Chapitre 36 : Tâche de ne pas t'enfuir
Coucou ! :) Je vous avais promis qu'on se reverrait bientôt et me voilà avec le chapitre 36 ! C'est le chapitre avec lequel la première épreuve débute. J'ai beaucoup aimé l'écrire parce que je m'en suis servi pour développer un peu les sentiments d'Harry (et j'adore développer les sentiments de mes personnages !) et que, d'une manière plus générale, c'est un chapitre avec une ambiance particulière. Celle du village de Goldenkey et de l'ouverture du Tournoi ! Je dois vous dire que je prévois la première tâche sur plusieurs chapitres alors ne soyez pas surpris que ce chapitre-ci ne fasse qu'ouvrir le bal. Parce qu'au programme, j'ai plusieurs danses ! (Bien que celles-ci se dérouleront bien souvent avec les deux mêmes danseurs, vous verrez qu'elles sont très différentes.) Ce chapitre débute l'épopée de nos héros pour l'ascension du Mont Greylock, prêt pour partir en excursion avec eux ? C'est parti ! (N'oubliez pas de laisser une petite review au guide du voyage, elle vous en sera très reconnaissante ;)
Les couleurs étaient atténuées. Il y avait comme un chant lointain, empli de mélancolie, qui résonnait étouffé à ses oreilles. Se laisser submerger par ça, par le décor décoloré, les images floues, les sons assourdis, par la sensation du vent soufflant à contre-courant sur son visage, par la vue de cette brume face à lui ; ce serait facile. Abdiquer. Faire demi-tour et fuir le plus loin possible. Ça paraissait être quelque chose d'agréable. Cesser de combattre, de répondre présent lorsqu'on essayait désespérément de le faire chuter.
Celui qui se tenait à ses côtés et pour qui ses pensées devaient être transparentes, lui fit la proposition. Bien qu'il sache quelle serait sa réponse, il le lui demanda tout de même.
— On pourrait partir. On ira où tu voudras, à l'autre bout du monde si tu en as envie.
Un sourire sincère, aussi mélancolique que cette mélodie chantée quelque part au-delà de la barrière brumeuse, apparut sur son visage et le lion posa ses yeux sur le serpent pour lui souffler.
§ C'est tentant. Un jour peut-être. Pas aujourd'hui, je ne suis pas un lâche. §
Les yeux de son vis-à-vis s'enflammèrent tout à coup et il lui répondit dans le même langage.
§ Je n'ai jamais pensé cela de toi. Tu ne le seras jamais. Je suis résigné à cette idée, ton inconscience m'a contaminé. §
Le sourire d'Harry se fit plus large, proche du rire.
— Tu n'es pas inconscient, tu as un plan. Même s'il est imparfait parce que j'en fais partie, ça ne change rien.
Les plans l'incluant étaient voués à l'échec. Il était incapable de s'y tenir, de s'y conformer, rien ne se passait comme prévu lorsqu'il était impliqué. C'était aussi simple que ça.
Tom Jedusor se redressa de toute sa hauteur, laissant vide la place où il était assis. Il passa devant le Survivant, le dos tourné, le regard plongé dans la brume qui s'étendait devant eux. Puis il pivota dans sa direction et il lui adressa un autre regard indéchiffrable. Brûlant, vivant, presque dérangeant. Avant de tendre une main en avant, à son intention, en déclarant.
— C'est ce qui fait de moi un inconscient. Tenter de planifier notre avenir. Laisse-moi essayer quand même.
Harry savait qu'il y avait, derrière ces quelques mots, plus qu'un encouragement. Plus que de la détermination pour leur victoire à la première tâche du Tournoi. Plus que quelques jours dans le mot avenir. Jedusor sous-entendait un futur plus long, plus profond. Plus définitif. Dans lequel ils se tenaient côte à côte.
Il le savait et les sous-entendus de Tom l'effrayaient, il aurait voulu lui dire de ne pas se projeter. Que pour lui le futur se résumait à quelque chose de flou et de confus où il espérait au moins être en vie.
Il n'en fit rien. Peut-être parce que le fait que Tom puisse voir au-delà de la brume qui imprégnait l'idée qu'il se faisait d'un lendemain le rassurait. Peut-être parce qu'il avait besoin de se raccrocher à la possibilité qu'il n'avait rien de mal à espérer vivre longtemps.
Harry Potter l'ignorait. Il ne comprit pas pourquoi mais il se souleva, attrapa la main qu'on lui tendait et s'engouffra dans la brume. Le cœur battant, il fut d'abord aveuglé par ce néant tout blanc puis comme un mirage, le village de Goldenkey se dévoila à lui. À eux.
Alors les couleurs atténuées devinrent éblouissantes. Le chant assourdit hurla à ses oreilles, le vent se retourna contre lui et le monde parut se teinter d'une intensité aussi réconfortante qu'insupportable. Il eut l'impression de se dissoudre dans ce berceau de sensations et il sentit sa magie s'agiter avec violence. Comme pour se mêler à l'agitation ambiante, le désordre la faisait rugir. Le chaos lui faisait plaisir.
Ce n'était qu'une impression que l'Élu avait mais elle était tenace. Celle que sa magie était comme une bête pourvue de griffes tranchantes, bondissant à chaque faiblesse de sa part. Se nourrissant de ses incertitudes et créant ses insécurités les plus démesurées.
Il savait ce qu'il avait à faire. Pour l'enfermer, la faire disparaître, l'enchainer là où il ne la verrait plus.
§ Tout va bien. Respire calmement, ne tente pas de la détruire. Tu n'as pas besoin de t'en servir, il n'y a rien de dangereux devant nous. §
Sauf qu'elle revenait toujours en agissant ainsi, alors il fit comme le jeune Seigneur des Ténèbres lui recommanda.
Le Survivant inspira et expira profondément, ferma les yeux pour se couper du monde et eut besoin de quelques secondes pour se convaincre qu'il ne fallait pas la détruire. Qu'il pouvait lui laisser une once de liberté, à condition de ne pas l'utiliser. S'il n'avait pas de sortilège à incanter alors il n'avait aucune raison de la restreindre, aucune raison d'en perdre le contrôle. Par conséquent, elle n'avait pas à disparaître. Pour le moment.
Harry rouvrit les yeux et avisa les chalets - petites et grandes maisons de bois constituant le village de Goldenkey. Leur vue et celle de la foule présente devant eux eurent tôt fait de détourner définitivement son attention de sa magie partiellement découverte.
Les villages magiques avaient quelque chose d'enchanteur même dans la simplicité. Goldenkey était simple, c'était un lieu-dit où vivaient quelques sorciers isolés plutôt qu'un véritable village mais il était magnifique. Magique.
Le hameau était découpé en deux par un cours d'eau, fin et transparent, qui serpentait le long des maisons en pente. Le paysage, la forêt de pins qu'ils venaient de quitter et le Mont Greylock qui se tenait face à eux, était complètement effacé par la brume. Le brouillard protégeait Goldenkey. Avant elle, il y avait une forêt peu accessible là où le mur de brume prenait naissance et après elle ; le Mont Greylock menait à Ilvermorny, entièrement plongé dans un brouillard épais et protecteur.
Harry eut cette drôle d'impression que Goldenkey était comme une boule à neige, un village sous cloche, là où à la place d'un dôme de verre, les sorciers étaient protégés par un cercle de fumée opaque. C'était rassurant. Il ignorait pourquoi il avait ce sentiment mais en s'avançant vers la foule qui s'était réunie au centre du village, en arpentant les passages rocheux entre les chalets, il se sentit à l'aise.
Pourtant il ne pouvait pas voir le ciel, cela aurait dû le perturber, l'habituel étendue bleue et étourdissante qui se tenait au-dessus de lui à l'extérieur était devenu invisible, camouflé par des nuages trop vaporeux, d'un blanc éclatant. C'était comme se déplacer dans un rêve. Goldenkey avait l'air hors du monde. Comme une capsule piégée dans le temps. Sans nuit, sans jour, sans horaire.
La magie pouvait, avec facilité, transfigurer complètement un lieu. Elle était époustouflante. Après un instant de marche, assez lente pour retarder le moment où il serait confronté à ses devoirs de champion, Harry se rendit compte que son partenaire n'éprouvait aucunement le même apaisement que lui dans cet environnement.
Tom s'était retranché derrière lui, il lançait des regards soucieux vers l'absence de ciel. Le vent soufflait toujours mais c'était comme s'il était piégé à tourner en rond, les sons résonnaient trop forts et la blancheur immaculée des alentours le rendait nerveux.
Harry ralentit le pas, s'arrêtant presque et serra un peu la main qui n'avait pas quitté la sienne depuis qu'ils avaient passé la barrière.
— Quelque chose te dérange ?
Le Gryffondor connaissait la réponse à sa question et il se doutait même de ce qui dérangeait le Serpentard mais cela ne l'empêcha pas de demander.
Jedusor lui adressa un regard avant de tourner de nouveau les yeux vers ce faux plafond tout blanc au-dessus d'eux.
— J'avais prévu l'éventualité qu'on ne puisse pas voir le ciel et se repérer grâce à lui pendant l'épreuve mais…
Le lion lui sourit un peu, devinant la suite avant qu'il ne la prononce.
— J'aurais préféré qu'on puisse s'y fier.
Il y a quelques petites choses qu'Harry Potter avait apprises sur Tom et qu'il ne connaissait pas alors qu'il combattait Voldemort ; le fait que celui-ci appréciait d'avoir les cieux comme repère était de ces choses-là.
De nuit comme de jour, le Seigneur des Ténèbres était capable de se situer assez intuitivement grâce au ciel. Ce n'était pas vraiment quelque chose qu'il avait apprise dans un livre, ou qu'il s'était forcé à assimiler en étudiant quelques obscures pratiques magiques, c'était là. Instinctif. Le ciel était comme une boussole pour lui.
Alors il n'était pas étonnant que dans un endroit comme celui-ci vaste et où le vent soufflait anormalement, sans ciel, qu'il se sentît un peu désorienté.
L'Oiseau-tonnerre ignorait comment il pourrait atténuer cette impression. Lui-même se sentait plutôt à l'aise dans un endroit où l'immensité ne pouvait pas le happer, bien que l'agitation provenant de la foule dont ils se rapprochaient le plaçait sur ses gardes.
Après un instant, il déclara.
— Je ne pense pas que je puisse le faire ici sans attirer l'attention mais pendant l'épreuve, je pourrais dissiper la brume là-haut.
Il désigna le ciel de la main. Tom serait bientôt privé de sa magie, il ne pourrait pas le faire lui-même. Leur survie ne dépendrait bientôt plus que de lui et de ses capacités. À cette pensée, l'anxiété et l'envie de faire demi-tour lui revinrent brutalement et il se força à se rappeler qu'ils s'étaient préparés pour cette tâche et que tout irait pour le mieux.
Jedusor lui offrit son sourire imperceptible, celui si discret que Potter se demandait parfois s'il ne l'avait pas rêvé.
— Dissiper le brouillard protecteur d'Ilvermorny. Ça paraîtrait prétentieux dans la bouche de n'importe qui d'autre.
Troublé, le Gryffondor balbutia.
— Ce n'est pas ce que… je ne voulais pas dire que…
Il n'y avait aucune prétention là-dedans ! C'est ce qu'il aurait aimé répondre mais même après plusieurs années face à des gens qui le pensaient être un gamin pourri gâté et vantard, il n'arrivait toujours pas à s'opposer à cet argument. Une part de lui considérait que, peut-être, il faisait preuve de prétention.
Tom coupa ses réflexions sur le sujet en souriant franchement de son désarroi. Il le faisait marcher… et lui courait en plein dedans. Autre petite chose qu'il avait apprise sur Jedusor, celui-ci n'hésitait pas à se jouer de lui uniquement pour se rassurer. Parce que c'était sa manière de se détendre.
Toujours souriant, le serpent lui souffla.
— Je sais parfaitement que ce n'est pas de la vantardise. J'ai mentionné le fait que ça l'aurait été pour quiconque, sauf toi.
Puis plus sérieusement, ses yeux reprenant leurs couleurs incendiaires.
— Je te remercie.
Il n'ajouta rien d'autre, seulement il se rapprocha tellement de son visage qu'Harry dut se détourner et reprendre sa route pour se soustraire à lui. Lâchant sa main par la même occasion, ce qui eut pour effet immédiat d'entrouvrir le lien entre eux.
Voilà qui illustrait bien le comportement de Thomas Gaunt à son égard ainsi que la relation qu'ils entretenaient. Cet entre-deux où Harry avait de plus en plus conscience des sentiments de son vis-à-vis pour lui mais où il ne pouvait s'empêcher de s'en éloigner. Ce n'était pas toujours conscient, il ne fuyait pas Tom par volonté réelle de le fuir mais tout simplement parce qu'il ignorait complètement de quelle manière il était censé réagir. Trop confus envers ses propres ressentis.
Potter avait vaguement conscience du fait que cet entre-deux devait faire souffrir le mage noir mais il n'avait pas eu le courage d'aborder le sujet avec lui. Devait-il lui demander d'arrêter ? Mais arrêter quoi ? De l'aimer ? C'était ridicule, on ne pouvait pas stopper ce genre de choses sur demande. De plus, il n'était pas sûr de vouloir que Tom arrête. Certes, il savait que ce n'était pas bien. Pour plusieurs raisons. Tellement qu'il aurait pu en citer une centaine. Et pour contrebalancer cette liste il n'avait rien, rien à part le fait que… qu'il appréciait le sentiment de sécurité et d'amour que cela lui procurait.
Un parfait égoïste en somme. Il fuyait les sentiments de Tom, était confus au sujet des siens, savait que c'était dangereux et douloureux de rester dans cette situation mais ne réussissait pas à en changer par peur de perdre l'aspect positif dont il était le seul à profiter.
Plus il y pensait, plus il culpabilisait et plus il se sentait coupable moins il réussissait à y voir clair. Jedusor allait-il l'aimer comme ça pour l'éternité sans qu'il n'ait rien à donner en retour ? Et s'il donnait quelque chose en retour sans être sûr d'avoir des sentiments, ne valait-il pas mieux ne rien faire ? Et si les sentiments de Tom partaient à cause de l'absence de réciprocité, serait-il soulagé comme il devrait l'être ou cela lui ferait-il du mal ?
Piégé dans ce schéma de pensée, le héros du monde sorcier se contentait de maintenir une certaine distance pour éviter de souffrir et de faire souffrir celui dont il se rapprochait inexorablement à mesure que le temps passait. Accepter le fait que le jeune Seigneur des Ténèbres ait des sentiments pour lui n'avait été que la porte d'entrée à d'autres difficultés.
Pourquoi les choses ne pouvaient-elles pas être simples entre lui et Lord Voldemort ? Ne pouvait-il pas se contenter d'être ensemble sans se vouer à des extrêmes comme la haine ou l'amour…
C'était trop demander au Seigneur des Ténèbres. Tout ou rien. Les compromis n'existaient même pas dans sa conception manichéenne du monde. Pour Tom Jedusor il y avait ceux qui étaient de son côté et le reste du monde. Ceux-là qu'il devait éliminer ou, au mieux, ignorer.
Puisqu'il ne pouvait pas l'ignorer et qu'il avait déjà tenté de le tuer, peut-être qu'il ne lui restait plus que l'option de faire de lui un allié. Un aimé. Convertir la haine en amour, c'était insensé. C'était fou. Ça lui correspondait bien. Lui, le génie flirtant outrageusement avec la folie.
Libre. Loin des préoccupations éthiques ou morales d'une société qui l'avait laissée sur le bas-côté. C'était ce qu'il incarnait. Un prodige laissé-pour-compte, libre et fasciné par une seule et unique préoccupation à l'heure actuelle… ainsi que par les différentes manières de s'assurer de la présence et de l'attention constante de l'objet de cette préoccupation. Lui, en d'autres termes.
Potter ne s'en plaignait pas. Ça ne le dérangeait pas tant que ça. Alors après quelques mètres à avancer seul, les yeux rivés sur la masse de sorciers entassés devant lui, Harry ne se formalisa pas lorsque Jedusor vint lui attraper le bras, se retenant visiblement de lui reprendre la main.
Ils s'avancèrent ensemble vers la foule de sorciers venus de toutes parts, il y avait des élèves mais aussi beaucoup de civils américains ou même venus d'ailleurs pour observer la cérémonie d'ouverture du Tournoi des Trois Sorciers.
Harry et Tom n'eurent pas le temps de traverser cette foule pour se rendre vers le centre ou devaient se trouver les différents directeurs - ainsi que les autres participants du tournoi - qu'ils furent attrapés par Rogue.
— Où étiez-vous ?
La voix cassante du Maître des potions attira quelque peu l'attention des badauds sur eux et Harry lutta entre l'envie de faire volte-face et de partir en courant et un soupir de lassitude. Severus Rogue était comme un cerbère, sauf qu'aucune mélodie n'allait endormir sa méfiance. Même celle que lui chantait le charmeur de serpents.
— Professeur, comment allez-vous depuis hier soir ? Avez-vous bien dormi ?
Le charmeur de serpents en question sembla s'amuser grandement de l'ironie que lui inspirait l'idée que Rogue avait pu dormir. Et en regardant le corps entier du Maître des potions se tendre dangereusement, Potter grinça des dents et poussa un peu Jedusor sur le côté, derrière lui, pour éviter que les choses ne dégénèrent.
Cela faisait une semaine entière que les deux hommes se voyaient chaque soir pendant les retenues et Tom continuait de provoquer le professeur pendant que celui-ci faisait tout pour être le plus désagréable possible envers le mage noir. Ils se faisaient la guerre, sans arme et sans magie mais une guerre quand même.
Pourtant Harry s'était fait la réflexion à de nombreuses reprises que Severus et Tom avaient plusieurs opinions et passions communes qui auraient pu les rapprocher. Ils auraient dû pouvoir s'entendre et parfois - rarement et seulement lorsqu'il était concerné - ils réussissaient à se mettre d'accord et à avoir des discussions pacifiques. Sauf que la majorité du temps, ils s'insultaient subrepticement en jouant à qui maudira l'autre le premier. Harry faisait l'arbitre.
Le Gryffondor se décida à répondre à son professeur, espérant ainsi détourner son attention comme il avait pris l'habitude de le faire.
— La réunion avait lieu à dix heures, on est arrivé à temps.
Cela ne sembla pas du tout calmer la colère de l'homme en face de lui, qui lui siffla.
— La question n'est pas de savoir si vous êtes à l'heure ! Je vous demande ce que vous avez fait pendant que nous vous attendions ! Les autres participants sont là depuis plus d'une heure.
Harry s'apprêtait à répliquer qu'ils ne pouvaient pas savoir qu'ils seraient les derniers, lorsqu'il entendit la voix de Tom s'élever à nouveau. Il ferma les yeux d'appréhension et fut désarmé par la sincérité teintée de sarcasme que Jedusor utilisa contre le potionniste.
— J'étais en train de proposer à Harry de fuir à l'autre bout du monde. Il a refusé.
Puis, après une pause faussement dramatique, Jedusor ajouta et le lion sut que son visage arborait un sourire ravi, ravi et effrayant.
— En précisant "un jour peut-être".
Rogue devint plus pâle que le ciel en moins d'une seconde, se tourna vers lui en le dévisageant comme s'il s'apprêtait à le gifler et bien qu'il sache qu'il n'allait pas le faire, Harry eut envie de tout nier en bloc pour se protéger. Sauf que sa fierté de Gryffondor le força à rester complètement immobile jusqu'à ce que Ulrich Tiare ne le sauve des griffes du terrifiant potionniste en déclarant, à moitié en riant.
— C'est une bonne idée un voyage autour du monde, ça forge la jeunesse ! Moi-même j'ai visité quelques pays avant de prendre le poste de professeur et j'en garde de très bons souvenirs.
— Ulrich.
Ledit Ulrich se tourna vers son confrère sans perdre son sourire, au contraire même ses yeux se mirent à pétiller et il sembla particulièrement content et fier de son intervention. Rogue le dévisagea avec fureur pendant quelques secondes avant de s'apaiser, pour une raison qu'Harry ignorait, Tiare réussissait toujours à désamorcer le professeur de Poudlard. Comme un automatisme. Sans rien faire de particulier. Il était extraverti, souriant, agréable, tactile et d'un naturel joyeux, tout le contraire de Severus.
Comment ces deux-là avaient pu développer une amitié - et peut-être plus - en étant si différent, était un mystère. Peut-être que Rogue devait une dette de vie à Tiare ou quelque chose dans ce genre-là. Ça expliquerait pas mal de choses.
Harry se secoua, remarqua que la foule, qui faisait beaucoup de bruit auparavant, regardait à présent un point qui s'avançait dangereusement vers eux et il se retrancha auprès de Jedusor. Il hésita à sortir sa baguette en reconnaissant la présence, devenue nocive pour lui, du directeur d'Ilvermorny.
Celui-ci fendit la foule comme Moïse traversa la mer Rouge. Derrière lui, il y avait une femme qu'Harry ne reconnut pas immédiatement mais qui lui rappela vaguement quelque chose. C'était quelqu'un d'important… mais qui ?
§ La présidente du MACUSA. §
Tom lui souffla la réponse à son interrogation muette d'un sifflement mortellement sérieux. Dans la liste des gens que ni lui ni Tom n'avaient envie de croiser, la présidente actuelle du MACUSA était en tête. Et elle se dirigeait droit sur eux au côté d'Agilbert Fontaine.
Ni une ni deux, Severus Rogue passa de leur côté, bientôt suivi par Tiare. Rogue pouvait bien être un tyran sans cœur la plupart du temps, il était avec eux. Il agissait pour sa sécurité. Harry ne comprenait que complètement la portée des actes de l'ex-espion que dans ce genre de moments, où il passait tout à coup de l'homme sévère qui leur criait dessus pour un manque de ponctualité inexistant à celui qui était prêt à lever les armes contre l'école et le gouvernement le plus influent du monde magique. Seulement pour le protéger.
C'est dans ce genre d'instants que le Seigneur des Ténèbres et l'ex-Mangemort paraissaient de nouveau défendre les mêmes idées. Pour lui. Aussi embarrassant que cela puisse paraître.
Impossible de fuir ses responsabilités dans de telles conditions.
Agilbert Fontaine se planta pile devant lui, un sourire faussement chaleureux gravé sur le visage. Harry l'ignora complètement pour détailler du regard la femme qui l'accompagnait. Elle semblait un peu plus âgée que Fontaine, elle portait une robe brillante, argentée et avait un ruban rose plutôt enfantin attaché dans ses longs cheveux bruns. Elle aurait pu lui paraître banale et il ne se serait certainement pas souvenu de son image s'il n'y avait pas un détail majeur qui détonnait dans son apparence. Ses yeux. Blancs et aveugles. Elle était la première sorcière qu'il rencontrait qui présentait un handicap de ce genre.
La médecine magique était capable de beaucoup de choses, tellement que les particularités handicapantes aux yeux de la société magique avaient été une priorité à éradiquer pour les sorciers et ce depuis plusieurs siècles maintenant. Hermione répétait souvent que c'est cette volonté d'avoir des sorciers dépourvus de divergences physiques qui avaient fait évoluer la médicomagie vers ce qu'elle était désormais. Harry n'était pas du genre à penser que c'était une bonne ou une mauvaise chose mais dans son idéal, un enfant naissant sans avoir la capacité de marcher, par exemple, n'était pas défaillant à partir du moment où il était heureux et en bonne santé. Le problème n'était pas tant l'évolution de la médecine magique mais plutôt la manière de considérer essentiel le fait de corriger un être vivant, pensant et capable de faire ses propres choix.
Voilà pourquoi il était rare de croiser un sorcier portant une particularité physique considérée comme handicapante ou anormale par leur société. C'était encore plus rare de croiser quelqu'un porteur de ce handicap qui, en plus, était devenu une figure de proue du monde magique. La raison pour laquelle la présidente du MACUSA n'avait subi aucune intervention médicale pour guérir ses yeux était mystérieuse. Peut-être que la médicomagie avait ses limites et qu'elle souffrait d'une maladie incurable ou alors c'était un choix plus personnel. Il l'ignorait.
Harry lui-même avait refusé plusieurs fois que l'infirmière corrige ses yeux. Principalement parce qu'on lui avait dit que son père portait des lunettes tout comme les siennes et que le fait d'en avoir lui donnait l'impression d'être un peu plus proche de cet homme qu'il n'avait pas connu assez longtemps pour en avoir des souvenirs précis.
De nombreuses raisons pouvaient expliquer les yeux de la présidente du MACUSA et Harry Potter s'abstient de toutes théories à ce sujet. Même si ça éveillait naturellement sa curiosité, il avait d'autres préoccupations plus pressantes. Comme écourter un maximum son entretien avec cette femme et Fontaine pour éviter que l'identité de Tom d'être découverte.
À ce sujet, il se sentit obligé de prévenir Tom.
§ Je ne sais pas quelle influence elle a réellement sur l'ensemble du MACUSA mais le mieux est de faire profil bas. §
En se tournant vers Jedusor, il remarqua que la foule s'était recentrée vers eux et que les champions abandonnés plus bas les rejoignaient au milieu de la foule.
Gaunt lui siffla en réponse.
§ Je ferai profil bas. §
Au même moment, le directeur déclara.
— Madame la présidente, je vous présente les favoris du Tournoi des Trois Sorciers. Ce sont les garçons dont je vous ai parlé un peu plus tôt.
Harry grimaça à l'idée que Fontaine ait pu parler de lui, et surtout de Tom, à la présidente. Il espéra que la promesse du mage noir tiendrait même si Agilbert s'amusait à le provoquer.
La présidente sembla regarder dans leur direction sans les voir avant de se présenter.
— Heureuse de faire votre connaissance. Je suis la présidente actuelle du MACUSA, Abigail Pettigrew. Comme le directeur me l'a indiqué, je remarque que vous parlez le fourchelang, cela fait bien longtemps que je n'avais pas profité des singularités sonores de cette langue.
Pettigrow ? Non… elle a dit Pettigrew, ils n'ont sûrement aucun lien de parenté. Ce fut la première pensée qui traversa l'esprit d'Harry à ce moment-là puis il songea au fait qu'elle avait mentionné le fourchelang et il en voulut au directeur qui - malgré le serment qu'il avait fait sur sa vie et sa magie qu'il ne dévoilerait pas l'identité de Tom se permettait de répandre des rumeurs sur le fait que celui-ci était un fourchelang.
Pas qu'ils veulent le cacher, eux-mêmes parlaient cette langue devant public sans se poser de questions, seulement c'était différent si c'était une volonté de leur part ou un acte intéressé de Fontaine.
Harry se décida à répondre, non sans envoyer un regard méfiant vers le directeur.
— Enchanté. Je m'appelle Harry Potter et voici Thomas Gaunt. Nous n'avons rien contre mais le fourchelang a mauvaise réputation, ce n'est pas une chose sur laquelle on nous complimente d'habitude.
Ses épaules étaient si raides et son visage si figé, qu'Harry était persuadé qu'en faisant un mouvement trop brusque, il se casserait quelque chose. La politesse et les conversations diplomatiques n'ont jamais et ne seront jamais son truc, Tom était bien plus doué dans ce domaine. Or il lui avait demandé de faire profil bas, à lui d'assurer maintenant.
La présidente n'eut pas l'air de s'offusquer de sa raideur, elle lui adressa même un sourire qui parut sincère au Gryffondor.
— C'est dommage, c'est une langue très mélodieuse pour qui y prête attention. Je l'ai étudié pendant longtemps.
Cette fois-ci, le Gryffondor perdit toutes ses couleurs alors que Tom, demanda très lentement près de lui.
§ Vous comprenez ce que je dis ? §
La présidente leur sourit à tous les deux et précisa.
— J'arrive seulement à reconnaître quelques mots grâce aux sons mais oui, on peut dire ça comme ça. Évidemment, cela ne fait pas de moi une fourchelang, je suis incapable de vous répondre dans cette langue.
Donc elle avait entendu les paroles que Potter avait prononcées à son arrivée. Tom tenta de distinguer des signes d'hostilité ou de manipulation dans sa manière d'agir mais il ne vit rien. Si cette femme avait réellement compris ce qu'Harry et lui s'étaient dit peu avant, alors elle ne paraissait pas en prendre ombrage. C'était surprenant. Autant qu'apprendre que quelqu'un avait étudié le fourchelang au point d'être capable d'en comprendre les sifflements.
Comme Jedusor s'y attendait, Harry parut encore plus impressionné et tout autant, si ce n'est plus, embarrassé. Il s'excusa sur-le-champ.
— Veuillez m'excuser pour ce que j'ai dit plus tôt, ce n'était pas contre vous… je...
— Vous ne saviez pas que je pouvais vous comprendre et vous avez l'habitude de discuter de cette manière avec votre ami ? Ne soyez pas désolé, cette langue vous appartient à tous les deux à présent, si quelqu'un doit s'excuser alors je suis celle qui est désolée. Écouter aux portes est un vilain défaut, même si ces portes sont invisibles.
Elle s'inclina un peu et lorsqu'elle releva la tête Harry songea qu'elle n'était en rien comme il l'avait imaginé. Le MACUSA avait mauvaise réputation pour sa justice impartiale et trop stricte, la présidente était censée représenter ce gouvernement, alors pourquoi avait-elle l'air si compréhensive et ouverte d'esprit ? Essayait-elle de les tromper ?
Elle ajouta, presque en riant.
— Et inutile de faire profil bas ! Vous n'avez rien à craindre de moi, je ne sais pas quelle image déformée de moi donnent les journaux mais je ne suis l'ennemie de personne. J'essaie seulement de diriger la partie magique de ce pays et vous pouvez me croire, ce n'est pas chose facile. Agilbert m'a fait part de vos dons pour la magie, il est très heureux d'accueillir des sorciers comme vous dans son école et je partage son avis. L'Amérique accueille toujours bien les bons sorciers de bonnes familles. Je vous souhaite un beau parcours.
Le jeune Seigneur des Ténèbres fronça les sourcils, elle était honnête. Honnête certes mais derrière ses propos, il y avait quelque chose de moche. D'affreux. Elle venait d'avouer s'intéresser à eux uniquement grâce à leurs capacités magiques. À leurs noms. À ce qu'ils pourraient apporter à ce pays et à son gouvernement.
Parce qu'ils représentaient une opportunité supplémentaire pour le MACUSA de se faire des alliés internationaux de qualité. Elle était intéressée, sa politesse évidente, sa gentillesse, n'étaient que des facettes de sa personnalité. Celles qu'elle mettait en avant pour convaincre le peuple de lui faire confiance. Elle était certainement très appréciée. Dans le fond, elle ne valait pas mieux que le directeur.
Sauf que son hypocrisie n'en était pas. Elle ne se cachait pas d'être venue vers eux grâce à ce que le directeur avait proclamé à leur sujet. Elle n'était pas faussement agréable avec eux, elle l'était parce qu'elle les pensait comme elle. Les sorciers américains étaient si abrutis par leur manière de voir le monde qu'ils étaient persuadés que tous les "bons sorciers'' partageaient leur vision des choses. Elle les pensait de son côté. Même après avoir entendu la méfiance d'Harry à son égard, elle était persuadée qu'il partageait sa manière de voir les choses.
Peut-être pensait-elle Harry méfiant justement parce qu'il était l'héritier d'une famille influente en Angleterre. Ridicule.
Gaunt se retint d'avoir un rictus méprisant face à cette femme. Elle n'avait rien compris de la véritable raison pour laquelle Harry lui avait demandé de faire profil bas. Naïve. Elle ne représentait aucun danger. Il suffisait d'aller dans son sens pour s'en débarrasser.
Fontaine quant à lui… l'homme lui adressa à ce moment-là un regard sombre, calculateur puis il lui sourit. Un sourire qui signifiait "je sais exactement à quoi vous pensez" le directeur connaissait la présidente, il savait comment elle réagirait.
Alors pourquoi venait-il de la pousser à les apprécier ? À faire d'eux des alliés du gouvernement ? Était-ce son but primaire ? De se servir de l'Obscurus dormant en Harry comme d'une arme pour le pays ? Non. C'était incohérent, ça ne ressemblait pas à quelque chose que ferait quelqu'un comme Fontaine. Son but n'était pas de servir une cause plus grande, tout chez cet homme était égocentré. Ses objectifs ne faisaient pas exception.
Que voulait-il ? Pourquoi une obsession si marquée pour les capacités magiques ? Que comptait-il faire de la force destructrice et incontrôlable d'un Obscurial qui aurait perdu la raison ? Nul doute que le plan de Fontaine consistait en l'utilisation de la forme la plus chaotique que pourrait prendre la magie d'Harry mais son objectif restait obscur pour Tom.
Connaître l'objectif final de Fontaine pourrait l'aider à prévoir les coups de l'homme à l'avance. Si seulement il avait un indice…
C'est à ce moment-là, alors qu'il y était particulièrement attentif, que le jeune Seigneur des Ténèbres se rendit compte que l'attitude du directeur d'Ilvermorny envers la présidente était étrange.
Il lui souriait et lui parlait chaleureusement tout en l'observant avec froideur, de manière calculatrice, avec antipathie. Exactement comme il le faisait pour Harry. Avec de la haine, de l'horreur même, greffée à son expression. Agrippée si fort à ses traits qu'elle ne pouvait être cachée par un sourire aussi fort fût-il. Une colère si dévorante, si violente. Dissimulée avec autant d'application.
Jedusor pensait que l'homme se comportait seulement ainsi envers Harry mais de toute évidence, il y avait quelqu'un d'autre qui avait le droit au pire dont était capable le directeur d'Ilvermorny.
Abigail Pettigrew. La présidente du MACUSA. Si Fontaine la haïssait, s'il éprouvait le même rejet pour elle que pour Harry ; alors pourquoi essayait-il de lui plaire et pire que ça, que Harry lui plut aussi ? Ça avait forcément un lien.
Fontaine ne voulait pas un Obscurial pour le gouvernement…
Il le voulait pour lui. Contre le gouvernement. Contre Abigail Pettigrew et le MACUSA.
Voilà pourquoi il tenait à ce que celle-ci ait un avis positif sur Harry et lui, pour éviter les doutes. Elle était l'ennemie, ils étaient les armes. Mieux valait que l'ennemie pense que ces armes étaient de son côté. Ce que voulait Agilbert Fontaine était d'abattre le MACUSA et sa présidente. La raison pour laquelle il voulait ça n'avait pas d'importance à ses yeux. Vengeance, désir de gouverner, rancune entre anciennes familles de sorciers. Peu importe. Les guerres étaient toutes les mêmes. Tom n'y prêtait aucun intérêt.
Maintenant qu'il pensait connaître l'objectif que le directeur poursuivait, il se savait capable de prendre l'avantage.
Alors que le directeur rappelait aux différents champions ainsi qu'à leurs partenaires le règlement du Tournoi, Harry remarqua que Tom avait l'air ailleurs, pensif, ses yeux s'assombrissant de plus en plus alors qu'il observait le directeur d'Ilvermorny.
Le Gryffondor déglutit en percevant la magie du Seigneur des Ténèbres s'élever autour d'eux, oppressante, étouffante, si sombre et familière qu'il se décida à la camoufler en libérant davantage la sienne. À cela, le mage noir se tourna vers lui, ayant reconnu sans mal la magie qui s'était mêlée à la sienne.
Ses yeux eurent besoin de quelques secondes pour passer des ténèbres à leur couleur rouge habituelle puis son expression s'adoucit elle aussi et il sembla vouloir lui siffler quelque chose avant de s'arrêter brusquement. Tournant son regard vers la présidente du MACUSA qui était restée près des différents directeurs des écoles participantes et qui écoutait Agilbert Fontaine faire son discours d'ouverture.
Tant que cette femme était dans les parages, ils ne pouvaient pas se parler comme ils avaient l'habitude de le faire…
Après un court instant, Harry ressentit un mal de tête fulgurant. Sa cicatrice le brûla pour la première fois depuis longtemps et à la place de ses pensées, comme si elle lui appartenait tout en étant étrangère, il entendit distinctement cette phrase.
Je t'en parlerai plus tard.
Il se courba de douleur. Sa main griffa sa cicatrice dans un mouvement involontaire avant que la sensation d'intrusion prenne fin, le laissant avec un mal de tête terrible et des pensées désordonnées.
Qu'est-ce que c'était que ça ? De la Legilimancie ? Non. Rien à voir, son esprit avait déjà été fouillé de force, la douleur n'avait rien à voir avec… ça. C'était comme si une partie de lui s'était mise à raisonner tellement fort qu'elle s'était synchronisée avec quelque chose. Avec quelqu'un.
Harry essaya d'atténuer le sifflement strident qui lui vrillait les oreilles tout en sachant pertinemment que le bruit n'était pas réel, qu'il venait de l'intérieur de son crâne. Il inspira et expira profondément. Entendit vaguement Rogue hurler après Tom et comprit ce qu'il venait de se passer.
De la télépathie. C'était Tom à l'intérieur de sa tête, voilà pourquoi sa cicatrice lui avait fait tellement mal. La douleur s'atténua progressivement, il eut vaguement conscience que Tiare s'était agenouillé à ses côtés alors que Rogue continuait de réprimander Jedusor, l'insultant plus que subrepticement.
Il se releva lentement, à moitié soutenu par Tiare qui lui demanda.
— Est-ce que ça va ?
Harry n'eut pas la force de lui rétorquer que s'il allait bien, il serait capable de se relever seul. À la place de ça, il se concentra pour retrouver ses esprits et reprendre possession de ses moyens et lorsqu'il se pensa capable de le faire, il déclara.
— Tout va bien ! Je vais bien. Je suis certain que Tom ne voulait pas ça. S'il vous plaît professeur, il n'y est pour rien.
Rogue stoppa son sermon pour lui lancer un regard entre inquiétude et fureur. Harry soutient son regard et insista.
— Je n'ai plus mal du tout. C'était passager, il n'y a rien de grave.
— Rien de grave ?! Gardez cette excuse pour d'autres. Vous êtes capable de résister à l'Imperium et là vous vous écroulez et ce n'est pas grave ? De toute évidence vous n'avez aucune notion de la gravité, monsieur Potter. Par conséquent je suis bien plus à même de décider ce qui est grave ou non vous concernant.
Un point pour le Maître des potions. Harry ferma la bouche, essaya de trouver un contre argument et échoua, à ce moment-là, il entendit.
— Je ne le referais pas. Pardonne-moi, Harry. Je n'avais pas l'intention de te blesser.
L'expression défaite sur le visage de Tom lui fit autant mal que sa tentative de télépathie. Le Gryffondor laissa un souffle lui échapper, incapable d'en vouloir à Jedusor pour quelque chose dont il n'avait pas conscience des conséquences.
Lui-même ignorait ce qu'il venait de se passer, si c'était bien de la télépathie, pourquoi n'avait-elle pas fonctionné ? Leur lien (peu importe la nature de celui-ci) devrait le permettre, non ? Ce n'est pas comme si ça n'avait pas marché… c'était plutôt comme si ça avait trop bien fonctionné. Son esprit s'était complètement aligné sur celui de Jedusor pour une seconde. C'était terrifiant. Et probablement terriblement dangereux. D'où la réaction de Severus qui, étant donné ses connaissances en magie de l'esprit, devait avoir compris ce qui s'était déroulé sous ses yeux…
Est-ce que Tom avait aussi ressenti cette douleur insoutenable ?
Apparemment pas. Autrement Rogue ne s'en serait pas pris à lui. Le potionniste avait peut-être des idées arrêtées sur le jeune Seigneur des Ténèbres mais il ne l'aurait pas accusé d'être le responsable de quelque chose qui l'aurait tout autant fait souffrir.
Harry tenta de rassurer le mage noir, il se rapprocha de lui et essaya d'avoir l'air moins affecté par la douleur qu'il ne l'était vraiment.
— Je ne t'en veux pas du tout.
Il se frotta la nuque et détourna le regard, constatant que les sorciers qui les entouraient ainsi que les directeurs et les autres participants n'avaient rien loupé du spectacle.
— Peut-être qu'on pourrait en discuter plus tard ?
Il s'adressait autant à Severus Rogue qu'à Tom, Jedusor le vérifia plusieurs fois du regard, ses yeux butant contre sa cicatrice et Harry se retint de la couvrir de sa main. Jamais le jeune Seigneur des Ténèbres n'y avait autant prêté attention qu'aujourd'hui. La télépathie n'avait pas fonctionné comme prévu à cause d'elle.
Potter s'en doutait mais il n'avait aucune idée de pourquoi elle l'avait fait souffrir.
Depuis la destruction de l'Horcruxe qui y était lié, sa cicatrice ne lui faisait plus mal. Rogue retourna à sa place après avoir laissé un dernier avertissement au mage noir.
— Encore un incident de ce genre, un seul et je vous renvoie en Angleterre par le premier bateau.
Il ne pouvait pas le faire. Tom était sous sa responsabilité, Harry s'empêcha de le préciser, convaincu que cela ne ferait qu'empirer les choses et qu'étant donné le niveau de fureur du Maître des potions, celui-ci pouvait très bien les renvoyer tous les deux en Angleterre et trouver un moyen là-bas pour les séparer de manière définitive.
Les murmures des élèves autour d'eux étaient confus, certains pensaient que Tom l'avait maudit, d'autres étaient persuadés qu'il avait fait un malaise, ceux restants étaient trop éloignés de la scène pour oser tirer des conclusions. Seuls les sorciers n'ayant rien à voir avec Ilvermorny semblaient ne pas prêter attention à ce qu'il venait de se passer. Se demandant seulement pourquoi le discours amplifié par un Sonorus du directeur s'était arrêté.
Le directeur en question tira un trait sur l'événement en concluant que la pression qui reposait sur les champions était grande et qu'il était normal de se sentir mal avant une épreuve. Puis il annonça qu'ils allaient procéder à la distribution des itinéraires ainsi qu'à la mise en place des bracelets anti-magie.
Et lorsque la foule fut concentrée sur Chul Fontaine et son partenaire qui recevaient ; pour l'un l'itinéraire et pour l'autre un bracelet anti-magie à chaque poignet, le directeur se tourna légèrement vers eux, les sourcils levés en interrogation. Visiblement perplexe sur ce qu'il venait de se passer.
Harry Potter l'ignora complètement. Il avait encore une douleur diffuse dans la tête et il n'avait vraiment pas envie de se préoccuper de Fontaine pour le moment.
L'Oiseau-tonnerre espéra que la cérémonie d'ouverture se terminerait bientôt, même si cela signifiait que l'épreuve commencerait.
Ce n'était pas comme s'il pouvait échapper à la première tâche maintenant. D'où il était il vit Gabrielle Delacour lui faire un signe de la main, elle avait l'air un peu inquiète mais elle n'eut pas l'occasion de se rapprocher de lui car, après les applaudissements des élèves et des sorciers présents pour Chul Fontaine, ce fut à son tour et à celle de sa partenaire d'être préparées pour l'épreuve.
Un instant plus tard, le directeur s'occupa d'Evan Diggory et de la petite sorcière qui l'accompagnait, celle-ci avait l'air d'une enfant, pas plus vieille qu'une première année et Harry se demanda si s'était vraiment autorisé par le règlement d'utiliser une enfant si jeune pour une tâche. Puis il se souvint que Gabrielle n'était pas plus âgée que ça lorsqu'on l'avait noyée dans le Lac Noir de Poudlard pour la deuxième tâche à son premier Tournoi et il se sentit de nouveau en colère contre cette aberration qu'on appelait Tournoi des Trois Sorciers.
Après celui-ci il ferait en sorte qu'il soit interdit par la Confédération internationale des sorciers, quitte à devoir contacter le Manitou suprême pour ça. Bien qu'il n'ait pas la moindre idée de qui avait pris la suite de Dumbledore à ce poste.
Il n'eut pas le temps d'y réfléchir, Fontaine se trouva bientôt devant eux. Il se tourna d'abord vers lui et lui tendit un parchemin plié en deux.
— L'itinéraire que vous devrez suivre est précisé sur cette carte. Vous devez passer par chaque balise présente sur ce plan et arriver à Ilvermorny dans trois jours maximum pour valider la tâche. Si vous croisez une balise appartenant à une autre équipe, ne l'activez pas. Arriver premier donne un avantage conséquent à la deuxième épreuve. Si un problème venait à survenir et que vous ou votre partenaire n'êtes plus en état de terminer l'épreuve...
À ce moment-là, le directeur fit une pause et il le dévisagea de cette manière détestable, celle qui le faisait se sentir comme un monstre, avant de poursuivre.
— … vous pouvez envoyer un signal de détresse vers Ilvermorny et une équipe de sorciers entraînés pour ça viendra vous récupérer. Bien entendu, ce sera considéré comme un abandon de votre part et vous subirez un malus pour la prochaine épreuve. Je n'ai rien d'autre à vous dire à part bonne chance. Avez-vous des questions ?
Harry s'apprêta à dire que non, lorsque Tom demanda pour lui.
— Tous les coups sont permis ?
Le directeur d'Ilvermorny détourna son attention de lui pour la fixer entièrement sur Gaunt puis il précisa, avec une expression étrangement neutre.
— On peut dire ça comme ça. Sauf les moyens aériens, bien sûr, mais le brouillard ne permet pas de les utiliser. Interdiction de voler ou de vous téléporter d'une quelconque manière que ce soit mais à partir du moment où vous traversez le Mont Greylock à pied, tout est permis.
Tom ne répliqua rien et le directeur ajouta.
— Passons à vous Monsieur Gaunt. Voyez-vous nous avons beaucoup discuté avec la présidente du MACUSA à ce sujet et nous avons décidé qu'étant donné vos capacités prodigieuses en matière de magie, des bracelets ordinaires risquaient de ne pas beaucoup vous gêner. Par conséquent, nous avons opté pour une paire spécialement conçue pour les criminels. J'espère que vous ne m'en tenez pas rigueur ?
Potter s'insurgea immédiatement.
— Je ne vois pas pourquoi il devrait être traité différemment !
Tom l'en remercia intérieurement tout en sachant que le directeur serait inflexible à ce sujet, c'était évident que Fontaine ne le laisserait pas participer à l'épreuve avec des bracelets qu'il pourrait détruire au moindre problème. C'est ce que répondit Agilbert Fontaine à son compagnon.
— Monsieur Potter, si votre partenaire est traité différemment ce n'est pas pour vous créer un handicap mais seulement car il est différent et par conséquent il est normal qu'il soit privé complètement de sa magie comme les autres concurrents. Ce ne serait pas juste pour vos camarades autrement, je suis sûr que vous êtes capable de comprendre ça.
Jedusor se retint de montrer au directeur à quel point leur différence était grande pour le punir de la manière dont il traitait continuellement Harry. À la place de ça, il tendit ses poignets vers l'homme et lui chuchota en se rapprochant dangereusement de lui.
— J'espère que vos babioles sont solides.
Fontaine ne se laissa pas décontenancer et il répliqua plus bas encore, en lui passant les bracelets.
— Je les ai testés moi-même. Elles résisteraient à un Seigneur des Ténèbres.
Tom ressentit instantanément la différence. Sa magie fut contrainte de regagner son corps et il sut que s'il y faisait appel, elle ne répondrait pas. Ce n'était pas comme la cage de Faraday qui annihilait la magie, il la sentait toujours à l'intérieur de lui, sauf qu'elle y était piégée. Comme entravée à l'intérieur de sa poitrine. Cette sensation était familière pour lui. C'était la sensation qui l'avait accompagné toute son enfance. Sa magie retenue avec violence à l'intérieur de son corps. Sauf que ce n'était pas lui qui la retenait aujourd'hui, c'était cette paire de bracelets en métal qui enserrait ses poignets.
Ceux que portaient les autres accompagnateurs étaient plus larges et plus fins, comme des anneaux décoratifs, les siens ressemblaient aux bracelets retenant les chaînes de prisonniers. Le directeur n'avait pas menti, il était allé chercher un modèle conçu pour les criminels.
Le jeune Seigneur des Ténèbres se posa la question de savoir s'il pouvait les faire sauter en essayant vraiment. En relâchant complètement sa magie. Il pourrait essayer, juste par curiosité. À ce moment-là, une main vient se poser sur ses bracelets et il entendit.
— Est-ce que tout va bien ? C'est douloureux ?
Tom fut sorti de ses pensées par Harry. Il contempla un instant le visage inquiet de son âme-sœur et s'arrêta en constatant les marques de griffures toujours présentes sur son front.
— Pas du tout. C'est comme retenir son souffle, ça ne fait pas mal.
Potter fronça les sourcils et répliqua.
— Jusqu'à étouffer.
Il s'y connaissait en retenue, il savait qu'à partir d'un moment ça devenait douloureux. Comme une brûlure constante dans les poumons. Celui qui tenait tant à l'accompagner, quitte à subir cela, rétorqua avec douceur.
— Je peux retenir mon souffle très longtemps sans souffrir.
Harry en conclut que dorénavant, il ne pouvait plus faire marche arrière. La première tâche était devant lui. La sécurité de Tom et la réussite de l'épreuve étaient entre ses mains.
Le directeur les laissa et ils durent se déplacer jusqu'à la première balise pour eux, qui se situait au nord du village de Goldenkey. Severus Rogue n'eut pas la permission de les accompagner jusque-là, il eut juste le temps de leur rappeler de ne pas faire n'importe quoi. Ce qui devait vouloir dire quelque chose comme "faites attention à vous". Puis Harry et Tom se retrouvèrent seuls, face à un mur de brume et une première balise à activer au moment où le signal serait donné.
Derrière eux, le chant qu'ils avaient entendu au moment où ils étaient arrivés à Goldenkey reprit de nouveau et Harry eut pour dernière pensée que celui-ci était plutôt joli pour un hymne scolaire. Empli de nostalgie et de douceur, pas vraiment adapté pour le départ d'une course d'orientation où ils allaient risquer leur vie. Très différent de l'hymne de Poudlard qui était enfantin et amusant.
À gauche et à droite de l'endroit où ils étaient, les champions virent des feux de Bengale être tirés. Cet acte mit fin au chant et sous les applaudissements de la foule derrière eux, les différents champions - placés aux quatre points cardinaux du village - activèrent leur première balise avant de se fondre dans la brume.
La première tâche du Tournoi des Trois Sorciers venait d'être lancée.
À suivre...
