Chapitre 32 : La révélation

Le lendemain, au soir.
Couloir du premier étage.

– On pourrait attendre demain…, dit Harry.
– Harry, on aurait déjà dû leur dire ce matin…, répondit Ginny.
– Justement. On leur dira demain… Matin.
– Oh, mais t'es pas possible comme garçon…
Elle lui donna un baiser.
– Et puis, tu crois que je n'ai rien vu à ton petit jeu ?
– Mais… Quel petit jeu ? rétorqua Harry, d'un air innocent.
– Tu as repoussé l'échéance toute la journée !
– Tu es sûre que c'était uniquement pour ça ?
– Ben…
Il lui caressa les cheveux.
– Ça n'était pas plutôt parce que j'avais envie…
Il l'embrassa dans le cou.
– D'être avec toi ?
– Quand bien même, ce n'est pas une… Hmm… Non, arrête, c'est pas drôle…
– Mais je suis sérieux, Princesse…
Il continua à l'embrasser.
– Bon, j'admets que j'adore perdre mon temps avec toi, dit Ginny, avec un petit sourire. Mais tu n'es… Oh, plus bas, plus bas…
– Mmh… Comme ça ?
– En tout cas, sache que…
Ha…
Parfait.
– Harry, ce n'est pas bien. Ce que tu fais, c'est… C'est…
C'était difficile d'être concentrée dans ce genre de situation.
Et c'était comme ça depuis le matin.
Il aurait été hypocrite de la part de Ginny de s'en plaindre…

Harry avait été super avec elle.
Rien à redire.
À son réveil, il lui apporta son petit déjeuner. Il renversa la moitié du plateau sur le lit, mais sinon, c'était sympa.
Ils passèrent ensuite le reste de la matinée sous les couvertures, à se câliner à qui mieux mieux. Ginny avait rarement été caressée comme ça.
À midi, Harry lui organisa un "pique-nique".
Le petit parc de Grimmault Place n'étant pas spécialement accueillant (entre les mauvaises herbes, les canettes de bières et les seringues usées, il y avait de quoi être rebuté), ils s'isolèrent dans le Salon du deuxième étage, et déjeunèrent sur le tapis, rien que tous les deux. Ce fut d'ailleurs les meilleurs sandwichs au thon que Ginny ait jamais goûtés.
Puis, ils firent une petite sieste sur le grand divan du même Salon, blottis l'un contre l'autre.
L'après-midi fut consacré à la préparation des bagages de Ginny, pendant au moins… Oh, cinq bonnes minutes. Harry avait en effet une assez drôle de façon de "donner un coup de main", dans le sens où il laissait traîner les siennes un peu partout.
Ils s'éparpillèrent donc presque autant que les affaires de Ginny…
Résultat : rien n'était prêt, Ron et Hermione n'étaient toujours pas au courant pour la grossesse de Ginny, et cette dernière avait passé une journée géniale.
Il était évident que l'attention de Harry (aussi bienvenue soit-elle) n'avait rien de désintéressée.
D'une part, il devait se faire pardonner son attitude des dernières semaines.
Ça, c'était (très bien) fait.
Ensuite, il voulait garder Ginny près de lui.
Malgré la discussion qu'il avait eu avec elle, Harry n'était toujours pas résolu à la laisser partir.
La couvrir de baisers n'était pas seulement un moyen de lui dire "au revoir". C'était aussi un stratagème particulièrement déloyal pour lui faire regretter sa décision.
Et ça marchait.
Ginny se rendait compte à quel point toute cette affection lui manquerait, quand elle se retrouverait quelques jours plus tard dans son ancienne chambre, avec pour seule compagnie un Boursouflet nettement moins exaltant que le garçon qui était en train de lui faire, en ce moment même, un magnifique suçon…

– Je t'en pris, mon petit chéri…, supplia presque Ginny. On doit leur dire. Et le plus tôt sera le mieux.
Harry remonta le long de son cou, et ses lèvres finirent leur course sur les siennes.
– Pour que tu puisses t'en aller, c'est ça ?
– Pour qu'ils le sachent. S'ils doivent être Tonton et Tata, autant les prévenir à l'avance…
– Tata ?
– Oui, bon, Marraine…
Harry soupira.
– C'est facile pour toi. Tu es la fille, et tu es la plus jeune. C'est toi qui vas être la victime. Moi, je serais juste le gros dégoûtant qui ne fait pas attention où il va…
Ginny pouffa de rire.
– Oh oui, tu m'as détourné du droit chemin, démon. Moi qui était si pure, si innocente…
– Si vierge.
– Tu as peur de Ron ?
– Déjà qu'Hermione va nous faire tout un sermon…
C'est clair qu'ils n'y couperaient pas…
"Responsabilité… Folie… Luxure… Protection… Bla bla bla…"
– Bref, on est mort, conclut Harry.
– Allons, ce n'est qu'un mauvais moment à passer, dit Ginny, en l'attrapant par le bras. On leur doit la vérité. Ces deux personnes sont censées être nos amis, tu sais. J'ai même un lien de parenté avec l'une d'elles…
Harry fit la moue, mais se laissa entraîner.
– J'espère que ça va bien se passer.
– Mais oui…
Ginny l'embrassa sur la joue.
– Et puis, qu'est-ce que tu veux qu'il nous arrive ?

Pour des raisons évidentes, ils avaient décidé d'aller voir Hermione en première.
Sa réaction serait certainement plus posée que celle de Ron, qui serait sans aucun doute plus expansive.
Elle serait déçue.
Ginny lui avait dit que Harry et elle faisaient attention. Mais c'était avant de savoir qu'il fallait vraiment faire attention…
Comment allait-elle pouvoir lui dire ça ?
"Hermione, je suis"…
Non, trop direct.
"Hermione, moi et Harry, nous nous aimons très fort, alors nous avons"…
Non plus.
"Tu sais, la Vie est imprévisible. Certains vivent, certains meurent, et certaines deviennent Tata"…
Bon.
Elle laisserait Harry parler…

Arrivés devant la porte de la chambre d'Hermione, ils respirent un grand coup.
Ils avaient le trac.
– Tu es prête ? demanda Harry, d'une voix mal assurée.
Ginny lui prit la main.
– Toujours.
Harry lui sourit.
Il frappa timidement à la porte, et ouvrit.
– Euh… Hermione ?
Hermione était en train de s'affairer à droite à gauche, comme si elle cherchait quelque chose.
– Quoi ? répondit-elle, en fouillant sous son lit.
– Hermione, on…
Harry hésita.
– Allez, lui dit Ginny, à voix basse.
– Voilà. On a quelque chose à te dire. Et…
– Vous n'auriez pas vu Pattenrond ? le coupa Hermione, d'un ton inquiet.
– Pattenrond ?
– Oui, je le cherche partout depuis tout à l'heure. D'habitude, il dort ici, mais je ne le trouve nulle part. Ce n'est pas normal…
– Ben, si tu veux, on t'aidera à le trouver. Mais avant, on doit t'avouer quelque…

BLAM !

La déflagration leur fit perdre l'équilibre.
– Oh, bon sang ! s'écria Hermione.
Ginny se retrouva à genou sur le sol. Elle avait les oreilles qui sifflaient.
– Tu n'as rien ? lui demanda Harry.
– Non…
Elle posa inconsciemment la main sur son ventre.
– Non, ça va.
Ouf.
– Mais… Qu'est-ce que c'était ?
– J'en sais rien. On aurait dit que ça venait d'en bas.
Ils se relevèrent, et sortirent de la chambre.
Un nuage de poussière, en provenance du rez-de-chaussée, s'élevait dans l'escalier.
– Il faut qu'on aille voir, dit Harry. Où est Ron ?
Oh non.
Ron.
Et s'il était...?
– Aucune idée, répondit Hermione, paniquée. Il… Il est sorti, tout à l'heure. Mais je ne sais pas s'il est rentré.
Harry, Hermione et Ginny saisirent leurs baguettes magiques et descendirent l'escalier quatre à quatre.
Quand ils atteignirent le premier étage, ils purent constater l'étendu des dégâts.
– Oh, bordel…
Le Hall d'Entrée était en ruine.
La porte avait été détruite, ainsi qu'une bonne partie du mur. Une ouverture béante donnait maintenant accès à l'extérieur.
L'explosion avait même réduit en cendres le vieux portrait de Mme Black.
Ils descendirent l'escalier, et s'avancèrent.
Ginny n'était pas du tout rassurée.
C'était impossible. La Maison aurait dû être protégée, normalement.
Qui avait pu…
Expelliarmus !
Ginny reçut comme un choc électrique dans la main, qui lui fit lâcher sa baguette.
Oh m…
– AAAH !
Une force invisible la plaqua violemment contre le mur, lui brisant presque la colonne vertébrale. Sur le coup, elle eut le souffle coupé.
Hermione hurla.
En une fraction de seconde, des chaînes jaillirent de la cloison et leur enserrèrent les chevilles et les poignets.
Ils étaient piégés.
– Ginny ! cria Harry, à côté d'elle.
– Harry, qu'est-ce… Qu'est-ce qui se passe ?
– Ne t'inquiète pas, je vais…
– Bonsoir, Harry.
Quelqu'un sortit de l'ombre.
Ginny l'avait déjà rencontré, auparavant. Mais c'était sous une autre forme.
Petit, le teint terne, presque chauve, avec le nez pointu. Il portait une robe noire usée, et arborait ce que Ginny crut d'abord être un gant de métal, comme celui d'une armure.
Mais en réalité, c'était une main. Une véritable main en argent.
Harry fronça les sourcils.
– Queudver…
Il fut pris d'un accès de colère.
– Espèce de pourri !
– Crois-moi, Harry, dit Queudver, l'air attristé. Je suis désolé de ce qui arrive…
Harry commença à se débattre violemment.
– Libère-nous tout de suite !
– Je ne peux pas. Je dois suivre les ordres. Je devais venir ici et vous neutraliser…
– Et comment tu as fait, hein ? Comment tu as fait pour trouver la Maison ?
– Quelle question stupide, dit soudain une voix, derrière eux.