Chapitre 31 : Sous l'égide du soleil
Bonjour ! Nous sommes dimanche et à l'instant où je vous écris ces mots, je viens de relire mon chapitre. Je suis d'une humeur insatisfaite aujourd'hui alors je ne lui ai vu que des défauts, des fautes et des maladresses mais comme je viens de vous le dire, c'est certainement juste parce que je me suis levée du pied gauche. Ou alors ce chapitre est mauvais ? Je vous laisse en juger et je file avaler une grande tasse de chocolat chaud, avec un peu de chance ça fera partir mon humeur grincheuse. Si tout va bien, on se voit dimanche prochain avec un autre chapitre ! Bonne lecture à vous ! Et n'hésitez pas à me dire ce que vous pensez de ce chapitre. Que ce soit du positif ou du négatif (je fais la chasse aux dernières fautes donc si vous en voyez une ; signalez-la ce sont elles, les indésirables numéros 1 !)
L'odeur cuivrée du sang, l'odeur fraîche de la pluie et celle de Harry seraient certainement celles qu'il porterait sur lui pour le reste de sa vie.
Jamais il ne pourrait se débarrasser de ces odeurs sur sa peau, de cette sensation serrant son cœur. Du chuintement lointain du ciel qui devenait tout à coup aussi paisible et imperturbable que la surface d'un lac qui n'aurait jamais été troublée. De la respiration saccadée de son âme liée. De la douleur qui parcourait encore chaque particule de son corps. Du profond soulagement qui l'avait envahi et de cette sensation nouvelle qui l'avait traversé et dont il eut des difficultés à définir le sens encore longtemps après.
Un sentiment inconnu éclaircissant encore davantage sa palette d'émotions qu'il pensait noyée dans les décombres d'une existence assombrie, déchirée.
Cette émotion lui sembla si forte qu'il était certain qu'elle resterait piégée pour l'éternité à l'intérieur de lui. Qu'elle pourrait redessiner son être, le détruire et le reconstruire d'une seule pulsion. Plus tard, il comprendrait que c'était le sentiment d'être aimé et protégé. En ce jour, il le voyait encore comme un inconnu, un nouveau venu. Une émotion dont sa vie était dénuée.
Le temps ne suspendit pas son cours, Tom ressentit chacune de ces altérations, chaque seconde sembla être aussi longue et précieuse que des années entières de son existence. Il sentit ses muscles se contracter, sa magie lui être complètement et intégralement rendue, sa respiration se bloquer par intermittence. Sa poitrine se souleva trop violemment, ses doigts se perdirent quelque part entre le cou et le dos de celui venu le libérer et il s'entendit tousser, s'étouffer un peu.
Trop pour que celui qui le tenait, déjà inquiet, ne se penche pas sur lui en demandant si ça allait. Aucune réponse de sa part, il était à bout de souffle, un effet secondaire du surplus de la magie de nouveau en circulation dans son corps.
Tom put identifier chacune de ses blessures et ressentir la douleur qui y était liée mais aucune d'entre-elles ne lui sembla insupportable. Les malédictions utilisées étaient douloureuses mais ce n'étaient pas les plus dangereuses. La pire blessure était certainement celle à sa cheville et il se l'était infligée lui-même.
Ça allait, il aurait voulu le dire à Harry mais il n'y arriva pas. Pourtant il aurait aimé le rassurer, lui dont le cœur semblait battre si fort, affolé.
Ses pieds ne touchèrent tout à coup plus le sol et il se sentit être soulevé, porté. Il chercha longuement dans sa mémoire un souvenir qui lui rappellerait ce ressenti mais aucun ne lui vint. Pourtant on l'avait forcément porté lorsqu'il était bébé, lorsqu'il était enfant, mais il ne s'en souvenait pas. Comme s'il s'agissait de la première fois de sa vie que quelqu'un le portait dans ses bras. La sensation était particulière, pas désagréable.
Il ne pouvait pas s'appuyer sur sa jambe se dit-il, comme pour rationaliser le fait qu'il n'avait pas envie qu'Harry le repose à terre. Cela lui faisait mal, il ne pouvait pas marcher pour le moment. Ça ne le dérangeait pas de ne pas être capable de se tenir debout, en cet instant plus rien n'était capable de le faire.
Il était venu.
Ses vêtements trempés qui jusque-là le faisaient trembler de froid, lui semblèrent être trop chauds, alors que Potter passait l'un ses bras sous ses genoux et l'autre dans son dos. Il essaya de bouger un peu, incertain de savoir s'il pouvait le faire sans se blesser davantage.
Pourtant il lui avait dit ne pas vouloir le protéger.
Au lieu de ça, il ouvrit les yeux qu'il avait laissés fermés depuis qu'Harry l'avait délivré de sa prison. Les bras autour du cou du Survivant, il aperçut sans mal les éclats translucides de la cage anéantie autour d'eux, retombant vers le sol, brillant sur la surface lisse des flaques d'eau qui parsemaient encore la volière. Ils lui paraissaient inoffensifs. Insignifiants.
Tout comme les Serpents cornus qui lui avaient fait ça, étendus sur le sol, secoués par le froid et leurs sanglots. Il les ignora. Bien qu'il fût toujours conscient de leur existence, il n'avait pas envie de se préoccuper d'eux à cet instant.
Potter fit un pas en avant et il lui siffla, comme s'il s'adressait davantage au ciel qu'à lui. Un ciel devenu gris clair, presque lumineux.
§ La pluie s'est arrêtée. §
Et tu es venu.
Puis comme si ces deux éléments étaient liés, lui et le ciel, Harry baissa la tête vers lui et Tom remarqua que son visage était ruisselant d'eau de pluie. Ses yeux verts le scrutèrent avec angoisse, vérifiant à plusieurs reprises qu'il respirait toujours correctement.
§ Est-ce que ça va aller ? Je vais te porter jusqu'à l'infirmerie. §
§ Pourquoi ? §
Son sifflement éraillé ressemblait à une plainte plus qu'à une question, le visage d'Harry se teinta d'incompréhension et il lui dit en ajustant son étreinte.
§ Je ne pourrai pas soigner tes blessures moi-même. Je sais que tu n'aimes pas ça mais il va falloir que tu voies un médicomage. §
Tom inspira et expira profondément dans ses bras et Harry s'inquiéta lorsque son souffle eut un raté. Il espérait que le mage noir n'avait pas de côtes cassées dont il empirerait l'état en le portant. Mais il ne pouvait pas faire autrement, il n'était jamais allé à l'infirmerie d'Ilvermorny et par conséquent y transplaner était impossible. Même s'il avait pu, il ne l'aurait certainement pas fait, il ne savait pas si Tom le supporterait.
Harry ignorait à quel point les blessures du mage noir étaient graves mais il ne voulait pas faire quoi ce soit qui aggraverait davantage sa santé. Alors il ne voulait pas non plus utiliser la magie pour le porter, il préférait le faire lui-même.
Il avança avec précaution vers l'escalier en contournant les Serpents cornus, sa mâchoire se serra lorsqu'il passa près d'eux puis la poitrine de Tom se souleva un peu trop fort, il l'entendit essayer de respirer plus doucement et il décida que ce n'était pas important. Qu'il obtiendrait des explications de la part de ces cinq-là plus tard. Ça attendrait. Ce n'était pas sa priorité. Ça pouvait attendre que Tom aille mieux.
Alors qu'ils descendaient les premières marches, il entendit Tom lui murmurer.
§ Ce n'est pas ça... je voulais savoir... pourquoi, pourquoi est-ce que §
Harry fronça les sourcils et se stoppa dans l'escalier alors que Jedusor prononçait faiblement la fin de phrase.
§ ... tu es venu. §
Tom sentit Potter se raidir juste avant qu'il ne termine sa phrase puis il se détendit d'un coup et il lui souffla, dans un fourchelang un peu grinçant.
§ Tu es stupide. §
Tom se redressa dans ses bras pour fixer son visage. Sans pour autant lui rendre son regard, qu'il savait flamboyant, Harry ajouta en réalisant que même maintenant il avait des difficultés à s'exprimer sur le sujet.
§ À ton avis ? §
Puis le Gryffondor se tassa sur lui-même avant de poursuivre, difficilement.
§ Tu te trompes sur la raison pour laquelle je veux t'écarter du tournoi. Je n'ai pas refusé parce que je voulais t'éloigner de moi, c'était seulement pour éviter... ça. §
Ça ? Qu'on lui fasse du mal ?
Jedusor n'eut pas besoin de beaucoup plus pour comprendre ce qu'Harry tentait de lui dire sans y parvenir depuis plusieurs jours. Il n'avait aucune envie d'avoir à le protéger. C'est ainsi qu'il lui avait dit n'est-ce pas ?
Cela ne signifiait pas qu'il ne voulait pas de lui. Ni qu'il manquait de confiance en lui. Ce n'était pas parce qu'il se refusait à protéger un meurtrier. Ce n'était pas à cause de lui.
Il ne voulait pas avoir à le protéger.
Il était stupide. Potter avait raison à ce sujet. Il n'avait pas compris et quand Harry avait essayé de lui expliquer hier, il s'était enfui, persuadé qu'il lui dirait quelque chose de blessant. Sauf qu'il était venu ici pour le sauver. Pour le protéger.
Harry Potter ne refusait pas sa présence à la première tâche parce qu'il n'était pas digne de l'accompagner mais seulement parce qu'il craignait de le mettre en danger en acceptant.
Il voulait le garder en sécurité. C'est pour ça qu'il avait paru autant en colère lorsqu'il avait insisté, c'est pour ça que quoi qu'il puisse faire, il ne changeait pas d'avis. Il n'avait rien à lui prouver. Rien de ce qu'il aurait pu faire ne l'aurait fait revenir sur sa décision.
Harry tenait à lui. Assez pour vouloir le protéger. Assez pour l'avoir secouru aujourd'hui. Assez pour avoir enduré les pires côtés de leur lien ces derniers temps.
Tom n'avait pas réussi à l'assimiler. Jamais il n'aurait réussi à le comprendre, s'ils ne s'étaient pas retrouvés dans cette situation. Comment aurait-il pu admettre que, pour la première fois de son existence, quelqu'un était attaché au fait qu'il aille bien ? Qu'il ne soit pas blessé...
Potter le faisait. Tom n'avait pas compris que sa volonté de protéger son âme-sœur était réciproque. Harry avait développé cette volonté à son encontre. Il souhaitait le protéger. Lui.
§ Je suis désolé. §
Jedusor le lui souffla avec beaucoup de sincérité et Harry sut qu'il avait compris. Une vague de soulagement souleva son cœur. Il se sentit libéré d'un poids, celui qu'il traînait derrière lui depuis leur désaccord le soir de l'annonce.
Il lui souffla à son tour, un peu gêné.
§ C'est de ma faute, je n'arrivais pas à… C'est difficile pour moi d'exprimer ce que je ressens. §
Harry sentit le regard de Tom s'attarder sur son visage, le bonheur de celui-ci transperça brièvement leur lien avant de s'atténuer. Il n'y était pas habitué, ses amis n'avaient pas besoin qu'il leur dise qu'il les aimait. Tom, lui, n'avait jamais eu personne avec lui alors il avait besoin qu'on lui exprime certaines choses comme celle-ci.
Jedusor était amoureux de lui, aussi improbable que cela puisse lui paraître, Harry essayait de l'accepter. Pour autant, Tom ne semblait pas prêt au fait qu'on puisse l'aimer. Peut-être même ne comprenait-il pas comment on pouvait aimer sans être amoureux.
Le Survivant ignorait où se trouvaient ses sentiments par rapport à tout ça mais il savait que Tom avait une manière extrême de ressentir et de considérer les choses. Soit il détestait, soit il aimait. Pas de demi-tons, pas d'hésitations. Seulement aimer ne signifie pas forcément être prêt à être aimé. Et ils n'étaient pas prêts, aucun d'eux. Même Tom ne l'était pas.
Harry n'était pas certain de savoir ce qu'était l'amour. Néanmoins il voulait que le jeune Seigneur des Ténèbres en soit sûr, il viendrait l'aider si quelque chose lui arrivait, si on l'attaquait. Tom devrait le savoir, ça ne devrait pas le rendre si heureux.
Harry savait qu'il tenait à Tom, le dire à voix haute était plus difficile. Cependant, il essaya.
§ Je n'ai pas envie que tu participes à la première tâche. Je veux que tu restes à Ilvermorny, en sécurité. C'est pour ça que je préfère encore que ce soit le directeur qui choisisse pour moi, peu importe qui sera désigné pour m'accompagner, tant qu'il ne s'agit pas de toi… je pourrai me battre en sachant que je n'ai rien à perdre. §
Là, le lien s'ouvrit avec violence pour lui transmettre une joie incommensurable suivie d'un sentiment irraisonné d'amour. Il se referma pratiquement immédiatement et Tom resserra un peu sa prise sur lui.
Le mage noir ne lui répondit rien, cependant la tension entre-eux sembla s'être complètement évaporée.
Peu de temps après cela, ils arrivèrent au bas des escaliers.
Severus Rogue avait un mauvais pressentiment. Cela suffisait pour qu'il soit sûr que quelque chose ne se passerait pas comme prévu dans le plan d'Ulrich. Tiare pensait naïvement qu'il suffisait que Potter arrive à temps pour arrêter les Serpents cornus et que tout se passe sans problème.
C'était une possibilité mais elle faisait partie d'une myriade d'autres où les choses ne se passaient pas bien du tout. Un rien pouvait dégénérer lorsqu'il s'agissait de Harry Potter et du Seigneur des Ténèbres. Les risques étaient trop gros. Les conséquences, trop graves.
C'est pourquoi Rogue se fit un devoir de convaincre Tiare de se rendre là où tous deux savaient que les Serpents cornus avaient emmené Jedusor, sans pour autant avoir reçu au préalable des nouvelles par le biais des tableaux.
L'un d'eux devait avoir servi, si tout s'était bien passé, à prévenir Harry mais ils n'étaient sûrs de rien puisqu'ils n'avaient pas eu de nouvelles depuis ce moment. Malgré le fait d'avoir précisé aux tableaux qu'ils souhaitaient savoir quand Potter partira, ils n'avaient été prévenus de rien. Ce n'était pas normal, ça n'avait fait qu'empirer son inquiétude.
Si bien qu'en traversant les couloirs menant à l'escalier de la volière, Severus ne put qu'accélérer le pas. Ils avaient un cours à donner dans moins de dix minutes mais cela n'avait plus aucune importance pour lui. Son pressentiment se muait peu à peu en une inquiétude sourde qu'il ne pouvait contrôler.
De toute évidence, il avait raison de ne pas le faire. À peine était-il arrivé devant les escaliers qu'il sentit son souffle déjà amoindri par sa course se raccourcir davantage.
Harry James Potter se tenait devant lui, trempé des pieds à la tête d'un mélange d'eau et de sang, ses manches déchirées jusqu'aux coudes et ses bras repliés sous le corps meurtri du jeune Seigneur des Ténèbres qu'il portait contre lui. Une vision qui eut le don de lui soulever le cœur, les pires scénarios qu'il avait imaginés ne se terminaient pas ainsi.
Il y avait quelques images, quelques instants de son existence que sa mémoire se refusait à effacer, celui-ci en ferait partie. Rogue n'avait aucun doute là-dessus, tout comme il n'oublierait jamais l'expression défaite d'Ulrich Tiare lorsque celui-ci arriva à ses côtés et qu'il fut confronté à la même chose que lui.
Lui avait un passif de soldat, d'espion, de sorcier ayant combattu dans une guerre, le sang, les blessures, voir Potter ressortir de l'enfer debout sur ses deux jambes était presque devenu une habitude. Il était armé pour que ce genre de vision ne brise pas complètement son sang-froid. Ulrich, lui, n'avait rien de tout ça et il n'avait certainement jamais vu ses élèves avec plus qu'une épaule déboîtée par un match de Quidditch un peu trop remuant...
Tiare n'était pas un homme qui se vantait d'être parfait, il avait de nombreux défauts et il n'était pas honteux de ses imperfections. Seules quelques petites choses qu'il avait faites ou pensées l'avaient vraiment fait se sentir misérable et honteux. Ce n'était pas des choses très impressionnantes ou graves, la plupart ne dépendaient d'ailleurs pas seulement de lui.
Celle-ci était différente. Cette erreur ne dépendait que de lui et il ne s'était jamais senti aussi coupable, aussi misérable et aussi honteux qu'à ce moment-là de sa vie. Jamais il ne pourrait oublier ce sentiment, il eut l'impression d'être moins que rien. D'être responsable de ce qu'il voyait, autant que ceux qui l'avaient perpétré.
Était-ce cela la culpabilité ? Il s'en souviendrait.
Il ne réussit à ne rien dire, à ne rien faire. Immobilisé par l'horreur de la situation. Il aurait dû agir, appeler en urgence un médicomage, faire quelque chose, n'importe quoi. Mais il était resté là, incapable d'agir, le corps mou et l'esprit stoppé par cette image de Harry Potter et Thomas Gaunt détrempant le sol d'Ilvermorny de flaques rougeâtres.
Severus n'était pas comme lui, et malgré le choc que lui avait causé cette vision, il réagit très rapidement. Habitué aux situations de crise, il n'avait pas le même passif que lui et voir deux adolescents, ses élèves, couverts de blessures qu'ils n'auraient jamais dû porter sur le corps, ne le paralysa pas plus de quelques secondes.
Il dévisagea néanmoins Potter, ne sachant visiblement pas quoi lui dire. Il n'eut pas besoin d'ouvrir la bouche car Harry, surpris de les voir ici devant lui, fut le premier à le faire.
— Professeurs ? Vous-
Severus ne laissa pas Potter parler, il lui grinça, l'air préoccupé mais assez calme en comparaison avec l'état dans lequel était Ulrich.
— Je vous accompagne à l'infirmerie. Vous m'expliquerez ça en détail plus tard.
Sous les yeux d'Ulrich, Severus s'approcha de Potter, dans l'initiative évidente de l'aider avec le transport de Gaunt jusqu'à l'infirmerie. Sauf que le Survivant eut un mouvement pratiquement instinctif de recul et Tiare vit Rogue abandonner, grogner quelque chose d'inaudible puis préciser.
— Vous n'avez qu'à me suivre, en prenant à gauche ce n'est plus très loin.
Potter acquiesça mais ne bougea pas, il ajouta, à son encontre.
— Vos élèves… ils… je…
Son regard se teinta d'incertitude et il finit par lui souffler.
— Ils sont en haut à la volière, ce sont eux qui...
Le Survivant se stoppa encore dans son discours incohérent et lui lança un dernier regard empli de douleur, de colère et de doutes avant de se détourner pour suivre Severus. Passant près de lui, il ajouta, plus faiblement.
— Je… ne sais pas pourquoi ils ont fait ce qu'ils ont fait mais vous devriez aller les voir. Ils vont bien, je les ai désarmés.
Rogue se retourna vers le second Maître des potions et lui lança un regard où se reflétait une certaine préoccupation avant de lui adresser quelques mots.
— Je les amène à l'infirmerie et je reviens tout de suite.
Puis il partit et Ulrich se sentit démuni, les paroles de Potter concernant ses élèves tournaient dans son esprit et, toujours en état de choc, il se demanda s'il avait la force de monter là-haut pour comprendre ce qu'il s'y était réellement passé. C'était son rôle de le faire, d'assumer la conséquence de son ingérence. C'est ce qui le poussa à franchir la première marche qui menait à la volière.
Rogue tenta de garder son calme, de ne marcher ni trop rapidement ni trop lentement. Laissant ses yeux vérifier pratiquement chaque seconde que Potter suivait toujours derrière lui.
Il pensait que Jedusor était inconscient mais il se détrompa rapidement lorsqu'il entendit celui-ci s'adresser à Harry par messes basses. Dans un sens cela le rassurait, si le mage noir était capable de parler alors peut-être que ses blessures étaient moins graves que l'état de sa jambe ne le laissait penser.
Alors qu'ils passaient devant l'une des nombreuses grandes fenêtres de l'école de magie, le jeune Seigneur des Ténèbres relâcha un peu Harry et lui dit, pas assez fort pour que Rogue ne puisse l'entendre.
— Je suis soulagé que la pluie ait cessé.
Au-dehors le soleil était revenu et il semblait faire miroiter tout Ilvermorny encore imbibé du déluge. Éblouissant les couloirs au travers de ces grandes fenêtres aux vitres encore embuées.
Harry se laissa aller et lança un coup d'œil à l'une de ces ouvertures, fronçant les sourcils à cette déclaration ; n'était-ce pas Tom qui faisait tomber la pluie ? Il partagea sa pensée dans un sifflement tout en poursuivant sa route.
§ Je pensais que c'était toi qui l'avais fait tomber, à cause d'hier. §
Tom releva les yeux vers lui, visiblement surpris et incrédule et puis il lui sourit tout à coup. De ce genre de sourire trop sincère qui empêchait Harry de respirer correctement, accélérant son pouls.
Ses yeux, déjà rougeoyants, semblèrent s'enflammer et alors qu'Harry tentait de se concentrer sur autre chose pour oublier le regard du mage noir sur sa nuque, il l'entendit lui siffler d'une intonation presque amusée.
§ Faire pleuvoir le ciel ? Même si je le voulais, je ne pense pas en être capable. §
Puis il reprit dans un murmure plus sérieux.
§ Si le ciel se charge et pleure pour moi, c'est parce que tu es dessous. §
Le mage noir songea que Harry aurait dû l'avoir deviné depuis le temps ; il était le seul à pleurer pour son âme réprouvée. Si les cieux se chargent de gris pour lui alors c'est seulement sous son commandement, pas le sien. Lui était bien incapable d'inspirer la moindre compassion.
Les couloirs changèrent de forme s'ouvrant sur tout un côté en alcôves semi-ouvertes qui donnaient sur la cour intérieure de l'académie, l'infirmerie n'était plus très loin et Tom se sentait un peu engourdi. Sa magie tentait de réparer son corps en échouant inlassablement à cause de sa nature et il n'avait pas envie de lutter contre l'épuisement qui menaçait de le submerger. Pas alors qu'il se sentait en sécurité.
Néanmoins Harry le redressa pour lui souffler.
— Ne t'endors pas. On est presque arrivés.
Tom tenta de rester éveillé. Il capta le regard sombre de Severus Rogue qui les toisait, la main suspendue au-dessus d'une porte qui devait être l'entrée principale de l'infirmerie et il se retint de lui sourire avec provocation. Il y avait de grandes chances pour que le Maître des potions soit plus inquiet par le fait que Harry le soutienne plutôt que par son état.
Bien que celui de Potter dût l'inquiéter assez pour graver sur son visage une sorte de grimace d'inquiétude perpétuelle.
Tom savait que Harry s'était blessé aux bras en détruisant la cage mais il ignorait si le Gryffondor souffrait beaucoup de ses blessures. Il ignorait si elles étaient graves, si elles saignaient beaucoup ou si elles s'étaient empirées avec le temps. Les coupables paieraient, pour lui et pour Harry. Cette pensée était la dernière qu'il se souvenait avoir eu à ce moment-là.
À l'instant où ils entrèrent dans l'infirmerie, Harry sentit le corps de Tom se relâcher complètement, sa tête autrefois posée sur son épaule s'affaissa contre leurs poitrines et il sentit la peur abyssale qui l'habitait se réveiller. Il craignait de le perdre. Une crainte infondée ; dans ses affaires dormait encore un Horcruxe scellé de l'âme de Tom, il était immortel. Quoi qu'aient pu lui faire ses camarades, il allait vivre.
Mais le morceau d'âme restant dans le journal appartenait à Voldemort. C'était un morceau affaibli d'une âme dispersée, un morceau coupé à la hâte servant seulement de monnaie d'échange pour pouvoir utiliser l'âme qui y était déjà enfermée et qui était celle de Tom. Un morceau qui ne pourrait peut-être pas le ramener à la vie encore une fois.
Cet Horcruxe existait mais rien ne garantissait que Tom était toujours immortel grâce à lui. Rien ne garantissait que Voldemort ne renaîtrait pas avec des souvenirs différents. Ils pourraient avoir oublié ces derniers mois et le haïr de nouveau. Cette pensée le terrifia, elle l'empêcha de faire le moindre pas supplémentaire dans l'infirmerie.
La pièce était immense, très haute de plafond, comme une église ou une cathédrale. Cet aspect était renforcé par les fenêtres lointaines, toute en longueur, qu'elle portait. Des lits blancs et parfaitement alignés prenait tout le pan de mur à sa droite et à sa gauche il y avait des bancs, des sièges et des étagères pleines de remèdes, un établit, des armoires et des chaudrons, une quantité astronomique de médicaments, d'ingrédients et de potions. L'infirmerie d'Ilvermorny était un grand couloir, large et haut, où Harry n'avait pas envie de s'avancer.
Une femme aux cheveux très longs, bruns et grisonnants, s'approcha d'eux en catastrophe, elle portait une blouse blanche et un carton plastifié à sa poitrine indiquait qu'elle était infirmière. La vue de ce carton ne rassura pas Harry et lorsque celle-ci se rapprocha vivement de lui et de Tom, il se sentit obligé de reculer, rapidement acculé par le mur qui était derrière eux.
Il n'avait pas envie de confier Tom à une inconnue.
Rogue aurait pu parier que Potter prendrait immédiatement la fuite, terrorisé. Il était bien trop protecteur avec Jedusor à son goût. Le garçon n'était pas dans son état normal, il était encore en état de choc et même si Potter était assez intelligent pour reconnaître que Gaunt avait besoin de soins de la part d'un professionnel, rien ne garantissait qu'il laisserait ledit professionnel ne serait-ce que toucher Jedusor dans l'état dans lequel il était. Certainement persuadé que le monde entier leur voulait du mal.
Réaction instinctive d'un enfant ayant grandi sans jamais avoir prêté la moindre confiance aux adultes.
Le Serpentard ne connaissait qu'un moyen pour sortir Potter de cet état mais il répugna à l'utiliser ; hurler sur les jeunes Serpentard de sa maison qui préféraient se terrer dans un coin plutôt que de lui avouer où ils avaient mal fonctionnait très bien à Poudlard. Il hurlait, les traînait à l'infirmerie, les forçait à accepter les soins et il partait, soulagé de savoir que tout irait pour le mieux. Il se contentait de surveiller ceux d'entre-eux qui avaient eu des parents se préoccupant visiblement plus des forces du mal que de leur progéniture laissée livrée à elle-même. Et ça marchait très bien, la solidarité entre serpents faisait le reste.
Pour un Gryffondor adulte, qui plus est Harry Potter, il ne savait pas quoi faire. La méthode forte lui semblait être hors propos avec un Obscurial. Lui crier dessus ne ferait que le paniquer davantage et Potter avait déjà dépassé le seuil de la panique.
Il en était là dans ses réflexions lorsqu'il songea que l'infirmière semblait avoir compris le problème. Puisqu'elle n'avait pas fait un geste ni un pas de plus depuis que Potter était parti se réfugier contre le mur, l'air autant menaçant que menacé. Il allait tenter de convaincre Harry de se faire soigner au moment où un nouveau venu débarqua.
Il n'arriva pas en courant, un bon point pour lui. Et il portait aussi un carton avec "infirmer" calligraphié en grosses lettres noires sur sa poitrine. Il s'arrêta près de l'infirmière et chuchota, assez fort pour que Severus l'entende.
— Je m'en occupe chérie, ne t'en fais pas.
Mariés ? Rogue vérifia d'un coup d'œil et vit des anneaux jumeaux sur les mains des deux médecins. L'épouse se secoua et murmura vivement à son tour, visiblement inquiète.
— Tu as deux minutes pour les convaincre pendant que je prépare leurs lits, après ça j'assomme celui des deux qui tient encore debout. Ils ont besoin de soins en urgence.
Le mari sourit très légèrement.
— Je sais, je sais. Laisse-moi juste une petite minute.
Puis il se dirigea vers Harry en passant juste devant lui et Severus ressentit son odeur et celle de sa magie. Un loup-garou. Un maudit lycanthrope. Qui avait accepté de mettre un loup-garou comme infirmier dans une école ? Une peur irraisonnée le parcourut, induite par les quelques massacres qu'il avait été obligé d'observer et qui avait été perpétré par Fenrir Greyback.
Avant qu'il ne se rende tout à compte de ce qu'il était en train de faire, sa baguette fut dans sa main. Le lycanthrope remarqua immédiatement son mouvement et il se tourna vers lui, d'abord surpris puis tout à coup compréhensif en le reconnaissant. Il s'adressa à lui exactement de la même manière que lui-même comptât le faire avec Potter. Comme s'il était un enfant paumé, entouré par des choses effrayantes.
— Je ne vais pas leur faire de mal. Vous n'avez rien à craindre de moi, personne ne blessera personne ici, d'accord ?
Il le prenait pour un môme ? L'homme était visiblement plus âgé que lui mais ce n'était pas une raison. Sa mâchoire se serra, il avait conscience de réagir de manière immature, tous les loups-garous n'étaient pas Fenrir Greyback. Pourtant il resta très tendu en rangeant sa baguette. Potter n'avait rien manqué de leur échange et il avait l'air confus maintenant.
Rogue grimaça, si le loup faisait un pas de travers, il n'hésiterait pas. Il n'avait peut-être pas pu empêcher ce qu'il venait de se passer à la volière mais tant qu'il serait avec eux, aucun de ses deux élèves ne prendrait une égratignure de plus. Peu lui importait d'agir exactement avec la même méfiance que le faisait le Gryffondor. Après tout, il avait aussi été un gamin ayant grandi sans faire confiance aux adultes.
Néanmoins ses craintes étaient infondées. Le médicomage s'approcha lentement et sans précipitation de Potter et il s'adressa à lui avec beaucoup plus de douceur que Severus ne l'en aurait pensé capable. Convaincu, malgré l'exception Remus Lupin, que les loups-garous étaient des bêtes sanguinaires.
— Harry n'est-ce pas ? Je m'appelle Börte Tchino et je suis médicomage.
Harry dévisagea le nouveau venu, de ses cheveux gris à ses yeux bleus jusqu'à son visage détendu et avenant. L'inconnu n'avait rien d'agressif. Pourtant il sentait bien que l'atmosphère avait changé depuis son arrivée, Rogue le regardait de travers, tendu comme un arc.
Il fronça les sourcils, il y avait quelque chose de familier chez l'homme devant lui. Il connaissait cette sensation… qu'est-ce que c'était ? Elle lui rappelait quelqu'un. L'infirmier lui adressa un sourire doux, les yeux emplis de compréhension, bleus avec des reflets étrangement dorés à la lumière du soleil. Et il comprit.
Remus. Cet homme lui faisait penser à Remus. Il se détendit sans s'en apercevoir, rassuré par le souvenir de son ancien professeur de Défense contre les forces du mal, l'ami de ses parents.
L'homme lui demanda s'il n'avait pas mal aux bras puis il ajouta qu'il pouvait déposer son ami sur un lit s'il le voulait bien, pour que son épouse l'infirmière portant le nom d'Enya Tchino, puisse s'occuper de lui.
Le regard d'Harry s'attarda encore un peu sur Tom avant qu'il ne se décide à faire ce qu'on lui demandait, au grand soulagement des adultes présents dans la salle.
L'épouse du loup-garou commença à examiner les blessures de Tom sous les yeux inquiet du Gryffondor pendant que ledit loup-garou essayait de convaincre Potter de s'allonger à son tour pour qu'il puisse l'ausculter.
Le lycanthrope commença par sécher les vêtements humides du Survivant. Severus se rapprocha, une partie de lui voulait continuer de surveiller le loup-garou. Pourtant il savait qu'Ulrich avait besoin de son soutien mais il voulait être sûr que Potter ne risquait rien ici avant de partir.
Après avoir fait disparaître le sang de ses vêtements, il retira le tissu qui restait sur les bras du Gryffondor et il lui demanda de tendre ses bras devant lui, ayant réussi à le faire asseoir sur le lit à côté de celui du jeune Seigneur des Ténèbres.
Tout en observant les blessures avec sérieux, il commença à faire quelques mouvements de baguette dans le but de les soigner mais après plusieurs échecs le loup-garou sembla désappointé. Rien de ce qu'il avait tenté d'utiliser en termes de magie n'avait réussi à soigner les coupures qui s'étendaient jusqu'aux coudes d'Harry.
Après un moment de réflexion il demanda à celui-ci s'il pouvait lui expliquer comment lui étaient venues les blessures, Potter lui répondit évasivement qu'il s'était fait cela en essayant de détruire une sorte de mur translucide qui retenait Gaunt prisonnier. Le loup fronça les sourcils après sa déclaration, perplexe.
Börte Tchino demanda des précisions à Potter mais celui-ci ne semblait pas vouloir expliquer davantage la situation. Ses bras s'étaient mis à trembler et il les replia contre lui. Plus absorbé par la surveillance de l'état du Serpent cornu plutôt que par les paroles de son interlocuteur.
Le loup-garou abandonna son interrogatoire et décida de se tourner vers lui.
— Savez-vous ce qui s'est passé ?
Rogue grimaça, s'avançant davantage dans la salle pour se placer près de Potter. Il se décida à dire ce qu'il savait.
— Je ne sais pas exactement ce qui s'est passé mais étant donné ce qu'en a dit monsieur Potter, je pense que le mur avec lequel il s'est blessé était celui d'une cage de Faraday.
Le lycanthrope sembla autant surpris que lui lorsque Ulrich lui avait dit que le directeur avait fait venir une cage de Faraday à Ilvermorny. Severus serra les poings, le scénario de ce qui s'était passé à la volière commençait à se dessiner dans son esprit et il détestait l'idée que les Serpents cornus aient torturé Jedusor alors que celui-ci était prisonnier de la cage. Les élèves d'Ulrich étaient-ils vraiment capables de pareilles horreurs ? Est-ce que Jedusor les avait provoqués ?
Potter avait précisé qu'ils allaient bien et étaient désarmés… s'ils allaient bien c'est qu'ils avaient réussi à piéger Tom et que celui-ci n'avait pas pu se défendre. L'image le révulsait. Il grinça à l'infirmier.
— Je pense qu'un groupe d'élèves à pris monsieur Gaunt à part pour le piéger et l'enfermer dans cette cage. Visiblement assez longtemps pour le mettre dans cet état.
Il se tourna vers Harry qui ne l'écoutait pas, l'infirmière avait réussi à soigner la presque totalité des blessures de Jedusor dans un temps record. Celles données par ses camarades étaient assez superficielles, des malédictions faiblardes, efficaces seulement sur une cible sans défense.
Néanmoins, tout comme le lycanthrope n'avait pas pu soigner les blessures sur les bras de Potter, elle ne parvenait pas à soigner la fracture ouverte du mage noir. La magie ne fonctionnait pas.
Sous les yeux de l'infirmier, Severus se plaça face au Gryffondor et lui demanda.
— Des explications. Que s'est-il passé ?
Malgré le respect qu'il avait pour lui, Börte voulut sortir l'homme de son infirmerie. Il n'appréciait pas du tout la manière dont celui-ci s'était adressé à son patient. Patient qu'il considérait comme fragile. Mais à son grand désarroi, la méthode fonctionna, et l'Oiseau-tonnerre répondit.
— Il y avait une bagarre à la volière, un portrait m'a prévenu qu'il s'agissait de Serpents cornus. Tom était concerné. Je… j'ai couru jusque là-bas et quand je suis arrivé, Tom était derrière une sorte de mur de verre et les autres élèves… je ne sais pas pourquoi ils s'en prenaient à lui. Je les ai désarmés et j'ai réussi à détruire le mur de l'extérieur.
Potter releva les yeux vers Rogue.
— Tom était blessé alors je voulais l'emmener à l'infirmerie et c'est là que je vous ai vu avec le professeur Tiare.
Le Maître des potions acquiesça se tourna vers le loup-garou blême de ce qu'il avait entendu et il lui précisa.
— J'imagine que les coupures sur ses bras et la fracture de Thomas Gaunt ont été faites par la cage de Faraday.
Börte comprit immédiatement où le potionniste voulait en venir, une blessure faite par une cage de Faraday ne pouvait pas être soignée par de la magie. C'était impossible.
Le loup se tourna vers l'infirmière sous les yeux de Severus et il lui expliqua brièvement la situation, celle-ci se dirigea vers les étagères et entreprit d'attraper des potions et des crèmes. Si les blessures induites par une cage de Faraday ne pouvaient pas être soignées par la magie, elles l'étaient bien plus facilement par des moyens plus radicaux. Cela prendrait plus de temps mais Potter et Gaunt ne devraient pas souffrir trop longtemps de leurs blessures.
Le Maître des potions se sentit rassuré, il ordonna à Potter de rester ici et de ne pas quitter l'infirmerie tant qu'il ne serait pas revenu. Il allait chercher Ulrich, récupérer les responsables et les amener devant le directeur. Il voulait connaître leur version, quitte à user du veritaserum pour ça. Si les élèves d'Ulrich n'étaient pas au courant de l'identité véritable de Gaunt alors pourquoi ? Quelle était leur excuse pour ce qu'il venait faire ?
Rogue l'ignorait mais il allait s'assurer que ceux-ci ne s'en tireraient pas à bon compte. En Angleterre le Magenmagot se réunissait pour moins que ça et on avait envoyé des enfants de Mangemorts faire un séjour à Azkaban pour bien peu en comparaison. Il quitta l'infirmerie dans une envolée de robes noires, se retenant de laisser un sortilège de traçage sur Potter.
Gaunt ne pourrait pas marcher avant un moment et tant que le jeune Seigneur des Ténèbres était cloué au lit, il avait bon espoir que le Survivant se tienne tranquille. Assez longtemps pour qu'il tire cette affaire au clair en tout cas. Il valait mieux que ce soit lui qui le fasse. Avant que Jedusor puisse mettre un pied devant l'autre de préférence. La vengeance était un domaine dans lequel le Seigneur des Ténèbres excellait et Severus doutait que cela ait changé.
Après le départ du Maître des potions, les minutes s'écoulèrent sans incident dans l'infirmerie, le calme ayant regagné les lieux. L'infirmier avait convaincu l'Oiseau-tonnerre de s'allonger le temps que son camarade se réveille, tout en précisant que ni l'un ni l'autre n'avaient l'autorisation de quitter l'infirmerie.
L'infirmière quant à elle avait terminé de s'occuper des blessures du Serpent cornu, elle avait fait de son mieux mais elle savait que la fracture aurait besoin de plus de temps pour guérir puisque la magie était inefficace. Elle avait pu utiliser des potions et autres pommades pour ressouder les os et refermer la plaie mais le résultat était fragile. Des antidouleurs seraient nécessaires durant les quelques jours à venir et le garçon devrait s'abstenir d'activités physiques jusqu'à ce que sa blessure soit complètement guérie. Elle ignorait s'il pourra marcher le lendemain, cela lui semblait difficilement envisageable.
De toute façon, Monsieur et Madame Tchino comptaient garder les garçons en observation cette nuit et au moins jusqu'à ce que le directeur vienne leur expliquer ce qui s'était passé exactement. Et en attendant, ils avaient un stock de médicaments à revoir et des potions contre la douleur à brasser.
L'éveil du jeune Seigneur des Ténèbres eut lieu à ce moment-là, un peu plus d'une heure après son arrivée à l'infirmerie.
Ses paupières étaient encore clauses et pourtant Tom savait que la lumière autour de lui était forte. Il eut besoin de quelques secondes pour pouvoir les ouvrir, encore alourdi par le sommeil.
Lorsqu'il réussit à le faire, le plafond lui apparut lointain et flou, voûté et empli de rayons de lumière dorée.
L'odeur familière des décoctions et celle écœurante du désinfectant furent les premières choses qui lui parvinrent avec cette lumière ocre, comme tamisée par la hauteur de la pièce.
Il sut qu'il se trouvait dans une infirmerie à l'instant où il bougea un de ses bras, sa douleur s'était un peu apaisée et il portait une robe blanche toute simple comme celle que l'on donnait aux malades à Poudlard. L'idée d'être couché sur un lit d'hôpital, vulnérable, le fit grimacer et il voulut se lever et partir dans les plus brefs délais mais il ne le fit pas. La présence reconnaissable de son âme-sœur l'en empêcha.
Cela suffit à réveiller son esprit et son corps engourdi. Harry était proche de lui. Il se tourna sur le côté pour le voir, constatant que même si ses contusions avaient disparu, son corps semblait douloureux. Il se sentit maladroit et étourdi mais cette sensation disparut lorsqu'il aperçut son compagnon sur le lit à côté du sien.
Il ne dormait pas, autrement sa magie s'échapperait de son corps comme elle le faisait toujours lorsqu'il se laissait aller aux bras de Morphée. Mais ses yeux étaient fermés, son visage était grave et ses bras croisés sur son ventre, il était couché mais ne semblait pas avoir trouvé le sommeil.
Il portait la même robe blanche que lui, leurs deux uniformes devaient être dans un piteux état.
N'écoutant que son désir de se rapprocher de lui - ils s'étaient tenus éloignés l'un de l'autre trop longtemps - le mage noir tenta de se lever. C'est au moment où ses pieds touchèrent le sol qu'il se rendit compte que sa cheville n'était pas guérie. Elle ne lui faisait pas mal lorsqu'il ne s'en servait pas mais à l'instant où il essaya de se lever, il ressentit une décharge parcourir sa jambe comme si ses os nouvellement ressoudés s'étaient mis à crier. Il remarqua un pansement autour de celle-ci. Le genre de pansement que les médicomages mettaient sur les blessures qui n'étaient pas complètement cicatrisées.
Déséquilibré un instant, il eut le réflexe de se rattraper au mur près de lui. Cela attira l'attention de Harry.
Tirant le lion des méandres de son esprit où il se torturait pour comprendre pourquoi les condisciples de Tom s'en étaient pris à lui. Il savait que le mage noir s'était conduit de manière exemplaire ces derniers temps, il était même premier de sa classe alors pourquoi ? Pourquoi lui avoir fait du mal ? Pourquoi s'être mis à plusieurs contre lui ? Se seraient-ils arrêtés à temps s'il n'était pas intervenu ?
Ces questions le torturaient. Tom n'était pas blanc comme neige mais Harry savait qu'il n'avait rien fait méritant le traitement qu'on lui avait fait subir. Même lui n'aurait pas fait pareille chose à Voldemort pendant la guerre. Jamais il ne l'aurait privé de sa magie pour le torturer. Personne n'aurait eu l'idée de faire cela au Seigneur des Ténèbres, par peur de représailles mais également car la torture ne fonctionnerait jamais sur un homme comme lui. Ça n'avait aucune chance de l'arrêter, Voldemort avait grandi et vécu dans la douleur et il n'y avait rien d'assez cruel pour faire plier un être ayant choisi d'écarteler son âme.
Comment les élèves de sixième année s'y étaient pris pour le piéger était une énigme. Tom ne se laissait pas abuser par un piège, peu importe de quelle nature était ce piège. Et même si le mage noir était perturbé par leur discorde ces derniers jours, il avait forcément perçu que son entourage lui voulait du mal, n'est-ce pas ?
Alors comment cela avait-il pu arriver ?
Plus il se posait ce genre de questions et plus Harry en venait à la conclusion que peu importait les motivations des Serpents cornus, ce qui était arrivé l'était par sa faute. Tom était sous sa responsabilité. Il était censé veiller sur lui. Quelques jours loin l'un de l'autre avait suffi pour que celui-ci s'attire la malveillance d'une partie de sa classe. Ce ne serait pas arrivé s'ils étaient restés ensemble. Dorénavant, il ne voulait plus le laisser seul.
Pouvait-il réellement le laisser à Ilvermorny pendant qu'il participait à la première tâche ? Auparavant il n'aurait pas hésité mais maintenant il était réticent à cette idée. Il ne voulait pas que Tom l'accompagne de peur qu'il ne lui arrive quelque chose mais il ne voulait pas non plus le laisser ici. Là où personne ne se préoccupait de sa sécurité.
Les tourments qu'il s'imposait prirent fin à l'instant où il perçut la présence éveillée du mage noir. Il se tourna immédiatement vers celui-ci pour le voir debout, appuyé contre le mur.
Jedusor n'aurait pas dû se lever et encore moins marcher mais lorsque leurs regards s'entrecroisèrent, le mage noir franchit la distance de quelques pas qui les séparaient.
Harry sentit le rythme de son cœur se détraquer et la seconde d'après, Jedusor était dans ses bras. Il ne se souvenait pas si c'était lui qui l'avait attiré à lui pour l'étreindre ou si c'était Tom qui était venu l'enlacer. Toujours est-il qu'il le tenait contre lui et que le reste semblait ne plus beaucoup lui importer. Il avait affreusement craint de le voir disparaître.
Harry ne le supporterait pas, l'absence du Seigneur des Ténèbres lui serait insupportable. Il l'avait souhaité toute son existence et aujourd'hui il n'imaginait pas vivre sans sa présence.
Tom le garda contre lui un long moment, leurs membres enchevêtrés sur le bord du lit. Harry se tenait assis, immobilisé par les bras qui enserraient son cou, par les genoux du mage noir qui encadraient ses jambes et par ses propres mains happées par le dos de la robe du Serpentard.
Le rythme détraqué de son cœur se cala sur celui qui battait à tout rompre contre le sien et il n'eut pas envie que ce soit autrement. Leurs deux cœurs pouvaient battre à l'unisson.
À suivre...
