Chapitre 30 : Une prison d'orgueil

Salut nocturne ! Oui, je sais il est minuit. N'est-ce pas formidable ? Est-ce que certains d'entre-vous sont là au beau milieu de la nuit ? Comme c'est le week-end j'imagine que c'est une possibilité ! Voici le chapitre 30 ! Dont le titre a longtemps oscillé entre celui que vous voyez en haut et "la cage de Faraday" mais j'ai finalement décidé que le titre actuel était plus subtil. Que dire d'autre ? Ah, oui, ce chapitre traite (d'une manière implicite) de harcèlement scolaire et j'y décris également une blessure (c'est une très brève description pas de panique !) je ne le considère pas particulièrement difficile à lire ou trop choquant mais si vous êtes d'un naturel très sensible je préfère prévenir que guérir ! Je n'ai pas mis de balise ou de symbole pour indiquer les passages un peu difficiles car malheureusement ce chapitre dans son entièreté est un peu sombre (DISSEMBLANCE l'est d'une manière générale) mais des ténèbres naissent les plus brillantes lumières ! Hum... minuit ça ne me réussit pas. Je me souviens que je voulais vous annoncer autre chose, une bonne nouvelle ! Je suis en vacances (ou presque) ce qui signifie un emploi du temps beaucoup plus détendu et par conséquent je vous propose une publication hebdomadaire de DISS', que diriez-vous d'un chapitre tous les dimanches ? Jusqu'à ce que je ne puisse plus tenir ce rythme, bien entendu. Si ça vous va, on se voit dimanche prochain même heure (enfin non peut-être pas si tôt) même endroit ! Bonne lecture, et si vous en avait le cœur, laissez-moi une review !


Harry fit volte-face au panneau d'affichage et au même moment, il ressentit la magie de Gaunt engloutir l'espace quelque part dans son dos.

Jedusor était derrière lui.

Harry James Potter sentit son cœur rater un battement, puis deux. Il se força à respirer aussi calmement que possible puis il se reprit et avança dans l'objectif de quitter cet endroit. Il évitait Tom depuis presque une semaine. Ils s'étaient croisés quelquefois et le Seigneur des Ténèbres avait essayé, bien souvent par des moyens détournés, de provoquer une confrontation entre eux pour revenir sur leur désaccord. Des essais qui avaient échoué.

Chacune de ces fois-là le Gryffondor avait réussi à couper court et à partir, leurs emplois du temps étaient différents et ils n'avaient pas toujours cours en même temps, ce qui lui avait permis d'éviter le Serpentard en journée et le soir il s'arrangeait pour rentrer tôt à sa salle commune et s'il avait besoin de livres ou de quoi que ce soit d'autre, Therence acceptait d'aller le lui chercher.

L'Oiseau-tonnerre avait semble-t-il compris le différend qu'il avait eu avec Thomas Gaunt et sans pour autant approuver son comportement, il s'était proposé de lui-même pour l'aider.

Therence l'avait trouvé en train de faire un cauchemar au beau milieu de la nuit le premier soir de sa dispute avec Tom et depuis ce moment l'étudiant se montrait d'une bienveillance sans failles avec lui. Harry en était reconnaissant même si Legrand tentait parfois de lui faire comprendre qu'il avait tout intérêt à s'expliquer avec le Serpent cornu.

Ce n'était pas qu'il n'en avait pas envie. C'était seulement qu-

Une tempête d'émotions qui ne lui appartenait pas ravagea ses sens et il fut obligé de s'immobiliser. Perdu entre l'incertitude, la crainte, la peine et la douleur qui lui enserrait la poitrine, il regarda quelques Serpents cornus le dépasser.

Certains lui lancèrent des regards acérés d'autres l'ignorèrent complètement, c'étaient les Serpents cornus de sixième année, les camarades de Tom. Ils sortaient de cours et se rendaient certainement au stade de Quidditch, les Oiseaux-tonnerre les affronteraient au prochain match et après l'entraînement de l'équipe de sa maison, c'était au tour de celle de Tom.

Harry vit le groupe s'éloigner et il comprit que Jedusor était resté quelque part derrière lui, à attendre. Le lion aurait pu se retourner et peut-être que la conversation qui s'en serait suivie se serait mieux passée mais il n'en trouva pas la volonté et après un instant où il tenta de rassembler ses forces, il partit, sans adresser le moindre regard à son ancien ennemi.

Tom ne le laissa pas faire ; il ne laisserait pas Potter lui échapper encore, l'ignorer encore. Il n'en avait pas le droit, il n'avait pas le droit de lui faire subir cela, il ne le supporterait pas plus longtemps. Le mage noir arrivait au bout de sa patience, au bout de tous les efforts qu'il pouvait faire pour s'empêcher de perdre son sang-froid.

Lorsque Harry ne prit pas la peine de considérer sa présence et qu'il essaya de quitter les lieux, il ne put se réfréner plus longtemps. Il sentit son souffle se faire plus court, son corps s'élancer vers l'avant et après une seconde ou deux de plus, sa main l'attrapa, enfin. Il serra trop fort peut-être, il ignorait à quel point il le faisait, rien ne lui semblait aussi fort que le trou qu'il essayait de combler à l'intérieur de lui.

Potter ne le laissa pas l'empoigner, le contraire l'aurait étonné, malgré la force qu'il y avait mise, le Gryffondor n'eut aucun mal à lui faire lâcher son poignet. Au moins avait-il gagné son attention, il le pensait en tout cas mais en relevant les yeux vers son âme-sœur il remarqua que celui-ci ne le regardait pas, qu'il continuait de regarder ailleurs.

Cela le rendit fou, qu'avait-il fait de si grave pour qu'il ne veuille même plus poser les yeux sur lui ? Jedusor sentit quelque chose céder à l'intérieur de lui et sa magie fit comme un bond en avant, il l'utilisa sans vraiment le vouloir. Il n'était pas en mesure de se rendre compte de ce qu'il faisait ou ne faisait pas, une partie de lui voulait seulement que Potter le regarde et il aurait fait n'importe quoi pour ça.

Le décor, le monde, l'heure et la date, tout semblait avoir sauté dans son esprit, il ne restait rien de ce qu'il était à part un désir. Celui que l'homme en face de lui prenne conscience de son existence. Qu'il était là. À cet instant, il oublia toutes les façons dont il pouvait manifester sa présence autrement que par la force. Il n'était que cela sans Harry, peur et violence.

Il utilisa toutes les forces qu'il savait posséder, magique et physique pour le renverser, le clouer au sol pour qu'il ne puisse plus lui échapper. Plus jamais.

Il réussit mais sa victoire ne lui apporta aucun triomphe, lorsque Potter daigna plonger son regard dans le sien, le monde regagna toutes ses couleurs, toutes ses formes et Tom prit la mesure de ce qu'il venait de faire. Il voulut se relever immédiatement, le libérer, fuir mais il en fut incapable.

Son cœur battait trop fort, son corps était pétrifié, il surplombait celui de Potter et sous lui, celui-ci lui lança un regard empli de douleur et de colère en lui sifflant dans un fourchelang tranchant.

§ Qu'est-ce que tu veux ? Me frapper ? Ça ne te suffit pas d'utiliser le lien pour me faire souffrir. §

Les mots moururent dans sa gorge, était-ce ce qu'il avait voulu ? Le frapper ? Certainement pas, jamais il ne lui aurait fait le moindre mal. Pourtant le Gryffondor semblait avoir mal. Le responsable ne pouvait être que lui, il le savait.

Tom ferma douloureusement les yeux au-dessus de lui avant de relâcher son col et de se relever et il le laissa en faire de même. Lorsqu'il fut debout, Harry grimaça, son dos lui faisait affreusement mal, il consulta Jedusor du regard, indécis quant à la manière dont il devait agir. Il était furieux, il ressentait sa propre colère mais elle était bouffée par le désespoir qui émanait encore du jeune mage noir.

Tom n'était pas lui-même il y a quelques minutes encore, ses yeux avaient perdu toutes nuances de rouge pour se couler dans les ténèbres. Jedusor semblait avoir recouvré ses esprits désormais mais Harry se tenait sur le qui-vive. De toute évidence, Tom était proche d'un point de rupture et il ne voulait pas le pousser à bout.

Le Serpent cornu ouvrit la bouche, c'était à son tour de détourner le regard en ne se tenant pas face à lui.

§ Je ne voulais pas te blesser… je ne supporte pas ton indifférence. §

C'était sincère et c'était franc. Pourtant le Survivant sentit sa mâchoire se serrer, lorsqu'on ne souhaite pas blesser quelqu'un on évite de le brutaliser. Il se retint de dire le fond de sa pensée, il était épuisé et il savait que lui-même n'était pas en possession de tous ses moyens. Ces ressentis étaient certainement influencés par son état de fatigue. Et contrairement à Jedusor il avait les armes lui permettant de comprendre que ce qu'il allait dire ou faire dans cet état, il pourrait le regretter. Il resta silencieux.

Tom lui lança un regard furtif puis il lui précisa.

§ Si le lien te fait mal, c'est parce qu'il reflète ce que je ressens. §

Harry le savait très bien, Jedusor n'avait pas besoin de se justifier là-dessus. Le lien s'était ouvert par sa faute alors Potter acceptait que celui-ci ne le laisse pas en paix. Mais s'il était toujours béant c'est que Tom n'avait pas compris ; avait-il seulement essayé de comprendre sa décision ? Avait-il réfléchi à ce qu'il ressentait ?

§ Tu n'as toujours pas compris. §

Il avait murmuré cette parole sans en avoir l'intention.

Tom serra les poings en lui sifflant.

§ J'ai compris. J'imagine que je viens même de prouver que tu avais raison. Tu ne peux pas m'accorder ta confiance. §

Ça faisait mal, terriblement mal, bien plus que n'importe quel coup. Jedusor lui transmettait quelque chose qui ressemblait à s'y méprendre à un Endoloris.

Potter sentit son corps se mettre à trembler et il se mit à crier pour le faire cesser.

§ Non ! Tu n'as pas compris, tu ne comprends rien ! Tu es persuadé que je ne veux pas de toi à cette épreuve à cause de ton passé, à cause de ce que Voldemort a fait, tu te trompes complètement. Ce n'est pas Voldemort que je refuse de protéger, c'est- §

§ Moi ? §

Il ne lui laissa pas le temps de finir, de lui avouer ce qu'il souhaitait lui dire depuis des jours déjà. Jedusor lui tourna le dos et partit, s'évanouissant dans le dédale de couloirs d'Ilvermorny.

Harry aurait aimé avoir la force de le suivre et de l'obliger à l'écouter mais ses jambes cédèrent sous son poids et il s'écroula. Il eut seulement la force de se traîner contre le mur le plus proche pour enfouir son visage contre les genoux. Il souffla en anglais.

— Tu es stupide.

Il ne savait pas s'il s'adressait à lui-même ou au sorcier qui venait de le quitter. Le sorcier le plus brillant de sa génération incapable de comprendre qu'il veut le mettre en sécurité et non l'éloigner de lui. Harry ne réussit pas à pleurer mais le ciel se déchira et des trombes d'eau se déversèrent au-dehors.

C'est ainsi que le retrouva Therence une heure plus tard, Potter avait disparu depuis l'entraînement de Quidditch et comme il ne l'avait pas vu au réfectoire, l'Oiseau-tonnerre s'était inquiété, ils avaient tous deux Astromologie dans une vingtaine de minutes à peine.

Legrand ne sut d'abord pas comment réagir à la vue de Potter prostré dans un coin, il voulut demander à celui-ci ce qui s'était passé mais il considéra cette question comme indiscrète. Ce n'était pas son genre de se mêler des affaires qui ne le concernaient pas. Si Harry voulait se confier à lui, il était là mais il ne se voyait pas poser la question frontalement. Surtout qu'il se doutait que l'état de Potter avait un rapport avec Gaunt, c'était presque toujours le cas.

Leur guerre n'avait pas de sens à ses yeux, il était évident pour lui que les deux garçons s'aimaient. D'autres le traiteraient certainement de naïf, d'ignorant, lui diraient qu'il ne comprenait pas la moitié des choses se déroulant devant ses yeux mais Legrand était loin d'être ingénu ou inconscient. Il savait qu'il y avait plus qu'un conflit derrière les actes des deux étudiants de Poudlard.

Seulement il avait décidé de prendre les choses avec simplicité. Après tout peu importait à quel point les choses étaient simples ou compliquées, le résultat était le même. Potter et Gaunt n'étaient pas différents des autres élèves qui se disputaient pour un rien et se réconciliaient par la suite.

Ou en tout cas, Therence avait décidé de ne pas faire de différences entre cette bagarre-là et une autre.

Alors il agit avec Harry exactement comme il l'aurait fait avec n'importe lequel de ses amis. Il s'assit à côté de celui-ci et lui dit que s'ils ne partaient pas pour leur cours ; ils seraient en retard et il ajouta que ce n'était pas grave. Que s'il voulait, ils pouvaient sécher le cours pour aller manger un truc en cuisine (après tout Potter avait raté le dîner) ou pour traîner sans but dans les couloirs.

Il lui proposa également d'aller en cours tout seul et de dire à Madame Abadie qu'Harry était parti à l'infirmerie à cause d'un mal de ventre ou même d'arriver en retard tous les deux et de raconter qu'ils étaient restés pour aider à ranger le matériel sur le terrain de Quidditch. Et à partir d'un moment, Potter releva la tête vers lui et lui adressa un sourire un peu faible.

Il rit au sujet du fait qu'il avait de la suite dans les idées pour quelqu'un d'aussi sérieux, après tout il était le responsable des Oiseaux-tonnerre, et Therence lui sourit en retour, heureux de lui avoir un peu remonté le moral.

Il le traîna en cours en lui racontant tous les mensonges qu'il avait inventés pour pouvoir manquer les cours ou permettre à d'autres de le faire en précisant que c'était aussi son rôle et Potter l'écouta en souriant de temps en temps.

Oui, vraiment, Therence Legrand ne voyait pas le souci ; Harry Potter avait bien le droit d'avoir des problèmes de cœur et de sécher les cours s'il en avait envie, comme n'importe lequel des élèves de cette école. Après tout, si les techniques qu'il utilisait pour consoler ses amis marchaient aussi sur lui, c'est qu'ils n'étaient pas si différents.

En arrivant en retard au cours d'Astromologie, ils ne virent personne et ils apprirent plus tard que le cours avait été annulé à cause du déluge dehors qui empêchait quiconque de voir le ciel. Seul avec Harry sous le dôme de verre, Therence Legrand remarqua que la tempête s'apaisait lorsque Potter lui souriait et qu'au contraire la pluie redoublait d'efforts lorsque celui-ci se perdait dans ses pensées.

Cette constatation le fit sourire ; faire tomber la pluie pour annuler l'Astromologie ? Il n'y aurait jamais pensé, dommage qu'Harry le fasse sans s'en rendre compte ; ils auraient pu en rire.

C'est ainsi que se finit la journée pour Harry Potter, il ne s'en rendit pas compte ce jour-là mais il devait à Therence quelque chose de particulièrement précieux que le reste du monde sorcier avait oublié de lui donner ; un peu d'innocence. La meilleure arme pour affronter les moments difficiles.

Ce ne serait pas suffisant pour tout arranger mais cela pourrait y contribuer. Au moins jusqu'à ce qu'une nouvelle occasion de s'expliquer se présente aux deux sorciers.

Celle-ci ne tarda pas et arriva dès le lendemain.

Il pleuvait. Comme hier. Le ciel se chargeait de gris, se contractant comme une masse en colère puis, comme s'il ne pouvait pas tout à fait exploser et gronder sa rage contre le monde, il se dissolvait en gouttes d'eau translucides et fragiles. Avant de recommencer, ne laissant aucune éclaircie l'apaiser.

Battante sans être torrentielle, la pluie paraissait un peu triste, douloureuse. Peut-être n'était-elle pas faite pour les sommets, comme celui sur lequel était assise cette école, en tout cas, elle faisait du paysage une toile où tout semblait dégouliner. Même le brouillard au-delà des frontières de l'académie ne semblait pas aussi vaillant qu'habituellement, ployant sous les grosses larmes du ciel.

S'il ne se sentait pas si mal et si affecté, s'il avait pu fermer les yeux cette nuit pour se reposer, s'il n'avait pas l'impression que chaque goutte frappant la fenêtre à côté de lui - alors qu'il tentait d'écouter le cours - faisait écho à la douleur infernale qu'il ressentait depuis hier après-midi alors peut-être, peut-être aurait-il pu penser qu'il n'y avait rien de particulier avec la météo et que ce n'était que de la pluie qui tombait du ciel. Une pluie qui marquait le début de l'automne, rien d'extraordinaire, rien d'inhabituel et surtout, rien de magique.

Mais le fait était qu'il n'avait pas fermé l'œil de la nuit, qu'il souffrait et que ses propres sentiments ne semblaient plus vraiment lui appartenir depuis que d'autres résonnaient bien plus fort en lui. Frappant à la porte de son cœur avec autant d'insistance et d'ingérence que la pluie sur la vitre à laquelle il jeta un regard entre colère et peine.

Il aurait voulu être seulement en colère, ce sentiment lui aurait permis de se sentir un peu mieux, généralement la colère permettait de supporter la douleur, la tristesse et tous ces autres sentiments plus insidieux, ceux qui ne se fatiguaient pas aussi facilement que le ressentiment.

Il essaya pendant quelques secondes de remplir son cœur de rage, de se rappeler les raisons qui pouvaient motiver sa colère. Tom avait essayé d'utiliser la force contre lui et bien qu'il l'ait fait par désespoir, cela n'excusait pas ses actes. Son ressentiment était légitime et il parvint presque à se mettre en colère.

Le sorcier réussit à détourner les yeux du déluge à l'extérieur pour une seconde, regardant la salle de cours remplie d'instruments de mesure et de chaudrons, d'ingrédients et d'odeurs tantôt agréables, tantôt écœurantes.

Son répit ne dura qu'un court instant car le ciel se déchira dans un éclair qui plongea la salle de classe dans le noir avant de la remplir d'une lumière éblouissante qui s'évanouit aussitôt. Un flash d'une blancheur éclatante qui le déboussola un peu.

Son attention se tourna de nouveau vers la pluie, toute rage oubliée, ne laissant que douleurs, peurs et incertitudes. Ce n'était pas vraiment ses sentiments, mais peut-être ressentait-il, lui aussi, des choses similaires, bien qu'il ne les éprouvât pas pour les mêmes raisons que celui qui les lui transmettait sans arrêt.

S'il y avait quelqu'un qui pouvait déchirer le ciel seulement pour le faire correspondre à son état d'âme, alors c'était bien le Seigneur des Ténèbres. Cela avait un côté égoïste, cela ressemblait à quelque chose que Lord Voldemort ferait. Harry était persuadé que la pluie tombait à cause de Jedusor. Que c'était lui le responsable.

Seulement Potter savait que lui aussi, la lumière éblouissante du soleil lui ferait mal aux yeux. Il avait le sentiment que si le ciel avait été bleu et calme, cela n'aurait pas été juste. Il pleuvait sur son cœur et il pleuvait certainement aussi sur son âme. Alors si le ciel avait été beau et apaisant, s'il avait été lumineux et joyeux, cela aurait probablement été plus douloureux encore. Plus dur de faire face à son choix et aux conséquences de celui-ci.

Décidé à ne pas ployer, à ne pas céder, il détourna résolument le regard de la fenêtre une seconde fois, pour essayer de se concentrer sur la fin des explications concernant la potion qu'il devait réaliser aujourd'hui.

Apparemment il y en avait énormément au programme qu'il devrait maîtriser s'il voulait s'en sortir et rester le premier même dans cette matière. Au grand dam de Severus Rogue qui semblait vouloir étrangler Ulrich Tiare à chaque fois que celui-ci lui accordait un Optimal de plus.

Serrant les dents, il finit d'inscrire d'une écriture un peu trop serrée et particulièrement maladroite les instructions partielles qu'il avait retenu des explications des deux professeurs de potions. Si son écriture était si peu assurée, ce n'était pas tant à cause de la pluie ou des sentiments affreux et violents qui le laissaient à peine penser mais plutôt parce qu'il se forçait à écrire sur le carnet que le jeune mage noir lui avait offert. Il lui avait promis, il y a sept jours maintenant, qu'il acceptait de prendre des notes de ses cours dans ce cahier-ci pour que Tom puisse également les avoir et il ne voulait pas se résoudre à révoquer son engagement à cause de leur dispute.

Cela n'avait rien à voir et couper entièrement les ponts avec le jeune Seigneur des Ténèbres n'était pas une chose qu'il voulait faire. Harry avait bien vu hier que l'indifférence n'était pas la solution, Jedusor ne supportait pas qu'il l'ignore mais il ne lui avait pas non plus laissé le temps de s'expliquer.

Le lion se sentait désemparé, une partie de lui voulait réussir à tenir jusqu'au début de la première tâche pour être sûr que Jedusor n'aurait aucun moyen d'y participer et une autre partie voulait lui expliquer pourquoi il l'avait éloigné de lui. Mais s'il le faisait, il y aurait de fortes chances que Tom veuille quand même l'accompagner. Et Harry ignorait ce qu'il devait dire à Jedusor pour que celui-ci comprenne enfin qu'il ne souhaitait que le protéger, rien de plus, rien de moins.

— Ce n'est pas comme si je pouvais rester comme ça. Le laisser comme ça, termina son esprit sans sa permission.

Alors que devait-il faire ? Accepter la décision de Jedusor alors que celle-ci lui paraissait dangereuse et inconsidérée ? Hors de question. C'était son épreuve, sa tâche, il ne pouvait pas accepter. Peut-être devrait-il seulement écrire à Jedusor les raisons de son refus ? Cela suffirait-il pour le convaincre ?

Le lion se tourna vers l'eau qui coulait toujours au-dehors. Était-ce seulement humain de souffrir autant du rejet de quelqu'un ? Ce n'était même pas vraiment un rejet… même si Tom le prenait comme tel.

Harry fut sorti de son état méditatif par un coup sur la tête, la main qui venait de le frapper resta sur son crâne alors qu'une voix cinglait.

— Deux heures. C'est le temps que vous avez passé à ne rien faire ! Que vous ignoriez mes explications et celle du professeur Tiare, je peux l'accepter. Puisque de toute manière vous allez faire n'importe quoi avec mais que vous ne fassiez rien du tout pendant l'heure où vous auriez dû préparer la potion est intolérable !

Rogue le relâcha, passa devant lui en lui lançant un regard noir où Harry crut distinguer quelque chose qui n'était pas vraiment de la colère. De la préoccupation ? Peut-être que le Maître des potions craignait vraiment qu'il rate son devoir, même si cela lui semblait impensable. Celui-ci lui avait mis des notes horribles toute sa scolarité, sans jamais avoir d'égards pour les efforts qu'il faisait dans sa matière. Heureusement que Tiare était plus objectif.

Après une volte-face un peu théâtrale, le potionniste ajouta.

— Vous viendrez récupérer ces deux heures ici avec moi ce soir. Ce seront vos premières heures de colle dans cette école et j'espère pour vous que cela ne deviendra pas une habitude.

Le Survivant entendit vaguement ses camarades de classe faire des commentaires, il ne prêta pas attention à ce qu'on disait de lui. Il retint uniquement qu'il était apparemment rare de recevoir des heures de retenue à Ilvermorny et davantage pendant un cours de potions réservé aux dernières années.

Il songea, et cette pensée le détendit un peu, que jamais les dernières années de Poudlard n'auraient été surprises par seulement deux heures de colle obtenues en potions. Cette pensée le réconforta mais elle le rendit un peu nostalgique.

Il se demandait ce que faisaient ses amis, peut-être devrait-il leur écrire quelque chose ? Il n'avait même pas pensé à leur envoyer une lettre à son arrivée… le Gryffondor n'avait pas vraiment eu de temps pour lui depuis qu'il était là mais peut-être qu'il pourrait envoyer quelque chose à Hermione, pour lui donner des nouvelles. Cela lui ferait certainement plaisir.

Il eut, à cet instant précis, le souvenir du paquet qu'Hermione et les autres lui avait remis avant son départ et qu'il n'avait jamais ouvert. Il se maudit alors que la scène lui revenait en mémoire, la préfète lui tendait le petit paquet en précisant qu'il ne devrait pas l'ouvrir avant d'avoir mis les pieds en Amérique et qu'il ne devrait l'utiliser qu'en cas de besoin.

Au moins il avait tenu sa promesse mais Harry regrettait vraiment d'avoir oublié ce paquet, le Gryffondor se promit de l'ouvrir ce soir, en même temps qu'il écrirait sa lettre.

Le cours de potions prit fin et Harry attendit pour pouvoir sortir de celui-ci avec les derniers, il remarqua les regards de ses professeurs s'attarder sur lui alors qu'en sortant une étudiante prononça ces quelques mots à son sujet.

— Il est maudit, il ne fait qu'attirer les ennuis depuis qu'il est là. Personne n'avait reçu de retenue depuis le début de l'année et il fallait que ce soit les Oiseaux-tonnerre qui ouvrent le bal… on va se payer les moqueries des autres par sa faute.

Ses amies ne lui répondirent pas, elles se contentèrent de hocher la tête et de partir. En temps normal et si cela avait été Malefoy par exemple, il aurait réagi mais il pleuvait encore au-dehors et il se sentait aussi las et épuisé que la pluie.

Les sentiments de Jedusor le torturaient toujours et toutes ses forces étaient accaparées par la stabilité de sa magie et de ses émotions fragilisées. C'est pourquoi il détourna le regard sans même ouvrir la bouche. Il lança un regard acéré à ses professeurs, se retenant de demander à ceux-ci ce qu'ils avaient à le regarder comme ça.

Alors qu'il récupérait ses affaires et quittait la salle, Rogue lui lança.

— L'inaction ne vous ressemble pas.

Un grognement monta dans sa gorge et il lança en réponse.

— Vous préoccupez de moi ne vous ressemble pas.

C'était faux et méchant mais il ne savait pas comment communiquer autrement avec Severus.

Sa colère contre le Maître des potions le distrait et il réussit à penser à autre chose qu'au mage noir en se rendant à son cours d'enchantements et de sortilèges.

Son répit ne dura pas plus de quelques minutes, alors qu'il arrivait dans le couloir menant à sa salle de classe, il entendit.

— Pssst ! Hé !

Il se retourna pour tomber nez à nez avec une drôle de femme qui portait un chapeau vert foncé orné de plumes de faisan. Ce n'était pas vraiment une femme d'ailleurs mais seulement son portrait. Le tableau lui sourit et lui demanda alors que, méfiant, Harry reculât d'un pas.

— Harry Potter ? C'est bien toi, non ?

Ledit Potter plissa les yeux et hocha légèrement la tête, ses années à Poudlard lui avait appris qu'il fallait mieux être méfiant avec certains tableaux, surtout lorsque ceux-ci vous hélaient en plein milieu de la journée.

La femme au chapeau à plumes se redressa dans son cadre et elle lui fit signe de la tête de se rapprocher tout en lui murmurant.

— Il se passe quelque chose de bizarre dans la volière…

Haussant un sourcil et se faisant la réflexion qu'il ne savait même pas où se trouvait la volière, une partie de lui voulut ignorer le tableau mais celui-ci mentionna quelque chose qui retint son attention.

— Je crois que ce sont des Serpents cornus, ils ont l'air de vouloir se battre, c'est ça, c'est une bagarre ! À cinq contre un, ils n'ont honte de rien !

Le brun fronça les sourcils, un peu inquiet à la mention des Serpents cornus, il se sentit obligé de demander.

— Comment pouvez-vous savoir ce qu'il se passe à la volière si vous êtes ici ?

La femme du tableau lui fit un clin d'œil et elle prit un air mystérieux, en murmurant.

— Ça c'est quelque chose que je ne peux pas te révéler, les tableaux ont quelques secrets qu'ils se doivent de garder.

Elle lui sourit et à ce moment-là Harry reçut comme un coup de poignard dans le ventre, puis une douleur fulgurante lui traversa la cheville. Les sensations étaient comme… fantômes et il ne fut même pas certain de les avoir réellement ressentis, jusqu'à ce qu'il prête de nouveau attention au lien toujours béant entre le jeune Seigneur des Ténèbres et lui.

Très vite, il comprit que les sensations de douleur étaient réelles mais qu'elles ne lui appartenaient pas. Tom ne lui transmettait plus sa peine et ses craintes, cela avait été remplacé par de la colère et de la haine et ce n'étaient pas du tout les émotions qui le faisaient souffrir d'habitude. Le Serpentard lui transmettait de la rage et une douleur bien plus physique que émotionnelle.

Paniqué, il comprit que cette bagarre n'était pas juste une bagarre ; Tom était impliqué. Ses doutes sur les dires du tableau s'envolèrent et il lui cria, en tournant les talons vers l'endroit d'où il sentait provenir la présence du mage noir.

— Où se trouve la volière ?

La femme lui désigna un escalier du regard puis elle ferma les yeux en secouant la tête.

— C'est tout en haut, mais avec la pluie les étudiants n'ont pas le droit de s'y rendre aujourd'hui, c'est pour cela que je trouvais étonnant qu'il y ait des élèves là-bas.

Lorsqu'elle les rouvrit, l'Oiseau-tonnerre qui était devant elle avait disparu et en tendant l'oreille elle l'entendit courir dans les escaliers. Elle grimaça et murmura.

— Ulrich me fera toujours faire n'importe quoi, précipiter un Oiseaux-tonnerre dans un combat entre Serpents cornus… si ce n'est pas cruel. Il me devra bien un changement de place pour l'année prochaine, ce couloir est d'un ennui !

Puis elle se souvient de son rendez-vous avec une amie qui était peinte dans l'un des tableaux des cuisines et elle oublia cette histoire de conflit entre Serpents cornus.

Ce conflit, il avait commencé quelques instants plus tôt...

Tom savait qu'il s'agissait d'un piège. Cela ne pouvait être que cela, pourtant quand un élève de sa classe du nom de Darren Hartley lui avait dit qu'un hibou de Poudlard était présent dans la volière depuis presque une semaine à attendre une réponse à une lettre qui, de toute évidence, n'avait pas été livrée à Harry ; il voulut en avoir le cœur net.

Malgré le fait qu'il savait que ce n'était certainement qu'une ruse, un traquenard pour le piéger, il avait tout de même accepté de suivre Darren et ses compères jusqu'à la volière.

Ils étaient cinq, trois sorciers et deux sorcières. Cinq pour le guider à la volière… n'était-ce pas exagéré ? Ne se rendaient-ils pas compte que leur tentative était ridiculement prévisible ?

Alors qu'ils dépassaient le panneau interdisant de monter les escaliers à cause du déluge qui inondait la volière, Jedusor se demanda s'il ne devait pas confronter les Serpents cornus avant d'arriver à destination.

Leur faire comprendre qu'il savait pertinemment quel était leur but véritable. Mais en vérité, il l'ignorait. Il ne savait pas comment ces cinq camarades comptaient le punir. Le punir de quoi exactement ? Il l'ignorait mais ce ne serait pas les premiers à essayer. Comme les autres, ils le regretteraient amèrement.

Tom était confiant sur sa capacité à éliminer ses ennemis sans difficultés. Et au vu des murmures et des regards mauvais que lui envoyaient ses camarades depuis quelques jours, ils étaient devenus des ennemis. Peut-être était-ce là la raison qui le poussa à ne rien dire jusqu'à ce qu'ils atteignent la volière. Il se savait assez fort pour combattre les cinq en même temps.

À la volière, l'ancien Serpentard songea que la tempête était belle à voir d'ici. Le ciel, monstrueux amas de nuages gris et noirs hurlant sa ferveur de détremper le monde des vivants, était magnifique. Ils étaient hauts dans les cieux à cet endroit d'Ilvermorny.

La salle, grande et entièrement ouverte sur le firmament, était pleine de flaques d'eau. Le parquet dont était fait le sol et le lambris qui recouvrait les murs étaient complètement gonflés par l'eau. Et dans le tumulte, les oiseaux malheureux s'étaient regroupés aux endroits les plus secs. Petits groupements de plumes dans les coins les plus sombres.

À son arrivée, beaucoup s'envolèrent en piaillant, ajoutant leurs cris de désarroi au chaos qui régnait en ces lieux.

Là. Cet endroit semblait tant en osmose avec ses états d'âme que cela le fit sourire. Le Seigneur des Ténèbres se retourna alors vers ses adversaires et, trempé jusqu'aux os, il leur demanda.

— Je suis là où vous vouliez m'avoir et dorénavant, qu'allez-vous faire ? Où se trouve cet hibou ?

Insolent, provoquant, d'une impertinence et d'une condescendance rares. C'est ce que pensait Darren Hartley à propos de Thomas Gaunt, pourtant en voyant le sourire tordu que lui offrait Thomas au chaos les entourant, il eut un doute… leur plan suffirait-il pour ne serait-ce qu'effrayer ce type ?

Ils étaient prêts à aller jusqu'au bout pour prouver à cet étranger qu'il ne pouvait pas les ridiculiser ainsi, qu'il n'était en rien supérieur à Chul Fontaine, qu'il ne méritait ni la première place, ni leur respect.

Une partie de lui voulait le rabaisser, le voir lui demander de le relâcher et une autre - un instinct plus profond qu'il se refusait à écouter - lui disait que s'il s'excusait maintenant, lui montrait où était le hibou venant de Poudlard et le laissait repartir sans problème alors tout irait pour le mieux.

Hors Darren n'était pas le seul à agir et même si au dernier instant, il faillit revenir sur son plan, la sorcière qui était à côté de lui répondit à Gaunt avec hargne.

— Tu n'as qu'à regarder par là, on l'a attaché.

Trop tard, les dés étaient jetés et Darren n'eut pas le temps d'appréhender la suite car Gaunt se tourna vers la direction indiquée par Elisa. Il remarqua sans mal le hibou grand-duc retenu au sol par une patte, l'oiseau était si caractéristique de l'école anglaise qu'il ne pouvait pas se tromper.

Leur camarade Serpent cornu leur lança un regard d'avertissement avant de se diriger vers l'oiseau et Darren sut qu'il avait gagné, il compta le nombre de pas que devrait faire Gaunt avant que la cage ne s'active autour de lui et son cœur se mit à battre la chamade.

Ce serait si simple que cela finalement ? Piéger l'oiseau venant de Poudlard, transporter la cage de Faraday jusqu'à la volière et la laisser s'activer au moment où Gaunt serait assez loin d'eux pour être sûr qu'il soit bien le seul à y être piégé.

Quatre pas… trois pas… deux pas… un pas… maintenant !

Il fit signe à ses coéquipiers d'activer le mécanisme et ceux-ci n'hésitèrent pas une seule seconde.

La cage se referma et Gaunt se retrouva piégé comme un oiseau aux ailes coupées, sans défense, à leur merci.

C'était ce que Darren avait prévu, enfermer Thomas, l'effrayer un peu avec quelques sortilèges, lui faire comprendre qu'il n'était pas l'élève le plus brillant de leur promotion, le faire supplier pour qu'on le relâche puis le laisser partir. Pas de violence superflue, il ne voulait que la justice. Gaunt était seulement puissant, pas plus intelligent, pas plus fort qu'eux et ils allaient le lui prouver.

Sa magie était seulement plus impressionnante que celle des autres et cela ne faisait pas de lui un dieu intouchable.

C'était ça, ils voulaient seulement le faire redescendre sur terre.

Immédiatement avec le déploiement de la cage, l'échine de Gaunt se courba et il laissa échapper un râle de douleur alors que sa magie était bloquée.

Plus rapidement qu'il ne l'aurait cru possible, il vit Thomas se ruer vers les murs translucides de la cage pour en sortir avant que celle-ci ne se referme complètement. Il se déplaça à une telle vitesse qu'il sembla à Darren que Gaunt avait seulement disparu pour apparaître à côté du dernier mur de la cage, face à eux, sa cheville se brisant dans un craquement écœurant.

Leur camarade tomba un genou au sol, sa jambe ouverte laissant une tache rouge particulièrement sinistre sur le parquet mouillé.

Devant lui, le mur avait une brèche. Et la cheville de Thomas était tordue dans un angle impossible.

Lorsque le mage noir se releva malgré ça, le regard sombre et déformé par la rage, Darren sut que s'excuser et dire que ce n'était pas ce qu'il voulait ne suffirait pas. Lorsque Gaunt sortirait de là, ils subiraient pire qu'un os fracturé.

Le garder enfermé était maintenant une question de vie ou de mort, faire marche arrière n'était plus une possibilité. Plus longtemps Gaunt restait enfermé plus leurs chances d'échapper à sa vengeance étaient grandes.

Comment avait-il pu déployer sa magie pour se déplacer aussi vite alors que la cage se refermait sur lui ? Pourquoi ne s'était-il pas laissé faire ? Sa cheville valait-elle le prix de sa liberté ? Gaunt avait-il seulement conscience de son sacrifice au moment où il s'était élancé ?

De toute évidence, oui. Et au vu de la force avec laquelle le mage noir s'était ensuite relevé - les toisants comme s'ils n'étaient que des insectes bourdonnants trop forts à ses oreilles - peu lui importait de se briser les os contre les murs de cette cage si en échange, il était libre. Libre de se venger, de les détruire à son tour.

Thomas Gaunt était plus puissant qu'eux mais sa magie n'était pas ce qui faisait de lui un être dangereux. Darren le comprenait seulement maintenant. Un être dangereux... le premier du classement. Probablement le seul qu'ils n'auraient jamais dû enfermer.

Comme il était trop tard pour avoir des regrets, Darren consulta du regard ses alliés qui, comme lui, semblaient abasourdis. Il songea qu'ils seraient certainement renvoyés. Après tout, ils étaient déjà responsables de la blessure qu'arborait Gaunt. Le directeur les laisserait-il étudier ici après ça ? Leurs familles seraient-elles désavouées après leur renvoi ?

Trop tard, il était trop tard. Alors il cria pour que sa voix dépasse celle de la pluie.

— Ne le laissez pas s'échapper ! On ne le libère pas avant d'avoir un serment de sa part qu'il ne dira rien sur ce qui s'est passé.

C'était son rôle de protéger ses amis des conséquences de son plan. Gaunt pourra-t-il prêter serment alors que sa magie était piégée ? Il l'ignorait mais il ne voyait rien d'autre les assurant de se sortir de là sans en subir le contrecoup.

Elisa, sa meilleure amie, acquiesça, tout à coup sorti de son hébétement, et elle ajouta en saisissant sa baguette.

— Ne vous contentez pas de malédictions mineures, ça n'aura aucun effet sur lui, si vous voulez le mettre à genoux ; il va falloir les lui briser.

Et elle fut celle qui lança le premier sort destiné à blesser Thomas et l'empêcher de détruire sa cage.

Darren ferma les yeux, sa baguette toujours serrée dans sa main, immobile. Son estomac se retourna et il sentit des larmes de dégoût et de rage couler sur son visage mais la pluie camoufla ses émotions et il se résigna à être le monstre qu'il pensait avoir enfermé. Après tout, il n'y avait rien de plus moche qu'un Homme qui se sentait acculé.

Thomas Gaunt ne méritait certainement ni leur colère ni leurs peurs mais il les recevrait. Car ils étaient terrifiés par les conséquences futures de leurs actes et furieux de s'être laissés avoir. Parce qu'il n'y avait aucun doute là-dessus ; Gaunt était peut-être celui d'entre-eux qui en ressortirait blessé mais c'était eux qui en souffriraient.

Darren serra les dents, il voulait le faire redescendre sur terre et le voilà entraîné avec lui en enfer. Approcher Gaunt de trop près était une erreur. Ce garçon était une malédiction, un appel à la faute ; il éveillait ce qu'il y avait de plus sombre chez lui. Chez eux.

Victorieux même dans la défaite. Le mage noir ne leur offrit jamais ne serait-ce qu'une grimace de douleur, rien. À part un regard noir effrayant de neutralité.

Ils n'avaient obtenu de lui que ce râle au moment où la cage s'était déclenchée.

Même lorsqu'il ne put plus rester debout et alors que Elisa vociférait contre lui. Pour qu'il fasse le serment de se taire et de ne pas les attaquer en retour. Pour qu'ils puissent le relâcher, l'emmener à l'infirmerie... mais il ne réagit pas. Comme si ni leurs malédictions - pourtant violentes - ni leurs promesses pourtant rassurantes - n'avaient le moindre effet sur lui, comme s'ils n'étaient rien.

Ça ne faisait que les enrager davantage.

Hartley prit conscience bien plus tôt que ses camarades que leur entreprise était vouée à l'échec. Elisa devait le savoir aussi mais elle refusait d'abandonner. Elle avait deviné que jamais Gaunt ne leur prêterait le moindre serment mais elle continuait de le malmener, en désespoir de cause.

Darren aurait voulu crier à tout le monde d'arrêter mais il n'en avait plus ni la force ni le courage.

Il n'était pas leur chef, il n'avait pas l'autorité nécessaire pour faire cesser cette torture. C'était hors de son contrôle, il avait fait un plan et celui-ci se retournait contre lui. Ses amis agissaient, terrorisés et enragés et il ne pouvait rien faire pour les retenir sans les blesser.

Le sorcier de quinze ans, bientôt seize, ne put que prier tous les mages que quelqu'un vienne et stop leur folie.

N'importe qui. Mais il savait que le passage pour la volière était condamné et ses espoirs de voir un professeur arriver étaient maigres.

Pourtant ses prières furent entendues car à l'instant où elles le traversèrent : leur sauveur fit irruption.

Harry James Potter est arrivé en courant et en criant ce qui devait être le diminutif de Thomas, ses chaussures éclaboussant tout autour de lui alors qu'il pénétrait dans la salle. Sa magie était libérée, méandres indistincts qui, sous la pluie, lui donna une aura particulière. À la limite de l'irréel.

Ses yeux se posèrent sur le corps meurtri de Gaunt et sa magie gronda, elle fit trembler le sol et l'eau sur celui-ci sembla aussi agitée que celle qui tombait du ciel. Les cieux se déchirèrent en deux et la foudre lointaine plongea un instant les lieux dans les ombres avant de les bénir d'une lueur éblouissante. Le tonnerre clamait sa fureur.

La seconde d'après, Darren était cloué au parquet, la tête plongée dans une flaque d'eau, désarmé de sa baguette par un Expelliarmus d'une violence et d'une puissance remarquables qui l'avait mis, lui et ses amis, au tapis.

Il eut l'inexplicable envie de sourire en relevant la tête, brusquement soulagé lorsqu'il vit les yeux noircis de Gaunt s'éclairer et se poser sur la silhouette de Potter qui, avec une panique évidente, lui disait de ne pas bouger, qu'il allait le sortir de là.

Couché sur le sol et quelque peu sonné, il regarda Potter utiliser la force brute et plusieurs sortilèges particulièrement violents pour agrandir la brèche laissée par Thomas dans la cage de Faraday et s'y engouffrer.

Rejoignant sans peur ni crainte le monstre de la cage.

Quelque part à côté de lui, il entendit Elisa éclater en sanglots et il se demanda s'il devait pleurer, lui aussi. Mais sa peur de représailles s'évanouit aussitôt, dans la cage qui se désagrégeait, Potter serrait Gaunt dans ses bras comme si sa vie en dépendait et en levant un peu plus la tête, il vit qu'au-dessus d'eux la tempête était en train de s'apaiser.

Le ciel s'éclaircit, la pluie se fit moins dense et Darren s'évanouit, l'esprit libéré. Jamais plus son orgueil ne le pousserait à commettre pareilles ignominies. C'était une promesse qu'il faisait à lui-même, à son âme même.

À suivre...