Oulalah, je suis très gâtée par vos reviews !

Merci à tous les reviewers/euses, j'ai essayé aujourd'hui de répondre à tout le monde!

Voici l'histoire de Zaïde, qui, peut-être, va vous sembler bizarre sur un point précis... Mais je vous laisse découvrir par vous même !

Et voici…

SAIYUKI: REGARDS D'AUTREFOIS, épisode 10.


"S'il vous plaît, Monsieur, une petite pièce…", quémandait une enfant, la main tendue entre les passants, les suppliants du regard. Les autochtones la regardaient gentiment, et parfois lui offraient une piécette, un fruit, quelques bonbons… Devant ses habits déchirés. Quand aux touristes… Soit ils s'éloignaient d'elle, semblant ne pas l'avoir entendue, soit ils lui tendaient leur fond de porte-monnaie. C'était souvent ses plus généreux donateurs. Elle courait alors rapporter ses gains à sa mère, qui faisait elle aussi l'aumône aux automobilistes.


"Mama… J'ai reçu vingt dirhams en tout ce matin…, commenta-t-elle en lui glissant les pièces dans la main.

-Rien d'autre ? demanda la femme en comptant leurs maigres recettes.

-Quelques figues de Barbarie, mais j'ai mangé la mienne, Mama… J'avais faim…

-Bsahtek, benti, (bsahtek est une expression que l'on dit lorsque quelque chose de bien est arrivé à quelqu'un, et qu'on lui souhaite du bonheur en plus, il n'y a pas de véritable traduction. Benti : ma fille.), je suis contente, sourit la mère en glissant dans sa poche les quelques dirhams qu'ils avaient récoltés. Aujourd'hui, nous allons pouvoir acheter du lait pour ton petit frère…"

Un vagissement s'éleva, et elle détacha le long pan de tissu qui conservait le petit garçon dans son dos.

La fillette le taquina en bougeant les doigts au dessus de son nez, faisant rire l'enfant :

"Ahlen (ahlen : bonjour, salut), Abdullah ! Bien dormi ? Flemmard, va, pendant que Mama et moi on travaille, toi, tu mange !", termina-t-elle en lui tirant la langue.

Le bébé rit devant sa grimace, et tous se dirigèrent vers une petite épicerie où ils trouveraient du lait pour bébé.


Le soir, lorsqu'ils rentrèrent dans le quartier où ils dormaient, ils croisèrent leur père, qui quittait violemment leur coin.

"Qu'est-ce qu'il y a , demanda la femme, craintive devant les yeux luisants de colère de son mari.

-Ce qu'il y a ? Tu ne le vois pas ?", cria-t-il. Ce soir, nous n'avons encore rien à manger, et toi, tu me demandes ce qu'il y a ?

-Pardon…", murmura la femme, la tête baissée.

Le mari s'éloigna en pestant, alors que la mère s'asseyait devant ses deux autres fils.

"Nous n'avons rien ramené… avouèrent-ils en baissant la tête… Partout où nous allions, nous étions chassés… Les commerçants ont peur que l'on vole…

-Vous avez de la chance, Zaïde a pensé à vous aujourd'hui, sourit la mère en attirant sa fille unique. Elle a reçu quelques figues d'un marchand… Il y en a une chacun."

Les garçons se jetèrent avec voracité sur le petit fruit, et le dévorèrent en un instant.

"Mmm… C'était bon !", soupirèrent-ils de contentement alors que le père revenait, portant un peu de pain. Sa fille lui tendit la figue qu'elle avait réservé pour lui, mais il la regarda à peine.

-Je reviens des fours, une femme a bien voulu me donner un pain, grogna-t-il en le partageant en autant de parts que de personnes. Il réserva la plus grosse pour son fils aîné, et la plus petite pour lui-même. Zaïde lui offrit bien un peu de la sienne, mais il refusa.

"Baba… J'ai reçu des figues de Barbarie d'un marchand… Tiens, voilà la tienne.", dit-elle en lui tendant le petit fruit épineux.

Le père la remercia d'un sourire et mordit à pleine dents dans le fruit parfumé.

"Ma brave Zaïde…", la félicita-t-il d'une caresse dans les cheveux.

Son regard se voilà de tristesse en croisant les grandes pupilles noires.

"J'aurais aimé vous offrir mieux que ça, mes enfants…", soupira-t-il en la serrant contre lui.

L'appel du muezzin retentit dans l'air du soir, et toute la petite famille se dirigea vers la mosquée afin de remplir le second pilier de l'Islam.


"Zoubeïda…, murmura le père en prenant les mains de sa femme alors que leurs enfants s'étaient enfin assoupis, j'ai bien réfléchi…

-Oui ?

-Je pense… Je pense que nous devrions vendre Zaïde à une famille pour qu'elle devienne servante…

-Mais… Mais…

-Ce sera toujours mieux pour elle que de continuer à mendier dans la rue , argumenta l'home, je ne veux pas qu'elle termine aussi mal que moi. Ce ne sera sans doute pas une grande chance, peut-être ne sera-t-elle qu'une servante toute sa vie, mais au moins elle aura un toit, à manger tous les jours…

-Zaïde est celle qui nous rapporte chaque jour le plus d'argent… Nous ne pouvons pas nous passer d'elle… Aujourd'hui, elle a récolté suffisamment pour payer à elle seule le lait d'Abdullah…

-Avec l'argent que nous retirerons de sa vente, je pourrais acheter une bicyclette. Tu sais que la majorité des employeurs demande d'avoir un véhicule. Ce ne sera pas grand chose, mais je pourrais travailler. J'ai croisé un homme, qui veut bien m'embaucher comme livreur tous les jours. La seule condition est que je possède une bicyclette. Je gagnerais de quoi payer à manger, et en économisant, on pourra peut-être acheter une petite pièce dans un immeuble…

-Baba…"

La petite voix féminine, implorante, s'était élevée dans l'obscurité.

"Vous… Vous voulez me vendre ?", demanda-t-elle, larmoyante.

-Oh, smahlia (pardonne-moi), ma Zaïde, murmura le père en l'embrassant, je ne voulais pas que tu entendes ça… Je suis désolé, on ne te vendra pas… Promis…

-La (non.). Je… Je veux bien être vendue, termina-t-elle en pleurant, s'accrochant au vêtement de son père.

-Zaïde, murmura sa mère en la serrant dans ses bras. Zaïde ma chérie, je suis fière de ta générosité."


Le lendemain, la mère, accompagnée de sa fille, pénétra dans un cabinet médical.

"Bonjour, madame, vous avez rendez-vous ?", demanda poliment la secrétaire.

-Non… Mais je souhaiterais voir le docteur pour ma fille, dit Zoubeïda.

-D'accord… Il n'a personne tout de suite, vous pouvez aller le voir.", termina-t-elle en les escortant dans le couloir après s'être renseignée auprès du praticien.

"Bonjour, sourit la doctoresse en les voyant entrer. Alors, c'est mademoiselle qui ne va pas bien ?

-Non, docteur…, commença la femme, hésitante, je venais vous voir… Pour… Pour vous la vendre.

-Me vendre votre fille ?

-Oui, docteur, continua la mère. Nous sommes mendiants, nous n'avons pas de travail, nous avons de la peine à nourrir nos enfants tous les jours… Est-ce que vous accepteriez de l'acheter ?

-Mais… Je ne peux pas vous acheter votre fille…, murmura la doctoresse en s'asseyant à son bureau, un peu déstabilisée par la demande incongrue de la femme qui lui faisait face. Je ne peux pas…"

Prise d'une inspiration subite, elle plongea vers l'un de ses tiroirs, et en tira cinquante dirhams.

"Madame, je ne peux pas vous acheter votre fille, mais je tiens à vous donner cet argent. Tenez, prenez-le…"

Et la femme se retrouva dehors, avec cinquante dirhams, tenant à la main sa fille réjouie.

"Mama… Tu n'as même pas eu besoin de me vendre !

-C'est…. Merveilleux, Zaïde , sourit la mère en tendant pauvrement les cinquante dirham à son mari, qui les cacha prestement dans une poche de son manteau. Une bicyclette ne coûtait pas ce prix là. (ndla : aujourd'hui, cinquante dirham valent environ cinq euros.)


"Mummy…

-Oui, Capucine ?

-I'm hot…

-Moi aussi…, soupira Mimi

-Moi aussi…, la singea Evan, avant de se prendre une petite tape par sa cadette. Une petite course poursuite amusante s'engagea tout de suite.

"Stop, stop it , criait et riait Capucine en s'excusant auprès des passants. Hey, Mimi !"

L'enfant se retourna, courant toujours, et rentra accidentellement dans une petite fille. Elles tombèrent toutes deux au sol, et les adultes commencèrent à crier.

"Smahlia, sorry , s'excusa la gamine en aidant la petite marocaine à se relever.

Les parents accoururent aux cris, et les explications fusèrent.


L'incident se termina bien, et, apprenant la situation financière du couple, les parents les invitèrent au restaurant avec tous leurs enfants.

Ne comprenant pas trop bien l'arabe, les enfants des touristes se contentèrent d'absorber tous les plats qu'on leur présentait, aidés dans cette lourde tâche par les petits marocains, avec qui ils sympathisèrent très vite. A la fin du repas, la discussion baissa d'un ton, et, comme pour mettre les enfants en dehors de tout ceci, la mère commanda six énormes coupes de glace. Les enfants eurent vite fait de l'avaler, puis se précipitèrent dans le patio du restaurant où, malgré la barrière de la langue, ils s'amusèrent le mieux du monde.


Puis, finalement…

"Mimi, Evan, Capucine !

-Oui, papa ?

-Venez, on rentre à l'hôtel… Zaïde ?"

L'homme tendit à la petite fille une main sympathique, un sourire sur les lèvres :

"Tu viens avec nous ?

-Baba… Mama…, cria la petite fille en se jetant dans les bras de sa famille, qui remercia une dernière fois les touristes de s'engager de prendre ainsi soin de leur enfant.

-Elle ira en France ?

-Oui…

-A l'école ?

-Oui, ne vous en faites pas… Nous lui donnerons la meilleure éducation… Est-ce que vous voudrez qu'elle revienne vous voir de temps en temps…

-Zaïde, si tu veux revenir nous voir… Nous n'habiterons sans doute plus là où nous sommes… Cette famille a été très généreuse. Tu ne seras pas servante, tu étudieras… Lorsque nous aurons notre propre maison, nous t'écrirons, et si tu veux venir, tu seras toujours la bienvenue…

-D'accord, Baba , sourit la petite fille.

Elle sera dans ses bras tous ses frères, les larmes pointant aux coins de ses cils, puis posa sa petite main hésitante au creux de celle qui s'offrait à elle.

-A bientôt… Dès que vous aurez un appartement, n'oubliez pas de nous envoyer votre adresse, nous vous enverrons de ses nouvelles.

-Je ne sais pas comment vous remercier., pleura le père. Vous sauvez ma fille de la rue, vous lui offrez un avenir dont je n'avais jamais rêvé… Soyez mille fois béni…"


La nouvelle venue dans la famille adressa un dernier au revoir à sa fratrie, alors que, pris d'un dernier élan de générosité, le père sortait de son portefeuille de nouveaux billets.

"Pour le vélo. Vous aurez de quoi vous trouver un bon travail.

-Merci mille fois…

-C'est à nous de vous remercier de nous offrir votre fille."

Les deux familles partirent chacune de leur côté, parfois se retournant pour un dernier au revoir… Puis l'ancienne vie de Zaïde disparut au coin de la rue.


"Bien, Zaïde… Si nous commencions par faire les boutiques ?", sourit la mère en s'adressant à elle en arabe.

-…

-Tu peux m'appeler Ambre, ou Maman, si tu le veux, je serais celle que tu souhaite, sourit-elle.

-Maman, je ne peux pas… Ambre… C'est joli.", sourit innocemment l'enfant en les suivant dans une première échoppe de vêtements.


Quelques heures plus tard, sa garde robe était faite.

"Daddy , commença Capucine.

-Oui ?

-Zaïde… C'est une nouvelle sœur ?

-Tout à fait, Capucine… Elle ne parle qu'arabe, alors…

-Tu comptes sur nous trois pour lui enseigner les subtilités de la langue français ! Aye, aye, Sir !", termina la rousse en se mettant au garde à vous.

-Et toi, Zaïde, tes nouvelles sœurs et ton frère vont t'apprendre le français… Mais je veux qu'en échange, tu leurs apprenne les rudiments de l'arabe, d'accord ?

-D'accord…

-Théophile, mais tu peux dire Théo.

-D'accord, Théo…, sourit Zaïde devant les sons nouveaux.

-Voici Evan, il a 10 ans, Mimi et Capucine, qui ont 7 ans. Tu dois en avoir 6, c'est bien ça ?

-Oui…

-Bienvenue dans la famille, Zaïde…"


"Plus tard, j'ai revu mes parents. Grâce à mon départ, mon père a réussi à acheter une bicyclette, trouver du travail, plutôt bien payé. Mes frères ont pu, après un certain temps, aller à l'école. Ils ont du retard, mais ils apprennent vite et bien. Au final, dans cette histoire, nous avons tous été heureux. J'ai deux fratries, aussi aimantes l'une que l'autre, quatre parents, car j'ai appris à appeler Ambre Maman et Théophile Papa. Nous aurions pu tous rester dans la rue pour le restant de notre vie, mais grâce à eux, nous sommes heureux… Tous.", termina-t-elle en s'installant près du feu alors que Karlouchka se levait et prenait place.


Ses mains entamèrent leur ballet aérien habituel, et Zaïde traduisit :

"Il y a encore moins longtemps… Beaucoup, beaucoup plus près…"


Et voici pour Zaïde !

J'ai essayéde décrire au mieux la vie de cette pauvre famille, mais sachez que la vente d'enfants telle que celle qui a eu lieu ici (même si c'était plutôt une adoption qu'une vente...) a bien lieu au Maroc... J'y ai vécu, et failli avoir une soeur "achetée"...

Voilà, à bientôt pour Karlouchka !