Chapitre 6 : Vertige


Alena perçut un bruit, un souffle rendu saccadé par l'hésitation. Le craquement d'une chaise ou d'un tabouret que l'on déplaçait avec précaution. Inconsciemment, elle contint sa respiration et se figea comme pour disparaître complètement. Son instinct l'alertait de la présence d'un autre individu qui se mouvait non loin d'elle ; elle attendit, l'oreille tendue, que s'exprimât celui qui provoquait toute cette agitation étouffée. Parce qu'il ne pouvait s'agir que de lui, de celui qui la gardait prisonnière ici et qui venait de lui tenir ce discours sans queue ni tête. D'un geste qui se voulut discret, elle remua des poignets pour voir si ceux-ci étaient toujours aussi solidement entravés qu'elle le pensait. Ils l'étaient. Elle laissa échapper un grognement de frustration.

— Je vous l'ai dit, Miss Almerade, le crin de centaure peut être rêche. Vous devriez vraiment cesser de vous débattre, vous êtes déjà suffisamment mal à en point.

Elle entendit un soupir, discret et indulgent. Peut-être un peu teinté de frustration également. Puis lui de reprendre :

— Je ne peux pas encore vous détacher, je regrette. Il y a des choses dont je dois d'abord m'assurer avant de pouvoir le faire.

— Peuh, mais pour qui vous prenez-vous ?! Pour votre gouverne, je suis celle qui est actuellement attachée à un poteau et que vous avez sans ménagement frappée. Pourquoi devrais-je vous faire confiance après ce que vous m'avez fait ?

La colère qui jaillit en elle provoqua un afflux de sang brusque jusqu'à ses tempes. Les pulsations frénétiques, perceptibles par elle seule, lui brouillèrent la vue et lui donnèrent la nausée.

— Vous avez entièrement raison ; je suis celui qui est en position de force et vous êtes la captive… pour le moment, abonda le ravisseur en toute bonne foi et avec calme. Je ne demande qu'à nous faciliter mutuellement la tâche vous savez ; je vous délivrerai sitôt que j'aurai les garanties auxquelles j'aspire. Mais avant ça, j'ai besoin que vous compreniez les implications de ce que je viens de vous révéler : avez-vous compris qui je suis, Miss Almerade ? Avez-vous la moindre idée de la situation dans laquelle vous vous trouvez ?

L'impatience contenue dans un barrage de raideur sourdait de manière ostentatoire. Mais Alena ne le percevait qu'à peine derrière le brasier de sa propre agitation.

— Vous n'êtes qu'un imposteur et un homme mort ! s'exclama-t-elle avec toute la virulence que lui permettait sa captivité. Vous ne cherchez qu'à me corrompre afin que je me détourne de Miraz. Vous voulez le trône de Narnia !

L'attitude outrageante de son geôlier la mettait hors d'elle ; elle enrageait de ne pouvoir tirer sa rapière et tailler cet individu insolent en pièces. Pourtant, bien qu'elle ne put voir le visage de son ravisseur pour en être certaine, elle crut percevoir la déception que sous-tendait l'éloquence du silence qui accueillit sa réponse.

— Il y a du vrai dans ce que vous dites, avoua-t-il après un temps. Premièrement, il est vrai que je désire le trône, comme je vous l'ai dit. (il s'écoula quelques menues secondes avant qu'il ne reprît) Je le désire car il me revient de droit par mon père, Caspian IX, victime d'un fratricide ignoble engendré par un homme à l'ambition folle. Je le désire, car la justice se doit de prendre le pas sur la démesure et sur le meurtre. Secondement, ainsi que vous le soulignez assez justement, pour beaucoup je suis un homme mort. Miraz m'a souhaité mort, d'ailleurs. Mais je suis bel et bien en vie et prêt à me battre pour mon héritage. Je suis Caspian X, souverain légitime Narnia, je suis dans mon bon droit lorsque je m'élève ainsi contre la tyrannie du pouvoir.

Cela avait beau être la deuxième fois qu'il se présentait avec une telle grandiloquence, Alena avait du mal à y croire, comme s'il manquait un mot pour que le message fût complet. Toujours décontenancée, elle se voyait incapable de manifester la moindre émotion quelle qu'elle fût. Elle eut aimé laisser libre court à une explosion de colère indignée, à l'éclatement d'un rire dément et hystérique, à un soupir profond de soulagement et d'adoration. Mais rien ne vint. Rien, hormis de la confusion qui ne pouvait que se vivre de l'intérieur. Comment avait-elle pu être tenue dans l'ignorance aussi longtemps ? Comment cela était-il seulement possible ?

— Écoutez, je conçois aisément que tout ce que je vous dis là doit vous paraître aberrant mais c'est pourtant bien la vérité, murmura le jeune homme en se levant de la chaise et en posant doucement la main sur le sac de toile qui couvrait le visage de la captive. Je vais maintenant retirer le sac : ne bougez pas si vous ne voulez pas que je vous arrache les cheveux.

Alors, aussi délicatement que si on lui caressait véritablement la tête, Alena sentit son visage s'alléger du poids de la toile. La lumière, si vive et si crue qui lui frappa le visage, lui arracha une réelle grimace de douleur. Elle détourna les yeux aussi vite que possible. Ces brusques sollicitations physiques entraînèrent une réaction violente de la part son corps, qui se manifesta par un redoublement de la nausée telle que la prisonnière eut grand-peine à lutter. Alena sentit sa tête lui tourner dangereusement. Quelque chose dans sa mine força Caspian à préciser :

— Ne bougez pas, Miss Almerade. Il se peut que vous soyez encore sensible ; les herbes que nous vous avons administrées pour faciliter votre convalescence peuvent avoir des effets secondaires… C'est du moins ce que m'a dit la nymphe en charge de vos soins. J'ignore si je suis censé vous donner quelque chose pour vous aider…

— Je…Je crois que je vais -

Alena n'eut pas le temps d'achever sa phrase ; un spasme soudain la projeta brusquement vers l'avant, laissant tout juste le temps à Caspian de s'écarter. L'âpreté de la bile lui brûla la gorge même après le reflux mais le soulagement d'avoir rendu le miasme amer lui procurait un bien plus grand encore. Le souffle court, elle fit reposer sa tête contre le poteau derrière elle afin de se remettre d'aplomb, cependant qu'elle entendit son geôlier se précipiter hors de la tente après avoir murmuré un rapide « Je reviens…»

Il revint effectivement quelques minutes plus tard avec une gourde qui contenait de l'eau fraîche, qu'il versa prestement dans un bol de terre cuite.

— Tenez, buvez ça en attendant l'arrivée de Brüme, notre soigneuse. Malheureusement je n'ai aucune prédisposition dans le domaine du soin, je ne vous serai donc d'aucune aide.

— Qu'est-ce qui m'assure que l'eau n'est pas empoisonnée ? demanda Alena en se redressant pour faire face à son interlocuteur.

Cette question était profondément inepte et elle le savait. Personne ne se serait donné la peine de la capturer si c'était pour l'empoisonner quelques plus tard en lui faisant boire un verre d'eau. Mais la volonté de tenir tête à l'oppresseur était plus grande que celle de se montrer réfléchie et sensée. Caspian ne parut pas s'en offusquer.

— Rien, répondit-il avec calme en prenant lui-même une gorgée d'eau avant d'incliner le bol vers Alena. Mais elle est fraîche, elle vous fera du bien.

Pour la première fois depuis son enlèvement, Alena fixa le visage de son ravisseur. Elle observa chacun des traits du visage de Caspian, comme si la preuve de sa mesquinerie se trouvait inscrite dans un des plis soucieux de son front, ou dans une étincelle vicieuse qui se serait tapie au fond de son regard brun. Mais la seule chose qu'elle remarqua fut qu'il était au moins aussi jeune qu'elle, et probablement tout aussi perdu.

Elle constata qu'il se livrait sans retenue à son regard inquisiteur, soutenant courageusement l'évaluation de ce juge austère qu'elle incarnait, mais se montrant tout aussi capable de juger. Car ses yeux à lui ne la quittaient pas davantage, ils relevaient le défi de la sévérité avec une conviction toute aussi déterminée, et toute aussi légitime. Alena sentit le choc de leurs regards lorsqu'ils entrèrent en collision. Elle cilla ; le contact se rompit lorsqu'elle se pencha en avant pour boire une gorgée d'eau et chasser définitivement ce goût amer qu'elle gardait en bouche.

— Brüme doit bientôt arriver ; c'est elle qui s'occupera de vous jusqu'à la fin de votre convalescence. Nikabrik sera sans doute avec elle. Ils doivent être en train de récupérer les vêtements que l'on a confectionnés pour vous.

Alena baissa les yeux et ne répondit rien. Elle commençait à s'interroger sur ce qu'elle devait faire ou dire à cet homme. À Caspian. Au moment où elle s'apprêtait à dire quelque chose, une nymphe fit son apparition au milieu de la tente. Un entrelacs de ramifications souples aux sillons verts. À l'endroit où se trouvaient ordinairement les cheveux chez les êtres humains se trouvait une cascade de pétales aux couleurs variées. Alena était subjuguée : c'était la première fois de sa vie qu'elle voyait une nymphe sylvestre d'aussi près. Aux côtés de la nymphe se retrouvait un Nain brun, d'apparence bourrue et sèche, et qui apportait avec lui un nécessaire de soins rudimentaires. Des dizaines de simples dépassaient de la sacoche élimée, non identifiables pour des yeux profanes.

— Je vais vous laisser, fit Caspian en dissimulant un sourire face au regard émerveillé d'Alena. Je serai avec les autres autour de l'Âtre, si vous avez besoin de moi, ajouta-t-il à mi-voix à l'attention de la nymphe. Occupez-vous d'elle du mieux que vous le pouvez, je compte sur vous.

— Majesté, je pense qu'il faut détacher l'épéiste, souffla la nymphe en coulant un regard neutre du côté de la captive.

— Impossible, elle pourrait se sauver ou même nous tuer ! s'indigna le Nain en se retournant vivement vers sa compagne, comme si elle l'eut insulté.

— L'épéiste ne peut aller nulle part dans son état, soutint-elle malgré tout. Et même si elle parvient à quitter le camp, elle est encore trop faible pour échapper à notre vigilance complètement. Nous pourrons la rattraper. Mais il faut qu'on la détache, l'épéiste ne pourra pas se rétablir correctement si nous la laissons ainsi. Je me porte garante de l'endroit où se posent ses pieds.

Les formulations étaient étranges. Un mélange maladroit de grammaire telmarine et, probablement, de parler narnien. Une volonté sincère d'assimiler les deux cultures, de les confondre en un seul afin d'appartenir à un même endroit.

— Je ne m'échapperai pas, si c'est ce qui vous effraie, intervint Alena en s'attirant tous les regards. Et de toute manière, il vous faudra bien me détacher à un moment donné si vous tenez à ce que je fasse quelque chose pour vous.

Sa déclaration fut accueillie par le silence propre aux délibérations internes. Alena voyait bien que chacun de ses interlocuteurs pesait le pour et le contre en son for intérieur. Les implications de sa soudaine libération étaient grandes. Surtout après le discours qu'elle avait tenu face à Caspian quelques minutes plus tôt. Elle fit de son mieux pour ne pas détourner le regard de crainte que sa gêne fut perçue comme de la lâcheté ou un manque de sincérité.

— Vous avez raison Miss Almerade, approuva Caspian après un temps en s'avançant vers la captive.

Il dégainait la dague pendue à sa ceinture tandis qu'elle demandait :

— Vous me faites confiance ? Là, maintenant ?

— C'est une bonne question, lui répondit-il avec un sourire. Mais j'ai confiance en Brüme. Je me fie à son jugement donc je vous libère.

D'un geste net et précis, il trancha les liens. Alena sentit le poids de ses bras lors qu'ils retombèrent sur ses cuisses, oubliant presque comment les soutenir elle-même. Ses poignets étaient effectivement rouges et irrités mais n'étaient pas douloureux à présent qu'ils étaient libres.

La nymphe, Brüme, s'avança vers elle et lui tendit le sac contenant les vêtements qui lui étaient destinés. D'un doigt boisé, elle désigna ensuite ceux qu'Alena portait déjà :

— Nous nous occuperons de les nettoyer. Vous ferez mieux de porter ceux que nous avons confectionnés pour vous, ils sont empreints des fibres de Narnia.

Alena ignorait ce qu'il fallait entendre par « fibres de Narnia » mais l'idée de changer de vêtements n'était assurément pas une mauvaise idée, surtout après ce qu'elle avait rendu. Son armure légère la gênait plus qu'autre chose à l'heure actuelle.

— Je m'appelle Brüme, enchaîna la nymphe. Et voici Nikabrik.

— Alena, leur répondit-elle machinalement.

— Nous le savons déjà, rétorqua le Nain comme pour rappeler l'évidence, tandis qu'il s'occupait à nettoyer les dégâts laissés sur le sol.

Alena se sentit rougir en récupérant les vêtements qu'on lui tendait. Ils lui indiquèrent un paravent derrière lequel la soldate s'empressa d'aller se réfugier. Brüme lui proposa son aide. Alena refusa. Péniblement et lentement, elle passa les vêtements qui lui allèrent presque aussi bien que s'ils avaient été une seconde peau. Sans doute devait-on avoir pris ses mensurations lorsqu'elle était inconsciente. Attentive, Alena essaya de savoir si elle percevait la bénédiction narnienne que l'on avait insufflée à son habillement, mais soit qu'elle fût insensible à ces signes soit que la bénédiction ne fût qu'une chimère symbolique, la soldate ne se sentait pas plus investie d'une puissance nouvelle qu'elle ne l'était auparavant.

— Les vêtements vont bien à l'épéiste ! s'exclama Brüme en jaillissant à sa rencontre.

— Avez-vous besoin d'autre chose ? s'enquit Caspian. Comment vous sentez-vous ?

— Nauséeuse… mais je vais mieux maintenant, je vous remercie, répondit-elle au Prince tandis que la nymphe s'occupait de récupérer les vêtements sales, laissés pour moitié sur le sol, pour moitié sur le paravent.

— Vous allez nous aider alors ? enchaîna Nikabrik avec si peu de tact.

Alena ne répondit pas tout de suite. Elle se doutait pourtant que tous attendaient sa réponse, que si Caspian s'était montré moins direct, son empressement à connaître sa position devait être au moins aussi affirmé que celui du Nain. La nymphe émit un sifflement qui rappelait le courroux du vent et le Nain se renfrogna.

— L'air est bon pour le corps qui guérit, sortir est le remède qu'il faut à la malade ! encouragea Brüme en faisant voler les pans de la tente en un geste qui se voulait prometteur.

Alena hésitait. La perspective de se confronter au monde extérieur dans son état lui semblait un défi insurmontable. D'un autre côté, elle ne pourrait se cantonner à rester dans la tente de Caspian indéfiniment. Celui-ci semblait l'encourager du regard, patientant à côté de la sortie pour l'accompagner au-dehors. Si elle voulait prendre une décision, elle n'avait pas d'autre choix que partir à la rencontre de ces Narniens qu'on l'avait chargée de défendre.

— D'accord, murmura-t-elle en faisant un pas à l'extérieur.

Cette fois-ci, ce fut le brouhaha ambiant qui la déstabilisa. Elle réalisa à quel point sa faiblesse physique était plus importante qu'elle ne l'avait cru lorsqu'elle s'était éveillée. Prudemment, Alena coula des œillades intriguées dans toutes les directions, évaluant l'état des ressources, la position des chemins, l'état des forces en présence... Etait-il possible de s'enfuir ? Mais toutes les informations qu'elle réussit à glaner ne voulurent pas se graver dans sa mémoire. Puis, elle remarqua la masse importante d'yeux, fixés sur elle avec une avidité non dissimulée. Elle remarqua les visages en même temps que le silence qui s'était abattu dans la forêt. Elle eut un mouvement de recul instinctif.

— Oh, vous êtes levée ! fit soudain une souris en s'avançant vers elle.

Alena la reconnut. C'était son petit assaillant, d'une redoutable célérité. Cette manifestation ne suffit pas entièrement à rompre le charme et à inciter la forêt à revivre, les Narniens continuaient de jeter de temps à autre des regards intrigués en direction de la convalescente même s'ils reprirent leurs discussions. La soldate s'agenouilla péniblement pour se porter à la hauteur de son interlocuteur :

— Je m'appelle Ripitchip, se présenta la souris en s'inclinant avec respect. C'est pour moi un honneur.

— L'honneur est mien, fit Alena en portant la main à son cœur, comme le voulait la coutume guerrière. Vous avez été un adversaire admirable, Ripitchip.

— Voulez-vous faire un tour du camp ? Je pourrai vous présenter les autres. Tout le monde n'attend que vous, vous savez.

Alena frissonna mais Ripitchip ne le remarqua pas. L'envie de vomir revint lui titiller subrepticement la gorge… Enjouée, la souris invita la soldate à la suivre et Brüme, d'un flot de pétales enjoués, incita la jeune femme à accepter la proposition. Elle jeta un bref regard à Caspian avant de le reporter vers la souris et d'acquiescer silencieusement. À mesure que leur progression, Alena ressentit de plus en plus durement l'ambivalence de sa position. Les salutations qu'elle recevait mêlaient l'admiration et le mépris, la déférence et la rudesse. Si elle était seulement un peu moins que ce qu'elle était, les Narniens n'auraient pas hésité à la tailler en pièces pour le mal qu'elle avait causé à être. Elle comprit petit à petit dans quel étau se trouvait Caspian et les raisons pour lesquelles il avait besoin d'elle. Pourquoi sa participation à la reconquête du trône était un élément central dans la mise en place d'une nouvelle politique de règne et de cohésion. Une vague de panique soudaine déferla sur elle avant même qu'elle n'eut le temps de réaliser ce qui lui arrivait

C'était plus qu'elle ne pouvait en supporter.


Les tremblements avaient cessé au bout du deuxième tranquillisant mais son esprit demeurait très agité, ce qui inquiétait Brüme. La nymphe jetait régulièrement des coups d'œil alarmé à sa protégée, que l'on avait ramenée avec difficulté dans la tente de Caspian avant de l'enrouler dans une couverture et de l'allonger. Ce dernier se tenait à son bureau de fortune aux côtés de la nymphe, qui tâchait de lui expliquer, avec toute la clarté que lui permettaient ses sinuosités grammaticales, ce qui était arrivé durant la promenade. Le prince se massa la tempe, sentant poindre en lui un début de migraine:

– Elle a paniqué sous le coup de la peur, souffla Caspian. En soi, ce n'est pas grave mais il faudra la ménager. Il faut que nous fassions en sorte qu'elle se sente en sécurité parmi nous, sans quoi ses crises de panique pourront revenir.

– L'épéiste est terrifiée… Et elle s'est fait voir par les autres. Maintenant ils hésitent.

C'était un point que Caspian n'avait pas osé soulever, bien qu'il s'en fût aussi rendu compte durant le rapport de Brüme. C'était bien le problème de cet événement malheureux, que les Narniens commençassent à douter de la capacité d'Alena à les secourir. Il ne pouvait que s'en vouloir d'avoir laissé les choses lui échapper avant même qu'elles n'eussent véritablement commencé. Il s'en voulait aussi de ne continuer à considérer Alena que sous le prisme de l'utilité. Le souci avec les gens utiles, c'est précisément qu'on se sert d'eux.

– Dans l'immédiat, le plus important est de faire en sorte que sa convalescence soit complète, conclut-il en s'adossant au dossier de sa chaise. Et le mieux pour cela est de l'isoler le temps qu'elle assimile correctement et entièrement la situation. Les autres regagneront le camp seuls. Toi, Nikabrik, Ripitchip, Alena et peut-être une ou deux autres personnes, nous formerons une petite escouade à l'arrière et nous les rejoindrons dès qu'Alena se sera entièrement remise. Nous pourrons alors faire appel à nos amis Griffons pour nous permettre de faire ce relais sans trop d'inquiétude. Ainsi, nous ne retarderons pas le groupe et nous risquerons moins d'être surpris au cas où Miraz aurait décidé de nous pourchasser. Je te laisse faire passer le message.

Brüme approuva cette décision et sortit commencer à en informer les autres afin qu'ils pussent prendre les dispositions nécessaires. En l'absence de la nymphe, Caspian quitta son bureau et vint au chevet de la malade, que les calmants avaient finalement achevé de tranquilliser. Une mince pellicule de sueur perlait sur son front détendu tandis qu'elle dormait, apparemment calme, sur les couvertures royales qu'elle avait dû repousser dans son sommeil.

En dépit de la bienséance, il ne put réfréner sa curiosité et se mit à détailler les parties du corps visibles de la jeune femme. Les multiples cicatrices rosâtres qui parsemaient ses avant-bras et qui devaient toutes avoir une histoire bien à elles. La fine tache de naissance qu'elle avait sur la tempe droite et qu'on ne devait pas voir lorsqu'elle laissait ses cheveux détachés. La courbe de son nez qui remontait comme celui d'un furet malicieux et un peu gauche, et parsemé de petites taches brunes… Non, Alena n'avait décidément pas le visage de la chose la plus redoutable de l'empire.

Elle avait le visage de la simple fille qui n'avait pas eu de chance, et qui faisait de son mieux pour composer avec ce que la vie lui avait donné.


Hello !

Peut-on dire que je refais mon énième come-back ? Nous le dirons.

Un message tout particulier à Tibbyfande, qui attend patiemment un nouveau chapitre à chaque fois... Je suis vraiment désolée !

Il s'en est passé des choses depuis mon absence: j'ai trouvé un peu de travail et j'ai obtenu mon diplôme (et je rentre bientôt chez moi pour les vacances) !

Je peux donc désormais me remettre assidument à l'écriture - du moins je l'espère - à présent que je n'ai plus de réelles contraintes.

En espérant vous retrouver comme je vous ai laissés, en bonne forme et contents d'être là.

Contente d'être revenue,

Lhena :)