Chapitre 22 : Voir la réalité en face
Coucou ! :) Comment allez-vous ? De mon côté j'ai une grosse journée qui s'annonce ! Mais je passe ici avant de faire quoi que ce soit d'autre pour vous publier le chapitre du jour ! Le chapitre 22 est un chapitre entre Severus Rogue et Tom Jedusor et cette confrontation entre eux est importante puisqu'elle débloquera beaucoup de choses essentielles à la suite de l'histoire. C'est un chapitre très centré sur Severus même si on aperçoit les pensées de Tom de temps à autre. Je vous souhaite de passer un bon moment de lecture et je file répondre à vos reviews !
Severus griffonna rapidement un mot qu'il adressa à Gabrielle Delacour, il préférait l'idée que Potter soit avec la jeune fille plutôt que seul à ressasser des pensées parasites sur le Seigneur des Ténèbres.
Harry Potter avait tendance à se renfermer sur lui-même lorsqu'il se sentait perturbé et le professeur de potions était bien conscient que c'est ce qu'il risquait de se passer, et il ne voulait pas voir Potter s'isoler volontairement du reste du monde pour penser à Jedusor. Cela ne ferait qu'empirer la situation, déjà précaire.
Il souhaitait les séparer pour qu'Harry puisse voir au-delà de l'influence qu'exerçait le mage noir sur lui, si au lieu de cela Potter s'isolait en attendant que la situation passe, ses efforts ne serviraient à rien. Harry devait se faire des amis de son âge, essayer de passer une dernière année d'études aussi calme que possible.
Rogue grinça des dents en se rendant compte de la tournure aberrante qu'avaient prise ses pensées. Jamais Potter ne pourrait passer une année entière sans provoquer de catastrophes. Il ne lui demandait pas l'impossible, mais si le gamin pouvait se contenter de se comporter comme un Gryffondor, en se plaignant des cours, en se bagarrant dans les couloirs et en disputant des matchs de Quidditch se finissant immanquablement à l'infirmerie, alors il s'estimerait déjà content.
Il préférait mille fois avoir à faire à un Gryffondor turbulent plutôt qu'au comportement actuel de Potter. Celui-ci agissait comme si tout le poids du monde pesait sur ses épaules et qu'à la moindre erreur... il serait puni en conséquence.
Sa méfiance constante envers les autres sorciers était presque douloureuse à observer, Severus savait que quelque chose perturbait Potter. Quelque chose de grave.
Pendant la guerre, il avait toujours pensé que la dégradation du moral d'Harry était due à l'enchaînement de malheurs dans sa vie ; la mort de son parrain, celle de Dumbledore. La prophétie pesant sur ses épaules... et même après la guerre, il s'était dit que la perte de son meilleur ami devait être la cause de l'état presque dépressif du brun, mais il devait se rendre à l'évidence ; Potter n'était pas seulement triste à cause des pertes qu'il avait subies.
Il était apeuré, terrifié par une chose contre laquelle il continuait de faire face. Il y a encore une semaine, Severus se serait rassuré en se disant que Potter avait juste peur du retour du Seigneur des Ténèbres et qu'il combattait cette peur en surveillant étroitement Tom Jedusor, mais aujourd'hui il avait eu la preuve que le lion n'avait pas peur du mage noir, qu'il ne le craignait pas et qu'il souhaitait même l'aider à ne pas redevenir ce qu'était Voldemort.
Harry Potter avait une certaine forme d'affection pour Tom Jedusor et souhaitait l'aider. Le sauveur du monde sorcier ne faisait pas seulement cela par volonté d'être équitable avec son ennemi amnésique, jamais il n'aurait accepté la proximité que Jedusor avait instaurée entre eux si cela avait été le cas.
Par conséquent et bien qu'il ait des difficultés à l'admettre, le Seigneur des Ténèbres n'était pas le responsable de l'état de détresse dont souffrait le Survivant. C'était autre chose. Autre chose qui n'avait peut-être aucun rapport avec la guerre...
Même si son état n'était pas dû à la présence de Jedusor près de lui, ce n'était pas sain de le laisser en permanence entre les mains de l'assassin de ses parents. Rogue avait pris une décision et il comptait s'y tenir, garder le Seigneur des Ténèbres loin du Survivant.
Il l'avait fait pendant des années, il était capable de le faire encore, jusqu'à la fin de sa vie s'il le fallait.
C'est sur cette conviction que le Maître des potions reposa la plume qu'il malmenait depuis un moment et envoya sa missive, espérant que mademoiselle Delacour eut fini la classe assez tôt pour se rendre chez les Oiseaux-tonnerre où Potter devrait s'être réfugié.
Après avoir fait cela, le professeur grimaça en ressentant toujours la présence bien trop distincte du Seigneur des Ténèbres dans ses quartiers. Il fallait qu'il prenne son courage à deux mains et qu'il l'affronte pour lui expliquer la situation.
Le Potionniste savait que la brûlure à son avant-bras n'était pas réelle, qu'il n'avait aucune raison de craindre un garçon de seize ans - il avait réussi à l'assommer sans mal, quelques heures plus tôt. Mais son corps, lui, était incapable de considérer cette présence, cette magie, comme n'étant pas dangereuse, mortelle.
Tom Jedusor serait toujours Voldemort pour lui, il ne pouvait pas aller contre la terreur qui s'infiltrait dans ses veines à la simple idée d'une conversation avec cet homme qu'il abhorrait.
Il comprenait pourquoi Minerva avait confié Jedusor à Potter. Harry était le seul qui puisse faire face à cette infamie sans trembler.
Ce fut immédiat, dès qu'il passa la porte, dès que l'influence de sa magie pénétra ses sens, il sut qu'il ne pourrait pas faire comme si de rien n'était, comme s'il ne s'était jamais agenouillé face à lui.
Severus releva la tête dans un effort qui lui coûta une partie de son courage et, instantanément, il rencontra ses yeux.
Le Seigneur des Ténèbres le fixait, le jaugeait du regard, cela ne dura qu'un instant avant qu'il ne détourne la tête.
L'air ennuyé, il dit lentement.
— Était-ce de cette façon que les Mangemorts regardaient Lord Voldemort ? Dites-moi, est-ce que le Seigneur des Ténèbres se vantait d'avoir des partisans le regardant de la même manière dont vous venez de le faire avec moi ?
Figé sur place, Severus Rogue ne put rien répondre au mage noir. Celui-ci lui envoya un regard incisif avant de se détourner de nouveau.
Tom comprit très rapidement que sa question n'obtiendrait jamais de réponse. De toute façon, il le savait. Voldemort n'avait jamais eu de partisans sincères à ses idées. Ce n'était qu'un groupe d'esclaves terrorisés par son nom qu'il avait enchaîné à lui par une marque. Ils n'étaient pas différents des autres, ils le servaient parce qu'ils le craignaient et ils le haïssaient pour la même raison.
Il avait eu le droit à ce genre de regard durant toute son existence. Ce n'était pas étonnant qu'il soit devenu un monstre, à force d'être regardé comme tel.
Décidant que cela n'avait plus aucune importance, il demanda.
— Où se trouve Harry ?
Il ne sentait pas sa présence dans les environs. À son réveil il était là, il en était sûr, puis sa présence s'était éloignée de plus en plus loin jusqu'à devenir indistincte parmi toutes les autres magies d'Ilvermorny.
L'absence d'Harry lui donnait toujours cette impression, celle d'un gouffre s'ouvrant dans sa poitrine, le laissant vide de l'intérieur, lui retirant jusqu'à l'envie de vivre. C'était insurmontable. Cela lui faisait perdre le contrôle de ses émotions, une peur abyssale et irraisonnée de ne plus jamais pouvoir le voir l'étreignait et le rendait fou.
En l'espace de quelques semaines, Harry Potter était devenu sa raison de vivre. Tom avait conscience qu'il ne pouvait pas juste écouter ses propres désirs et enchaîner Harry à lui pour ne plus jamais ressentir de vide, mais c'était plus fort que lui ; savoir que son âme-sœur pouvait périr à tout moment, sans qu'il puisse même essayer de l'aider, lui laissait un sentiment insupportable de terreur au fond du cœur.
Severus Rogue avança dans la pièce et referma la porte derrière lui. Dans une volonté évidente de les isoler. Ou de l'enfermer.
Fronçant les sourcils le mage noir répéta, une inquiétude sourde s'élevant en lui.
— Où est Harry ? Pourquoi n'est-il pas là ?
Le professeur le regarda un très court instant, avant de dire lentement.
— Je lui ai demandé de partir.
Voyant le Seigneur des Ténèbres le dévisager froidement, Severus ajouta.
— Dorénavant, c'est moi qui serai chargé de garder un œil sur vous. Monsieur Potter a beaucoup de choses à penser et il serait préférable qu'il reste-
— Loin de moi.
Comme une lame fendant l'air, la voix du Seigneur des Ténèbres l'avait interrompu. Celui-ci n'avait pas bougé, il était toujours assis sur le bord du lit, l'observant comme pour pouvoir juger de ses véritables intentions.
Après un instant le mage noir se leva, sans pour autant approcher, et lui demanda, une rage bouillonnante dans la voix.
— Vous voulez qu'il reste loin de moi. Vous étiez déjà le seul professeur de Poudlard à vouloir cela. Les autres étaient rassurés de me voir près de lui plutôt qu'ailleurs. Ils se sentaient en sécurité à partir du moment où il me surveillait. Mais pas vous. Pourtant vous êtes comme les autres… ma présence vous terrifie. Alors pourquoi ? Pourquoi vouloir m'éloigner de ce qui vous offre un sentiment de sécurité ?
Tom attendit patiemment sa réponse. Une réponse qui vint plus rapidement qu'il ne l'aurait pensé. Il se doutait déjà de la raison qui poussait Severus Rogue à se comporter ainsi mais il voulait l'entendre. Il devait l'entendre. Cette réponse qu'il appréhendait autant qu'il la désirait.
— Je ne fais pas cela pour moi. Peu importe si j'apprécie ou non le fait de devoir vous surveiller, c'est mon rôle. Je m'assure de sa sécurité.
Cela devait être la première fois que Severus le disait à voix haute. Qu'il affirmait verbalement que ses actes étaient voués à protéger quelqu'un. Quelqu'un qui n'était pas lui, un enfant. Un enfant qui aurait pu être son fils, s'il ne s'était pas conduit comme le pire des salopards.
La magie du Seigneur des Ténèbres se fit plus pressante autour de lui. Celui-ci avait légèrement baissé la tête, empêchant Rogue de distinguer la couleur de ses yeux alors qu'il lui disait.
— Vous le revendiquez. Vous dites que c'est votre rôle. Vous affirmez le protéger, et c'est pour ça que vous préféreriez que je me tienne éloigné de lui ?
Des aveux. C'était ce que Tom voulait. Quelqu'un devait payer. Ils étaient des centaines. Des centaines à l'avoir côtoyé. Des centaines à l'avoir vu grandir dans la souffrance. Des centaines à l'avoir vu s'enfoncer dans la peur et la haine de sa propre magie. Sans jamais lui avoir tendu la main, sans jamais avoir essayé de l'aider. Si Harry était si proche de la mort aujourd'hui, c'était de leur faute. Quelqu'un devait payer.
Comme pour s'enfoncer un peu plus profondément dans la honte, l'ancien Mangemort osa lui répondre.
— Je le protège et vous le mettez en danger.
Severus ne put rien faire. Son expérience, sa maîtrise de la magie, ses années passées à combattre pour deux camps ennemis, tout cela fut complètement inutile. Son corps alla s'écraser contre le mur auquel il tournait le dos, ses pieds ne touchant même pas le sol. Et autour de lui, cette magie. Noir, furieuse et... malheureuse. D'une tristesse infinie.
C'est ce qui l'empêcha de paniquer. Jamais Voldemort n'avait éprouvé de peine. Cette magie qui l'entourait était bien celle du Seigneur des Ténèbres mais elle ressemblait davantage à celle de... Potter. Harry.
Lorsqu'il recouvra la vue après le choc qu'il avait subi, il réalisa. Il réalisa à quel point leurs similitudes ne pouvaient être accidentelles.
Tom Jedusor se tenait en face de lui, les poings serrés, les yeux brillants de larmes retenues...
Un garçon de seize ans. Ce n'était qu'un garçon de seize ans. Sa manière de se tenir ou plutôt de se retenir, la rage qui l'animait, la tristesse qui émanait de sa magie. Severus Rogue n'eut aucun mal à superposer cette image à des dizaines d'autres, pas celles du Seigneur des Ténèbres ; celles de Harry.
Celle de Harry Potter face à Sirius Black et Peter Pettigrow, celle de Harry Potter face à Dumbledore le jour de la mort de son parrain, celle de Potter en face de lui...
Des dizaines de scènes. Des dizaines de jours différents où il y avait été confronté. Sa peine, sa peur et sa haine. Elles étaient les mêmes, les mêmes que celles du Seigneur des Ténèbres.
La voix du mage noir, légèrement sifflante, s'éleva, brisant le silence écrasant de la pièce et il dit ces mots, ces mots que Severus aurait presque pu prédire.
— Vous n'êtes qu'un menteur.
Harry l'avait souvent accusé de lui cacher la vérité.
Severus resta prostré un long moment les yeux fermés. Inapte à bouger, incapable de ne serait-ce que vouloir se mouvoir.
Il avait fait des erreurs dans sa vie. Il était le premier à le reconnaître et à se maudire pour cela. Des erreurs d'enfance, des erreurs d'adolescence. Celles d'un jeune adulte perdu dans un monde trop complexe et définitivement trop sombre pour lui.
Il avait espéré cette époque à jamais derrière lui. Lorsque Albus Dumbledore l'avait récupéré et sauvé après le décès de Lily et la disparition du Seigneur des Ténèbres, il s'était juré qu'il ne referait plus jamais d'erreurs.
Il s'était promis que, plus jamais, il ne commettrait un acte aussi horrible que celui qu'il avait fait.
Severus s'était raccroché à cette culpabilité pour vivre. Sa volonté de continuer à respirer était mue par celle de se racheter, de payer pour ses crimes, en souffrant d'une vie sans elle.
Il avait accepté la proposition de Dumbledore et il était parti pour une formation en Amérique, pour parfaire ses connaissances en potions et obtenir sa maîtrise. Ici, il avait rencontré Ulrich et... les choses s'étaient améliorées pour lui. Il s'était relevé.
Jeune diplômé, il n'avait pas faibli face aux difficultés et était retourné en Angleterre. Il pensait avoir été irréprochable ou presque. Ces années qu'il avait passées comme professeur et espion, il en était fier jusqu'à... aujourd'hui.
Il avait survécu et il pensait l'avoir fait sans avoir trahi sa parole.
Quel abruti. Il avait été aveugle...
Pourtant c'était aussi visible qu'une cicatrice en plein milieu du front. Sa réflexion le fit sourire amèrement. Jamais il ne se le pardonnerait, jamais Lily ne le lui pardonnerait.
Les paroles pleines de haine et de ressentiment du Seigneur des Ténèbres s'entrechoquaient et s'entremêlaient dans sa tête, lui provoquant un mal de crâne terriblement douloureux. Il l'avait mérité.
Comment avait-il pu ne pas le voir ? Comment Albus Dumbledore n'avait-il pas pu le voir ?
Déjà son esprit rejetait la faute sur un autre que lui... Dumbledore devait le savoir, cette pensée aussi hideuse puisse-t-elle lui paraître, l'obsédait depuis que Jedusor l'avait sous-entendue.
Rien n'échappait vraiment à Dumbledore, et certainement pas ça...
C'était si énorme. Lui ne l'avait pas vu, sa vision noircie par les souvenirs de James Potter et ceux de Lily, il était passé à côté, aveuglé par le passé, mais Dumbledore n'avait pas pu le faire. Sa confiance était aveugle mais ses yeux, eux, ne l'étaient pas.
L'homme tourmenté se demanda mille fois comment avait-il pu manquer une chose pareille. Peut-être avait-il voulu s'en protéger ? Inconsciemment...
Il l'ignorait. Il avait l'impression que le monde s'était écroulé autour de lui pendant des années, poussière par poussière, et qu'il en prenait seulement conscience maintenant alors que la vérité lui était balancée à la figure.
Contrairement à lui et à sa faculté de se tromper soi-même, Dumbledore était bien conscient de ce qui l'entourait.
Vous l'avez gardé en vie pour qu'il puisse mourir.
Ces paroles furent les siennes un jour et aujourd'hui il les avait entendues dans une autre bouche. Celle de Tom Jedusor.
La réalité de la situation s'imprimait peu à peu dans son métabolisme, comme une sorte de poison. Il se sentait fiévreux, malade. En colère. Contre lui-même, contre Dumbledore. Et le désespoir menaçait à chaque instant de le submerger.
Dans un sursaut, il se souvint qu'il était encore en vie et qu'il avait besoin d'air pour le rester.
À ce moment-là, alors qu'il inspirait une goulée d'air, il ouvrit les yeux et il le vit... il les referma immédiatement, cette vision bien trop vraisemblable le confrontait à une réalité que son esprit, au bord du précipice, essayait encore de fuir.
Il était trop tard, néanmoins. La seconde où il avait ouvert les yeux avait suffi. Son cœur s'emballa et il sentit son corps devenir froid. Aux prises avec la terreur. Sentiment contre lequel il s'était pourtant persuadé être immunisé.
Cette image lui aurait probablement arraché un sourire victorieux et plein de méchanceté il y a quelques années mais aujourd'hui elle lui donnait l'exact opposé de ces sentiments.
Cette vision l'empêchait de tourner le dos à la vérité.
Assis sur le sol en face de lui, dans une position de repli sur soi-même, le Seigneur des Ténèbres semblait plus démuni que jamais. Une main crispée sur son cœur et l'autre cachant son visage, il avait l'air d'un enfant à qui on venait d'annoncer la mort imminente de ses parents. Son corps tremblait, sa magie se retirait pour revenir autour de lui dans un ballet incessant comme si, animée d'une conscience propre, elle essayait de le calmer, de le bercer.
C'était voué à l'échec. Se bercer soi-même n'avait jamais eu d'autre effet que de se sentir encore plus seul et désemparé, Severus le savait pour l'avoir vécu.
Après un moment qui lui parut durer plusieurs siècles, la voix rauque du jeune Seigneur des Ténèbres lui arracha définitivement la raison.
— Nous le sommes tous les deux... et il est... mon âme-sœur.
Deux Obscurial. Des âmes-soeurs.
Son cœur s'arrêta de battre à cet instant et des images floues s'infiltrèrent dans son esprit.
Elles avaient toutes un point commun ; elles lui imposaient ce qu'il avait ignoré pendant des années.
Harry Potter était un Obscurial.
Ses pertes de contrôle n'étaient pas dues à l'impulsivité typique des Gryffondor. Sa difficulté à tenir un enchantement dans la longueur plutôt que dans la puissance n'était pas un manque cruel de patience.
Les yeux d'Albus Dumbledore fuyaient parfois ceux du gamin, comme honteux, comme coupable. Comme s'il lui rappelait des souvenirs auxquels il ne voulait plus être confronté...
Ariana Dumbledore.
Severus revoyait Harry hurler à Dumbledore de le regarder, d'arrêter d'essayer de le fuir. C'était pour ça. Depuis le début, depuis des années, c'était ça, ce qui n'allait pas avec Harry. Il n'était pas et ne serait jamais un sorcier comme les autres. Un monstre. Condamné à mourir dévoré par l'essence de son existence.
Voilà pourquoi Dumbledore ne semblait pas désemparé par l'idée que Potter était l'un des Horcruxes du Seigneur des Ténèbres. Il était bien pire que cela, et il était déjà condamné.
Et comme si cela ne suffisait pas, comme si la destinée ne s'était pas assez acharnée contre la même âme, elle avait fait de celle-ci la réincarnation d'une autre. Âmes-sœurs.
C'était invraisemblable, presque autant que deux Obscurials réunis à la même époque. Vivants et survivants malgré tout, malgré les milliers de facteurs les condamnant à une fin prématurée et tragique.
Aujourd'hui Ilvermorny accueillait des Obscurial dont les âmes étaient liées. Severus ignorait comment tout cela avait pu arriver et quelles en seraient les conséquences mais maintenant qu'il en était conscient, cela lui semblait évident.
C'était l'explication. Celle qu'ils avaient manquée. Dumbledore s'était torturé l'esprit pendant des années pour comprendre comment c'était possible. Comment Harry pouvait-il se tenir debout devant eux avec un morceau d'âme du Seigneur des Ténèbres harponné à la sienne sans pour autant en perdre l'esprit.
La réponse était d'une simplicité aussi déconcertante qu'horrifiante, jamais Voldemort n'avait voulu faire de Harry Potter son Horcruxe. C'était arrivé, c'est tout. Harry Potter était Voldemort. Une autre version de son âme. Différent, née par erreur.
Une âme-sœur. Si rare. Aberrant. Leurs deux existences étaient des aberrations. Du début à la fin.
Le fait que Lord Voldemort ait été ou même soit un Obscurial ne l'étonnait guère. Cela expliquait tellement de choses qu'il se demandait comment il avait pu manquer cette évidence avant. Cette recherche désespérée de l'immortalité n'était pas seulement celle d'un psychopathe mais celle d'un être désespéré fuyant une mort imminente. Tout prenait enfin un sens.
Comme si dans le brouillard de son esprit embrouillé, les pièces d'un puzzle présent depuis des années venaient de s'aligner.
L'existence de Tom Jedusor était celle d'un Obscurial luttant contre lui-même. Créant des Horcruxes pour se maîtriser et vivre plus longtemps. Donnant naissance, de par son âme déchiquetée, à un être qui aurait dû être lui. La prochaine réincarnation de son âme était née avant sa mort.
Son âme-sœur était Harry Potter.
La magie refusant cette aberration qu'était deux mêmes âmes présentes dans deux corps différents avait donné naissance à une prophétie. LA prophétie.
Le Seigneur des Ténèbres en apprenant son existence, par sa faute, s'était rué sur sa jeune âme liée, souhaitant la détruire pour conserver sa propre vie et Lily avait donné sa vie pour protéger son bébé. Voldemort avait reçu de plein fouet l'Avada Kedavra et sous le choc, son âme déjà massacrée, s'était désolidarisée, un morceau était parti se loger, se soigner auprès d'Harry.
L'enfant avait été confié à des moldus et ceux-ci avaient fait de lui un Obscurial à son tour... et la suite il la connaissait, il en avait été témoin. Cette lutte désespérée pour la vie des deux côtés...
Harry qui grandissait dans la crainte de ses pouvoirs émergents et de sa destinée mortelle. Voldemort luttait pour subsister, obsédé par la mort de l'enfant lui ayant retiré sa légitimité. Cette lutte contre la mort. Il en avait été témoin sans jamais vraiment l'avoir considérée.
Tout s'éclaira, tout prit une dimension différente. Il eut l'impression d'être tout à coup confronté à des années de mensonges et de non-dits, comme s'il s'était, tout ce temps, menti.
Évidemment que cela n'était pas normal, leurs baguettes jumelées, leurs histoires si liées, ils étaient brillants... et ils étaient mourants.
Son cœur se remit tout à coup à battre et il sut qu'il ne pourrait plus jamais fermer les yeux sur la vérité. Qu'il allait devoir l'affronter même s'il possédait une volonté forte de tout oublier et de fuir loin de ce qui lui semblait être le scénario d'une tragédie dont il faisait dorénavant partie. Comme si en prendre conscience avait rendu tout cela bien plus réel, tangible.
Il ouvrit les yeux et resta quelques secondes à observer le vide, des interrogations s'imposant à lui, crescendo.
Quelle était la solution ? Que se passera-t-il si le reste du monde prenait conscience de leurs existences controversées ? Seraient-ils pourchassés ? Étudiés ? Massacrés ?
Combien y avait-il de chances pour que quelque chose comme cela se produise ? Leurs vies étaient une aberration. Le monde voudrait au mieux les détruire, au pire les faire souffrir. Qui accepterait la vérité sans crainte ? Sans vouloir les combattre ou les détruire ?
Certains voudraient se servir d'eux, d'autres les tuer. Ils ne seraient en sécurité nulle part. Même s'ils devenaient des sorciers respectés, même s'ils étaient assez puissants pour se défendre... arriveraient-ils à rester en vie ?
Severus Rogue s'imagina le film de leur avenir. Il n'y vit que souffrance et destruction et il se sentit petit et impuissant en face de ce à quoi il était confronté. Il n'avait pas les épaules pour ça. Lily devrait lui pardonner sa faiblesse. Il avait déjà échoué ; Harry était mourant.
D'une voix défaite, il prononça ce qu'il pensait être la seule solution à cette situation. Réaliser la prophétie, essayer de repousser la mort flottant au-dessus de son protégé, ne serait-ce que quelques années.
— L'un de vous va devoir mourir. Pour laisser sa place à l'autre. Pour que jamais le reste du monde n'apprenne la vérité.
À suivre…
