Chapitre 24 : Projet de carrière
Début mai…
La Magie Noire et ses merveilles, Les Rituels Sataniques de 1200 à nos jours, Succubes : alliées précieuses, Comment vaincre à la loyale (ou pas)…
Bon sang…
Mme Black avait eu des enfants. Il devait bien y avoir quelque chose là-dessus…
Ginny était totalement ignorante en matière de grossesse. Elle ne savait donc pas à quoi s'attendre, ce qui l'angoissait encore plus.
Sans réels espoirs, elle s'était donc lancée à la recherche d'un livre qui aborderait le sujet, et dissiperait ses craintes. Et surtout, qui la renseignerait sur son état (quand est-ce que les nausées s'arrêteraient ? Et les migraines ? Et cette petite douleur au niveau de la poitrine, c'était normal ? Vers quel mois commencerait-elle à grossir ?).
Problème : jusqu'à présent, Ginny n'avait rien trouvé qui la concernait. Par contre, elle s'aurait où regarder si un jour elle voulait égorger quelqu'un ou faire massacrer un village de Trolls…
Si elle avait été à Poudlard, elle aurait pu demander des conseils à Mme Pomfresh, l'infirmière (qui n'aurait pas spécialement apprécié de voir la réputation de son infirmerie descendre aussi bas). En même temps, si elle avait été à Poudlard, elle n'aurait sans doute pas eu à lui poser ce genre de questions embarrassantes…
Ginny était loin d'être rassurée.
Elle avait même du mal à dormir (à moins que ce ne soit un autre symptôme ?).
D'ordinaire, c'était Harry qui effaçait ses peurs, d'un simple baiser. Mais cette fois, c'était différent.
Il était aussi paniqué que Ginny, et ne contrôlait pas du tout la situation. Son air confiant avait laissé place à un regard empli d'inquiétudes.
Il aurait aimé faire quelque chose, mais il était impuissant face à tout ça.
Ginny n'avait jamais connu une chose pareille. Elle était mise à rudes épreuves par son propre corps, et elle ne savait même pas si c'était normal…
Au lieu de farfouiller dans des ouvrages morbides, elle aurait voulu être chez elle, à la maison, avec sa maman, pour la consoler.
Elle ne voulait plus être une adulte.
Ça ne l'intéressait plus.
Elle voulait rester une petite fille. Une petite fille qu'on prend dans ses bras et qu'on cajole pour qu'elle s'endorme paisiblement, en oubliant tous ses soucis (des gestes qu'elle devrait bientôt apprendre).
Sa mère.
Ginny ne voulait pas penser à sa réaction quand elle saurait qu'elle était enceinte. Elle se rappela les prédications menaçantes de Ron.
Il avait raison. Ce serait comme ça.
Ginny avait honte. Elle allait décevoir ses parents.
Eux qui avaient toujours été si gentils, qui avaient fait de leur mieux pour bien l'élever depuis qu'elle était toute petite… Voilà que leur unique fille, dont ils étaient si fiers, allait revenir en pleurnichant, sans diplôme, avec un bébé dans les bras.
Ils lui faisaient confiance. Ce n'était vraiment pas une marque de respect envers eux que de s'être conduite de la sorte.
Ginny ne voulait pas leur faire ça. Malheureusement, elle ne pouvait plus faire autrement.
Ses parents seraient furieux. Son père ne voudrait plus la regarder en face. Sa mère la mettrait sûrement au ban, elle et son enfant, pour avoir jeté le discrédit sur toute la famille.
Pourtant, ils comprendraient.
Au Terrier, personne n'était dupe. Il suffisait de savoir compter.
Les jours de naissance de Charlie et de mariage des parents Weasley étaient étrangement proches. Quelques mois à peine. Il n'était pas bien compliqué de deviner ce qui avait poussé la mère de Ginny à avancer la date de ses noces…
Jamais personne n'abordait ce sujet. C'était presque tabou.
Il y avait juste quelques regards gênés quand on venait à parler fiançailles dans les fêtes de familles…
Heureusement, le père et la mère de Ginny s'aimaient vraiment, et leur mariage avait tenu le coup, même si parfois il y avait de grosses disputes aux sujets des enfants.
Le cas de Harry et de Ginny ressemblait un peu à ça.
Sauf qu'ils étaient encore plus jeunes. Et certainement pas en âge de se marier…
En somme, Ginny commettait la même erreur que sa mère, mais en pire.
Elle soupira.
Jamais plus elle ne serait la petite fille chérie qu'on borde et qu'on câline. Ginny était maintenant obligée de grandir pour de bon, et d'assumer ses responsabilités.
Et c'était une des choses qui l'effrayait le plus. Presque autant que sa grossesse.
– Tu cherches quelque chose de spécial ?
– Aaah !
Ginny laissa tomber les livres qu'elle avait en main : Hermione venait de rentrer dans la Bibliothèque.
– Oh, euh… Non…, balbutia t-elle, en rangeant les bouquins d'une manière fébrile. J'ai…
Elle prit un des livres au hasard.
– J'ai trouvé !
Ouf…
Sauvée.
Hermione eut un air dégoûté.
– Bon, c'est décidé, ce que tu fais en privée avec Harry ne me regarde plus…
Ginny jeta un coup d'œil au titre de l'ouvrage.
Oups.
Les Joies de la Torture entre ami(e)s…
– Essayez tout de même de ne pas aller trop loin…, ajouta Hermione, d'un ton soupçonneux.
Trop tard.
Mais merci du conseil…
Harry et Ginny avaient décidé d'un commun accord qu'ils ne devaient rien dire aux deux autres.
Du moins, au début (un ventre de femme enceinte ne se cachant pas aussi facilement qu'on le voudrait). Juste le temps de régler leurs affaires.
Il ne fallait pas les affoler avec ça.
Harry avait surtout peur de se prendre la mandale qu'il méritait de la part d'un Ron particulièrement en colère.
Faire un enfant à la petite sœur de son meilleur ami le mettait dans une position délicate. Nul doute que Ron ne prendrait pas ça avec le sourire.
Ginny aurait pu en parler à Hermione. Mais face à l'envergure du problème, elle risquait de tout dévoiler à tout le monde (toujours avec de bonnes intentions).
Cela lui brisait le cœur de lui cacher ça.
En plus, Hermione aurait pu lui apporter une aide précieuse (elle avait bien dû lire quelque chose sur la procréation quelque part), ou tout simplement lui apporter un soutien moral typiquement féminin.
Mais ce secret, aussi lourd à porter soit-il (ou allait-il l'être), devait le rester…
– D'ailleurs, vous êtes bizarre, tous les deux, ces temps-ci, continua Hermione. Vous vous êtes disputés ? Il y a un problème ?
Oui.
– Non…, mentit Ginny.
Je suis enceinte.
– Tout va bien…
On est perdu.
– On s'entend à merveilles…
Aide-moi.
– Ne t'inquiète pas !
Hermione la regarda d'un drôle d'œil. Elle n'était pas très convaincue.
Aïe aïe aïe…
L'annonce de cette grossesse avait calmé les ardeurs de Harry et de Ginny.
Le temps des câlineries et des baisers langoureux à toute heure de la journée était révolu.
Bien sûr, cela n'avait aucun sens. Mais inconsciemment, c'était comme s'ils avaient peur d'aggraver les choses. Après tout, c'est à force de s'aimer de cette façon qu'ils en étaient venus à s'aimer un peu trop…
Ce changement d'attitude n'avait pas échappé à Ron et à Hermione.
Quand Harry et Ginny étaient en leur présence, ils n'arrêtaient pas de se lancer des regards inquiets : "est-ce qu'ils allaient deviner ?".
La crainte d'être découvert n'aidait pas à accroître leur tendresse l'un envers l'autre.
Pourtant, c'est bien ce dont Ginny aurait eut besoin pour être réconfortée : de la tendresse.
Harry avait beaucoup de mal à lui en donner. Ça devait éveiller en lui un certain sentiment de culpabilité…
Hermione n'insista pas.
Tant mieux.
Elle s'installa à la table de travail, où une pile de livres poussiéreux l'attendait.
– Qu'est-ce que tu fais ? demanda Ginny.
– Et bien… Puisque la Coupe de Poufsouffle reste inviolable et que nous sommes à court de piste sérieuse pour les Horcruxes, je préfère utiliser mon temps à quelque chose d'utile…
Elle lui montra un des bouquins.
Annales des ASPIC.
– J'ai l'intention de passer l'examen en candidat libre, dit-elle avec un petit sourire. Tous ces manuels datent de 1910, mais le programme ne change pas beaucoup, alors…
– Tu veux tenter ta chance.
Hermione acquiesça.
Ginny n'avait pas pensé à ça. C'était une bonne idée.
Ou plutôt, ça aurait été une bonne idée.
Elle entendait déjà l'examinateur lui dire de laisser le landau à l'entrée de la salle…
– Mais tu sais, on n'a pas forcément besoin d'avoir son diplôme pour réussir, dit Ginny, comme pour elle-même.
– Malheureusement, mon choix de carrière ne me laisse pas le choix, répondit Hermione, en ouvrant un vieux manuel de Potions. Je veux être guérisseuse.
– Guérisseuse ?! s'exclama Ginny.
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
– Oui. La Médecine, c'est un peu une tradition familiale, expliqua Hermione. Mon grand-père était docteur. J'allais souvent le voir à son cabinet, pour jouer avec son stéthoscope… Il y a aussi ma tante, qui travaille dans un grand hôpital, et mon cousin, qui suit des études pour être kinésithérapeute. Et bien sûr, il y a mes parents, qui sont dentistes…
– Tu penses pouvoir te rapprocher d'eux ?
Hermione baissa les yeux, un peu gênée.
– J'espère. "Guérisseur", c'est presque comme "docteur". Ils comprendraient peut-être que toutes ses années à Poudlard auront servi à quelque chose, et que je n'ai pas gâché ma vie en y allant…
C'est vrai que d'un point de vue moldu, "sorcier" ne devait pas être un vrai métier.
– Et toi ? Tu penses faire quoi plus tard, quand tout sera fini ? demanda Hermione.
– Moi ? Euh…
La dernière fois que Ginny s'était posée cette question, c'était en cinquième année, avec ses copines de chambre, lors du choix d'orientation.
Et elle n'avait pas vraiment trouvé de réponse.
Imaginer l'avenir n'était pas son fort (surtout que celui-ci était maintenant compromis).
Néanmoins, quelques mois plus tôt, elle s'était découverte certaines compétences. Elle aimait aider les autres, les écouter, les soutenir. Panser les blessures…
– En fait, j'avais pensé à infirmière, répondit Ginny, d'un ton hésitant.
Hermione parut surprise.
Ça faisait plaisir…
– Oh, c'est… C'est génial ! dit-elle. Enfin, je veux dire… C'est quasiment comme guérisseuse ! Mais…
En moins prestigieux.
– Ce serait super ! On pourrait travailler dans le même service !
Oui.
Sous tes ordres, tant qu'à faire…
– Vraiment, c'est… C'est une très bonne idée, tu sais. C'est un métier très important !
Hermione tentait de rendre ça plus prestigieux, mais à côté sa future carrière, celle de Ginny semblait un peu minimaliste.
– Oui, bon… Ce n'est qu'une idée en l'air, dit Ginny. J'ai encore deux-trois trucs à régler avant…
– Oh, pas d'inquiétude ! Je suis sûre qu'il doit bien y avoir un moyen pour que tu puisses réintégrer Poudlard, dit Hermione. Une dérogation, quelque chose comme ça. On pourrait essayer de plaider ta cause, comme quoi tu étais forcée de venir ici, pour le bien de la Communauté Magique…
Oui.
Il y avait ce problème là, aussi…
Mère au foyer.
Ça allait être ça, son plan de carrière. Et ce n'était pas très enthousiasmant.
Quand Ginny voyait sa mère se démener à la maison, elle avait tout sauf envie de finir comme elle. Elle voulait avoir un métier, pas des tâches ménagères…
Hélas, c'était encore une des choses que sa grossesse lui ferait oublier.
Qui voudrait engager une fille-mère ?
Personne. Ce n'était pas bon pour les affaires…
Harry pourrait s'en tirer. C'est un garçon.
Mais Ginny allait devoir s'occuper de son bébé, et effacer tous ses espoirs d'un revers de la main, par la même occasion.
Tandis qu'Hermione retournait à ses révisions, Ginny ouvrit Les Joies de la Torture entre ami(e)s, histoire de se changer les idées.
Le livre était abondamment illustré.
Ça lui donna encore plus envie de vomir…
