Chapitre 29 : Sous les eaux
Salutations ! Comment allez-vous ? 29 avril, 29ième chapitre de DISSEMBLANCE ! Ici il y a une petite ellipse entre le chapitre précédent et celui-ci ; vous la découvrirez à la lecture. C'est un chapitre plutôt calme mais il m'a permis de développer plusieurs choses intéressantes, comme le fonctionnement d'Ilvermorny (avec les cours, les évaluations et la manière dont tout ça fonctionne) et aussi d'évoquer le passé de nos chers professeurs de potions. J'ai beaucoup apprécié l'écrire et j'espère que vous apprécierez le lire ! Bonne lecture à vous et n'hésitez pas à me laisser un petit mot avant de voguer vers d'autres rivages ! (J'allais oublier mon emploi du temps est assez chargé les deux prochaines semaines alors prenons rendez-vous pour le 16 mai pour le chapitre 30 ! À bientôt !)
Ulrich eut un sourire doux, empreint d'une grande tendresse lorsqu'il aperçut Severus Rogue assis sous le grand cyprès au bas d'Ilvermorny.
L'arbre était majestueux avec ces épines d'un vert bleuté, il avait quelque chose de mystique, tout comme cette vision que le sorcier américain n'aurait jamais pensé revoir un jour. Rogue adossé contre le tronc du cyprès, tournant le dos à l'école de magie, la tête levée là où on pouvait distinguer les forêts et les grandes étendues rocheuses qui bordaient le mont Greylock.
L'homme, puisqu'il n'était plus ni adolescent ni même un jeune adulte, se sentit ému à cette image, la scène que lui transmettaient ses sens se superposait à celle qu'il connaissait et qu'il avait chérie des instants où il retrouvait Severus ici. Dans leur passé en commun.
Ce n'était pas forcément des moments agréables en y repensant, en vérité, Rogue ne s'isolait souvent que par tristesse ou inconfort et il venait ici pour retrouver un peu de sa quiétude perdue. Il lui avait dit, à plusieurs reprises, que cet endroit lui rappelait les bords du lac noir de Poudlard, où il avait passé de bons moments avec la personne qui avait été la plus chère à ses yeux. Lily Potter. La femme qui avait à la fois forgé et détruit Severus. Dans ses pensées les plus injustes, il lui en voulait. Il ne la connaissait pas mais il ne l'aimait pas beaucoup, par jalousie certainement, s'avoua-t-il presque avec le sourire.
Il en voulait à Lily pour la tristesse de Severus, il lui en voulait de ne pas l'avoir aimé comme lui aurait apprécié pouvoir le faire. Il lui en voulait d'être morte, il lui en voulait d'avoir fait la rencontre de Severus. Mais lorsqu'il ne se laissait pas aller à son égoïsme, il se remémorait le sourire du Serpentard lorsque celui-ci évoquait les moments qu'il avait partagés avec elle. Severus aimait Lily Potter alors il essayait de ne pas la détester. Il ne la connaissait pas après tout.
Severus lui avait dit à plusieurs reprises qu'il était le coupable, que c'était à cause de lui qu'elle ne voulait plus de son amitié que c'était de sa faute s'il l'avait perdu à jamais, qu'il était un imbécile incapable de reconnaître l'amour avant de le perdre. Il pensait que c'était également de sa faute si elle était morte, elle et James Potter, il se croyait coupable de crimes qu'il n'avait pas commis.
Sa faute, ses crimes, son poids à porter...
Severus Rogue l'avait rencontré grâce à ça et s'il était là aujourd'hui, il le devait certainement à cela aussi, à son attachement démesuré pour quelqu'un portant le nom des Potter. Son amour pour celle dont il pensait avoir causé la mort et son affection tout aussi grande pour l'enfant qu'elle avait laissé derrière elle.
Le sourire empreint de nostalgie d'Ulrich s'effaça et il s'avança. Son cœur était toujours plein de la douceur des réminiscences d'un passé que ses souvenirs avaient certainement modifié pour le rendre meilleur. Peu lui importait après tout. Lorsqu'il pensait à Severus il n'avait pas envie de lier ces souvenirs-là avec ceux plus douloureux de cette période de son existence. Il ne voulait garder en mémoire que les bons moments, ceux qui lui avaient offert le courage de faire ce qu'il devait faire.
Être heureux devenait sa priorité lorsqu'il apercevait Rogue. Peut-être parce qu'il était le symbole de sa liberté ou peut-être parce qu'il l'aimait.
Toujours était-il qu'en ce jour, Ulrich avait pour seule priorité d'être présent au côté du Serpentard. Pour partager ses fautes et ses crimes si celui-ci acceptait de lui en déléguer quelques morceaux épars.
— Tu aimes toujours cet endroit.
Rogue ne se tourna pas vers lui, il savait sûrement qu'il était là depuis longtemps, ce n'était pas une question pourtant Tiare attendit patiemment une réponse, quelque chose qui l'autoriserait à s'approcher, à s'asseoir.
Cela vint après quelques minutes pendant lesquelles ils entendirent le vent souffler à leurs oreilles.
— J'avais besoin d'air.
Ulrich hocha la tête avant de s'approcher de l'arbre et de lui aussi, s'adosser au tronc du cyprès.
Pas assez proche pour toucher l'épaule de Rogue mais s'il tendait un bras, il pourrait l'enlacer. Cette pensée le dérangea et il essaya de la repousser, elle n'avait pas sa place parmi ses résolutions.
Aimer ne signifiait pas imposer ses sentiments à qui que ce soit et certainement pas à quelqu'un qui porte ce sentiment pour quelqu'un d'autre.
Il souffla, un peu comme une confidence.
— Tu as raison, on manque d'air en ce moment à Ilvermorny.
Severus renifla près de lui et Ulrich se sentit sourire, il ajouta pour détendre un peu le Maître des potions.
— Ce n'est pas si terrible, ce n'est pas comme si quelque chose de grave était arrivé.
Rogue lui jeta un regard bref puis il grinça.
— Pour combien de temps encore ?
Le professeur d'Ilvermorny émit un petit bruit qui ne signifiait rien en particulier avant de dire avec sérieux.
— Potter et Jedusor doivent apprendre à communiquer entre eux sans avoir à se confronter l'un à l'autre. Tu ne peux pas les aider avec ça.
Rogue serra les dents et continua de le faire en formulant sa réponse.
— Ils communiquent, c'est leur manière de faire et je n'essaie pas de les aider à quoi que ce soit.
Ulrich ne put s'empêcher de lâcher un rire incrédule avant de murmurer.
— Bien sûr et je suis ici seulement pour observer le paysage.
Severus lui envoya un regard noir auquel Ulrich ne put résister à répondre par un clin d'œil provocateur. Rogue tourna la tête dans un mouvement de colère qui parut un peu enfantin à Ulrich. Il éclata de rire. Il avait oublié à quel point cela faisait du bien. De rire. De le faire avec sincérité.
Il se calma en songeant que Severus allait probablement le fuir s'il n'arrivait pas à se tenir correctement plus d'une minute.
Ce n'était pas de sa faute s'il était heureux. Et puis, un jour ou l'autre, le potionniste devrait ouvrir les yeux sur l'affection qu'il portait à Potter. Il était terriblement protecteur envers ce gamin et il ne voulait pas se l'avouer. Même chose pour le jeune Seigneur des Ténèbres. Il le haïssait peut-être auparavant mais aujourd'hui il était incapable de supporter la vue de celui-ci isolé et traité comme un paria parmi les Serpents cornus comme c'était le cas en ce moment.
Ulrich lui-même le supportait difficilement. Entre Potter qui était la cible évidente du directeur et de ses expérimentations cruelles, muré dans un silence de plomb depuis l'annonce de la première tâche et Jedusor qui était devenu la bête noire de l'école tout entière avec ses résultats impeccables et son comportement de plus en plus provocant, il avait l'impression de se retrouver quinze ans en arrière ; dans une poudrière prête à exploser, sauf que cette fois-ci le briquet n'était plus entre ses mains.
Il était entre celles de deux autres garçons.
Jedusor et Potter se livrait une bataille silencieuse depuis presque une semaine déjà.
Ils excellaient dans toutes les matières, se surpassaient, se dépassaient, arrivaient immanquablement ex-æquo et recommençaient.
Potter restait entouré par quelques amis, bien qu'il demeurât souvent à l'écart et plutôt silencieux. Il paraissait souffrir sans pour autant se décider à agir. Quant à Jedusor, il était très seul. Il n'avait pas le passif de héros et de champion de Potter et ses compétences en magie étaient mal vues, il n'était pas volontairement provocant dans son attitude mais sa manière de faire les choses l'était.
C'était comme s'il avait peint une énorme cible dans son dos qui criait "détestez-moi je suis meilleur que vous ne le serez jamais". Et cela fonctionnait très bien, plus Jedusor s'évertuait à se montrer irréprochable pour que Potter concède à reconsidérer sa décision de l'écarter du championnat, plus les étudiants d'Ilvermorny le haïssaient.
Ilvermorny tout entière était devenue le terrain d'un duel sans armes ni magie, sans insultes ni violence... en apparence tout du moins.
Un duel qui allait mal finir. Le comportement de Jedusor se dégradait, il était de plus en plus instable et son isolement faisait de lui une cible facile pour les brimades et les coups bas.
Contrairement à lui, les élèves ignoraient l'identité de Gaunt et seuls les plus avertis avaient compris qu'il était dangereux de jouer au plus malin avec un prodige de la magie noire. Pour les autres, nul doute qu'ils finiraient par le comprendre… mais dans quelles conditions ? Il espérait que ce ne serait pas par la force.
Potter ne semblait pas vouloir céder au caprice du jeune mage noir malgré le supplice que la situation lui causait. Il restait inflexible. Il démontrait d'une force de caractère et d'une patience sans égale. Il semblait attendre que Jedusor comprenne quelque chose.
Mais quoi ? Qu'est-ce que Potter attendait ? S'il patientait en espérant que Jedusor abandonne, il risquait d'attendre longtemps. Il pourrait très bien se contenter de patienter jusqu'au début de l'épreuve.
Mais pourquoi le faire de cette manière-là alors ? Pourquoi répondre à Jedusor en se hissant comme meilleur élève de sa promotion ? Jedusor le faisait pour les sixièmes années, il les surpassait en tout pour démontrer de sa valeur mais Potter n'avait pas besoin de faire les mêmes efforts s'il ne comptait qu'attendre le début des épreuves pour être libéré de cette situation.
La logique aurait voulu qu'il laisse Jedusor se démener dans le vide, pour le décourager. Alors pourquoi continuait-il de lui répondre ?
Essayait-il de lui faire passer un message ?
Ulrich reprit la parole en exprimant sa pensée à voix haute.
— Dans une certaine mesure, je comprends le comportement de Gaunt. Ses intentions sont claires. Pour Potter j'ai plus de mal, si j'ai bien saisi toute la complexité de la situation, le problème vient du fait qu'il se refuse à accepter la présence de Jedusor à la première tâche mais dans ce cas, pourquoi continue-t-il de répondre aux provocations de Jedusor, n'est-ce pas contre-productif ? S'il veut que le jeune Seigneur des Ténèbres accepte sa décision, ne ferait-il pas mieux de l'ignorer jusqu'au début des épreuves ?
Ulrich n'attendit pas longtemps sa réponse, Severus Rogue se leva d'où il était assis et il lui dit, en lui tournant le dos.
— Il y a deux choses de fausses dans ton raisonnement.
Tiare souleva un sourcil et pressa Severus de préciser.
— Deux choses ?
Rogue se retourna lentement vers lui et lui répondit en élevant deux doigts.
— La première est évidente. Jamais Tom Jedusor ne supporterait que Potter l'ignore complètement, c'est la raison qui explique pourquoi Harry agit ainsi. La seconde est plus subtile ; Potter ne cherche pas à faire plier Jedusor par la force, il n'attend pas non plus que celui-ci abandonne et pour lui le début de l'épreuve ne sera pas un soulagement. C'est plus complexe que ça...
Ulrich s'impatienta, incapable de comprendre où voulait en venir le potionniste.
— Alors qu'attend-il ? Qu'est-ce qu'il veut ?
L'expression de Rogue se fit un peu sombre et il murmura, comme si cela lui était désagréable.
— Il attend que Gaunt comprenne pourquoi il l'a repoussé. Il doit penser que s'il attend assez longtemps, Jedusor comprendra pourquoi il refuse sa présence.
Ulrich fronça profondément les sourcils et ajouta.
— C'est pourtant clair. Vu comment cela le fait souffrir, j'imagine que Potter n'écarte pas Jedusor par plaisir ou parce qu'il est qui il est. C'est évident, il le fait parce qu'il ne veut pas mettre Gaunt en danger.
L'humeur de Rogue s'assombrit davantage et il se détourna de lui pour dire avec plus de force.
— C'est exact. Potter s'attend à ce que Jedusor comprenne qu'il ne veut pas de lui parce qu'il tient à lui. À sa sécurité. Qu'il souhaite le protéger par affection. Autant dire qu'il attend l'impossible.
Ulrich fut perplexe pendant quelques instants. L'impossible ? C'était évident pour lui qu'Harry avait écarté Jedusor pour le protéger. Mais ça ne l'était ni pour le Survivant ni pour le mage noir.
Le premier attendait que l'autre comprenne, sans le lui dire, qu'il l'éloignait par attachement pour lui et l'autre était persuadé qu'on l'avait éloigné parce qu'il était Voldemort. Potter attendait de Jedusor qu'il comprenne son désir de le protéger sans pour autant réussir à l'exprimer autrement qu'en le repoussant.
C'était risible. Cette situation n'avait pas lieu d'être. Il suffisait qu'Harry explique à Tom pourquoi il ne voulait pas de lui pour qu'elle s'arrange. Après ça, Gaunt n'aurait plus aucune raison de vouloir prouver sa valeur puisque ce ne serait pas à cause d'une faiblesse de sa part ou de son identité qu'il avait été écarté mais au contraire, par amour.
Ce qui expliquait également l'état d'esprit de Severus, celui-ci détestait certainement l'idée que Potter apprécie assez Jedusor pour vouloir le protéger.
Ulrich s'éclaircit la gorge avant de répliquer.
— Alors il suffirait que Potter s'explique avec Gaunt.
En voyant le regard noir du Maître des potions se tourner vers lui, il précisa.
— Je veux dire, si Thomas Gaunt prend conscience qu'il se méprend sur la situation, tout devrait rentrer dans l'ordre.
Rogue se tourna un peu plus vers lui et lui dit à voix basse, fatigué.
— Dans l'ordre ?
Et Ulrich comprit, Severus était inquiet à cause de la situation actuelle mais il ne souhaitait pas que les choses s'arrangent pour autant, car si elles s'arrangeaient, cela signifierait qu'Harry et le jeune Seigneur des Ténèbres se rapprocheraient davantage.
Jedusor était déjà profondément possessif avec Harry Potter, s'il se rendait compte que cette affection était, dans une moindre mesure, réciproque, nul doute que leur relation tendrait vers quelque chose de différent.
Quelque chose qui était inconcevable lorsqu'on prenait en compte le passé des deux étudiants, quelque chose que Rogue aurait des difficultés à accepter si cela venait par arriver.
— Dans ce cas, que comptes-tu faire ? Tu n'as pas envie qu'ils s'expliquent l'un à l'autre mais tu sais comme moi que la situation actuelle va dégénérer.
Rogue renifla et partit pour de bon, Ulrich le poursuivit, se rendant compte que la météo avait changé, d'un ciel clair et lumineux Ilvermorny était passé à un ciel orageux et grisâtre qui menaçait de s'effondrer en une pluie battante.
Après quelques mètres, il lui dit.
— C'est là que tu te trompes. Je ne compte rien faire du tout. Je suis peut-être responsable de Potter aux yeux de l'autorité américaine mais je n'ai en aucun cas l'intention d'interférer dans sa vie. Et même si je voulais le faire, il ne m'écouterait pas. Harry Potter est incapable de dire ce qu'il a à dire à Jedusor et le Seigneur des Ténèbres est incapable de comprendre qu'on puisse l'apprécier assez pour désirer le protéger. C'est très bien comme ça.
Le silence tomba, le ciel se déchira et Severus ajouta alors que des trombes d'eau se déversaient sur Ilvermorny.
— Il n'y a rien à faire, il faut laisser la tempête passer.
À quoi cela servait-il de s'isoler et de se torturer l'esprit si c'était finalement pour conclure qu'on ne pouvait rien faire ? Peut-être que le but de Rogue n'était pas tant de trouver une solution à la situation mais plutôt d'accepter son impuissance face à elle.
C'était la conclusion que s'était faite Ulrich Tiare en courant au côté de Severus Rogue pour se mettre à l'abri.
Ils se réfugièrent dans le premier bâtiment qu'ils trouvèrent, une aile de l'école pratiquement déserte qui servait à stocker du matériel et des objets utiles à certains enseignements. Ils étaient déjà venus ici dans une situation similaire où, à l'ombre du cyprès, ils s'étaient fait surprendre par la pluie.
Ulrich se demanda si Severus s'en souvenait, probablement pas se dit-il en contemplant les lieux.
— Tu avais laissé tes chaussures ici.
Écarquillant les yeux de surprise, Ulrich s'exclama en se tournant vers l'homme en noir.
— Tu t'en souviens ?
Rogue lui envoya un regard puis se détourna vers les fenêtres et lui dit.
— Bien sûr, tu as traversé tout Ilvermorny pieds nus et tu as prétexté que c'était parce que tu avais oublié tes chaussures que nous étions en retard. On a passé le reste de la journée à trier les ingrédients de la réserve car Maître Elbard pensait que tu te moquais de lui.
Ulrich éclata de rire.
— C'est vrai, je m'en souviens. Il était persuadé que je voulais le faire tourner en bourrique, ce n'était pas tout à fait faux mais j'avais mes raisons, cet homme était peut-être un bon Maître des potions mais il était aussi chiant que la pluie !
Severus ne lui répondit rien pendant un moment puis Ulrich crut entendre.
— Tu n'avais pas besoin de faire ça ce jour-là. J'aurais pu lui dire que nous étions en retard par ma faute.
Le cœur de Tiare manqua un battement et il se rapprocha pour dire doucement, la voix emplie de nostalgie.
— Et lui avouer qu'on avait passé la matinée à pleurer comme des veaux ?
Severus eut un sourire minuscule en lui répondant.
— Tu as raison, il ne nous aurait pas crus.
Un silence agréable s'étendit et Ulrich se sentit vivant, la pluie paraissait particulièrement violente au-dehors mais la paix régnait dans son cœur et il oublia presque totalement pourquoi il était venu retrouver Severus.
L'homme le lui rappela bien trop tôt.
— Tu étais venu me déranger pour une raison particulière ?
Ulrich se sentit sourire même si ce qu'il avait à annoncer était plutôt sérieux.
— Tu ne t'imagines quand même pas que j'ai traversé tout Ilvermorny seulement pour me prendre l'averse avec toi ?
Rogue lui envoya un regard noir qui ne l'intimida pas du tout et Tiare poursuivit.
— C'est à propos de mes élèves. Je crois qu'ils préparent quelque chose. Un mauvais coup.
Severus lui grogna.
— Ne me dis pas que tu as besoin d'aide pour gérer tes propres élèves ? Tu es le responsable des Serpents cornus, je t'assiste seulement en tant que professeur pas en tant que responsable.
Tiare secoua la tête de droite à gauche.
— Pas du tout, je ne suis pas venu te demander d'aide. Je me doutais que la situation entre Potter et Jedusor te préoccupait et je me suis dit que tu apprécierais d'avoir certaines informations.
Rogue se mit à le regarder et Ulrich vit que le Serpentard était en train de comprendre les choses avant même qu'il n'ait besoin de les lui expliciter.
Il se retourna vers la pluie qui tombait toujours au-delà des fenêtres et finit par lui demander.
— J'imagine que ce mauvais coup concerne Jedusor ?
Ulrich acquiesça.
— De plus en plus de mes élèves semblent s'être donnés le mot pour lui ôter l'envie de les faire passer pour des moins que rien. Ils préparent un mauvais coup pour consoler leurs égos blessés, si tu préfères.
Rogue resta silencieux une minute entière avant de lui répondre avec lassitude.
— Je t'ai déjà dit que je ne voulais pas intervenir. Seul Potter peut raisonner le jeune Seigneur des Ténèbres et comme tu l'as vu par toi-même, il n'est pas disposé à le faire. Je n'ai pas envie de me battre contre des moulins à vent, je te l'ai dit, la seule chose à faire c'est de laisser la tempête passer.
— C'est ce que j'avais cru comprendre.
Néanmoins, Ulrich savait que ses élèves pouvaient se montrer cruels et si ce que les tableaux des souterrains lui avaient rapporté était vrai, ce n'était pas seulement une bête méchanceté que voulait faire subir les Serpents cornus à Jedusor.
Il essaya donc de faire changer Rogue d'avis, même si celui-ci ne voulait pas s'impliquer, il y avait peut-être un autre moyen pour intervenir sans le faire vraiment. Un moyen pour que ses élèves ne soient pas confrontés à un Seigneur des Ténèbres en colère et, par la même occasion, un procédé pour régler la discorde entre Potter et Jedusor.
Pour faire cesser la pluie sans pour autant se jeter à l'eau.
— Leur mauvais coup… il concerne une cage de Faraday.
Rogue hoqueta et se tourna vers lui, incrédule, il répéta.
— Une cage de Faraday ?!
Ulrich hocha la tête gravement. Une cage de Faraday était, comme son nom l'indique, une cage ; une cage où la magie intérieure était annihilée pour les personnes extérieures. Ainsi un sorcier ou plusieurs présents dans la cage ne pouvaient pas utiliser leurs pouvoirs mais par contre, il était toujours possible de leur envoyer des maléfices de l'extérieur. La cage ne fonctionnait que dans un sens, la magie venant de l'intérieur n'avait aucun effet mais celle venant de l'extérieur fonctionnait très bien. Ce genre de cage était rarement utilisé et généralement elles l'étaient pour transporter des créatures magiques.
— Le directeur en a fait venir une il y a quelques jours, j'ignore complètement pourquoi mais depuis qu'elle est là mes élèves ont l'air de croire qu'enfermer Thomas Gaunt dedans serait une bonne manière de lui montrer qu'il n'est rien sans sa magie.
Rogue grinça ;
— Ils sont complètement fous, ils veulent mourir. Ils ne comptent tout de même pas l'enfermer là-dedans pour se battre contre lui ?
Ulrich nia ;
— Non, je ne pense pas. Ce sont des serpents et des sorciers, ça m'étonnerait qu'ils y aillent au poing en entrant avec lui dedans, ils prévoient certainement de l'enfermer et de lui lancer quelques sortilèges plus ou moins inoffensifs de l'extérieur.
Severus éclata d'un rire sombre.
— Et que se passera-t-il, à ton avis, quand Gaunt sortira de là ?
Ulrich ferma les yeux un instant.
— Je ne suis pas idiot. Si Potter n'est pas disposé à le raisonner, comme tu l'as dit, rien ne pourra l'arrêter. Il est tout à fait capable de les tuer pour se venger.
Dehors l'orage se fit encore plus violent et Tiare ajouta à sa précédente déclaration.
— Je ne peux pas les accuser sans une preuve et je ne sais pas comment ils comptent faire entrer Jedusor là-dedans mais s'ils arrivent à leurs fins alors la situation sera grave. Je ne veux pas qui leur arrive quelque chose, ils sont peut-être bêtes et méchants mais ce sont mes élèves et je ne pense pas que Gaunt soit indiqué pour leur mettre du plomb dans la tête.
Severus poussa un soupir grave.
— Effectivement… et bien qu'ils mériteraient une bonne leçon, laisser cela se produire n'est pas envisageable.
Ulrich se sentit soulagé, il sourit.
— Alors, qu'est-ce que tu proposes ? Il va bien falloir affronter cette tempête finalement.
Rogue se détourna de lui, fit quelques pas en réfléchissant puis se résigna, l'air las.
— Il n'y a qu'une chose à faire. Tu ne peux pas arrêter tes élèves sans preuves et prévenir Gaunt immédiatement reviendrait à les condamner pour quelque chose qu'ils n'ont pas encore fait… par conséquent, le seul qui puisse agir c'est Potter.
Ulrich confirma.
— C'est aussi ce que je pensais. Potter pourrait empêcher la situation de dégénérer mais j'imagine que lui dire maintenant que Jedusor est en danger ne fonctionnerait pas, il faudrait attendre le dernier moment pour le prévenir et voir ce qui se passera par la suite.
Severus serra la mâchoire à cette perspective. Cela signifiait qu'il allait volontairement pousser Harry vers le Seigneur des Ténèbres.
Ulrich savait que Rogue n'avait pas particulièrement envie de voir Potter voler au secours de Gaunt mais c'était la seule solution et cela permettrait aux deux garçons de se parler et peut-être de résoudre leur problème, si Harry avouait à Tom qu'il souhaitait l'écarter du tournoi pour le protéger, leur duel silencieux n'aurait plus aucun sens et Tiare devait avouer qu'il préférerait ça plutôt que de voir la situation perdurer.
Même si Severus voulait le contraire, le Serpentard devait bien s'être rendu compte que leur dispute faisait beaucoup souffrir Potter et qu'y mettre fin serait profitable à son protégé.
D'ailleurs elle ne s'améliorerait pas forcément, ce n'est pas parce qu'ils créaient une occasion pour Potter de s'expliquer qu'il le ferait, après tout Jedusor devait bien avoir essayé plusieurs fois de communiquer avec lui cette semaine et Harry ne lui avait pas adressé la parole pour autant. C'est ce que Tiare dit à Rogue pour le rassurer.
— Nous pourrions laisser le piège des Serpents cornus se dérouler et faire en sorte que Potter en soit informé puis laisser le Survivant et le Seigneur des Ténèbres se décider entre eux. Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas de problème avec mes élèves ni même que Potter et Gaunt feront la paix mais au moins, la situation sera moins dangereuse et il sera plus facile pour nous d'intervenir. Dans le meilleur des cas, Potter délivre Gaunt, sauve les Serpents cornus et se réconcilie avec le Seigneur des Ténèbres.
Rogue siffla près de lui.
— Ce ne sera pas le meilleur des cas. Le meilleur des cas, ce serait de faire renoncer tes élèves à commettre cette folie.
— Et leur avouer que j'utilise les tableaux pour les espionner ? Non merci !
Et c'est ainsi que Severus Rogue et Ulrich Tiare se mirent d'accord pour alerter Potter par le biais desdits tableaux. De cette manière notre héros saurait précisément quand Jedusor sera en danger et pourra agir à sa convenance, quant à eux ils choisirent de rester aux aguets et au moindre problème, ils interviendraient en prétextant découvrir par hasard ce qu'il se passait. Ou en tout cas, c'est ce que prévoyait leur plan.
Un peu avant que le ciel ne se déchire au-dessus d'Ilvermorny, Harry errait dans les couloirs de l'école. Il le faisait sans but particulier, la plupart des Oiseaux-tonnerre était au stade de Quidditch en train d'observer l'entraînement de leur équipe, il y avait un match le week-end suivant et tous étaient impatients, lui avait profité de ce moment pour s'isoler un peu. Le Quidditch l'intéressait mais il préférait jouer plutôt qu'être assis à regarder. Peut-être aurait-il pu demander à participer, cela lui aurait fait du bien mais il ne l'avait pas fait.
Une partie de lui lui interdisait de reléguer la situation dans laquelle il était au second plan. Le lien toujours béant entre Tom et lui continuait de le faire souffrir et ce depuis six jours maintenant. Six jours et cinq nuits. Le Gryffondor mentirait en prétendant qu'avec le temps c'était moins douloureux, la majorité du temps ce n'était qu'une douleur diffuse et persistante dans sa poitrine. Mais d'autres fois, il avait l'impression qu'il allait en mourir.
Comme si quelqu'un tenait son cœur dans un étau et qu'il s'amusait parfois à resserrer sa prise, jamais assez pour le faire cesser de battre.
Il pouvait tenir, Harry se savait capable de rester ainsi jusqu'au début de la première tâche au moins mais cela devrait cesser à un moment ou à un autre. Jedusor ne pouvait pas garder une emprise aussi forte sur lui et sur ses émotions. Le Survivant ignorait si le mage noir le faisait souffrir consciemment pour le punir de l'avoir éloigné ou s'il ressentait seulement la souffrance de l'autre garçon.
Le brun essaya de rediriger ses pensées vers autre chose, le cours Astromologie qu'il avait ce soir par exemple, un cours où il étudiait l'astronomie comme il le faisait à Poudlard mais aussi l'astrologie qui ressemblait un peu aux cours de divination, le mélange des deux avait un côté étonnant mais il aimait regarder le ciel et la professeure de cette matière était plutôt sympathique ce qui lui changeait de ceux qui n'avaient de cesse de le mettre à l'épreuve.
C'est avec cette pensée qu'il tourna dans un des couloirs principaux et il s'arrêta de marcher lorsqu'il entendit son nom.
— Potter est encore premier aujourd'hui.
Deux étudiants de troisième année regardaient un panneau d'affichage, un panneau d'affichage que tous les élèves d'Ilvermorny connaissaient, à Poudlard la concurrence se faisait surtout entre les différentes maisons et les points obtenus ou perdus par lesdites maisons étaient symbolisés par de grands sabliers, chaque jour les sabliers comptabilisaient les points obtenus ou perdus et à la fin de l'année on attribuait la Coupe des quatre maisons à celle qui avait obtenu le plus de points.
On pouvait perdre des points en faisant de mauvaises actions et en gagner en en faisant de bonnes, ce système n'était pas exempt de défauts car même une maison ayant perdu énormément de points pouvait gagner la coupe si elle en avait également remporté beaucoup. Les Poufsouffles par exemple ne perdaient pratiquement jamais de points mais ils n'en gagnaient pas beaucoup non plus alors il était rare qu'ils remportent la victoire. Par contre, et Harry le savait bien, les Gryffondor perdaient énormément de points mais ils en gagnaient plus encore. Ils faisaient plus de méfaits que les Poufsouffles mais ils réussissaient tout de même à gagner. C'était le système de Poudlard, il n'était peut-être pas parfait mais le Gryffondor y était habitué.
À Ilvermorny c'était différent, même s'ils étaient répartis dans quatre maisons comme à Poudlard, le système n'était pas le même. Il y avait huit panneaux d'affichage dans le couloir menant au Hall de l'école. Huit panneaux ; un pour les sept années d'études plus un dernier qui regroupait tous les élèves indépendamment de leur ancienneté.
Les élèves étaient classés par numéros, du premier au dernier en fonction des résultats obtenus, d'abord dans leurs années respectives puis dans le tableau général. C'était un classement du meilleur élève de l'école jusqu'au moins bon.
Les bonnes notes faisaient monter dans le classement et les mauvaises redescendre mais le comportement n'était pas pris en compte. Un élève ayant tendance à s'attirer des ennuis ne descendrait pas pour autant dans le classement, seules les évaluations des professeurs comptaient et les professeurs d'Ilvermorny évaluaient leurs élèves à chaque cours. La moyenne de toutes ses évaluations donnait le classement.
Celui-ci était mis à jour à chaque instant et évoluait toute l'année jusqu'à la fin de celle-ci où le premier nom apparaissant sur le panneau d'affichage principal était nommé major de sa promotion. Harry avait appris il y a peu que le major de l'année dernière avait été Chul Fontaine, ce qui expliquait la popularité du champion. À chaque année un nouveau majorant était nommé et celui-ci représentait la fierté de l'école durant une année entière avant d'être remplacé par un autre ou de garder son titre s'il réussissait à se maintenir premier d'une année à l'autre.
C'était comme ça que les choses fonctionnaient à Ilvermorny et il n'était pas rare que la réputation d'un sorcier diplômé et sortant de l'école soit due à son classement général sur toutes les années ayant fait sa scolarité.
Le nouvel Oiseaux-tonnerre n'appréciait pas beaucoup ce système mais il avait été obligé de faire avec. Jedusor lui livrait bataille en l'utilisant et Harry souhaitait prouver au Serpentard que ce n'était pas parce qu'il était le meilleur qui le prendrait avec lui, il pouvait se débrouiller seul et il pensait, naïvement peut-être, que Tom prendrait conscience qu'il essayait de le protéger du danger.
Malheureusement le mage noir semblait s'être convaincu que la raison qui poussait l'Élu à le tenir à l'écart du tournoi était qu'il manquait de confiance en lui et qu'il ne voulait pas d'un ancien Seigneur des Ténèbres à ses côtés. Harry ne savait pas comment agir pour que Tom le comprenne, il ne trouvait pas les mots pour s'expliquer alors il n'avait trouvé que ça.
Si Gaunt faisait tout son possible pour être le premier nom sur le panneau d'affichage en ayant que des notes parfaites, il le ferait aussi. Potter avait parfaitement compris que le motif pour lequel Jedusor insistait pour l'accompagner était qu'il voulait garder un œil sur lui, le protéger. Hors la première tâche était faite de manière à rendre la personne qui l'accompagnerait sans défense. Elle serait privée de sa magie et de ses pouvoirs.
Alors ça ne pouvait pas être Tom, Harry ne supportait pas l'idée de laisser le mage noir se priver volontairement de magie et l'accompagner dans une épreuve potentiellement mortelle. Même s'il était le premier partout, le meilleur choix possible, l'Oiseau-tonnerre se refusait à céder. C'est pour cela qu'il ne pouvait pas le laisser être le numéro un, pas ici et pas maintenant.
Sur cinq jours, Tom avait été premier du classement des sixièmes années cinq fois d'affilée, sans difficultés particulières semblait-il. Lui aussi avait réussi à se hisser rapidement premier du classement des septièmes années sans en redescendre.
Sur le panneau général, c'était différent, ils ne pouvaient pas être premier à deux. Tom l'avait été les trois premiers jours puis il avait pris sa place sur les deux derniers et il espérait bien la garder aujourd'hui. Même si cela signifiait prendre les cours plus au sérieux qu'il ne l'avait jamais fait.
Les deux troisième année le virent dans le couloir et le second chuchota au premier.
— Tais-toi ! Il est juste derrière toi…
Sceptique, le premier se retourna vers lui et - comprenant qu'il ne s'agissait pas d'une blague - il attrapa le bras du second pour filer, le laissant de nouveau seul. Harry ne s'en formalisa pas et lança un regard à la liste principale, tout en haut il y avait écrit en gros caractères ;
« N1 Harry James Potter »
« N2 Thomas Gaunt »
« N3 Chul Sun Fontaine »
Puis elle continuait plus bas, Therence Legrand arrivait quelque part dans la première dizaine au milieu d'autres noms. Les élèves des délégations de Beauxbâtons et de Durmstrang y apparaissaient aussi, Potter y avait vu le nom de Diggory quelque part plus bas.
Il soupira profondément en regardant les noms se mouvoir sur le tableau, le deuxième cours de l'après-midi se terminait et le classement se mettait à jour automatiquement. Il se surprit à espérer ne pas voir le nom de Tom surplombant le sien, peut-être était-ce un reste de rivalité qu'il avait eu avec Voldemort mais il ne voulait pas le laisser imposer sa suprématie, pas comme ça. Pas par pour le faire plier, il lui aurait laissé la première place avec plaisir, elle ne l'intéressait pas mais il ne le ferait pas si cela signifiait accepter les conditions que Tom voulait lui imposer.
Le lion aurait même préféré ne pas entrer dans le jeu de compétition d'Ilvermorny, il trouvait le système très limité. Hermione lui avait dit qu'il y avait des choses qui ne s'apprenaient pas dans les livres et de toute évidence, il y avait des choses dont un classement ne pouvait pas rendre compte.
Harry fit volte-face au panneau d'affichage et au même moment, il ressentit la magie de Gaunt engloutir l'espace quelque part dans son dos.
Jedusor était derrière lui.
À suivre…
