Chapitre 32 : L'étoffe dont ils sont faits
Hello ! Belle journée à vous ! Comment ça va ? Oui, je sais, j'ai une semaine de retard mais j'ai une bonne excuse ! J'étais en Workshop avec les élèves du cirque (au CNAC) et c'était... intense ! Je me couchais vers 3h du matin pour me lever 4 heures plus tard et recommencer, je n'avais même plus le temps de penser ! Alors écrire... mais assez parlé de moi, parlons de ce chapitre ! 25 pages Word pour un peu plus de 8000 mots au compteur, je vous présente le colossal chapitre 32 ! Certainement l'un des plus longs de DISS' mais cela ne veut pas dire qu'il sera exceptionnel. Néanmoins, j'apprécie assez sa fin (vous m'en direz des nouvelles en reviews ?) elle présage un changement de dynamique entre les personnages et j'aime à penser que ce changement vous plaira !
L'étreinte qu'ils partagèrent sembla guérir leurs blessures. Écorchés par le lien qu'ils partageaient et qui était encore imprégné de leurs sentiments les plus violents, de leur éloignement, ils purent enfin sortir la tête de l'eau. Inspirer et expirer. L'air avait un parfum familier. Peurs et douleurs s'éloignèrent de leurs corps et de leurs cœurs, les laissant se rétablir l'un contre l'autre. Ils eurent brièvement l'impression de n'être qu'un, d'être invincibles. D'être unis, comme si leurs deux âmes s'étaient harmonisées pour converger vers le même point.
Ressentir cela était perturbant, trop pour qu'ils n'éprouvent pas le besoin de se détacher l'un de l'autre. Tom connaissait la nature de leur lien et il ne la craignait pas mais il n'avait jamais été submergé par quelque chose d'aussi prenant, d'autant dévorant. Il craignait d'être incapable de pouvoir se sevrer de cette sensation de plénitude si Harry n'y mettait pas fin sur-le-champ.
Pourtant il répugnait l'idée de s'écarter, déjà dépendant. Il l'était depuis longtemps, il avait une addiction immodérée, il était à jamais asservi à lui. À son existence, à cette tendresse qu'il était le premier à lui transmettre.
Si bien que lorsque Harry mit fin à ce contact entre eux, il en ressentit immanquablement les effets. Comme s'il venait de lui arracher une partie du cœur, rendant le morceau restant fou de douleur. Était-ce si difficile de vivre sans celui-ci aujourd'hui alors qu'il l'avait fait toute sa vie ? Ça l'était.
Il y survivrait, se dit-il lorsque le regard d'Harry se fit fuyant, ses gestes tremblants, son cœur battant, l'air confus. Le souffle interrompu. Ce qui était trop fort pour lui l'était aussi pour Harry. Ils s'y accoutumeraient avec le temps. Ce temps dont ils manquaient cruellement et que Jedusor se promettait de gagner. Même s'il devait pour ça arracher chaque seconde une à une à la mort.
Il s'apprêtait à siffler quelque chose pour rassurer son âme liée lorsqu'il perçut la présence d'un être indésirable. Chul Fontaine.
Cela lui rappela la cage. Cette horrible cage de Faraday. Elle n'était pas là pour lui, c'était un hasard, une déconvenue dont il avait été victime. Elle ne lui était pas destinée. Une cage retenant la magie prisonnière en son sein, permettant de blesser et d'enfermer un sorcier ou une créature magique sans risquer d'être blessé en retour...
Agilbert Fontaine se pensait certainement très intelligent. La cage de Faraday était pour Harry. Le jeune Seigneur des Ténèbres le savait, il en était certain. Il ne connaissait pas exactement le plan du directeur mais il n'avait aucun doute sur le fait que l'homme destinait cette cage au lion. Pour l'enfermer. Pour l'utiliser. Pour le menacer, pour le faire souffrir, pour faire ressortir sa nature d'Obscurial, révéler ses capacités. Pour le détruire, l'asservir.
Harcelé par ses réflexions obsédantes, il fut ramené à l'instant présent par Potter, qui après lui avoir lancé un regard perplexe, se détourna de lui pour regarder dans son dos, là où se tenait encore le rejeton du proviseur.
Harry sut - lorsque les yeux carmin du mage noir se ternirent et qu'il se mit à fixer un point derrière eux - qu'ils n'étaient plus seuls. Tom se comportait comme s'ils étaient en danger, menacés. Alors que quelques secondes auparavant, un rare sentiment de paix semblait l'habiter. Cela ne pouvait signifier qu'une seule chose, la personne qui se trouvait derrière eux n'était pas de celles qu'ils pouvaient considérer comme alliées.
Chul, Chul Fontaine le champion d'Ilvermorny, le camarade de classe de Tom. Ce dernier élément éveilla une certaine méfiance chez le lion, celui-ci était-il au courant de ce qu'avaient fait les autres Serpents cornus ? Qu'avait-il à voir avec ça ? Était-il ici pour constater de ses propres yeux quelque chose qu'il avait souhaité voir advenir ?
Il était un ennemi, aux yeux de Tom et par conséquent, aux siens. Pourtant Harry douta de sa culpabilité à l'instant où il lui siffla, dans un anglais dénaturé, trop proche du fourchelang.
— J'espère que vous n'avez rien à voir avec ce qui s'est passé.
Ça sonnait définitivement plus comme une menace que comme une question. Le visage de Chul pâlit mais il eut l'air davantage étonné qu'effrayé. N'était-il au courant de rien ?
Harry n'eut pas le temps de s'épancher en réflexions sur le sujet, Tom lui souffla dans son dos.
§ Il n'est pas responsable. C'est son père qui a fait venir la cage. Les Serpents cornus n'ont pas agi par la contrainte ou sous les ordres de quelqu'un, c'était de leur propre initiative. §
Sous les yeux indécis du champion d'Ilvermorny, les deux fourchelangs échangèrent d'autres paroles dans cette langue qu'il était incapable de comprendre. Puis Potter se tourna de nouveau vers lui, moins agressif mais toujours hostile à son égard.
Gaunt quant à lui parut, en apparence seulement, se désintéresser de son cas. Il appela à lui sa baguette magique restée sur une table. Sans un mot, sans même l'avoir regardé auparavant, et celle-ci vint se poser avec délicatesse entre ses mains.
Ce simple geste était empli d'une telle maîtrise que Chul s'en trouva admiratif, admiratif et envieux. Malgré ses efforts et le traitement, il savait qu'il n'atteindrait jamais un tel niveau de maîtrise, de force magique.
Peut-être était-ce mieux ainsi, il devait déjà s'estimer heureux d'être encore en vie. Il maîtrisait la magie, il avait réussi, en désirer plus serait une hérésie.
Chul observa les bras de Potter avec circonspection alors que le lion relevait machinalement les manches de sa robe. Harry Potter était recouvert de pansements des poignets jusqu'aux coudes. L'accusait-il d'en être le responsable ? Gaunt était-il blessé lui aussi ?
Il ne savait pas ce qu'avaient fait les deux étudiants de Poudlard pour se retrouver à l'infirmerie. Aux dernières nouvelles, Agilbert cherchait toujours un partenaire qu'il pourrait imposer à Potter pour la première tâche, celui-ci était le seul champion qui n'avait donné aucun nom pour accompagner sa participation. À part ce fait, il n'y avait rien de nouveau. Le responsable ne pouvait pas être son tuteur, il n'aurait pas tenté quelque chose aussi tôt. Cela aurait été prématuré et, s'il l'avait fait, il l'aurait convoqué pour pouvoir s'en vanter.
Potter le dévisagea un moment avant de lui demander, avec suspicion.
— Si vous n'y êtes pour rien, que faites-vous à l'infirmerie ?
Chul sentit sa bouche s'assécher alors qu'un poids tombait dans son estomac.
Il n'y était pour rien, il ne savait même pas à quel événement Potter se référait mais il ne pouvait pas répondre à cette question. Pas honnêtement. Il mentit, conscient que si Potter ne la remarquerait peut-être pas, Gaunt, lui, ne manquerait pas son hésitation.
— Je viens chercher mes médicaments.
Une demi-vérité valait mieux qu'un mensonge complet. Comme prévu, le dernier vivant des Gaunt tourna son attention à lui, coulant un regard dans sa direction. Une attention inopportune qui lui donna envie de quitter les lieux sans avoir récupéré ce pour quoi il était venu. Il avait encore en travers de la gorge la sensation de la magie noire de Gaunt, mortelle et implacable. Un fou dangereux.
Thomas Gaunt était trop impulsif et intelligent pour son propre bien, c'était étonnant qu'Agilbert Fontaine ne l'ait jamais remarqué, il ne lui prêtait que peu d'attention, complètement obnubilé par Potter qu'il était.
Chul décida de mettre fin à cette entrevue, Gaunt lui donnait des sueurs froides et même s'il n'avait rien contre Potter - contrairement à son père - il préférait se tenir éloigné de l'Obscurial. Le champion avait eu le temps de se renseigner à ce sujet et si ce qu'il avait lu était vrai, Harry Potter allait mourir. Il était mal à l'aise avec cette idée.
Ça lui rappelait trop de souvenirs. De ceux qu'il essayait d'enfouir au plus profond de son être. Il en avait côtoyé trop longtemps, des malades, des mourants. Un de plus serait un de trop. Il s'était assez engagé dans des causes perdues pour le reste de sa vie. Si Fontaine voulait utiliser la mort de Potter pour atteindre leur objectif alors soit, ils n'étaient plus à un meurtre près et puisque Harry mourrait quoi qu'il advienne, il ne voulait pas s'en mêler.
Entacher sa conscience davantage serait se condamner à la folie.
Il se secoua et appela l'infirmière. Celle-ci lui cria de l'atelier qu'elle récupérait ce qu'il lui fallait et venait.
Cela le rassura, plus vite elle serait là, plus vite il serait débarrassé de la chaleur désagréable que causaient les regards combinés des deux étudiants de Poudlard sur sa peau.
Malheureusement, ces deux-là n'étaient évidemment pas du même avis. Chul eut l'impression dérangeante d'être une proie piégée par deux prédateurs ralliés à la même cause.
— Darren Hartley.
La voix de Gaunt était emplie de cette rage incommensurable qu'il avait déjà dirigée contre lui et Chul se retint de fléchir devant elle. Éviter de montrer aux prédateurs qu'il était terrifié paraissait être une bonne idée.
— Il s'est servi de la cage de Faraday contre moi.
La cage de Faraday ?! Comment Hartley avait-il su pour elle ? Pourquoi l'avoir utilisée ?
Personne n'était censé savoir qu'une cage de Faraday avait été acheminée vers Ilvermorny. Seul le directeur et lui étaient au courant de ce fait.
Son langage non verbal le trahit aussitôt et Gaunt récupéra l'information qu'il voulait. Oui, il savait pour la cage. C'était ce que Thomas voulait vérifier. Chul décida qu'il était trop tard pour nier.
Darren Hartley… s'était servi de la cage contre Gaunt. Seul ? Impossible.
Chul savait que Thomas Gaunt ne faisait pas l'unanimité parmi les élèves de leur maison, certains admiraient ses capacités, d'autres ne pouvaient les supporter. Darren faisait partie de ceux-là. Lui et quelques autres Serpents cornus lui avaient semblé être de plus en plus inamicaux envers le mage noir, mais il ne pensait pas qu'ils iraient jusqu'à commettre la folie de s'en prendre à lui.
Une appréhension soudaine le fit craindre le pire, si Gaunt et Potter étaient à l'infirmerie où étaient leurs agresseurs ?
Sous une impulsion, il demanda.
— Où sont-ils ? Ceux qui ont utilisé la cage.
Gaunt lui envoya un regard qu'il était certain de revoir en cauchemars, mais il n'ouvrit pas la bouche. Potter le fit à sa place, les poings serrés, l'ancien Gryffondor lâcha.
— J'espère que Rogue est avec eux. Je veux des explications et une sanction. Ils… ils n'avaient rien. Aucune raison valable de…
Ils étaient bien plusieurs, Hartley n'avait pas mené seul ce combat.
Potter se stoppa, la mâchoire raide.
Gaunt se rapprocha de lui, jusqu'à se coller à son dos, cela eut pour effet de distraire l'Oiseau-tonnerre de sa colère, assez pour que Chul puisse se détendre.
Ses camarades allaient bien, mieux que Potter et Gaunt manifestement.
L'infirmière arriva à ce moment-là, un sachet en papier entre les mains.
Lorsque madame Tchino vit ses patients éveillés, assis dans le même lit, elle voulut les rappeler à l'ordre séance tenante. Elle ne supportait pas l'idée qu'ils ne prennent pas de repos après ce qui leur était arrivé mais elle ne les sermonna pas.
Peut-être parce que l'image de leur arrivée dans son infirmerie était encore imprimée sur sa rétine. Peut-être était-ce la manière dont ils se tenaient l'un contre l'autre. Peut-être avait-elle été émue par les regards qu'ils s'étaient échangés en la voyant arriver. Peut-être qu'elle le faisait seulement pour ne pas avoir à les séparer de nouveau.
Ou peut-être était-ce tout cela à la fois. Si bien qu'elle les laissa là. Une entorse au règlement paraissait être une peccadille si dormir dans le même lit signifiait que les deux garçons resteraient tranquilles.
Elle se tourna vers le jeune Fontaine et lui donna son traitement, répétant, comme elle le faisait chaque semaine.
— N'en prends pas plus de quelques gouttes par jour et si tu te sens mal, n'hésite pas à passer, que ce soit moi ou Börte de garde.
Elle savait que le jeune Fontaine était méfiant avec le loup-garou, comme à peu près la moitié d'Ilvermorny mais elle ne cessait d'assurer à tous les enfants qu'elle voyait fréquemment que son mari était aussi qualifié qu'elle et qu'il ne ferait pas de mal à une mouche.
Le garçon attrapa le sachet à deux mains, la remercia et fila, non sans lancer un dernier regard aux deux blessés.
Enya Tchino en fit autant, elle leur dit, avant de tourner les talons pour aller vers son atelier.
— Fini les bavardages, vous allez me faire le plaisir de dormir !
Chul se retrouva sur le pas de la porte de l'infirmerie. Incertain. Une partie de lui se demandait si son tuteur était au courant de l'utilisation de la cage. Si cela allait le rendre furieux. Une autre partie se demandait quelle serait la sanction qui serait donnée à ses camarades. Ulrich Tiare serait celui qui trancherait, en tant que directeur de maison ce serait à lui de décider de la marche à suivre.
Agilbert ne voudrait pas les renvoyer, la famille Hartley serait folle de rage de voir son héritier bafoué par un renvoi et Chul ignorait qui était avec lui mais il était prêt à parier que plus de la moitié d'entre eux étaient les héritiers uniques de familles puissantes.
Les renvoyer serait se mettre à dos le pouvoir. Cela provoquerait des remous et Fontaine ne pouvait entacher sa réputation, pas pour le moment. Même s'ils s'étaient attaqués à Gaunt et à Potter l'affaire avait de fortes chances d'être étouffée.
Sauf si… Rogue. Severus Rogue. Il pèserait dans la balance, sa réputation le précédait. S'il allait raconter qu'une affaire comme celle-ci avait été étouffé à Ilvermorny, il serait entendu.
Rogue avait le pouvoir d'influencer le directeur. De plus, il était proche du professeur Tiare, nul doute qu'il ferait en sorte que celui-ci choisisse la sentence la plus punitive. Par justice.
Chul s'avança dans le couloir, s'enfonçant dans l'école, se rapprochant inconsciemment du bureau du directeur.
Leur plan de secours tombait à l'eau. La cage de Faraday était dorénavant inutilisable. Trop de personnes connaissaient son existence. Cela ne bouleversait que la partie finale de leur projet mais c'était assez pour provoquer la colère de son père. Agilbert ne supportait pas qu'on bouscule ses plans, surtout de cette manière-là. Il pourrait très bien réagir calmement, tout comme il pourrait devenir violent. L'homme était imprévisible.
Le champion eut envie de l'éviter, de faire comme s'il ne savait rien de cette histoire. D'avaler cette fichue drogue que contenait le sachet que lui avait donné l'infirmière et de déguerpir. Se cacher dans les ombres de la salle commune des Serpents cornus, raser les murs et espérer que ce ne serait pas sur lui qu'Agilbert reporterait sa frustration.
Il s'entendit émettre un rire grinçant à cette pensée. Fuir. C'était bon pour les autres. Ça faisait longtemps qu'il avait renoncé à toute notion de liberté.
Il enfouit la terreur qui l'étreignait quelque part avec le reste de son amour-propre et se décida à monter les escaliers menant au bureau de celui qu'il était obligé de considérer comme un protecteur à défaut d'être son véritable père.
Un aliéné bouffé par la rancœur et le dégoût de soi-même, un fou ayant reporté la rage qu'il avait pour lui-même sur un gouvernement avec lequel il avait pactisé. Un meurtrier responsable de la mort de son enfant, un fils que Chul ne pourrait jamais remplacer. Ellias Fontaine était décédé et rien de ce qu'il ferait ne le ramènerait. Il avait fait le deuil de cette idée.
Qu'importe qu'Agilbert pensât qu'Ellias aurait été comme lui s'il avait réussi là où tous avaient échoué. Tous, sauf lui. Ça n'en valait pas le prix. De sa vie. De celles de tous ceux qui avaient essayé. À quel prix vendriez-vous la magie si elle était à portée de vos mains ?
Quel prix valait l'honneur d'un nom ? À combien estimez-vous le prix de la différence, du handicap ? C'était ce qu'il était aux yeux d'Agilbert, rien qu'un handicapé qu'on traitait comme un miraculé car il avait récupéré une faculté que la naissance ne lui ait pas donnée.
Le prix de tout ça ? Trop cher. Elle ne valait rien. La magie. Elle ne valait pas ce qu'on lui avait pris pour elle. Il aurait vécu heureux sans, mais dorénavant il était obligé de vivre avec, malheureux.
Peut-être qu'ils étaient mieux morts, Ellias et les autres. Cette pensée remua quelque chose à l'intérieur de lui et il sentit des larmes dévaler ses joues. Vivre sans eux. Vivre seul. Ça n'en valait pas la peine.
Chul s'attardait ici, dans ce monde de magie, seulement pour s'assurer que cela ne se reproduirait pas. Qu'il n'y aurait plus jamais d'Ellias. Qu'aucun gamin trop petit pour comprendre ne finirait par avoir les mêmes pensées que lui.
Sa détermination retrouvée, il s'apprêtait à frapper à la porte du bureau quand il entendit.
— Ce n'est pas une possibilité.
Ce ton cassant, bas, menaçant.
Trop tard. Rogue était arrivé avant lui. Son courage s'étouffa et il ne put que rester là. Ramassant quelques bribes de conversation en espérant que cela lui permettrait de savoir quelle serait la marche à suivre sans pour autant devoir affronter son tourmenteur trop tôt.
Il perçut la voix de Darren Hartley, celle d'Elisa Haussan et peut-être même celle d'Alban Féroé, il n'en était pas sûr. Ce couard était en train de pleurer. Peut-être que d'autres étaient présents mais il ne les entendait pas. Ulrich Tiare parlait trop bas pour qu'il puisse distinguer les mots qu'il prononçait et Rogue semblait furieux.
Se mettre à dos un homme comme lui n'était pas dans leur intérêt. Le potionniste était apprécié dans sa profession et considéré comme un héros pour ses services d'espionnage contre le Seigneur des Ténèbres ayant sévi en Angleterre.
Agilbert ne ferait pas l'erreur de le contredire trop violemment, ou en tout cas, Chul l'espérait. Peut-être que les deux hommes arriveraient à un compromis.
Tout à coup la porte s'ouvrit, renversant pratiquement le Serpent cornu qui écoutait derrière elle. Face à lui, la silhouette sombre de Severus Rogue se découpa, l'homme eut l'air surpris de le voir ici. Chul se dépêcha de reculer sur le côté, de peur que son père ne l'aperçoive dans l'embrasure de la porte, le Maître des potions le regarda faire sans prononcer un mot.
Chul se retint de lui faire signe de se taire. Si Agilbert le surprenait à écouter aux portes il était certain qu'il en subirait les conséquences. La perspective le rendait malade.
Il se tassa davantage sur le côté en espérant que l'homme ne dirait rien. Celui-ci lui lança un regard acéré, entre surprise et suspicion avant que, derrière lui, il n'entende le directeur se rapprocher.
— Écouter, inutile de le prendre comme ça. Nous évoquerons la version de vos élèves sur ce qui s'est passé demain et nous pourrons nous mettre d'accord sur la sanction la plus adaptée à leur comportement.
Rogue se retourna et Chul put lancer un sort le dissimulant dans l'ombre, il dut s'y prendre à deux fois avant que son murmure ne lui permette de faire obéir sa magie.
Rogue grinça au directeur.
— Je n'accepterai aucune autre sentence. Ce qu'ils ont fait mérite la prison.
Puis l'ancien espion se détourna de nouveau et siffla plus bas.
— Estimez-vous heureux, ils s'en sortent mieux que d'autres.
Certains n'avaient pas eu autant de chance. Pas face au Seigneur des Ténèbres.
Rogue referma la porte, laissant Ulrich gérer le reste avec ses élèves et le directeur. Il jeta un œil au champion d'Ilvermorny qui s'était retranché dans le coin de l'escalier, dissimulé par un sort de pénombre.
Le garçon capta son regard et sembla vouloir lui dire quelque chose avant de se raviser. Son air terrorisé le fit soupirer. Évidemment Agilbert Fontaine était aussi mauvais tuteur que directeur.
En passant à côté de l'adolescent il lui souffla, excédé - et c'était un euphémisme - par cette mauvaise journée.
— Filez avant que votre père ne vous voie en train de l'espionner.
Le champion ne se le fit pas dire deux fois, il le précéda dans les escaliers et s'éclipsa sans même le remercier.
Rogue se souvint d'avoir passé une nuit épouvantable ce soir-là et le matin même il comprit pourquoi.
Dès l'aurore, il s'était rendu à l'infirmerie. Il voulait prendre Agilbert de court, faire transplaner le jeune Seigneur des Ténèbres et Potter dans son bureau aux premières lueurs du jour puis les laisser expliquer leur version des faits au directeur. Il avait même demandé à Ulrich de lever les fautifs. Ainsi Fontaine n'aurait d'autre choix que de les renvoyer sans délai.
Malgré ça Severus se sentait sur le qui-vive, instable, les images de la veille l'avaient privé de repos. Il se retrouvait dans une position délicate. Jusqu'à maintenant il s'était persuadé que ce n'était que dans un souci de justice, d'équité, qu'il voulait que les Serpents cornus soient renvoyés. D'abord pour éviter une vengeance de la part de Gaunt et aussi parce qu'il avait toujours détesté les petits malins qui se mettaient à cinq contre un.
Il s'était persuadé que c'était seulement pour ça. Que sa peur et sa colère étaient liées au fait que Potter s'était retrouvé impliqué dans une bagarre. Que voir Jedusor être blessé ne l'avait pas touché. Que cela n'avait en rien entaché sa haine du Seigneur des Ténèbres.
Il savait - depuis son entrevue avec lui le jour où il avait appris qu'ils étaient des Obscurials liés par l'âme - qu'il ne le voyait plus vraiment comme le monstre auquel il avait obéi. Il ne le considérait plus comme un être inhumain certes mais il le craignait et le détestait encore. Il ne voulait pas voir ça changer. Ça ne pouvait changer, c'était encore inscrit dans la chaire de son avant-bras.
C'était ce qu'il s'était assuré à lui-même. Jamais il ne pardonnerait à Lord Voldemort ce qu'il lui avait fait à lui, à Lily, aux autres, à Albus Dumbledore. Et si Potter se retrouvait un jour incapable de se tenir face à lui, il essayerait. Parce qu'il en avait le droit.
Pourtant lorsqu'il poussa la porte de l'infirmerie, il dut se rendre à l'évidence. Sa haine pour Jedusor n'était plus ce qu'elle avait été. Autrement il l'aurait maudit, il aurait fait un sermon à Potter durant des heures sur les risques qu'il prenait en laissant le Seigneur des Ténèbres s'immiscer ainsi à ses côtés. Il aurait été au-delà de la rage en étant confronté à ça.
En colère, il l'était. Une colère douloureuse, remplie de craintes et de ressentiments, d'incertitudes sur le futur mais elle n'était pas insupportable. Elle aurait dû l'être.
Voir Harry dormir à côté de Voldemort aurait dû le rendre malade. Au lieu de ça, il était resté là, la porte pas tout à fait refermée derrière lui. À observer les premières lueurs du soleil frapper les hautes fenêtres de l'infirmerie, sans bouger. Muet.
Voilà pourquoi il n'avait pas fermé l'œil de la nuit. Voir Jedusor ensanglanté dans les bras de Potter l'avait… ému. Le dégoût lui brûla la gorge à cette pensée. Parce que ça n'aurait pas dû être, il y a quelques mois encore il aurait été satisfait de voir Jedusor être rabaissé, emprisonné et blessé aussi facilement. Cela aurait signifié qu'il avait une chance de le tuer et ça aurait été une bonne chose. Ça l'aurait rassuré.
Au lieu de ça à chaque fois qu'il fermait les yeux il voyait Harry pâle et tremblant, portant dans ses bras le corps ensanglanté de Jedusor et il n'en était pas satisfait, il ne ressentait rien d'autre que de la colère envers ceux qui avaient provoqué ça.
Alors il ne pénétra pas plus avant dans l'infirmerie. Restant là à regarder de loin la poitrine du Survivant s'élever au même rythme que celle du Seigneur des Ténèbres, allongé l'un à côté de l'autre. Sans se toucher mais ils n'en avaient pas besoin pour témoigner de leur proximité. Elle était latente, en suspension dans l'air, comme un non-dit encore interdit. Elle le provoquait.
Lui prouvant qu'à partir de maintenant, il ne pourrait plus imaginer la mort comme une finalité. Puisque ni Potter ni lui n'avait envie d'abattre le monstre assoupi dans ce lit médical. Pas tant qu'il resterait ce garçon amnésique ayant grandi dans la misère, s'accrochant à Potter comme s'il était son seul repère, l'incarnation de sa rédemption.
Severus Rogue fut ébloui par le soleil, eut un mouvement pour couvrir ses yeux cernés par la fatigue et ne le termina pas. Sa main resta suspendue dans l'air une seconde. Se couvrir les yeux pour se cacher de la lumière, il n'avait plus envie de le faire.
Aujourd'hui la clarté du soleil ne l'effrayait plus autant qu'auparavant.
Il se trouva absurde, eut un rictus mauvais et décida qu'il aurait besoin d'un verre à la fin de cette journée à peine commencée. Ce qui lui donna le courage de s'avancer, il savait qu'il se ferait repérer par les deux sorciers bien assez tôt. Cependant il s'adressa à eux avant qu'ils ne puissent se rendre compte de sa présence.
— Debout ! Vous allez me suivre chez le directeur.
Puis, lorsqu'il vit Potter se redresser d'un bond, hébété et Jedusor ouvrir un œil pour lui adresser un regard mauvais, il se détourna en sifflant.
— Vous avez cinq minutes pour transplaner là-bas.
Et il partit dans un craquement sec, transplanant le premier sans laisser les garçons rétorquer quoi que ce soit.
Rogue savait qu'il ne pourrait plus le faire de gaieté cœur mais il ne laisserait personne se méprendre sur son compte. Tom Elvis Jedusor était toujours un danger et il saurait écarter ce danger s'il n'avait d'autre choix que de le faire. En attendant, il pourrait essayer de ne pas éprouver l'envie de le malmener.
C'est ainsi qu'Harry et Tom se retrouvèrent cinq minutes plus tard dans le bureau du directeur. Avec pour tous vêtements d'autres robes qu'ils avaient enfilés par-dessus celles blanches données par l'infirmerie.
Agilbert Fontaine n'était pas un homme qui se laissait surprendre, d'aucune manière que ce soit. Si bien que lorsqu'il vit Severus Rogue transplaner directement dans son bureau, sans un mot, il n'eut même pas un sursaut.
Il savait que le Maître des potions viendrait le déranger aussi tôt que la décence le lui permettrait. Il salua celui-ci d'un signe de tête poli et lui proposa à boire. Ce que l'homme refusa. Fontaine espérait encore le convaincre que renvoyer les Serpents cornus responsables de cet incident était une mesure trop punitive.
Agilbert avait réussi à convaincre des hommes plus têtus et il pensait réussir à faire pression sur Rogue si celui-ci se présentait seul, ce qui était le cas. Il n'avait pas anticipé ce qu'il se passa ensuite.
Le directeur n'avait pas prévu que l'espion ferait venir Harry Potter et Thomas Gaunt dans son bureau à une heure indue de la matinée, les deux garçons n'étaient-ils pas censés être blessés ? Lorsqu'il avait dit à Rogue qu'il entendrait leur version, il pensait venir à l'infirmerie les interroger.
Ce fut sa première déconvenue de ce matin. Potter apparut dans son bureau avec brutalité, sa magie déchirant l'espace autour de lui pour s'y créer une place de force, trop violemment pour que le garçon ne trébuche pas sur ses pieds comme si c'était la première fois qu'il faisait cela.
Agilbert l'observa faire un pas de côté avec maladresse, il vit Rogue tendre un bras pour saisir le col du garçon et l'aider à se maintenir debout, l'expression figée, visiblement accoutumé à son instabilité. Puis ce fut au tour de Gaunt d'apparaître.
Lorsqu'il le fit, Fontaine sut que l'héritier de la maison des Gaunt était blessé à la jambe, il ne l'utilisait pas ou peu, réussissant à se stabiliser mieux que ne l'avait Potter malgré son handicap. Il maîtrisait bien mieux sa force, ce qui n'était pas étonnant pour un garçon s'étant dirigé vers la magie noire dès sa jeunesse.
Rogue relâcha Harry Potter à ce moment-là et les trois hommes se tournèrent vers lui comme un seul. Il se sentit obligé de leur sourire. Il détailla du regard les pansements encore présents sur les bras du nouvel Oiseaux-tonnerre.
Alors comme ça il avait pu détruire la cage de l'extérieur ? Aurait-il réussi à le faire s'il avait été piégé à l'intérieur ? Certainement… cette idée lui déplaisait mais c'était une possibilité. Peut-être était-ce finalement une bonne chose que ces Serpents cornus aient décidé de s'en prendre au jeune Gaunt.
Dorénavant il savait qu'une cage de Faraday ne serait pas suffisante pour retenir le monstre prisonnier. L'Obscurial avait utilisé la force brute en plus de sa magie pour la détruire de l'extérieur et il avait réussi à le faire en un rien de temps d'après ce que lui avait dit le jeune Hartley.
Par conséquent, il aurait certainement été capable de la détruire de l'intérieur, même si sa magie eut été bridée sa nature d'Obscurial lui aurait peut-être permis de l'utiliser, assez pour qu'il puisse s'en sortir sans trop de dommages, finalement.
Il en faudrait beaucoup plus. Pour l'asservir. Surtout s'il décidait de lui révéler ce qu'il était pour le rendre incontrôlable. Cette cage aurait volé en éclats dès que le garçon aurait pris sa forme d'Obscurus.
Agilbert bannit définitivement la cage de ses projets, elle était peut-être utile sur certaines créatures magiques mais si elle ne faisait pas le poids contre Potter, elle ne lui serait d'aucune utilité. De toute façon, elle avait été réduite à néant et il ne pouvait pas en redemander une sans expliquer ce qui était arrivé à la première au MACUSA, ce qu'il ne ferait pas.
La réputation de son établissement et la sienne en dépendaient.
Il invita les garçons à s'asseoir, les yeux toujours rivés sur l'Obscurial. Celui-ci attendit que son camarade prenne place avant de le faire à ses côtés, Rogue vint se placer derrière eux, protecteur malgré lui.
Agilbert avait des difficultés à cerner le potionniste. L'homme était plein de contradictions dans sa manière d'agir. Tenait-il à la sécurité de Potter ou pas ? Difficile à dire, était-ce seulement devenu une habitude de le protéger ou le faisait-il avec une réelle volonté ?
En fonction de la réponse à cette question, il pourrait classer l'homme soit comme une menace soit comme insignifiant.
Harry dévisagea le directeur en prenant place, tout en s'assurant que Tom réussirait à maîtriser sa colère. Il s'assit à son siège en lançant un regard autour de lui, les alentours étaient calmes et le bureau d'Agilbert Fontaine était rangé avec minutie, Harry n'avait jamais vu une salle de classe si bien entretenue. Même avec la pénombre que donnaient les rideaux encore tirés devant les fenêtres et malgré sa propreté, l'endroit ne paraissait pas apaisant.
Le Gryffondor préférait le désordre, les pièces dérangées, emplies de poussière et d'étagères pleines de petits objets personnels. Il ne se sentait pas à l'aise ici. Comme si son intuition lui soufflait qu'il n'aurait jamais sa place dans un endroit pareil.
Après un instant, il retourna son attention à Jedusor et capta le regard de celui-ci, ses yeux étaient sombres, trop pour qu'il se sente rassuré, Tom était dangereux. Rogue et Fontaine n'étaient peut-être pas capables de le percevoir mais lui, si.
La magie de Jedusor bouillonnait, et le Gryffondor préférait désamorcer le plus rapidement possible la situation. Il savait qu'il fallait donner leur version des faits au directeur mais il savait aussi que laisser Tom en présence de Fontaine trop longtemps était comme abandonner une souris aux yeux d'un serpent. S'il supportait la présence de celle-ci plus de quelques secondes sans se jeter sur elle pour l'avaler, ce serait déjà un miracle.
Si bien qu'après avoir vérifié que le Serpentard s'était assis et ne se tenait plus sur sa jambe blessée, il fut le premier à ouvrir la bouche. Il raconta tout au directeur, tout ce dont il avait été témoin et il se força à rester calme en le faisant. Lui-même était furieux, l'incompréhension le rendait nerveux mais il ne voulait pas que ces émotions négatives viennent s'ajouter à celle du mage noir.
Lorsque Tom était au bord du précipice, c'était à lui d'agir et lorsqu'il ne serait plus capable de le faire, il espérait que ce serait Tom qui l'arrêterait à son tour. En fonctionnant de cette façon, ils pourraient s'empêcher mutuellement de faire quelque chose qu'ils finiraient par regretter. Comme attraper les responsables pour leur montrer comment on menait un véritable duel sorcier.
Le directeur l'écouta en le regardant toujours de cette manière détestable, comme s'il jaugeait le moindre de ses gestes, le moindre de ses mots pour vérifier quelque chose dont la nature lui était inconnue.
Harry l'ignora, comme il l'avait fait avec beaucoup d'autres. Il était habitué à ceux qui essayaient de voir à travers lui quelque chose qu'il n'était pas et ne serait jamais.
Quand il eut tout raconté en détail, le directeur lui offrit un sourire condescendant avant de répliquer.
— C'est très intéressant mais voyez-vous cette partie de l'histoire m'a déjà été racontée. Votre sauvetage héroïque, la manière dont vous avez immobilisé les Serpents cornus avant de sauver monsieur Gaunt, je suis au courant de tout cela.
Le directeur fit une courte pause dans son discours puis, pour la première fois depuis qu'ils étaient arrivés dans son bureau, il tourna véritablement son attention vers Tom et poursuivit.
— C'est très grave ce qu'ont fait les camarades de votre ami, ils lui ont retiré son moyen de défense pour pouvoir l'attaquer et je comprends que vous vouliez que cela soit sévèrement puni mais avant que nous puissions décider d'une sanction, il y a une chose que je n'arrive pas à comprendre. Monsieur Gaunt, avez-vous une idée de la raison pour laquelle vos confrères se sont attaqués à vous ?
Jedusor ne répondit rien, ni lui ni Harry ne savait pourquoi. Tom pensait qu'on le punissait seulement parce qu'il était qui il était et Potter était incapable de comprendre qu'on puisse être envieux d'un autre sorcier pour ses capacités, lui qui aurait préféré naître sans.
Aucun des deux ne répondit et Agilbert Fontaine leur offrit un affreux sourire en leur demandant.
— N'avez-vous pas fait quelque chose ayant provoqué la colère de vos amis ? Quelque chose qui ferait que, peut-être, nous pourrions conclure que l'incident est clos et que cela n'était qu'une petite dispute entre membres de la même maison.
À cela, Rogue grinça immédiatement.
— Il en est hors de question. Il n'a rien fait, les Serpents cornus vous l'ont dit eux-mêmes, ils s'en sont pris à lui sans raison.
Le directeur se leva alors, toisa Rogue d'un air mauvais avant de se détourner et de dire.
— Ça n'a pas de sens, ces enfants ne se sont jamais montrés violents auparavant. Je n'ai jamais dû ne serait-ce que leur donner une seule heure de retenue à cause d'un mauvais comportement. Et selon vous, du jour au lendemain, ils se seraient mis à vouloir frapper un membre de leur maison ?
Fontaine se retourna et leur asséna.
— Je ne peux y croire, c'est impossible. Si je n'ai pas de preuves qu'ils ont agi par pure méchanceté comme vous semblez le penser, je ne peux pas les renvoyer.
Harry perdit son calme.
— Tom n'a rien fait ! Il s'est montré irréprochable toute la semaine, il n'a pas-
Se rendant compte de son emportement à l'expression amusée que portait le directeur, il se calma instantanément et termina plus doucement, sa magie s'agitant indistinctement autour de lui.
— Il n'a pas commis d'actes répréhensibles, je le sais.
Le directeur eut l'air définitivement amusé en lui demandant.
— Vous en êtes sûr ? Pourtant je ne vous ai pas beaucoup vus ensemble cette semaine, comment savez-vous ce qu'il a fait si vous n'étiez même pas avec lui ?
Le Gryffondor semblait furieux, sa magie claqua dans l'air juste avant que le concerné n'ouvre la bouche.
— Harry n'a pas besoin d'être avec moi pour savoir ce que je fais.
Tous les regards se tournèrent vers le mage noir, celui-ci avait pris appui sur les accoudoirs de son siège et regardait Agilbert avec mépris. Le jeune Seigneur des Ténèbres pencha la tête sur le côté, avant de déclarer avec un sourire provocant.
— Si j'avais tenté quoi que ce soit de répréhensible, il m'en aurait empêché. C'est ce qui m'empêche de sortir ma baguette et d'aller régler ça moi-même. Comme un Gaunt le ferait.
Harry ne savait pas à quel jeu dangereux Tom avait envie de jouer mais ça fonctionna, l'air suffisant et amusé du directeur s'effaça immédiatement et il marqua une pause. Comme si le mage noir avait marqué un point en le menaçant ouvertement.
Rogue décida que cette comédie avait déjà trop duré, Agilbert n'avait rien pour empêcher le renvoi de ses élèves et même si lui-même ignorait pour quelle raison les Serpents cornus avaient été aussi violents, il préférait ne pas le savoir. Ulrich l'avait prévenu qu'ils devenaient de plus en plus virulents envers Gaunt car celui-ci se montrait plus fort qu'eux et cette raison lui suffisait. Il savait que Jedusor n'avait rien fait, le garçon était bien trop occupé à essayer de convaincre Potter de l'emmener à la première tâche.
Le potionniste sortit sa baguette et ensorcela un morceau de papier qu'il arracha d'un carnet dans sa poche pour l'envoyer à Ulrich, que celui-ci amène les accusés, qu'on en finisse avec ce procès qui n'avait pas lieu d'être.
Un silence pesant s'installa jusqu'à l'arrivée du directeur de la maison des Serpents cornus et des cinq élèves. Deux d'entre eux avaient les yeux rouges et étaient encore secoués de tremblements en arrivant. Les trois autres, Tom les reconnut comme ceux qui avaient lancé les malédictions les plus douloureuses.
L'envie de se venger et de les envoyer retrouver leurs ancêtres le dévora de l'intérieur et seule la main que Harry enroula autour de son poignet fut capable de le retenir.
Le lion resta proche de lui, pour le retenir ou pour s'empêcher d'attaquer lui-même... Tom l'ignorait mais il savait que le Survivant était en colère lui aussi. Il pouvait la lire sur son corps, dans son cœur et à travers son âme, cette rage et ce sentiment d'injustice.
Potter détestait ce qui n'était pas juste et il considérait que le fait qu'on s'en prenne à lui ne l'était pas. C'était étrangement réconfortant, que quelqu'un trouve normal qu'on ne le punisse pas sans raison. Que cette personne soit Harry l'était davantage.
Ulrich présenta ses respects au directeur et les élèves incriminés furent de nouveau interrogés, rien de nouveau sous le soleil, ils répétèrent mot pour mot ce qu'ils avaient déjà dit la veille, si bien qu'Agilbert Fontaine perdit en assurance. Éviter le renvoi semblait dorénavant impossible.
Tiare, toujours dévoré par la culpabilité, fit savoir qu'il préconisait un renvoi des cinq élèves concernés et fut immédiatement appuyé par Rogue.
Au pied du mur, le directeur essaya de trouver quelque chose lui permettant de gagner ne serait-ce qu'un peu de temps. Pour contacter les familles de ces enfants et leur expliquer les choses de manière à ce qu'ils ne se retournent pas contre lui. Mais il fut pris de court lorsque Darren Hartley, le chef présumé des agresseurs, s'avança dans la salle alors que ses alliés se terraient au fond, loin du regard de Gaunt et de celui de Potter.
— Nous n'allons pas faire de scandale. On y a réfléchi toute la nuit et on a pris une décision à l'unanimité. Vous n'aurez pas besoin de nous renvoyer, monsieur le directeur.
Le garçon fit une pause, releva la tête avec force et audace pour ajouter, en brisant sa baguette comme le voulait la coutume.
— Nous partons. Par nous-même sans que vous ayez à prononcer de renvoi. Ainsi vous n'aurez pas à entacher la belle réputation de cette école.
La fin de sa tirade avait été dite avec ironie comme une dernière bravade. Son geste surpris tout le monde, il déposa sa baguette cassée en deux sur le bureau du directeur, se tourna vers ses camarades restés serrés les uns contre les autres et il leur fit signe de venir, c'était à leur tour.
Elisa se détacha la première du groupe, elle lui adressa une sorte de sourire tordu et Darren ne put s'empêcher d'y répondre avec sincérité. Elle hésita au moment de briser sa baguette et il lui souffla.
— Je t'en offrirai une autre dont on pourra être fiers des sorts qu'elle lancera.
Elle la brisa et des larmes brillèrent un instant sur ses joues avant qu'elle ne parte rejoindre ceux restants. Ils défilèrent un par un devant le directeur, laissant dix morceaux de baguettes sur le bureau auparavant parfaitement ordonné de l'homme qui les regardait avec une expression entre ébahissement et désillusion.
Rogue murmura dans un grognement.
— C'est trop facile, en partant d'eux-mêmes ils pourront se réinscrire dans une autre école sans mal.
Et peut-être que ça l'était, trop facile. Trop malin, trop bien pensé ou peut-être était-ce seulement un acte de repentance… maladroit et dérisoire par rapport aux actes commis.
Darren resta devant le directeur jusqu'à ce que ses camarades aient tous présenté leurs démissions, puis il s'arrêta devant Potter et Gaunt et il les salua d'un signe de tête avant de se détourner. Il allait partir, récupérer sa valise et emmener ses amis chez lui puis faire le tour de chaque famille pour expliquer la situation. Expliquer que c'était de sa faute et qu'il ferait ce qu'il faut pour que cela n'ait pas trop d'impact sur l'avenir de ceux qu'il avait embrigadés avec lui.
Il allait prendre ses responsabilités et essayer de bien faire. C'était une manière comme une autre de grandir pensa-t-il. Il avait aimé Ilvermorny de tout son cœur, l'endroit lui manquerait beaucoup. Plus tard, il en pleurerait certainement mais aujourd'hui il devait se montrer fort pour apporter son soutien à ceux qui se sentaient complètement perdus à l'idée de quitter définitivement l'enfance. C'était ce que représentait Ilvermorny pour eux. Une page entre l'enfance et le monde trop dur des adultes.
Hartley avait parcouru la moitié de la salle lorsqu'il entendit la voix de Harry Potter s'élever. Il le figea, il avait prié pour ne pas voir ça arriver. Pour que ni Potter ni Gaunt ne rejette sa proposition et ne choisissent de leur imposer quelque chose de plus punitif encore.
Alors lorsqu'il perçut la voix de l'Oiseau-tonnerre, il fut persuadé que celui-ci ouvrait la bouche pour protester, pour contredire ses actes et plaider qu'on les traîne au MACUSA. De gré ou de force.
Mais ce n'est pas ce que lui demanda l'ancien élève de Poudlard.
— Pourquoi ?
Darren se retourna et fronça les sourcils, pourquoi quoi ? Pourquoi ils partaient ? C'était évident sans ça ils auraient davantage de problèmes et ils ne supporteraient pas de rester ici après ce qu'ils s'étaient abaissés à faire. Il attendit que Potter précise.
— Je veux savoir, pourquoi vous en êtes-vous pris à Tom ? Il n'a rien fait pour ça.
L'expression sur le visage de son vis-à-vis était pleine de peine, de colère et d'incompréhension, Potter ignorait réellement pourquoi. Hartley capta le regard de Gaunt et il y vit la même interrogation.
Il s'empêcha de rire comme un dément à cette constatation. Ni Potter ni Gaunt ne savaient pourquoi ! Ils ne comprenaient même pas pourquoi ! C'était risible. Cela rendait leurs actes encore plus ridicules, puisque même le concerné n'avait aucune idée de ce qui les avait poussés à faire ça à la base.
Darren vit qu'Elisa allait répondre mais il la devança, souhaitant mettre les choses au clair lui-même.
— Vous voulez savoir pourquoi ? J'aimerais avoir une bonne raison, une explication plausible mais la vérité est tout autre.
Il se tourna vers Gaunt. C'était à lui qu'il devait le dire. Sans le faire exprès, il se mit à tutoyer le mage noir, il n'avait plus rien à perdre en le faisant songea-t-il.
— Tu étais au-dessus de nous sans avoir à faire le moindre effort, je ne l'ai pas supporté.
Darren baissa la tête, ressentant un mélange entre honte et dégoût puis il avoua en tentant de relever les yeux vers celui qu'il avait blessé.
— La vérité c'est que tu fais ressortir tout ce que je déteste en moi et que même maintenant, j'ai terriblement envie de te maudire. Mais Potter a raison, tu n'as rien fait de mal, ton existence seule... me rend furieux.
À cela, Darren vit le visage de Potter se décomposer. Peut-être aurait-il dû inventer un mensonge, quelque chose de plus facile à avaler. Potter eut l'air complètement abattu, il sembla oublier toute colère contre lui et sur son visage se peignit une tristesse sans nom. Quelque chose qui ressemblait à s'y méprendre à de la résignation.
La même expression était sur le visage de Gaunt, sauf que chez lui celle-ci faisait peur à voir. Une résignation remplie de sauvagerie, comme si même résigné, il lui aurait bien arraché la bouche pour ne pas l'entendre le lui répéter.
Lui répéter encore une fois à quel point il n'avait aucune chance d'avoir une vie sans ennui, sans ennemi. Lui qu'on punissait sans raison. Tom se demanda pourquoi. Était-ce parce que la grossesse de sa mère avait été illégitime ? Était-il punissable parce qu'il était là, marchant parmi les vivants et dérangeant l'ordre établi par d'autres ?
Lui ferait-on du mal toute son existence sans motif valable ?
Alors qu'il était piégé dans ses pensées, il entendit l'Oiseau-tonnerre prononcer à ses côtés.
— Vous vous trompez sur lui, Tom a fait beaucoup d'efforts pour se hisser premier de votre classement. Il voulait peut-être prouver sa supériorité mais ce n'était pas pour vous ridiculiser... il…
Harry. Harry ne voulait pas lui faire de mal. Il ne le détestait pas. Sa naissance n'avait pas de raison d'être punie, pas avec lui.
Darren leur lança un regard trop insistant avant de souffler dans leur direction.
— Ne te fatigue pas Potter, je sais que nous sommes les méchants dans cette histoire. Gaunt n'a rien à se reprocher, pas besoin de le défendre. Et j'ai bien compris que nous étions des moins que rien pour lui et j'imagine qu'il a réussi ? Ce n'est pas à nous qu'il voulait prouver quoi que ce soit, c'était à toi.
Un vague silence s'étendit avant que Tom ne se sente obligé de préciser.
— Je me suis trompé. Je n'avais rien à prouver. Harry n'a besoin d'aucune preuve.
Il n'avait pas besoin de preuves pour vouloir le protéger, pour l'accepter tel qui l'était, pour reconnaître sa force ou de ses qualités, Potter les connaissait et il les appréciait. Non, Tom le savait à présent, il n'avait plus rien à prouver. Sa vie n'avait pas à être punie, il n'avait pas à être châtié. Et tous ceux qui s'y essaieraient s'en mordraient les doigts.
Il avait le droit de vivre et il le ferait selon ses propres lois. Si pour protéger son existence il avait longtemps combattu seul, ce n'était plus le cas maintenant. Harry voulait le protéger. Quelqu'un trouvait sa place dans ce monde légitime d'exister et d'être défendue. Cela lui suffirait pour y croire.
Darren lui jeta un dernier regard et lâcha une sorte de rire grinçant. Torturé. Comme s'il avait tout à coup pris conscience d'avoir été le dommage collatéral d'une histoire plus complexe. Celle entre Thomas Gaunt et Harry Potter.
Il se retourna une dernière fois, bien décidé à quitter la pièce cette fois-ci, fit signe à ses amis de sortir et juste avant de partir, il attrapa le chambranle de la porte entre ses doigts. Il le serra. Assez fort pour se faire mal, tout en se promettant qu'il retiendrait la leçon. Celle-ci et toutes celles que Ilvermorny lui avait apportées dans sa vie.
Puis il se décala légèrement de manière à offrir son profil aux occupants de la pièce pour dire en regardant tour à tour Gaunt et Potter.
— Puissent nos chemins ne jamais se recroiser.
Et il disparut laissant dans son sillage un silence de plomb. Brisé une minute plus tard par Severus Rogue qui siffla avec sarcasme au directeur.
— J'espère pour vous que nous ne venons pas d'assister à la naissance d'un Seigneur des Ténèbres et de ses disciples. Ça ferait désordre dans votre belle réputation.
Agilbert Fontaine rit sincèrement à cette idée qu'il trouva saugrenue.
— Il n'en a pas l'étoffe. Ses capacités sont limitées, sa magie est faible.
Thomas Gaunt prit alors la parole en se tournant vers lui, quelque chose chez lui le fit frémir et le directeur se sentit mal.
— Ce n'est pas une question de puissance magique ou de capacités mais de pouvoir. Il a réussi à embrigader quatre autres sorciers pour soutenir son idéologie, n'importe qui peut devenir le Seigneur des Ténèbres, ce n'est pas un titre qui désigne un sorcier puissant. C'est le nom que l'on donne à un Homme qui est capable d'entraîner les autres vers les ténèbres.
Le directeur déglutit difficilement, Gaunt avait définitivement quelque chose d'effrayant en cet instant.
Potter essaya de le stopper mais le jeune Seigneur des Ténèbres ne s'arrêta pas là, déployant sa magie comme il ne l'avait jamais fait à Ilvermorny et il rompit l'équilibre.
— Toutefois vous avez raison, il n'en a pas l'étoffe puisque ce n'est pas lui qui les a poussés dans les ténèbres mais moi.
À suivre...
