Chapitre 17 : Ratages

La vie reprend son cours à Grimmault Place…

Les Black étaient une famille aisée, c'était un fait.
Et comme toute famille aisée qui se respecte, les Black se devaient d'avoir une Bibliothèque.
Selon l'avis d'Hermione et le bon état plutôt suspect d'une bonne partie des ouvrages, cette pièce, c'était juste de la frime. Ils n'avaient pas dû s'en servir des masses : remplir les étagères de vieux grimoires devait surtout leur servir à passer pour des érudits, plutôt que de l'être réellement.
Toutefois, force était de constater que la Bibliothèque du troisième étage avait du charme, avec sa table de travail, son éclairage tamisé et ses murs couverts de bouquins du sol au plafond. Si on évitait de s'attarder sur le titres de certaines œuvres (Bien réussir leurs suicides, Grandeurs et Splendeurs des Supérieurs, ou encore Moldus : la douce perspective d'un génocide), la Bibliothèque paraissait tout à fait normale.
Par contre, les bougies, les signes cabalistiques et le pentagramme tracé à la craie, ça, ce n'était pas normal…

Rah-ized Ry-ouh Neuvès, Raf G-nine reubr-You èra Neuvès, spodé-ioulb Neuvès, Spolss Draw-Nod Neuvès… Snig-éb Pir-touïlle Dné, Lé ote Ssap ylo Neuvès, Niou ote sséouh Neuvès, sniss Hild-éd Neuvès !!!
Les pictogrammes ancestraux commencèrent à briller d'une lueur rougeâtre, et se mirent à tourner en périphérie du cercle magique, lui aussi luisant.
Un vent glacial s'éleva, venu de nulle part, et les bougies, disposées tout autour, s'éteignirent.
Enfin, un faisceau de lumière aveuglante jaillit des cinq branches du Pentacle, le tout dans un bruit de tonnerre assourdissant.
Puis…
Plus rien.
– Euh…
Ginny replongea dans son vieux manuscrit.
– Ça a marché ?
– 'Sais pas.
Hermione tendit le bras au-dessus du Pentagramme, et donna une pichenette à la Coupe de Poufsouffle, située en son centre.
Ting !
Elle était intacte.
– OH, BON SANG ! s'exclama Hermione en s'écroulant sur le plancher. J'en ai ras-le-bol de cette Coupe !
– Il n'y a rien eu ? demanda Ginny, en s'approchant elle aussi de l'Horcruxe.
– Rien du tout !
Ginny prit la Coupe, et l'examina sous toutes les coutures.
Aucun changement.
– Mais… Mais… C'est pas possible ! s'écria-t-elle, énervée. C'était le sortilège le plus puissant qu'on ait trouvé !
– J'en ai assez, j'en ai assez, j'en ai assez…, répétait Hermione, la tête entre les mains.
– Peut-être qu'il faut faire ça le jour du Sabbat, ou quelque chose comme ça…
– Et pourquoi pas danser toute nue à la prochaine équinoxe, pendant qu'on y est ? Ça ne sert à rien ! À part le vaudouisme et les rituels incas, on a tout essayé, sans aucun résultat ! J'abandonne !
Ginny poussa un soupir d'agacement et s'allongea par terre, à bout de force.
Si même Hermione baissait les bras, alors il n'y avait plus d'espoir.
Toutes les tentatives pour percer le secret du Maléfice du Bouclier que Voldemort avait jeté sur la Coupe avaient échoué.
Les mots de passe les plus fantasques, les formulations les plus incongrues… De "révèle-moi ta Nature" à "protection annulée", en passant par "Abra-ca-da-bra" et "Sésame, ouvre-toi"…
Hermione avait fait chou blanc. Et elle détestait ça.
Elle n'avait pas l'habitude de l'échec, et avait horreur des énigmes dont elle ne trouvait pas la solution.
Ginny, qui avait entrepris elle aussi de détruire l'Horcruxe, ressentait la même frustration.
Tout son travail de recherches, de traductions, de calculs et de traçages de symboles occultes s'était avéré inutile.

Il y avait différentes façons de faire de la Sorcellerie, et cela à cause des nombreuses cultures magiques éparpillées à travers le Monde.
Ainsi, deux méthodes magiques avaient cohabité en Europe jusqu'à la fin du sixième siècle : la Baguette, pratique et encore en usage, et la Sorcellerie des Anciens, bien plus archaïque.
Ce type de Magie était basé sur l'utilisation de symboles et d'incantations de toute sorte, censées mener à l'Illumination, c'est-à-dire l'Ensorcellement.
Une façon de faire très compliquée, donc, et qui avait failli donner une commotion cérébrale à Ginny, à force de se creuser la tête pour essayer d'y comprendre quelque chose.
Par commodités, la Baguette avait remplacé cette pratique (et la totalité des autres techniques avec).
La Sorcellerie des Anciens ne s'enseignait plus depuis bien longtemps, et seul un petit chapitre d'Histoire de la Magie, en deuxième année, l'abordait encore.
Néanmoins, de vieux grimoires expliquant son fonctionnement était encore en circulation, surtout dans les vieilles familles de sorciers, qui espéraient ainsi prouver que leur ascendance remontait à loin.
Un vrai truc de Sang Pur, quoi.

C'est pour cette raison que Ginny avait osé ouvrir quelques jours plus tôt cet exemplaire moisi du Lumis para Puros (Le Savoir des Roys).
Voldemort étant obsédé par la pureté du Sang, ça paraissait logique…
Malheureusement, à part pomper toute leur énergie, à Hermione et à elle, ce Charme d'Annihilation n'avait été d'aucune utilité face à l'Horcruxe, malgré une bonne dizaine d'heures de préparation.
– Qu'est-ce qu'on fait, maintenant ? demanda Ginny.
– On pourrait la lancer du haut d'une falaise, répondit Hermione, toujours étendue sur le dos.
– Ce serait aussi simple ?
– Sûrement pas. Mais au moins, on en serait débarrassée.
Tous ces efforts, en vain.
Il y avait de quoi craquer.
Ginny ne voulait pas laisser tomber. Mais elle y serait obligée : ce défi était au-dessus de ses forces.
Bien sûr, cet investissement n'était pas innocent.

À la traîne au sujet des Horcruxes, Ginny se sentait un peu inutile, à la maison, et cela la gênait.
Elle ne voulait pas être un boulet pour les autres, et voulait leur prouver qu'elle était capable de beaucoup de choses.
Et puis, cela lui permettait de donner un coup de main à Harry…
Bien essayé.
Sauf que Voldemort ne l'entendait pas de cette oreille.
La puissance de ce Sortilège Protecteur était impressionnante. Ginny se sentait vraiment minable face à de tels pouvoirs, qui surclassaient plus de mille fois les siens.
L'idée que Harry soit forcé d'affronter un tel monstre lui donnait la chair de poule.

Hermione et Ginny était encore en train de se morfondre quand Harry entra dans la Bibliothèque.
– Alors les filles, tout baigne ?
Elles lui lancèrent un regard noir.
– À ce point là ?
– Quoi qu'on fasse, rien ne fonctionne, dit Ginny, en se redressant. À croire qu'Il a tout prévu…
Harry lui donna la main pour qu'elle se relève.
– Ne le prends pas mal, mais pour moi, c'est un Génie, ajouta Hermione, en levant le bras. Son niveau en matière d'Enchantement est incroyable, et…
Elle resta comme ça, assise, la main en l'air.
– Et… Et qu'est ce qu'il faut que je fasse pour qu'on m'aide, moi aussi ?
– Oh, pardon ! s'excusa Harry.
Il l'attrapa par le poignet et la releva maladroitement.
– Non mais… En tout cas, si tu le croises, fais lui cracher le morceau avant de le tuer, dit Hermione, enfin debout.
– Je tâcherais de m'en souvenir, mais tu ne m'en voudras pas s'il m'arrache le cœur avant…, rétorqua Harry.
– Arrête de dire des bêtises, s'insurgea Ginny. Aide plutôt deux pauvres jolies jeunes filles esseulées, en mal d'inspiration.
Hermione et elle lui firent les yeux doux.
– Perspective plus qu'intéressante, je vous l'accorde, dit Harry, avec un petit sourire. Mais je ne suis pas venu pour ça. Tiens.
Il donna à Ginny l'un des petits miroirs qu'il lui avait montré l'autre jour.
– J'ai fait de mon mieux pour le réparer, mais je ne garantis rien…
– Miroir à Double Sens, hein ? dit Hermione. Génial. Princesse et Petit Chéri vont pouvoir se parler à distance…
– Tes sarcasmes me laisse froide, rétorqua Ginny. De plus, il n'y a que moi qui ai le droit d'appeler mon petit chéri "Petit Chéri"…
– Et… Ça peut être très utile pour quand on sera en extérieur, dit Harry en sortant son propre Miroir.
– N'essaye pas de te trouver des excuses, Petit Chéri, répliqua Hermione.
– Mais… Euh… C'est pas du tout des excuses…
– Bon, sinon, ça marche comment ? demanda Ginny. Enfin, en admettant que ça marche…
– Normalement, il suffit de prononcer le nom de son interlocuteur, répondit Harry. On va faire un essai…
Il sortit de la Bibliothèque.
– Il n'empêche que vous êtes tout le temps collés l'un à l'autre, dit Hermione. Ça ne vous servira à rien.
– Arrête, on n'est pas toujours ensemble, répliqua Ginny. Même si ça ne me déplairait pas…
– Il a échangé un Weasley contre un autre ! Il passait plus de temps avec Ron, avant.
– C'est pas ma faute si… Oh !
Le Miroir s'était mis à vibrer dans la main de Ginny.
Celle-ci regarda dans la petite glace.
Elle pouvait y voir son reflet.
Mais bientôt, le Miroir s'embruma, et quelques instants plus tard, ce fut Harry qui s'y reflétait.
– Cool…, laissa échapper Hermione.
Euh… Allo ? Tu me reçois ?
Hermione et Ginny éclatèrent de rire.
Il y a un problème ?
Sa voix.
On aurait dit qu'il avait avalé un des Cachous à l'Hélium de Fred et Georges.
C'était vraiment ridicule !
Hé ho !
Hermione rit de plus bel.
Ginny, les larmes aux yeux, tenta de se contenir.
– Et bien, disons que… Ton timbre est un peu suraigu.
"Suraigu" ?
Ginny craqua.
C'était vraiment trop drôle !
Hermione prit le relais, avec un large sourire aux lèvres.
– Petit Chéri, il me semble que tu as malencontreusement fait une erreur pour tout ce qui est fréquences magiques.
Et ça veut dire quoi ?
– Que tu as une voix de canard ! s'exclama Ginny en riant.
Hermione pouffa de rire.
Hein ? Attendez…
Harry revint dans la pièce, avec une voix beaucoup moins amusante.
– Je ne comprends pas ce qui se passe, dit-il. Moi, je vous captais très bien…
D'a d'onnait que'que t'ose comme d'a, dit Hermione, en se pinçant le nez.
Elle lui prit son Miroir des mains.
– Ah la la… Tu n'es vraiment pas bricoleur, mon pauvre garçon. Comment tu vas faire, plus tard ?
– Plus tard quoi ?
– Oh, laisse tomber…
Ginny comprit à quoi elle faisait allusion.
Hermione lui prit aussi son Miroir.
– Ça ne doit pas être sorcier, pourtant. Ou plutôt si, en fait…
– Je suis désolé, Princesse, dit Harry, un peu gêné de s'être tourner en ridicule.
– Tu n'as pas à être désolé, répondit Ginny, en lui prenant le bras. C'est une idée super…
Elle l'embrassa sur la joue.
Ce qu'il y avait de bien avec Harry, c'était qu'il arrivait toujours à lui remonter le moral.
Même si c'était parfois sans le faire exprès…
– C'est bien ce que je disais, marmonna Hermione, avec un petit sourire. Toujours collés l'un à l'autre…