il se rattrapait énormément par sa douceur et sa gentillesse.
Qui voudrait quitter un homme pareil ?
Ginny releva le col de la veste de Harry, encore sur ses épaules.
Qui voudrait quitter un homme parfait ?

À l'intérieur de la boutique, le vendeur rendait la monnaie à Harry, en lui faisant remarquer au passage la trace de rouge à lèvres sur sa joue.
Il éclata de rire et lui fit un signe de main amical, que Harry lui rendit, avec un sourire gêné.
La porte carillonna une nouvelle fois, et Harry sortit, un petit sac en papier à la main.
– Tu as de la chance, dit-il. Il n'y en avait presque plus.
Il tendit le sac à Ginny.
Celle-ci l'accepta, et embrassa Harry sur la bouche.
Échange de bons procédés.
– Merci, mon petit chéri.
– Et ben… Qu'est-ce qui se serait passé si je t'avais offert tout un buffet…, dit Harry, de nouveau marqué d'un rouge qui voulait dire "je t'aime".
Et qu'est-ce qui se serait passé s'ils s'étaient arrêtés devant un magasin d'électroménager ?
– Par contre, je ne sais pas quel goût ils ont…, ajouta-t-il.
Ginny prit la petite boîte en carton doré, l'ouvrit et prit un chocolat.
Hum…
– Liqueur de cerise, dit-elle.
D'ailleurs, ça lui brûlait un peu la gorge.
– Tu en veux ?
– Ben… Ouais, répondit Harry.
Ginny mit les bras autour de sa taille.
– Et bien, il va falloir les mériter, dit-elle avec un sourire canaille.
– Comment ça ?
– En étant très gentil… Ils sont tellement bons…
Elle croqua encore une friandise.
– Que j'ai envie de tous les manger. Et tant pis pour la ligne…
– T'as des problèmes de ligne, toi ?
– Ah, tu vois, tu as compris…
Elle l'embrassa à nouveau.
C'était la première fois qu'elle donnait un baiser chocolaté.
C'était mieux que d'habitude…
– Et il va aller loin, ton petit jeu ? demanda Harry, curieux de connaître toutes les règles.
– Tu sais, la nuit est encore longue, et une certaine personne m'a mis de bonne hum… Oh.
Une goutte.
Ginny leva la tête.
Une autre goutte. Et une troisième.
– Et m…