Chapitre 27 : Quand Mondingus s'en mêle…
– RON ! RÉVEILLE-TOI !
Après avoir quitté sa grosse couette pour enfiler sa robe de chambre (qui était bien plus pratique pour courir à toute vitesse), Ginny était montée au deuxième étage pour tambouriner à la porte de son frère.
– Allez, secoue-toi les puces ! cria-t-elle. RON !
La porte s'ouvrit enfin, et Ron montra le bout de son long nez, apparemment mécontent d'être réveillé à trois heures du matin.
– Quoi encore ? dit-il d'une voix pâteuse.
– C'est RAB ! répondit Ginny, un peu trop fort au goût de son frère.
– Quoi RAB ?
– On sait qui c'est ! C'est le frère de Sirius !
Ron émergea de son cirage.
– Regulus Black ?
– Oui ! On a fait le rapprochement avec l'Arbre Généalogique !
Ron sortit de sa chambre, encore en bas de pyjama.
– Où sont les deux autres ? demanda-t-il, précipitamment.
– Harry a foncé directement au grenier, dit Ginny en se dirigeant vers l'escalier du troisième étage. Hermione doit être avec lui.
– Qu'est-ce qu'ils peuvent bien foutre au grenier ?
– J'en sais rien, mais ça avait l'air important. Je suis venue te réveiller tout de suite…
Ils pressèrent le pas, et arrivèrent au troisième étage.
Au milieu du couloir, l'escalier escamotable menant à la grande trappe du grenier était de sortie.
Ginny n'avait été qu'une seule fois dans cette pièce, pour y ranger la nouvelle-vieille robe de Mme Black. Elle avait failli y attraper une infection pulmonaire à cause de la poussière.
Le Grenier était la pièce la plus large de la maison, mais c'était aussi celle qui était la plus bas de plafond.
Soumise à l'assaut des intempéries, la toiture, avec ses grosses poutres vermoulues, montrait des signes d'humidité avancée. Le plancher semblait avoir était posé à la va-vite, puisqu'on pouvait aisément distinguer tout le troisième étage à travers les rainures.
Bien sûr, comme tous les greniers, celui-ci contenait son lot de vieux meubles, de cartons entassés et de vêtements miteux. Le problème étant que le reste de la maison lui ressemblait beaucoup…
Ron et Ginny approchèrent, et gravirent les marches du petit escalier.
– Bordel ! Où est-ce qu'elle est, cette saloperie ?!
– Oh. Petit Chéri n'a pas l'air de bonne humeur…, dit Ron.
Lui et Ginny passèrent la tête hors de la trappe et la rabaissèrent aussitôt pour éviter ce qui sembla être un plateau en argent.
– Mais merde ! Il devrait être ici, normalement !
– Je sais, Harry, je sais. Mais…
Harry et Hermione étaient en train de s'affairer autour d'une grosse malle, fouillant parmi une foule d'objets plus ou moins précieux, le tout dans un bruit de ferrailles.
C'est dans cette malle qu'ils avaient rangé les bibelots appartenant à la famille Black, quelques années plus tôt.
Tout ce qui ne mordait pas, ne piquait pas, ne paralysait pas, ne tuait pas, ou n'était pas dans un trop mauvais état général était là-dedans.
– Euh… Vous cherchez quoi ? tenta Ginny.
– Le Médaillon ! répondit Harry, en continuant à fouiller.
– "Le Médaillon" ? répéta Ron, qui baissait la tête pour éviter de se cogner au plafond. Celui de Serpentard ?
– OUI ! Oh, bon sang…
Passablement énervé, Harry renversa la grosse malle avec fracas, laissant se répandre tout son contenu sur le sol (bijoux, couverts, boîte à musiques, gobelets…).
Ginny ne voyait pas du tout comment le Médaillon aurait pu être là.
– Mais… Tu es sûr ? demanda-t-elle timidement.
– ÉVIDEMMENT ! Enfin… Rappelez-vous. C'était un gros pendentif… Même qu'on n'avait pas réussi à l'ouvrir…
Un pendentif qu'ils n'avaient pas réussi à ouvrir ?
Un pendentif qu'ils…
Ah oui !
Ginny s'en souvint !
C'était trois ans plus tôt, lors du Grand Nettoyage de vacances.
C'était un médaillon en or, avec un serpent gravé dessus.
Un serpent formant un "S"…
Ron sembla s'en être rappelé bien plus vite. Il était déjà agenouillé quand Ginny les rejoignit dans leur recherche frénétique.
– Tu veux dire… Qu'il était sous notre nez depuis tout ce temps ? dit-il.
– Cherche, au lieu de parler, répondit Hermione, qui avait entrepris de remettre un à un dans la malle les bibelots ne correspondant pas à la description que Harry avait faite ("Ordre et Organisation résolvent toujours tous les problèmes").
Ginny avait mal aux genoux à force d'être à quatre pattes. Et elle commençait aussi à avoir froid.
Mais il fallait souffrir pour réussir.
Bientôt, tous les objets furent passés au crible, et jetés rageusement dans la grosse malle. Malheureusement, il ne resta plus rien sur le plancher, pas même un médaillon de Serpentard en or.
– Hermione… Tu es vraiment certaine que tout ce qu'on a rangé était là-dedans ? demanda Harry, en serrant les dents.
– Absolument, répondit Hermione.
– Et… Tu es vraiment certaine qu'on ne l'a pas jeté aux ordures ?
– Indubitablement. Je me souviens encore l'avoir mis moi-même dans la malle, avec tout un service à thé.
– Alors…
– Alors ?
– Dis-moi où est ce médaillon ?
Hermione réfléchit quelques secondes.
– Pas ici.
Harry s'écroula par terre.
– Mais c'est pas possible ! Où tu veux qu'il soit ?!
– J'en sais rien ! Y'a une demi-heure, je ne savais même pas ce que ce truc était en réalité ! répondit Hermione, en s'époussetant.
Quand il était question d'Horcruxe, Harry et Hermione était les plus concernés.
Et donc les plus sur les nerfs.
– Ça, ça change rien au problème ! s'emporta Harry. Que tu saches ce que c'était ou non, ce médaillon devrait être ici !
– J'ai pas la Science infuse ! répliqua Hermione.
– Tu devrais !
– C'est pas faute d'avoir essayé !
– BOUCLEZ-LA !
Harry et Hermione se tournèrent vers Ron, éberlués.
Ginny fit de même.
– Un bijou, ça ne s'évapore pas tout seul dans la nature, dit Ron. Il est peut-être ailleurs, il n'a pas pu quitter la maison. Hermione. Où on avait trouvé le Médaillon, déjà ?
– Dans une des armoires vitrées du premier étage. Avec le service à thé.
Le service à thé ?
– Euh…, commença Ginny.
– Pas maintenant, l'interrompit Ron. Harry. Qui s'occupait des babioles à jeter ?
– Sirius. Je m'en rappelle, il avait un gros sac bien lourd…
– Dites…, réessaya Ginny.
– Tais-toi un peu, la coupa de nouveau Ron. Qui s'est chargé de monter la malle au grenier ?
– Non, parce que…
– Fred et George, répondit Harry. Il voulait même le faire en transplanant.
– C'est-à-dire que…
– En tout cas, ils n'ont rien touché, précisa Hermione. Ce n'était pas le genre d'objets qui les intéressaient.
– Quand vous voulez, vous m'écoutez, surtout…
Harry, Ron et Hermione se tournèrent vers Ginny.
– Quoi, encore ? dirent-ils, d'une même voix.
– Il n'y avait pas de service à thé.
Tous trois ne semblèrent pas comprendre.
– Gné ? laissa échapper Harry.
– Dans la malle, dit Ginny. Il n'y avait pas de service à thé.
Hermione replongea dans le bric-à-brac.
– Hé. Ginny a raison, dit-elle, avec un léger écho.
Enfin un peu de reconnaissance.
– Il manque aussi des coupes et des assiettes, maintenant que j'y pense…
– Des coupes ? dit Ron.
– Des assiettes ? dit Harry.
Ils se regardèrent, et soupirèrent un grand coup.
– Des explications ? demanda Ginny.
Elle qui était si contente d'avoir trouvé quelque chose, voilà qu'elle était de nouveau à l'Ouest.
– Mondingus Fletcher, répondit tout simplement Hermione.
Mondingus Fletcher ?
Alias le rouquin cleptomane ?
Ron frappa du poing sur le sol.
– J'y crois pas ! C'est ce minable qui a pris l'Horcruxe !
– On l'a surpris avec tout un stock d'objets appartenant à la famille Black, l'année dernière, expliqua Harry. Il essayait de les refourguer. Bordel…
– Il a dû revendre le Médaillon, dit Hermione. Il a en eu le temps, avant de se faire prendre.
Fletcher s'était fait mettre en prison pour tentative de cambriolage. Ginny avait lu ça dans le Daily Prophet.
– L'Horcruxe pourrait être n'importe où ! s'exclama Ron. Putain, on y était presque ! Maintenant, la seule personne qui serait capable de nous dire à qui Fletcher l'a revendu…
– C'est Fletcher lui-même, termina Hermione.
Sacré problème, en effet.
Ginny ne savait que très peu de chose sur le pénitencier d'Azkaban. Pour éviter les ennuis, le Ministère de la Magie évitait de donner trop de détails.
Tout ce qu'elle savait, c'était que la prison se trouvait sur une île, au loin. Mais quant à savoir où était située cette île…
De plus, ça ne devait pas être le genre d'endroit accessible à tout le monde. Bien que sujette à plusieurs évasions, ces derniers temps, Azkaban restait tout de même une prison, avec tout ce que ça impliquait : murailles, barbelés, miradors, etc.
L'incarcération de Mondingus Fletcher devait leur poser autant de désagréments qu'à lui (même si c'était, cela va sans dire, pour des raisons bien différentes).
Paradoxalement, si Fletcher n'avait pas été un voleur notoire, ils auraient pu facilement entrer en contact avec lui. Sauf que dans ce cas-là, il n'aurait rien dérobé, et que donc, taper causette avec ce brave homme n'aurait pas été une de leur priorité…
Tous les quatre restèrent silencieux, comme sous le choc, après avoir manqué une occasion pareille.
Au final, découvrir l'identité de RAB ne leur aura permis que d'être déçus.
Tout ceci n'était bien sûr que le fruit du hasard.
Fletcher aurait très bien pu prendre autre chose à la place du Médaillon de Serpentard.
Mais le hasard n'était en général pas très arrangeant, Ginny en savait quelque chose…
Au bout de quelques minutes, Harry se releva, manquant de peu de toucher le plafond, et s'étira.
– Allez… Habillez-vous.
Les autres le regardèrent, intrigués.
– Hein ?
– Vous avez très bien compris…
Il commença à descendre l'escalier du grenier.
– La chasse à l'Horcruxe est ouverte, ajouta t-il, avec un grand sourire.
Oh la…
– Attends un peu…, dit Ginny en le suivant jusqu'à l'étage du dessous. Tu veux aller à Azkaban ?
– Bien sûr. On ne va pas tout laisser tomber si près du but.
– Mais…
Ils se dirigèrent vers le deuxième étage.
– Azkaban est une prison de haute sécurité, pas une petite bourgade du Shropshire connue pour sa culture de la betterave ! Vous allez y entrer comment ?
– Par la grande porte.
– Mais…
Premier étage.
– Vous allez vous faire remarquer !
– Ce n'est pas si grave. Le Ministère nous cherche beaucoup moins que les Mangemorts. Et puis, techniquement, on n'a rien fait de répréhensible…
– Mais… Mais…
Ils arrivèrent dans la chambre.
– Vous ne savez même pas où elle est, cette prison !
– C'est une institution publique. On n'aura qu'à demander au conducteur du Magicobus de nous y emmener. Après, on improvisera.
Harry ouvrit la vieille penderie et en sortit quelques fringues.
– Je déteste quand tu improvises, dit Ginny. Tu veux que je fasse la liste de toutes les fois où tu as improvisé et où c'est parti en vrille ?
– On est trop pressé pour ça.
C'est vrai que ça aurait pu être long…
– Par contre, pense à prendre un vêtement chaud, dit Harry, en enfilant son jeans. Je n'ai pas envie que tu tombes malade.
– Un vêtement chaud ?
– Ben oui. Tu viens avec nous.
Il mit son pull.
– Je ne veux pas que tu restes à la maison sans personne.
Hé !
Ginny n'avait rien demandé !
Surtout pas à aller se perdre elle-ne-savait-où dans une prison pleine de psychopathes assoiffés de sang frais…
Avant, partir à l'aventure, comme ça, au petit matin, ne l'aurait pas vraiment dérangé. Elle aurait même été assez enthousiasmée.
Mais maintenant, Ginny voyait les choses différemment. Elle n'était plus toute seule.
Bien sûr, à ce stade sa grossesse, il n'y avait pas de réels dangers pour elle ou pour le bébé. Mais elle voulait éviter de courir de risques inutiles.
Qui sait ce qui les attendait à Azkaban ?
– Est-ce que j'ai mon mot à dire ? demanda Ginny, excédée.
– Pas vraiment, répondit Harry, avec un petit sourire.
Il l'embrassa sur la joue.
– Je vais rejoindre les autres. On ne peut pas partir sans rien… Dépêche-toi.
– Mais…
Harry quitta la chambre, sans même chercher à l'écouter.
Ginny n'arrivait pas à le croire !
Il venait de l'embrasser sur la joue…
