Chapitre 18 : Boule de Peluche
Quelques jours plus tard…
Certaines missions semblent plus faciles que d'autres. Tout est une question de point de vue.
La difficulté peut s'effacer malgré les apparences, ou au contraire apparaître sans prévenir.
La mission de Ron et Ginny était pourtant simple…
Du moins, le paraissait-elle.
Car donner un bain à Pattenrond se révéla beaucoup plus périlleux que prévu…
– Viens ici, mon minou…, dit Ginny, d'une voix douce. Viens voir Tata Ginny…
– Rrrrrrron…
Coincé entre le mur et la vieille baignoire style dix-huitième de la salle de bains du premier étage, Pattenrond ne semblait pas très motivé à l'idée de rejoindre Tata Ginny.
– Il doit se méfier.
– Comment il pourrait savoir ? dit Ron, une serviette sur l'épaule, et une bouteille de shampoing dans la main.
– Boule de Peluche est plus malin qu'il n'en à l'air.
Ginny n'était pas une spécialiste de la gente féline.
Mais il fallait admettre que Pattenrond était ce qu'on pouvait appeler un être doué de raison.
– Laisse-moi faire, je vais le mâter, moi, dit Ron, en s'accroupissant.
Pattenrond poussa un feulement, et fit le gros dos.
– Arrête ! s'exclama Ginny. Tu lui fais peur !
Le chat orange recula le plus possible, toujours avec un regard menaçant.
– Allez, Sac à Puce, marmonna Ron. Donne la papatte, donne la papatte, donne… Aïe ! Sa papatte, sa papatte !
Pattenrond venait de lui griffer la main.
Ginny pouffa de rire.
– Qu'est-ce que tu as fait à cette pauvre bête pour qu'elle t'en veuille autant ?
– J'en sais rien…, répondit Ron, avec colère. Hermione a dû le dresser contre moi…
C'était tout à fait plausible, en effet.
– Si je t'attrape, stupide animal, je vais te…
Pattenrond émit un ronron de mécontentement.
– Je crois que ce serait plus rapide si Hermione s'en occupait elle-même, dit Ginny, en s'appuyant contre le lavabo.
– Madame est occupée. Harry et elle pensent que RAB pourrait être un ancien Auror qui aurait eu des contacts répétés avec un Mangemort…
Découvrir l'identité du fameux "RAB" était une autre des priorités de Harry.
Le problème, c'est qu'à part un pendentif rouillé et un message de quelques lignes (qui ne lui était même pas adressé), il n'avait aucun indice.
Harry espérait qu'il soit encore en vie, pour pouvoir lui demander son aide et récupérer le Médaillon de Serpentard.
Hermione en doutait beaucoup, et penchait plutôt pour une mort par empoisonnement…
En somme, tout était possible, et toute nouvelle hypothèse était bonne à prendre.
Ginny, elle, préférait ne pas s'en mêler.
De toute façon, elle n'en savait pas plus que les autres…
– Pourquoi tu n'es pas avec eux ? demanda-t-elle à Ron.
– Ils doivent croire que ça me passe au-dessus du cerveau, répondit-il à voix basse, tout en tentant une nouvelle tactique d'approche. Ils ne m'ont même pas demandé mon avis. Apparemment, je ne suis bon qu'à… Ouch !
Pattenrond venait de lui sauter au visage, pour ensuite retomber sur le carrelage glissant.
Il fit ensuite un bond, et atterrit sur le cabinet de toilettes.
– Attrape-le ! cria Ron.
Ginny se précipita vers le chat, qui se faufila entre ses jambes.
Il escalada le lavabo, et s'accrocha à la poignée de porte.
La porte s'ouvrit, et il se glissa dans l'entrebâillement.
Ouh, la sale bête.
– 'Faut pas le laisser filer !
Ron ouvrit la porte en grand, et lui et Ginny sortirent dans le couloir, à la poursuite de Pattenrond.
– Il est là !
Le gros chat roux s'apprêtait à descendre en direction du rez-de-chaussée, Ron et Ginny sur ses talons.
Cette dernière faillit trébucher dans sa course.
Ron accéléra, bien décidé à récupérer l'animal. Il dévala les escaliers quatre à quatre, et sortit sa baguette.
– Ron, ne fais pas n'importe quoi ! s'exclama Ginny.
Arrivé en bas, Pattenrond bondit sur le pommeau de la rampe et s'agrippa à un vieux rideau.
– Parasicuale ! hurla Ron.
Le chat poussa un miaulement de douleur, et lâcha prise, tirant le rideau dans sa chute.
– Mais, tu es dingue ! s'écria Ginny, en atteignant le Grand Hall.
– Ne t'inquiète pas…
Pattenrond était couché sur le flanc, les pattes raides.
Il avait l'air d'un petit tabouret à fourrure.
Ginny le prit dans ses bras.
Il était conscient, et très en colère.
– Tu aurais pu le tuer !
– C'est juste un Maléfice Paralysant, se défendit Ron.
D'où est-ce qu'il sortait ça, encore ?
– Tout de même, ce n'est qu'un chat ! s'indigna Ginny, en se redressant. S'il lui était arrivé quelque chose, on aurait été…
Elle leva les yeux.
Le rideau que Pattenrond venait de tirer.
C'était celui du tableau de Mme Black.
– Dans la merde.
– IMMONDE ET INSIGNIFIANTE MARMAILLE ! PETITS DÉMONS USURPATEURS DE HAUT RANG ! SOMBRES CRAPULES ABJECTES ! SALES PETITS …
Mme Black pouvait les voir, mais pas les entendre.
Ça lui suffisait.
– C'est ta faute !
– C'est pas vrai !
– Meow !
Après avoir réussis à faire taire l'ancienne propriétaire de la maison, Ron et Ginny était retourné dans la salle de bains avec Pattenrond, toujours paralysé.
– Déjà quand on était petit, t'étais incapable de t'occuper des Gnomes de Jardin, dit Ginny, en frottant bien derrière les oreilles du chat.
– Je préfère mille Gnomes de Jardin à un seul exemplaire de cette carpette à poils longs, répliqua Ron.
Il frotta le dos de Pattenrond vigoureusement, provoquant ainsi son courroux.
– Tais-toi, toi, dit-il au chat.
– Tu n'as jamais su t'occuper des animaux, d'abord…, insista Ginny.
– Tu peux parler ! Tu en as fais quoi, de ton Boursouflet, hein ?
– Un Boursouflet ? Quel Bours… Oh, Arnold !
Ginny l'avait complètement oublié !
– Beuh… C'est pas pareil, répondit-elle, en sortant Pattenrond de la baignoire.
Déjà qu'à l'origine, ce chat n'était pas du genre concours de beauté féline… Trempé de cette façon, avec les poils qui pendent, il était pire qu'avant (surtout qu'il semblait de mauvaise humeur).
Et c'était la première fois que Ginny rencontrait un chat qui puait le chien mouillé…
– Ouais, ouais… En attendant, personne ne sait ce qu'il est devenu, rétorqua Ron, en essuyant Pattenrond avec ardeur.
– Ça va, il est resté à la maison…
En réalité, le cas d'Arnold était très spécial.
Ginny l'avait acheté à Fred et George un an plus tôt, pour une somme qui aurait pu être un peu plus modique.
C'était une petite boule de poils mauve, très mignonne, dont la principale activité était de rouler sur elle-même, en vain.
Arnold avait servi d'animal de compagnie à Ginny, l'année précédente. Petit, craquant, facile à nourrir… Le compagnon idéal. Elle aurait pu passer des heures à le regarder virevolter.
Seulement, Ginny s'en était lassée assez vite.
Surtout après… La rupture.
Trop occupée à se morfondre, elle avait complètement délaissé Arnold, dont les gazouillements étaient couverts par les sanglots de sa maîtresse.
Si la mère de Ginny ne l'avait pas pris sous son aile, le Boursouflet aurait sans doute dépéri, oublié de tous, perdu quelque part dans une pile de sous-vêtements.
La dernière fois que Ginny l'avait vu, il récurait des assiettes sales et poussaient des petits cris de joie, apparemment heureux de sa nouvelle situation.
Comme quoi, le malheur des uns…
Ce comportement de la part de Ginny n'était pas très responsable.
Mais maintenant, si elle pouvait récupérer Arnold, elle pourrait s'en occuper pleinement.
À moins qu'elle n'est vraiment aucun instinct maternel…
– Voilà, c'est terminé, dit Ron. Ha ha ! Tu fais moins le fier, Boule de Peluche ?
Ginny pouffa de rire.
Ça, pour faire moins le fier, il faisait moins le fier.
Pattenrond semblait avoir doublé de volume, avec sa fourrure bouffante.
Le regard qu'il lançait à Ron était clair : il ne l'aimait pas du tout.
Et le dressage d'Hermione n'y était pour rien…
