Chapitre 2 : Rude :

Lui aussi venait d'obtenir son uniforme de Turk, symbole de la réussite aux examens. Pourtant il était assez chiffonné car il ne trouvait pas de changements visibles avec son ancienne personnalité, dont il voulait se débarrasser ainsi que tous les souvenirs qui s'y rattachaient. Sa chevelure noir corbeau et ses yeux tristes, qu'envierait un chien battu, étaient deux symboles de l'être qu'il avait été et qu'il détestait. Après avoir vidé quelques tiroirs, il mit la main sur deux objets qui lui seraient nécessaires pour mener à bien sa transformation. Avec une tondeuse, il se rasa entièrement le crâne, abandonnant une chevelure qu'il jugeait trop reconnaissable. Le deuxième objet était un cadeau du feu follet roux qui lui servirait désormais de partenaire au sein de l'organisation. Il s'agissait de lunettes de soleil, aux verres noirs qui empêchaient de voir l'expression du regard de celui qui les portait. Après ces deux retouches, il se dévisagea de nouveau dans la glace de la salle de bains et il fut satisfait du résultat qui gommait tout ce qu'il avait pu être.

Il était né à Midgar, dans les Taudis, comme Reno, mais à la différence que, si Reno avait grandi au sein de la fine fleur des malfrats de la ville, Rude avait été élevé dans un milieu d'ouvriers qui frôlaient souvent la misère. Ses parents travaillaient tous deux pour la Shinra, sa mère était une ouvrière modèle, mais sous-payée, dans une conserverie tandis que son père était forgeron. Mais pas un forgeron de haute classe, pas ceux qui forgeaient les armes sur mesure pour les guerriers de haute importance. Son père n'était qu'un forgeron de la catégorie la plus faible et la plus méprisée. Son travail consistait à forger les casques des troupes Shinra, travail peu reluisant, peu gratifiant et qui obligeait à un travail harassant car les ouvriers étaient payés une misère pour chaque pièce qui sortait de leur atelier. Ainsi, toute la petite famille vivotait dans une masure sinistre et humide qui les hébergeait mais au moins ce n'était pas un amas de tôles et de déchets comme pour la plupart des ouvriers.

Il était le petit dernier d'une fratrie de trois garçons. Son frère le plus âgé travaillait comme agent de sécurité dans une usine Shinra et travaillait dur pour, un jour peut être, atteindre son rêve. Il prenait en effet des cours le soir et s'entraînait physiquement et quotidiennement afin de pouvoir entrer parmi l'élite des troupes entretenues par la Shinra, le Soldat. Son autre frère, plus vieux de deux ans, avait commencé son apprentissage de forgeron quand Rude subit le premier choc de sa jeune vie.

Il venait de commencer son deuxième cycle scolaire quand l'un de ses professeurs convoqua ses parents. Cela était toujours un mauvais signe soit parce qu'il y avait des problèmes de discipline, ce dont Rude doutait, se sachant être un élève calme et effacé, soit pour des problèmes de niveau scolaire. Sa classe avait subi les tests d'entrée quelques jours plus tôt et c'était sans doute les résultats qui justifiaient la convocation de ses géniteurs. Ses parents ne se formalisèrent pas, leur deuxième fils ayant déjà eu des problèmes scolaires, et rassurèrent Rude en lui disant qu'il ne serait pas puni pour ne pas être assez bon à l'école du moment qu'il faisait son maximum. Vu le travail scolaire acharné que fournissait Rude en dehors des cours, aucun des deux parents ne semblait trouver légitime de blâmer un enfant qui faisait son maximum.

Quand ils revinrent, Rude se trouvait bien incapable de définir ce qui avait pu être dit. Il fut tout d'abord inquiété par l'air bougon et renfrogné de son père puis, sans aucune transition, vit sa mère entrer avec un sourire béat et extatique aux lèvres. Son père rameuta ses deux frères et tous prirent place dans le salon et ses canapés qui semblaient avoir depuis longtemps dépassés leur limite d'utilisation. Une fois toute la famille réunie, sa mère prit la parole, sa joie immense toujours aussi affichée sur le visage.

-Comme vous le savez, nous sommes allé voir le professeur de Rudynounet, annonça sa mère, le surnom ridicule provoquant de larges sourires sur les visages de ses deux frères tandis que Rude se renfrognait de plus en plus.

-Et nous avons appris une nouvelle bien surprenante, renchérit son père.

-Vous voulez bien dire de quoi il s'agit ? ronchonna Rude, énervé par le cérémonial inattendu que créaient ses parents.

-Nous avons eu tes notes de ton test, c'est très bon, le félicita son père.

-Excellent même, renchérit sa mère. Tu es arrivé deuxième national. Tu peux intégrer l'Ecole Spéciale si tu le veux.

Rude restait muet à cette nouvelle. L'Ecole Spéciale. L'institut qui formait l'élite, des gens qui auraient dans le futur le destin du monde. Il resta bouche bée, toutefois un peu surpris par le regard torve que lançait son père en direction de sa mère. Ses deux frères vinrent le féliciter, le plus vieux le chambrant gentiment en réclamant son aide pour la préparation de son concours, ce qui fit enfin réagir Rude qui afficha un large sourire. Son autre frère ne semblait pas partager la joie qui régnait dans la maison, le félicita et partit s'enfermer dans sa chambre. Sa mère intervint pour l'envoyer dormir, à neuf ans Rude avait encore bien besoin de sommeil. Il tenta de la convaincre de le laisser un peu plus veiller, prenant pour argument ses bonnes notes. Cela dérida son père qui éclata de rire et approuva le choix de la mère. Rude partit se coucher, la tête plein de rêves d'avenir doré. Il entendit des éclats de voix mais ne se formalisa pas, ses parents se disputaient assez souvent ces derniers temps sans toutefois mettre leur couple en péril.

Le lendemain, il vit sans surprise sa mère avec les yeux rougis, signe qu'elle avait pleuré, comme après chaque dispute. Il engloutit rapidement son petit déjeuner et prit le chemin de l'école. Sur les murs entourant la porte d'entrée, les résultats des divers concours avaient été affichés et les têtes se tournaient au passage de l'enfant. Il jeta un coup d'œil distrait à ses résultats, juste pour bien confirmer que la scène de la veille n'était pas un mauvais rêve. C'est écrit, noir sur blanc. Il ne lui a manqué que deux points pour faire le sans-faute, performance remarquable sur un concours qui se note sur quatre milles points.

Son entrée dans la petite cour, destinée à accueillir les enfants pendant leur pause, marqua la fin des rires et des jeux. Il se sentait gêné, comme une bête. Tous l'observaient étrangement et certains ne cachaient pas leur jalousie qui transparaissait dans leur regard. Le jeune garçon surdoué baissa légèrement la tête. Jamais auparavant il n'avait tant d'attention sur lui. Il avait toujours été un élève effacé et discret. D'un pas rapide et déterminé, le noir se sauva des regards envieux, pour sa cacher au fond de la cour. Pourtant, avant qu'il puisse se rendre à son but, on le bouscula. Un enfant plus vieux et plus costaud se tenait à ses côtés. Rude le reconnut aussitôt : cet empoté de Masrh. Les fois qu'ils avaient échoué ses cours ne se comptaient plus sur une main. Le crâne parfaitement rasé, ses yeux bruns lançaient des éclairs au jeune Rude. Les deux enfants partageaient la même classe et les résultats de Rude le rendaient furieux.

- Foutu surdoué, cracha-t-il.

Rude se contenta de lui lancer un regard surpris, avant de poursuivre son chemin. Il était intelligent, plus que la moyenne, et alors ? Ce n'était pas une raison pour utiliser la brutalité envers lui. Le garçon du nom de Marsh le poussa une nouvelle fois en l'injuriant avant de retourner avec ses camarades. Rude arriva finalement à sa destination : le fond de la cour. Aucun enfant ne jouait là-bas. Il s'assit en tailleurs sur le sol rocailleux et laissa tomber sa tête contre son torse. Pourquoi de simple résultat de concours pouvait rendre jaloux tant de monde ? Le timbre de la cloche sonna, annonçant la reprise des cours. L'enfant de neuf ans resta dans cette position encore quelques instants avant de se relever. Il épousseta négligemment la poussière sur ses vêtements avant de prendre la direction des classes.

Une année entière avait passée. En ce lundi après-midi, Rude était installé à son pupitre habituel, près de la fenêtre. Il laissait son regard voguer à l'extérieur. Certes, le paysage n'était pas joyeux. Que des bâtiments gris, usé par le temps. Quelques graffitis venaient mettre de la couleur, mais sans plus. L'instructrice de la classe, une vieille dame aux traits tirés expliquait d'une voix morne des problèmes de mathématiques quelconque. Ce matin, une nouvelle dispute avait éclaté entre sa mère et son père. A son propos, comme toujours. Son paternel refusait catégoriquement que son fils prenne la direction de l'Ecole Spéciale. Son plus grand rêve était qu'il devienne forgeron comme lui et son frère. Le jeune garçon était contre ce futur déjà tracé. Lui, il voulait connaître l'Ecole Speciale, devenir quelqu'un d'important. Pas seulement un ouvrier de classe minable. Pourquoi ne pouvait-il pas avoir un avenir brillant ? Distraitement, il griffonnait avec son stylo sur un bout de feuille. La dispute de ce matin l'avait ébranlé. Sa mère était monté à sa chambre et avait commencé à rassembler ses effets personnels tandis que son père avait quitté le nid familial en compagnie de l'aîné des trois garçons pour aller travailler. La cloche marquant la fin du cour, le tira de sa rêverie. Tous les élèves sortirent hâtivement de la classe. Rude ramassa son matériel scolaire et quitta à son tour les lieux, redoutant un peu son retour à la maison. Il se fit bousculer au passage par quelques élèves, qui le méprisait toujours. Sa réputation c'était détérioré au cours des mois. Marsh faisait circuler plein de rumeur à son sujet, mais Rude les ignorait, tous. Il se contentait de se refermer sur lui-même et d'encaisser chaque coup, chaque insulte. Aussi méchante soit-elle.

Chez lui, ses doutes furent confirmés. Dans le petit salon aux teintes d'orangé et de blanc, la famille au grand complet était réunie. D'un côté, sa mère et le plus grand des frère. De l'autre, son père et le benjamin. Quelques valises avaient été posées sur le tapis aux motifs jaunâtre et brun. Ça y est, la famille venait d'éclater. Ce fut le père qui s'avança vers Rude. Ses yeux d'un bleu éclatant étaient, plus ternes, aujourd'hui. On pouvait y voir la fatigue. La fatigue d'endurer toutes ses disputes, de subir ses problèmes d'argent. Ce n'était pas de gaieté de cœur qu'il quittait la maison, son regard le prouvait. La question fatidique fut alors posée :

- Avec qui veux-tu vivre ?

C'était sa mère qui avait parlée. Sa voix était ponctuée de petits sanglots. Son grand frère posa une main sur l'épaule de sa génitrice et lança un sourire à son frère. Ce dernier pris rapidement sa décision, avec sa mère, il pourrait vivre sa vie comme bon lui semblerait. Il alla donc s'asseoir aux côtés de sa mère, qu'il vit sourire faiblement. Il regardait son frère et sa mère quand il entendit un claquement de porte : son père et son autre frère venaient de vider les lieux. Son frère aîné soupira puis se dirigea vers la cuisine où il revint avec des victuailles qui serviraient de repas. Sa mère partit s'enfermer dans sa chambre où on l'entendit pleurer. Rude se sentait mal à l'aise.

-Hé, Rude c'est pas de ta faute ce qui arrive.

-Hein ?

-Tu culpabilises parce que les parents se séparent ?

-Ouais, un peu. J'ai l'impression que tout va mal depuis que j'ai été accepté à l'Ecole Spéciale.

-C'est plus lointain, depuis que papa refuse les promotions.

-Quoi ?

I-l pourrait être deux fois plus payé à l'heure actuelle, mais il a toujours refusé.

-Mais pourquoi ?

-Parce que c'est un fainéant. Il fait largement sa part de travail en trois heures, bosse quatre heures de plus et va boire ce qu'il touche pour ses quatre heures supplémentaires.

-Je ne savais pas ça…

-Et oui, c'est ça la réalité. Maman en a eu finalement assez et lui a posé un ultimatum. Il a préféré partir.

-Ah…

Rude partit, à la fois réconforté et inquiet. Toutefois, ses craintes de se voir expulsé se dissipèrent bien vite. Par contre, en cours, cela devenait intenable. Son frère qui avait pris le parti de son père avait carrément demandé à tous ceux qu'il connaissait de mener la vie dure à Rude. Ce dernier était souvent pris à partie, voir frappé. Mais le pire arriva quelques jours plus tard en cours de chimie. Ce jour-là, ils travaillaient sur du Mako fortement dilué certes, mais qui restait dangereux. Rude avait vite et bien bouclé son travail comme à son habitude et s'était, comme toujours, attiré les compliments du professeur et les regards haineux de Marsh et de ses amis. Ces derniers étaient au fond de la classe. Rude avait été rangé son matériel dans les placards destinés à cet usage. Pour retourner à sa place, il devait frôler sa bande de tortionnaires. Il avança courageusement, prêt à frapper s'il le fallait. Rien ne semblait se passer jusqu'à ce qu'il approche de la fin du banc où s'étaient posé ses ennemis. A ce moment-là, le professeur dut quitter la classe, accompagnant un élève à l'infirmerie car ce dernier n'avait rien trouvé de mieux que de se renverser la solution malodorante et verdâtre sur les mains. Rude sortit une forte poussée dans son dos. C'était Marsh qui s'amusait à le provoquer. Rude, déterminé, frappa de toutes ses forces en direction du visage de l'imbécile qui le défiait à nouveau. On entendit un bruit de bois sec qu'on brise, quelques cris et l'on vit le nez du Marsh donner naissance à un ruisseau pourpre. Rude lui avait brisé le nez du premier coup. Ce fut le signal de la curée. Même s'il s'étonnait en frappant si fort, Rude céda sous le nombre de ses adversaires qui l'immobilisèrent bientôt sur le sol. Le jeune homme vit le visage ensanglanté de Marsh se pencher sur lui avec un air sadique. Le visage fut atteint par un jet de salive projeté par la personne sur le sol. Fou de rage, le petit chef des tortionnaires cherchait de quoi assouvir sa vengeance. Il parcourut du regard les différentes tables quand son regard se fixa sur l'éprouvette émeraude sur une table. Du Mako non utilisé. Après l'avoir récupérée et ouverte, Marsh s'agenouilla et demanda à ses comparses de faire ouvrir la bouche au jeune homme. Devant le reste de la classe horrifiée, il versa l'intégralité du flacon dans la bouche de Rude et l'empêcha de recracher le tout. Rude sentit une brûlure horrible au niveau de sa gorge et entendit en même temps le professeur de chimie quelque chose qu'il n'arrivait pas à discerner. Il se releva tant bien que mal et comprit qu'on demandait des explications. Il laissa Marsh balancer une excuse minable selon laquelle Rude l'avait fait trébucher en tombant ce qui l'avait fait renverser le flacon. Ce fut dès lors le tour du second impliqué. Tout le monde le vit ouvrit sa bouche et articuler, mais aucun son ne sortit. Rude comprit en un éclair. Sa brûlure à la gorge, c'étaient ses cordes vocales qui souffraient, il était muet au moins provisoirement.

Deux heures plus tard, l'hôpital du secteur fut le témoin du dernier évènement dans le déchirement familial. Personne dans la famille n'était dupe que le responsable de cette tragédie était le deuxième frère de Rude, un grand ami de Marsh. Il fut pris à parti par sa mère qui vit à sa grande stupeur le père défendre son dernier. Il lui ordonna de laisser tranquille le seul fils qui, selon lui, fallait encore la peine dans cette famille de dégénérés. Il enchaîna en lâchant que Rude et ses bons résultats à l'école étaient la source de tous leurs ennuis et qu'il aurait mieux fait de l'emmener aux forges avec lui quand il était plus jeune. Ce fut à ce moment que l'aîné intervint. Cela faisait longtemps qu'il ne prêtait plus attention aux discours diffamatoires de son ivrogne de père, mais il ne pouvait pas le laisser tenter d'enfoncer la seule personne de la famille qui, à ses yeux, avait la capacité de quitter ces ghettos où la Shinra confinait ceux qui oeuvraient pour son profit. Il balança tout ce qu'il avait à reprocher à son géniteur qui fut déstabilisé par l'attaque frontale de son fils. Il maugréa, prit sa veste et quitta l'hôpital. Ce fut l'avant dernière fois que Rude le vit. Rude se remit de son attaque, mais fut obligé de ne pas parler pendant trois mois. Après, sa voix devint rauque et éraillée et il préféra s'abstenir de parler autant que possible.

Deux mois plus tard, les résultats du concours d'entrée à l'Ecole Spéciale. Toute la petite famille vint à la cérémonie de remise des diplômes d'entrée. Il y eut une grande joie parmi les trois êtres si liés quand ils virent que Rude n'était pas appelé parmi ceux qui avaient échoué. Puis leur bonheur allait en s'accroissant à mesure que l'ordre décroissant des places s'égrenait. Il était dans les cent premiers, dans les cinquante, dans les trente… Il eut toutefois une peur qui lui noua le ventre quand le speaker entama l'appel des dix premiers. Et si on ne l'avait pas classé ? Si on s'était trompé et qu'il avait échoué lamentablement ? Sa peur s'envola en même temps que la stupeur le figea. Il venait de terrasser tout le monde et avait obtenu les meilleures notes au concours depuis pas mal d'années. Il fut appelé sur la scène au milieu d'un tonnerre d'applaudissements. Il vit trois personnes au pied de l'estrade le féliciter chaudement. Il reconnut à leur costume bleu nuit leurs fonctions de Turks. Ces trois personnes l'accaparèrent quelques minutes, lui disant que désormais tout lui était permis. Ils avaient étudié son dossier et lui déclarèrent que quoi qu'il choisisse, il pourrait compter sur eux trois. Au bout d'un moment, Rude reconnut parmi les trois hommes un ami de son frère qui l'avait toujours encouragé à faire ce qu'il voulait, « à donner de la couleur à ses rêves ». Ce fut avec un large sourire aux lèvres, mais un peu gêné, que Rude rejoint l'estrade. Il était ravi de se voir aussi félicité, mais cela le gênait, lui qui avait toujours été d'un naturel assez discret et peu expansif. Il fut accueilli par le discours de félicitation du speaker.

-Et voilà notre fabuleux lauréat. Un jeune homme remarquable puisqu'il finit premier partout, en sport comme dans les épreuves théoriques. Il incarne au mieux la formule « mens sana in corpore sano ». Bon il a quelques problèmes de cordes vocales alors je ne sais pas si il va pouvoir dire quelques mots…Si, ajouta-t-il en voyant que Rude lui faisait signe qu'il pouvait parler un peu. Non ne romprons donc pas avec la tradition ce soir, même si j'imagine que le discours sera beaucoup plus court.

-Tout d'abord, je voulais dire que j'étais fier d'intégrer une telle élite, commença-t-il, grimaçant en entendant sa si déplaisante voix. Il y a deux, non trois personnes qui sont ici et que je voulais remercier. Tout d'abord ma mère et mon frère aîné qui se sont sacrifié pour que je réussisse. Ensuite, je voulais dire à Howie, le Turk que vous voyez là, que je l'ai écouté et je le remercie pour ses encouragements.

-Et maintenant qu'allez vous faire ? reprit son interlocuteur après que la salle ait applaudi poliment ce jeune homme qui ne se montrait pas ingrat envers ceux qui l'avaient été.

-Turk, répondit simplement Rude après avoir réfléchi quelques secondes au bout desquelles la solution lui était apparue limpide.

-Et bien vous allez être ravi. Vos notes vous exemptent des classes préparatoires. Pour vous changer un petit peu, vous allez pouvoir passer directement le concours d'entrée dans cette si belle section, lança l'homme provoquant les rires polis de la foule.

Une fois cette cérémonie achevée, Rude se vit remettre une convocation à l'examen des Turks ainsi que le programme à connaître. Il sourit largement en voyant qu'il maîtrisait la plus grande partie des demandes de la partie théorique du concours. Il était plus inquiet devant les demandes en épreuves physiques mais Howie et son frère lui promirent de l'entraîner d'ici là. Il ne vit pas le temps passer entre les entraînements au combat où se révélèrent ses prodigieuses qualités de frappe à mains nues et au pied et les révisions des programmes, toujours aussi perturbantes quand il entendait les autres jeunes de son âge s'amuser dehors. Mais il s'acharna à travailler afin de réussir à atteindre ses objectifs. Il se devait de réussir et il voulait mettre tous les atouts de son côté, tant pis s'il devait se passer de loisirs quelques fois.

Le matin du concours arriva et Rude se retrouva perdu au milieu d'une foule de jeunes gens aussi idéalistes que lui, prêts à tout pour devenir Turk…