Chapitre 37 : Le Beau et le Monstre

Bon matin ! Première danse : le Beau et le Monstre ! (Une référence fort peu discrète à la Belle et la Bête, je sais !) On ouvre le bal avec une valse, une danse tournoyante, une danse de couple, un corps à corps ! C'est une ouverture sur un chapitre entièrement consacré à Harry et Tom, à leur relation, à son évolution. Alors isolez-vous dans un coin tranquille, mettez de la musique (ou pas selon vos préférences) et préparez-vous à une invitation à valser. Tantôt avec Harry dans les pensées de Tom, tantôt avec Tom à travers Harry. Puisqu'il s'agit d'une valse, ne vous attendez pas à trop d'action ! On va surtout regarder un couple enlacé se déplacer sur la piste de danse en tournant sur lui-même. Il y aura quelques faux pas mais ça ne pourra rendre cette danse que plus touchante. Qu'en pensez-vous ? Vous pouvez me laisser une review après votre lecture, pour applaudir (ou non) les danseurs !


Blanc, tout était blanc autour de lui. Tom ne voyait pas à plus de quelques centimètres, sa magie ne lui répondait pas et il sentit son souffle se raccourcir. Il détestait ça. L'impression d'être piégé. De ne pas voir alentour, de ne pas pouvoir faire appel à sa magie. Ça lui rappelait l'orphelinat. Ça lui rappelait la guerre, le blitz allemand. Là où, dans une ville qui se faisait bombarder et où toutes les lumières devaient être éteintes, il se retrouvait seul dans le noir avec pour unique compagnie la sonnerie stridente, annonciatrice de morts imminentes. Abandonné, privé de sa magie dans un environnement hostile.

La directrice l'oubliait lorsqu'il fallait évacuer les orphelins pendant l'alerte. Elle l'oubliait avec plaisir. Elle le faisait exprès. Ce n'était pas seulement un oubli, lorsqu'elle faisait l'appel, elle se contentait de sauter son nom sur la liste, comme s'il n'existait pas. S'il avait le malheur de se faire remarquer, de les suivre ou de se plaindre, c'était pire encore. Insultes et coups. Son enfance et son adolescence s'étaient déroulées dans la violence. Elle lui était coutumière. Autant que la noirceur du cœur des hommes.

Les nuages noirs du bombardement ayant sévi sur Londres se confondirent pendant un instant à ses yeux avec la brume pourtant blanche et inoffensive qui recouvrait le Mont Greylock et pendant un instant, il oublia l'épreuve, la première tâche.

Tom oublia avec qui il était et où il était. Son âme se remplit de la solitude qui avait longuement été la sienne et la douleur que cela provoqua dans son cœur lui parut banale, habituelle.

Dans son esprit il n'y avait que les images de ce passé dont il ne pouvait se détacher. Ce n'était pas compliqué pour une âme déchirée de revivre en boucle les traumatismes qui l'avaient conduit à ces extrémités. Vouloir l'invulnérabilité, ne plus désirer rien d'autre que l'inertie émotionnelle.

Il se serait perdu à nouveau, aurait souffert de ses souvenirs d'enfance encore longtemps s'il avait été véritablement seul en cet instant. Cependant cela faisait un moment maintenant que son âme n'était plus seule et aussi facilement que le brouillard l'avait plongé dans l'horreur, il fut dissipé. Emportant avec lui les lamentations de son âme.

La brume se découvrit autour de lui. Autour d'eux. Le ciel lui apparut enfin, il ne voyait pas bien loin devant lui mais il le voyait de nouveau et au-dessus d'eux le ciel parut devenir un couloir bleu. Protecteur et bienveillant, un halo céleste qui suivrait ses pas tant qu'il se tiendrait sous son égide. Tant qu'Harry l'illuminerait, son passé ne pourrait le dévorer. La noirceur de son cœur resterait repliée loin de son âme écartelée qui tentait de l'oublier.

Alors que la brume s'était assez dissipée pour qu'il puisse voir son visage, Harry lui sourit. Tom sentit l'intégralité de son être se réchauffer et le bombardement s'évanouit pour de bon. Son âme s'agrippa à celle de celui qui lui souriait. Il eut l'impression d'être immortel. Éternel, tant qu'il pourrait continuer de le contempler.

Un court instant s'échappa devant lui. Tom aperçut les mains d'Harry Potter fouiller dans l'une de ses poches pour en sortir quelque chose et alors que le jeune Seigneur des Ténèbres reprenait conscience de l'endroit où il était de ce qu'il y faisait, son âme liée lui souffla.

§ Retourne-toi. §

Il lui obéit sans la moindre hésitation, sa confusion ne changeait rien au fait que son âme reconnaissait en Potter la seule raison de vouloir ressentir autre chose que l'apathie. Pour pouvoir ressentir l'amour. Encore. Jusqu'à la folie.

Dos à lui, Jedusor sentit le corps du Gryffondor derrière le sien juste avant de voir des mains et des bras encadrer son cou pour y attacher quelque chose. Avec lenteur, le Serpentard attrapa la chose en question entre ses mains alors que le fermoir d'une chaîne, reliée à un pendentif, était relâché au-dessus de sa nuque.

Un pendentif à l'effigie de Poudlard. Une médaille d'argent de petite taille. Au dos de celle-ci, il y avait inscrit de manière maladroite, comme ajoutée après la conception du bijou.

"Pour te protéger."

C'était l'écriture d'Harry, elle était imprégnée de sa magie. D'autres traces de magies y étaient mêlées et Tom comprit facilement d'où venait ce collier.

Il ne se retourna pas pour autant, empêchant seulement Potter de fuir en attrapant son manteau derrière lui et il lui souffla à voix basse.

§ Il vient de la boîte que tu as toujours sur toi ces derniers temps. §

Tom sentit la respiration du lion s'arrêter un court instant derrière lui avant que celui-ci précise. Répondant à son affirmation comme s'il s'agissait d'une question.

§ Oui, il m'était destiné mais… je préfère que ce soit toi qui le portes. J'y ai ajouté ma magie, il te protégera de n'importe quel danger même si celui-ci menace ta vie. Ça ne marchera qu'une fois mais ce sera suffisant, je ne compte pas échouer à deux reprises. §

C'était le cadeau que ses amis avaient offert à Harry avant son départ pour Ilvermorny.

Potter était en train de lui offrir à son tour. Ce cadeau qu'il emportait partout avec lui depuis une semaine, dont la boîte traînait toujours dans sa poche, même lorsqu'il allait en cours. Ce cadeau qu'il ne lui avait pas montré, Tom pensait qu'Harry en était si content qu'il voulait le garder pour lui, sans même lui dire ce qu'il y avait à l'intérieur.

Sauf qu'il l'avait modifié pour lui et que maintenant, lui offrait. Jedusor songea un instant qui avait éprouvé de l'aversion envers cette boîte. Parce que le Gryffondor semblait beaucoup tenir à elle, comme il tenait toujours à ses amis, même quand ceux-là étaient loin de lui et incapables de le comprendre.

Le mage noir avait été en colère à l'idée que malgré leur relation, qu'il considérait plus forte qu'une amitié, Harry était toujours très attaché à ses camarades de Poudlard.

Alors au moment où il avait trouvé un sortilège qui permettrait à Harry de leur parler sans restriction, il ne le lui avait pas donné. Il aurait dû mais il était injuste et exclusif.

Tom savait qu'il n'était pas quelqu'un de bien. Parce que même en sachant que Potter souhaitait avoir de leurs nouvelles et pouvoir leur parler, il voulait le garder uniquement pour lui. De peur de le perdre. Que ses amis l'éloignent de lui comme ils l'avaient fait en offrant cette boîte.

Parce qu'il n'avait jamais rien eu d'aussi beau que ce lien entre Harry et lui et qu'il tentait désespérément de le protéger. Il considérait chaque petite chose qui écartait le regard de Potter de lui comme quelque chose qu'il devait détruire.

Ce n'était pas sain.

Tom savait qu'il ne l'était pas.

Il n'était pas gentil. Même s'il avait des difficultés à comprendre ce qu'était la gentillesse, la bonté, il était capable de la reconnaître en Harry. Harry était le premier. À faire preuve de bienveillance. Pour lui, dans son monde, Tom n'avait rencontré qu'un seul être capable de bonté.

Avant de faire la rencontre de Potter, Tom pensait que cela n'existait pas. Que personne n'était véritablement bon, que l'humanité avait une conception fantaisiste du bien et du mal. Puis Potter était arrivé.

Potter, le héros prophétisé, l'Élu, le Survivant, une icône pour le peuple, une image façonnée pour ressembler à cette conception fantaisiste du bien et du mal. Ça n'aurait pas dû être. Si ça avait été n'importe quel autre petit garçon à sa place, le monde magique aurait vite déchanté.

Parce que les héros n'existaient pas. Qu'il n'y avait personne pour sauver la veuve et l'orphelin pendant un blitz aérien. Qu'en vérité l'humanité était un repaire d'égoïstes cruels qui se plaisaient à s'autodétruire et que dans cet univers, pour se protéger, Tom avait été obligé de devenir le pire de tous. Pour pouvoir faire face aux autres.

Harry Potter, lui, était né bon. Il avait grandi avec de mauvaises personnes et aurait pu devenir comme elles mais ce n'était pas le cas. Potter restait bienveillant même envers ceux qui lui voulaient du mal.

Lord Voldemort avait pour conviction qu'il n'y avait pas de bien ni de mal, qu'il n'y avait que le pouvoir, et ceux qui étaient trop faibles pour le rechercher…

Voldemort se trompait. En partie seulement. Tom était toujours d'accord pour dire que le pouvoir était primordial, bien plus qu'une notion vague de bien ou de mal, mais avec Harry il avait compris ce qu'était le bien. Le bien n'avait qu'un seul représentant à ses yeux et il était donc évident à déterminer. Et tant qu'Harry existerait, il incarnerait cette définition du bien.

Potter. Potter qui n'avait aucun attrait pour le pouvoir, qui n'était même pas capable d'imaginer vouloir s'en servir pour lui-même. Potter qui, assurément, se serait jeté sous les obus d'un raid aérien seulement pour donner à un coup de main. Potter pour qui le bien n'était pas un concept, Potter pour qui être bon signifiait seulement "être".

Le bien, pour Tom, devait être comme ça. Comme ce geste. Celui d'offrir un présent qui lui était destiné à quelqu'un d'autre pour que celui-ci puisse s'en servir à sa place. Le bien était sans concessions.

Il ne l'atteindrait jamais. Ne ferait qu'effleurer du bout des doigts la sensation de ce à quoi cela devait ressembler d'être quelqu'un de bien.

Jedusor s'était habitué à être le méchant. À faire des choses que le reste du monde trouvait cruelles sans éprouver de regrets. Cacher cette cruauté à son entourage était ce qu'il faisait de mieux. Parce que même si le reste de l'humanité n'était pas bien meilleur que lui, elle se plaisait à le penser et aimait stigmatiser ceux d'entre eux qui, comme lui, s'étaient avoués à eux-mêmes être mauvais.

Être un véritable monstre. Sans empathie ni remords. Sans émotion autre que celles qui feraient se sentir malade n'importe qui d'à peu près sain d'esprit.

Il était persuadé que cette partie de lui ne partirait jamais. Celle qui se complaisait dans la cruauté. Celle qui était incapable de vouloir bien faire. Tom était persuadé qu'il était trop… cassé à l'intérieur, pour être désolé pour une mauvaise action. Qu'il ne se sentirait jamais coupable d'avoir commis un acte injuste pour quelqu'un d'autre.

Excepté à cet instant, parce que cette partie de lui comprit la raison pour laquelle Harry lui avait caché son cadeau. Elle comprit pourquoi le Gryffondor vérifiait à chaque instant que celui-ci était bien dans sa poche, Tom savait pourquoi Harry avait attendu ce moment pour le lui donner.

C'était un présent, quelque chose qu'il comptait lui offrir. Il ne l'avait pas gardé loin de lui à cause d'une préférence pour ses amis mais juste parce qu'il comptait le lui offrir au bon moment.

Ce collier était pour lui. Potter se séparait d'un cadeau de ses amis pour le lui offrir. Parce qu'il voulait être sûr qu'il soit en sécurité durant cette épreuve. Parce que Potter était incapable de vouloir garder le pouvoir pour lui. Parce qu'il était ce genre d'être qui donnait le peu qu'il recevait à ceux qu'il estimait.

Tom sentit ce sentiment encore neuf vaciller à l'intérieur de lui. Il était heureux, monstrueusement joyeux à l'idée qu'Harry lui offre un cadeau mais ce sentiment de bonheur était entaché par autre chose. Plus vacillante, cette émotion-là était nouvelle, il n'était pas certain de la ressentir entièrement mais cela ressemblait un peu à un regret.

Envers Harry. Parce que Tom l'avait privé du bonheur de parler avec ses amis sans autre raison que sa peur de le voir s'éloigner de lui. Parce qu'il s'était comporté avec Harry exactement comme il l'aurait fait avec n'importe qui d'autre et que Potter méritait mieux que ça. Tellement mieux. Mieux que lui et sa volonté de l'isoler pour qu'il puisse n'appartenir qu'à lui.

Seulement, jamais Tom ne laisserait Potter avoir autre chose que lui. Par conséquent, s'il méritait mieux, c'était à lui de devenir meilleur.

Après un instant à contempler le pendentif, le jeune Seigneur des Ténèbres relâcha le manteau du lion derrière lui et déclara dans un anglais assez imparfait.

— Je ne le mérite pas.

Harry fronça les sourcils alors que le lien lui faisait parvenir confusément les émotions contradictoires du Serpentard. Il semblait heureux mais il y avait quelque chose qui le dérangeait. Était-ce parce que le collier avait été fait par Hermione et les autres ?

Potter savait que Gaunt n'éprouvait aucune sympathie pour ses amis et pendant un moment il s'était demandé si le mage noir accepterait de porter quelque chose qu'il avait d'abord reçu de leur part, puis il s'était dit qu'il pourrait quand même l'offrir au Serpentard puisqu'il y avait ajouté sa propre magie pour renforcer le sort originel.

Harry s'était dit que ce serait suffisant pour convaincre Tom, que la petite partie de lui gravée sur ce collier pourrait le convaincre de le garder. Peut-être s'était-il trompé ? Jedusor haïssait peut-être trop ses amis pour ça.

Il aurait compris si Jedusor avait refusé de le porter pour cette raison, parce qu'il s'attendait à ce que cela le dérange. Cependant la réaction de Tom n'était pas celle qu'il avait redoutée. Jamais il n'aurait pensé que celui-ci déclarait ne pas l'avoir mérité.

Les cadeaux ne fonctionnaient pas au mérite. Ça ne semblait pas correct. Tom savait ça, n'est-ce pas ? Harry était certain qu'on n'avait pas besoin de mériter quoi que ce soit pour recevoir un présent. Ce n'était pas une récompense, c'était un cadeau et cela le rendait légitime peu importe la situation.

C'est ce qu'il répliqua.

— C'est un cadeau, tu n'as pas besoin de le mériter. Je te l'offre, il est à toi.

Tom se retourna, une de ses mains était toujours agrippée à la médaille comme s'il se répugnait à devoir la lâcher. Harry ne put éviter les yeux rougeoyants du mage noir et il sentit son cœur avoir un raté dans sa poitrine à cause de l'intensité avec laquelle celui-ci le regardait.

Après un instant, Jedusor détourna ses yeux de lui et Harry reconnut tout à coup l'expression de son visage, c'était la même que celle qu'il avait eu après avoir dévoilé son identité à Agilbert Fontaine.

Tom avait l'air coupable. De quoi ? C'était la question que se posait le Gryffondor. Qu'est-ce qui faisait penser à Jedusor qu'il ne méritait pas de recevoir un cadeau de sa part ? Qu'avait-il fait ?

Harry sentit que le mage noir hésitait à lui dire ce qui n'allait pas et bien qu'il sache que ce n'était pas le moment de perdre du temps, il songea que ce devait être important. Alors le Gryffondor tenta de rassurer celui-ci, avec maladresse.

§ Je ne sais pas ce qui te fait penser que tu ne le mérites pas mais je n'ai aucune raison de t'en vouloir alors s'il y a quelque chose que tu veux me dire, je t'écoute. §

Les yeux de Jedusor revinrent brièvement sur lui pour rencontrer les siens avant qu'il n'avoue.

§ J'ai trouvé comment contacter Poudlard à distance. §

Tom vit immédiatement les lèvres d'Harry se relever dans un sourire éclatant, celui-ci déclara que c'était vraiment une bonne nouvelle puis, tout à coup, il fronça les sourcils, perdit son sourire et lui demanda avec perplexité.

§ Pourquoi tu te sens coupable de ça ? On cherche depuis une semaine, tu devrais être cont- §

Il se tut et Tom sut qu'il avait compris. Il s'attendait à ce que le Gryffondor lui en veuille, qu'il lui crie dessus. Qu'il lui reprenne ce qu'il venait de lui donner.

Rien de tout ça n'arriva. Car Potter était comme ces héros qui n'existaient que dans l'esprit des enfants. Ceux qui se refusaient à haïr le mal parce que ça paraissait être mauvais.

Potter croisa ses bras sur sa poitrine et soupira profondément. Puis il lui demanda d'une voix neutre.

— Depuis combien de temps ?

Et l'ex-Seigneur des Ténèbres lui répondit que cela faisait cinq jours. Le Gryffondor sembla accuser le coup un instant puis il lui demanda pourquoi il l'avait caché et le Serpentard comprit que même si Harry devait se douter de sa motivation, il avait besoin de l'entendre de sa bouche. Alors il déclara.

§ Je ne voulais pas que tu leur parles. Je craignais qu'ils ne te demandent de t'éloigner de moi. §

Il ne pouvait pas être plus sincère. Les épaules du Gryffondor tombèrent. Il avait l'air plus résigné que surpris et sur le coup cela rassura Jedusor. Alors que ça n'aurait pas dû. Si Harry n'était pas surpris c'était qu'il savait, il savait qu'il était mauvais. Qu'il n'y avait en lui rien de défendable, rien d'honorable et qu'il ne changerait pas. Ou du moins jamais totalement. Pour autant, Tom ne voulait pas de ça. Qu'Harry s'habitue à ce qu'il lui cache des choses. Potter acceptait déjà de lui qu'il soit le mal incarné, alors il n'avait rien d'autre à lui cacher.

Lorsque le Gryffondor lui demanda dans un souffle.

§ Tu te sens désolé par rapport à ça ? §

Tom sentit qu'il devait lui dire la vérité. Qu'il lui devait une sincérité à la hauteur de la lumière émanant de son âme. Incommensurable.

Harry redoutait la réponse du mage noir et même en se préparant à l'entendre, il eut du mal à l'accepter.

§ Je ne regrette pas de t'avoir empêché de leur parler. §

Potter secoua la tête, bien sûr que Jedusor ne regrettait pas d'avoir fait quelque chose qu'il considérait comme positif pour lui. Tom n'était pas du genre à regretter quoi que ce soit. Le Serpentard avait déjà des difficultés à reconnaître le bien du mal, alors il ne pouvait pas être sincèrement désolé pour avoir mal agi.

Harry se demanda pourquoi le mage noir se sentait obligé de lui avouer ça maintenant s'il n'avait pas de regrets à ce sujet. Puis le Seigneur des Ténèbres interrompit ses pensés en ajoutant, sans détour.

§ Je ne me sens pas désolé pour tes amis. Je ne regrette pas de les avoir éloignés de toi. Mais j'ai un regret. Je me sens désolé quand je pense que cela aurait pu te rendre heureux. §

Tom vit la surprise déformer les traits de Potter et celui-ci resta hébété un instant avant que ce qui ressemble à une rougeur se répande sur ses joues.

Harry était en train de rougir. En remarquant ça, le mage noir pencha un peu la tête sur le côté en se demandant ce qui avait provoqué ça, puis il répéta dans un sifflement plus affirmé.

§ Je veux que tu sois heureux. §

Et la rougeur empira et Potter bondit hors de son corps pour s'exclamer, visiblement mal à l'aise.

§ Arrête de répéter ça ! §

Se détournant de lui, il grogna.

§ J'ai compris. Je ne t'en veux pas alors pas la peine de te sentir mal à cause de ça. Tu n'auras qu'à m'expliquer comment contacter Poudlard et ça réglera le problème. §

Il ne lui en voulait pas. Forcément. Harry Potter ne lui en voulait pas d'être le meurtrier de ses parents alors il accepterait de lui beaucoup de failles. De défauts. Celui qui faisait de lui un être possessif et exclusif ne faisait pas exception.

Tom aurait pu en conclure que cela n'avait pas d'importance, que si Potter lui pardonnait si facilement alors il pourrait continuer. Néanmoins, la seule leçon qu'en tira le Serpentard fut que s'il voulait avoir une chance avec Potter, il devait au moins être capable de ça. La sincérité.

Potter semblait capable d'accepter tout venant de lui à condition qu'il soit honnête. Jedusor se doutait que si Harry avait découvert qu'il lui cachait ce sort autrement que comme ça, sa réaction aurait été différente. Car bien qu'Harry soit né profondément bon, même les héros ne pouvaient accepter la tromperie.

À ce moment-là le lion s'éloigna un peu de lui, s'accroupissant pour déplier le plan donné par Agilbert Fontaine. Ce qui obligea Tom à se souvenir de leur premier objectif. Remporter cette tâche. Ou tout du moins, en sortir sains et saufs puisque Harry ne désirait pas la victoire.

Néanmoins et malgré qu'il veuille sincèrement recentrer ses pensées sur l'épreuve, Tom ne put s'empêcher de songer au rougissement discret mais bien présent qui s'était étendu sur les joues de Potter, un peu plus tôt.

Alors comme ça Harry était gêné à l'idée qu'il veuille son bonheur ? Était-ce parce que c'était lui ? Ou seulement parce que c'était la première fois qu'on proclamait vouloir qu'il soit heureux ?

Tom aurait aimé être sûr que ce soit parce qu'il était celui qui venait de le dire mais il y avait de fortes chances que ce soit la première fois que quelqu'un avoue à Harry qu'il faisait passer son bonheur avant le sien, avant celui des autres. Sans doute était-ce ça qui l'avait touché puis gêné.

En remarquant que son partenaire était en train de comparer le plan donné par le directeur à la carte qu'ils avaient préparée ensemble, Jedusor se décida à mettre de côté cette idée et se rapprocha du lion en concluant.

§ Je te donnerai la formule permettant de contacter Poudlard dès que nous aurons un moment. §

Potter acquiesça en lançant un coup d'œil au collier que Tom avait laissé en évidence au-dessus de ses vêtements, puis ils se concentrèrent pour trouver l'itinéraire parfait.

Suivre le plan du directeur n'était pas une possibilité envisageable, c'était la meilleure façon de tomber dans un piège. À la place de ça, ils allaient placer l'emplacement de leurs balises sur la carte détaillée qu'ils avaient constituée ensemble et se fier à celle-ci pour tracer les runes de géolocalisation de la deuxième balise.

Cela ne leur prit que quelques minutes puis ils purent partir en direction de la balise numérotée au chiffre deux.

Ils pensaient pouvoir en activer quatre ou cinq aujourd'hui. L'épreuve s'étalait sur un maximum de trois jours mais s'ils s'en sortaient bien et en comptant le fait qu'il n'y avait que douze balises à activer en comptant celle de la ligne de départ et d'arrivée, il devrait pouvoir s'en sortir en deux jours. Cela ne leur faisait que dix balises à activer sur le chemin.

Les premières seraient les plus difficiles car le brouillard était plus épais et le sol moins praticable en bas du Mont Greylock. Ça s'améliorerait par la suite et avec un plan précis des zones dangereuses à éviter, se rendre de balise en balise ne semblait pas particulièrement compliqué.

Ils étaient préparés pour cette ascension, ils ne pouvaient pas échouer.

La première difficulté qui se présenta à eux fut de rester assez proche l'un de l'autre pour ne pas se perdre de vue dans le brouillard. Harry aurait pu disperser encore la brume, mais Tom lui avait conseillé de conserver sa magie. Ils s'attendaient à ce qu'Agilbert Fontaine ait prévu quelque chose sur le parcours spécialement pour eux, mais comme ils ignoraient complètement ce que pouvait être cette chose, ils préféraient être trop prudents que pas assez.

Alors ils furent obligés de gravir les éboulis de roches, les chemins de terre et les pentes entre les sapins sans s'éloigner de plus d'un mètre l'un de l'autre.

Ce n'était pas une mauvaise chose songea Harry, il y avait moins de risques que Tom se blesse dans ces conditions. Puisque le mage noir était privé de sa magie, le lion s'était convaincu que Jedusor serait moins adroit et confiant, qu'il aurait davantage besoin de son aide.

Ce n'était pas le cas du tout, Tom n'avait pas besoin de sa magie pour mettre un pied devant l'autre et il semblait ne pas tant souffrir que ça de l'absence de celle-ci. C'était rassurant dans un sens et presque décevant dans l'autre. Il n'avait pas besoin de son aide, Harry s'était tourmenté à ce sujet pour pas grand-chose finalement.

Après trois bonnes heures de marche à se concentrer sur le chemin et à observer les alentours tout en étant sur le qui-vive, ils arrivèrent à la balise deux. Tom l'activa en passant l'un de ses bracelets anti-magie au-dessus d'elle. La balise émit un bip sonore et l'heure de son activation s'afficha au-dessus d'elle, juste à côté d'un chronomètre qui ne cessait de défiler.

C'était la seule donnée qu'aurait Ilvermorny pour suivre l'évolution des participants à l'épreuve, chaque balise validée s'affichait sur un immense tableau, proche de la ligne d'arrivée où les sorciers observant l'épreuve s'étaient réunis, Ilvermorny avait organisé trois jours de fête, d'activités et de banquets. Il était rare que l'école soit ouverte au public alors le directeur avait mis les petits plats dans les grands. Les invités devaient être en train de manger à cette heure-ci et de comparer le chronomètre de la deuxième balise de chaque champion.

Harry se demanda un instant s'ils étaient en avance ou en retard puis il songea que cela n'avait pas la moindre importance, arriver le dernier ne le dérangeait pas. Il voulait seulement que l'épreuve se déroule sans encombre.

Ils s'arrêtèrent pour boire et manger quelque chose près de la balise et reprirent leur route tout de suite après. Tom avait prévu qu'ils valident au moins jusqu'à la balise cinq aujourd'hui et pour ça, ils allaient certainement devoir marcher jusqu'à la nuit tombée.

Comme tout était calme depuis un moment, Harry se détendit et bientôt Tom siffla dans l'intimité que leur accordait la brume.

§ Ta cicatrice t'a fait souffrir lorsque j'ai essayé de te partager mes pensées. §

L'Oiseau-tonnerre savait que ce sujet de conversation allait venir à un moment où à un autre alors il ne fut pas surpris d'entendre Jedusor déclarer ça de but en blanc. Ce n'était pas une question. Comme d'habitude, le mage noir était sûr de lui. Le Seigneur des Ténèbres affirmait toujours avant de poser la moindre question.

Pour être tout à fait franc, Harry ignorait complètement la raison pour laquelle sa cicatrice lui avait fait mal. Cette cicatrice était issue du sort de mort et c'était par elle qu'il était devenu un Horcruxe. Elle était aussi, pour Harry en tout cas, le témoignage du sacrifice de sa mère. Il avait survécu grâce à elle et il était devenu un Horcruxe à cause de l'âme morcelée du Seigneur des Ténèbres.

Cette cicatrice sur son front était beaucoup de choses, le fait qu'elle réagisse à une tentative de télépathie de la part d'un jeune Lord Voldemort n'avait finalement rien de surprenant.

Tom n'avait pas demandé pourquoi il avait eu mal, il affirmait seulement que c'était le cas. Le Gryffondor se contenta de hocher la tête en réponse. Il ne se sentait pas prêt à évoquer tout ce que représentait cette marque pour lui avec Jedusor. Ça paraissait trop complexe pour être un sujet de conversation décent.

Ce n'était pas contre le mage noir, Potter voulait seulement éviter de se remémorer la mort de ses parents, ainsi que la sienne, dans la forêt interdite. Lorsqu'il avait fallu qu'il meure pour que l'Horcruxe en lui s'en aille.

Il n'en avait pas envie et, tout comme pour la guerre, il redoutait le moment où le jeune Seigneur des Ténèbres n'aurait plus la patience d'attendre qu'il souhaite lui en parler. Harry redoutait le moment où il devrait tout lui raconter, quitte à ce que cela réveille la rancœur qu'il avait pour Voldemort.

Évidemment, l'héritier des Gaunt n'abandonna pas malgré son silence. Tom Elvis Jedusor ne s'avouait jamais vaincu sans combattre. Par fierté, par habitude, pour obtenir ce qu'il voulait. Encore fallait-il que Harry devine ce que Jedusor désirait véritablement savoir.

§ La télépathie n'est pas quelque chose de dangereux. Tous les liens de nature magique permettent de l'utiliser. §

Ça se précise songea Harry avec un sourire prudent. Tom était dérangé à l'idée que quelque chose empêche leur lien de fonctionner correctement.

De son côté, Potter pensait qu'il y avait davantage de chances que ce soit leur lien le problème. Il n'était certainement pas comme un lien classique que pouvaient avoir deux sorciers l'ayant voulu grâce à la magie. Par conséquent, il y avait des chances pour que celui-ci ne fonctionne pas tout à fait comme Tom le voulait.

Parce qu'il était évident que Jedusor idéalisait beaucoup leur lien. Cette chose responsable de la prophétie et de leurs malheurs ne pouvait pas fonctionner correctement. Harry était catégorique là-dessus. Il n'y avait rien de bon qui ressortirait de ce lien dont l'Oiseau-tonnerre préférait ignorer la nature.

Néanmoins, pour ne pas blesser le mage noir à ce sujet car le Gryffondor se doutait que dire à Tom qu'il pensait leur lien défectueux au mieux et dangereux au pire n'était pas une bonne idée ; il se contenta de répondre évasivement et en anglais.

— Notre lien n'est pas seulement de nature magique. Peut-être qu'il n'est pas adapté pour la télépathie.

Après tout, leur lien n'était pas courant, si les autres étaient adaptés à la télépathie, le leur ne l'était probablement pas. Potter se convainquit presque de ça. Il savait que la télépathie avait fonctionné et que c'était sa cicatrice la responsable de sa douleur mais l'idée du lien défectueux était plus réconfortante.

Harry grimpa par-dessus un rocher en déclarant ça et lorsque Tom lui attrapa le bras, il fut déséquilibré, il tomba et se retrouva dans une position précaire, à quelques centimètres du visage du Seigneur des Ténèbres lorsque celui-ci lui demanda.

§ Essaie. Essaie sur moi. §

Le Gryffondor eut besoin d'un instant pour comprendre ce que Gaunt lui demandait. Il évita de plonger son regard dans celui du Serpentard et siffla en essayant de stabiliser sa prise sur la roche.

§ Ce n'est pas le moment, Tom. §

Harry ne savait même pas comment il était censé s'y prendre. Il n'allait pas essayer. Maintenant il savait ce que Jedusor voulait, ce à quoi cette conversation menait. Il n'allait pas essayer la télépathie, pas ici, pas maintenant.

Gaunt ne le relâcha pas. Après une seconde de plus, il lui demanda.

§ Est-ce que cela te fait peur ? §

Harry déglutit. Pourtant il réussit à déclarer, en cessant de fuir le regard de son coéquipier.

— Je ne vais pas essayer. J'ignore tout de la télépathie et je ne compte pas l'utiliser.

Oui, il avait peur. L'expérience qu'il venait d'avoir lui suffisait. La télépathie ou plutôt ce que Tom avait utilisé sur lui et qu'il pensait être de la télépathie, ce n'était pas inoffensif.

Harry n'avait pas inventé la sensation de… résonance qu'il avait ressentie. C'était dangereux. Severus Rogue n'avait pas perdu son calme sans raison. La télépathie dont parlait Tom n'était pas juste un moyen pour partager ses pensées avec quelqu'un d'autre.

Il avait réussi à le faire sans sa permission. Sans qu'il ne puisse rien empêcher, il n'y avait aucune barrière qui pouvait la restreindre ou l'arrêter. Cette forme de télépathie était très différente de celle décrite dans les livres.

Tom n'en savait rien puisqu'il ne l'avait pas expérimentée. Celui-ci passa par-dessus le rocher et grimpa sans mal pour s'installer au-dessus de lui, de l'autre côté. Il ne l'avait toujours pas lâché lorsqu'il lui dit, les yeux légèrement plissés.

§ Tu as une bonne raison pour refuser. §

Affirmation ne souffrant d'aucune hésitation, pause puis question.

C'était la chanson que lui chantait Tom chaque fois qu'il désirait des informations ou n'importe quoi d'autre de sa part.

Ce n'était pas vraiment du chantage, de la manipulation ou même de la persuasion. C'était juste comme si Jedusor était convaincu qu'il finirait par lui céder tout ce qu'il voulait juste parce qu'il le lui demandait. Peut-être justement car l'héritier de Salazar Serpentard savait qu'il ne pouvait pas le manipuler, le menacer pour obtenir ce qu'il voulait alors il ne lui restait qu'une option. Lui demander jusqu'à ce qu'il cède. Inlassablement.

§ Qu'est-ce que tu sais que je ne sais pas ? §

Tout. Jedusor ne savait rien. Rien de la guerre, rien du passé qui les liait véritablement. Rien de la manière dont il avait survécu à l'Avada Kedavra. La seule chose qu'il connaissait et qu'Harry ignorait, c'était la véritable nature de leur lien. Qu'il pensait être une bénédiction. Là où Potter savait qu'il s'agissait d'une malédiction. Parce qu'il l'avait expérimenté depuis plus longtemps, parce que Voldemort avait utilisé ce lien contre lui.

Lord Voldemort avait toujours ignoré qu'Harry était un Horcruxe pourtant il savait qu'il y avait quelque chose entre eux. Un lien. Qu'il craignait et qu'il l'avait poussé à vouloir sa mort plus que tout au monde.

Ce lien et la prophétie étaient les deux seules choses que Jedusor connaissait de leur passé commun.

Sous les yeux de Tom, le regard d'Harry se voila des images de la guerre. Le mage noir ressentit une grande frustration à cela. Comme si une partie de son histoire avec Harry, avec celui qu'il aimait, lui était inaccessible. Il avait renoncé à ses souvenirs pour ne pas redevenir un monstre mais il ne voulait pas renoncer à une partie d'Harry. Même si cette partie-là le haïssait, même si elle n'avait pour lui que mépris et volonté de destruction. Si elle faisait partie d'Harry, elle lui appartenait aussi.

Tout ce que Tom ignorait avait toujours un rapport avec ce qui s'était passé alors qu'il était encore Voldemort. Avait-il déjà utilisé - par le passé et dans une volonté de faire souffrir Harry - la télépathie ?

Ça paraissait être quelque chose qu'il aurait pu faire. Sur un ennemi et si la télépathie était aussi douloureuse pour Harry qu'elle l'avait été aujourd'hui, nul doute qu'il l'aurait utilisé comme une torture. Un moyen de pression sur quelqu'un qu'il désirait détruire.

Potter se hissa à ses côtés, son expression toujours perdue dans une réalité qui n'était plus et Jedusor ne le supporta pas.

Que ses amis puissent le tenir loin de lui était déjà insupportable alors que ce fut lui-même, une version de lui qu'il méprisait, qui le fasse le rendait malade. Lord Voldemort n'aurait rien d'Harry qu'il n'avait pas lui-même.

L'Oiseau-tonnerre fut brusquement sorti des méandres de sa mémoire par une main sur son front. Le Gryffondor voulut immédiatement retirer cette main étrangère qui s'était posée sur lui mais il s'avéra que celle-ci n'avait rien d'étranger. Elle retraça de ses doigts sa cicatrice.

§ Je voudrais toutes les faire disparaître. Les regretter et recommencer pour regretter à nouveau. Pour savoir ce qui, à travers elles, te lie à moi. §

Quoi ? Qu'est-ce que ?

La main sur son front descendit sur ses yeux et Harry ne put pas plonger son regard vers les orbes rouge sang qui le regardaient. Il essaya de trouver le sens des mots que Tom venait de lui siffler.

Le Seigneur des Ténèbres venait de lui avouer vouloir effacer sa cicatrice. Ses cicatrices, au pluriel. Pour les déplorer et les lui faire à nouveau. Pour regretter et savoir à quoi elles correspondaient. Connaître les événements qui lui avaient causé ses blessures.

Harry sentit son corps devenir froid, une appréhension sourde l'empêcha de bouger et il ne put qu'essayer de comprendre le raisonnement malade qui avait mené Gaunt à déclarer quelque chose comme ça. Il abandonna lorsqu'il comprit qu'il ne voulait pas savoir.

Potter n'avait pas la moindre envie de saisir ce qui, dans l'esprit inadapté de Jedusor, l'avait poussé à désirer revivre les événements derrière les marques qu'il portait sur le corps. Les lui faire à nouveau pour les regretter encore.

Il réussit à inspirer et expirer profondément. Pour faire dégeler la glace qui l'empêchait de réagir impulsivement. Sans bouger, alors même qu'il aurait dû vouloir retirer la main qui l'aveuglait. Il siffla dans un effort pour conserver son calme.

§ Savoir ça ne va rien t'apporter. §

Malgré le contact physique, le lien sembla s'élargir pour laisser passer le désaccord violent et profond que le Seigneur des Ténèbres ressentit en l'entendant déclarer ça.

Harry n'eut pas à attendre longtemps avant que celui-ci exprime le fond de sa pensée.

§ Je veux tout savoir. De toi. De nous. Même ce qui te dégoûte et qui t'a fait me haïr par le passé. Ça ne va rien m'apporter ? Tu ne comprends pas. §

La main sur ses yeux se contracta. Et le sifflement suivant parut plus fort que n'importe lequel qu'Harry avait entendu auparavant.

§ C'est comme si tu m'aveuglais ! Comme si je ne pouvais voir de toi qu'une partie de ton visage. Comme si je n'avais qu'une partie de ton histoire. De la mienne. De la nôtre. §

Harry sentit sa magie réagir au lien et au fourchelang. Crescendo. Tom ne pouvait user de la sienne mais c'était tout comme. Potter sut qu'il devait faire quelque chose pour que cela n'aille pas plus loin mais Jedusor semblait déterminé à lui faire comprendre sa position sur la question.

§ Comment suis-je censé savoir que la télépathie va nous faire souffrir si je ne sais pas ce qu'on s'est infligé par le passé ? §

La main sur son visage se détacha prudemment de lui et Jedusor le laissa le regarder. Harry se sentit bouleversé en avisant les yeux brillant d'émotions qui le dévisageaient. Entre fureur et malheur. Avec tristesse et colère.

Le fourchelang était un langage instinctif mais il était aussi assez bon pour cacher les tremblements dans une voix.

Gaunt lui siffla alors.

§ Comment suis-je censé te rendre heureux si je ne sais même pas quelles blessures t'ont laissé des cicatrices ? §

Jedusor ne parlait pas seulement de celles qui marquaient son corps, Harry le comprit sans mal.

Il avait recommencé… Jedusor l'avait encore mentionné. Qu'il souhaitait le rendre heureux. Heureux. Ça sonnait trop sincère pour ne pas paraître réel, ça sonnait trop empreint d'émotions pour ne pas être vrai. Même si pour ça, Jedusor souhaitait effacer ses cicatrices pour le blesser à nouveau. C'était réel. Cruellement réaliste. L'homme qui avait un jour assassiné ses parents voulait son bonheur.

Il l'aimait et souhaitait le rendre heureux. À sa manière à lui. À l'extrême.

Harry eut des difficultés à démêler ses émotions à ce sujet. Il devrait être en colère, apeuré des proportions que prenaient les sentiments de Tom. Effrayé à l'idée que Jedusor soit le premier à lui avoir déclaré vouloir son bonheur. Parce que la beauté de cette déclaration était entachée par la noirceur de la précédente. Si l'obscurité ne pouvait exister sans la lumière alors l'amour que Tom lui portait devait être aussi beau et pur qu'il était effrayant et malsain.

Il aurait dû être en colère et effrayé. Ou au moins l'un des deux. Sauf qu'il ne réussit à éprouver ni l'un ni l'autre de ces deux sentiments. À la place, son cœur se débattit avec rage dans sa poitrine et il resta figé un long moment à l'écouter. Lui et ces battements qui n'avaient pas le moindre sens. Lui qui l'empêchait de maudire Tom Elvis Jedusor pour être qui il était. Parce que son cœur, brave et vaillant, avait la faiblesse d'être ému au-delà de la pensée à la simple idée qu'on souhaite son bonheur.

Harry eut un souffle tremblant. Il souhaita avoir la force de dire à Jedusor que ça ne fonctionnait pas comme ça. Qu'il ne pouvait pas souhaiter lui faire du mal pour le regretter ensuite et connaître un passé qui lui échappait seulement parce qu'il n'avait plus la patience d'attendre que celui-ci lui soit dévoilé. Qu'il ne pouvait pas déclarer vouloir le rendre heureux après lui avoir avoué qu'il l'avait volontairement tenu à l'écart de ses amis. Qu'il se contredisait. Qu'il avait tort. Qu'il avait tout faux et qu'il se comportait mal.

Seulement Tom ne se souciait pas de mal se comporter. Dans son esprit, tout cela faisait sens. Tenir ses amis à l'écart, le blesser pour connaître leur passé, ce n'était que des moyens d'obtenir ce qu'il désirait. Et le mage noir avait jeté son dévolu sur lui, il souhaitait le rendre heureux. Et l'ex-Seigneur des Ténèbres mettrait tout en œuvre pour que ce soit le cas et il venait de décider unilatéralement que ses souvenirs difficiles étaient un frein à ça. Tout comme il considérait ses amis nuisibles.

Harry savait qu'il pouvait faire de grands discours à ce sujet, passer des heures à expliquer à Jedusor que ce n'était pas à lui de choisir ce qui était bon pour lui. Qu'il n'allait pas le rendre heureux en agissant comme il le faisait.

L'Oiseau-tonnerre savait qu'il pourrait passer le reste de l'éternité à tenter d'inculquer des préceptes moraux et des concepts sur ce qu'il fallait faire ou penser à Voldemort et que cela ne fonctionnerait pas. Que ça ne servirait à rien.

De ça, Potter en fut certain à cet instant précis. Parce que Tom Jedusor continuait de le regarder avec ce regard empli d'émotions et de sentiments bien réels. Sans sembler se rendre compte d'à quel point ses déclarations étaient déplacées. Rien de ce que ne pourrait dire ou faire le Survivant n'allait changer la manière dont Tom voyait le monde.

Alors Harry Potter maudit la bienséance et décida que puisque Jedusor ne s'encombrait pas de faire ou de dire ce qu'il fallait faire ou dire, il ne le ferait pas non plus.

Il s'autorisa à ne pas être en colère ou effrayé et il sentit son cœur, partagé entre des émotions contraires, s'apaiser un peu. Conscient que ce n'était pas ce qu'il aurait dû faire, qu'au lieu de contredire Jedusor, il allait dans son sens en réagissant ainsi. Harry ouvrit la bouche pour siffler, sa main allant se poser sur la marque qui trônait sur son front du plus loin qu'il s'en souvienne.

§ Je ne peux pas tout te raconter, pas maintenant, mais si tu y tiens vraiment, je peux répondre à tes questions. Sur cette cicatrice ou sur n'importe quelle autre. §

Son cœur sembla battre une dernière fois trop fort, sonnant comme un gong de victoire à ses oreilles et Harry Potter songea qu'il avait eu raison. Le jour où il prendrait en considération les sentiments du Seigneur des Ténèbres serait celui de sa reddition. Se battre contre la haine était facile, contre l'amour, il était désarmé. Et sans arme, il ne savait combien de temps il tiendrait avant de s'avouer vaincu.

La tristesse et la colère, le malheur et la fureur, disparurent des yeux du Serpentard en l'espace de quelques secondes. Entièrement remplacés par d'autres émotions plus fortes encore, plus exigeantes et inextinguibles aussi.

Harry tenta de ne pas s'attarder sur celles-là. De peur qu'elles ne finissent par, elles aussi, le contaminer. Pour éviter de concéder d'autres victoires à son cœur qu'il n'était prêt à en gagner.

Tom s'approcha trop près de lui après ça et Harry retint son souffle. Brutalement conscient du fait que derrière eux, il y avait un amas de pierres et de roches et qu'une chute ici signifiait atterrir tout en bas, à plusieurs dizaines de mètres de là où ils se tenaient. Le lion ne pouvait pas reculer sans manquer de tomber.

Jedusor se stoppa si près de lui qu'Harry put sentir son souffle sur sa joue. Le Gryffondor s'apprêta à s'éloigner, quitte à risquer le vide, lorsque le mage noir, d'un mouvement vif et précis, le ramena près de lui pour l'enlacer.

L'empêchant de s'enfuir, il en profita pour lui siffler.

§ Je ne vais pas t'embrasser. J'en ai envie. Mais je ne le ferai pas tant que ce ne sera pas réciproque. Alors cesse de me fuir. Je ne supporte plus l'idée que tu fuies chaque fois que je m'approche de toi de peur que je ne te force à quelque chose dont tu n'as pas envie. Je suis désolé pour les fois précédentes. §

Puis Tom relâcha Harry, laissa son regard contempler le visage étourdi de son âme-sœur et s'éloigna à regret pour lui laisser de l'espace.

Le jeune Seigneur des Ténèbres aurait voulu trouver des mots assez forts pour lui dire merci, pour lui exprimer sa reconnaissance pour ce qu'il venait d'accepter pour lui. Il aurait voulu l'embrasser pour lui transmettre sa joie. Seulement, il ne le pouvait pas, alors à la place, il utilisa leur lien. Car celui-là n'appartenait qu'à eux, qu'il était aussi intime, si ce n'est plus, qu'un baiser et qu'il pourrait transmettre sans failles chacune des émotions qu'il ressentait.

Tom ne se gêna pas pour l'ouvrir en grand et le laisser béant, pour y bousculer ses remerciements, sa reconnaissance, sa joie, son amour et ses désirs. Sans embarras, sans déguiser ou camoufler la moindre de ses émotions.

Le Serpentard savait qu'elles étaient fortes, qu'elles se mêlaient les unes aux autres et que le Gryffondor risquait de ne pas pouvoir les distinguer mais ça n'avait pas d'importance. Harry allait les ressentir et il saurait à quel point ça comptait pour lui, à quel point c'était important qu'il puisse connaître leur passé. Pour ne pas commettre à nouveau d'erreur. Pour ne pas le blesser, encore.

Tom sut que Potter ressentait tout cela en l'observant. Ses émotions n'étaient pas comme les siennes, elles se voyaient sur son visage, se lisaient sur son expression et lorsque Harry éprouvait des émotions lui parvenant de leur lien, ce n'était pas différent. La seule différence était que comme ses émotions étaient plus violentes que celles d'Harry, elles le submergeaient bien plus vite que les siennes.

Potter baissa la tête, tentant visiblement de juguler leur lien, cachant son visage alors que sa magie valsait dans les airs autour de lui.

Tom réfréna immédiatement ses émotions en remarquant ça. Songeant qu'il aurait peut-être dû se contenter de remerciements communs, avant que le Gryffondor ne lui siffle, en passant devant lui pour reprendre leur chemin vers la troisième balise.

§ Un merci aurait suffi. §

Le fait que la voix du lion ne lui ait pas paru agressive et que le lien ne lui ait transmis qu'un léger agacement, le rassura. Harry ne le détestait pas. Ni pour les baisers forcés, ni pour ses futures questions sur leur passé ni même pour ce lien trop envahissant qui les unissait l'un à l'autre.

Alors lorsque, quelques minutes plus tard, ils arrivèrent juste devant une large crevasse dans le fond de laquelle brillait l'éclat métallique reconnaissable de la troisième balise - Tom sourit, puisque même le plus profond des précipices que Fontaine trouverait amusant de mettre sur leur chemin ne pourrait entacher son euphorie.

À suivre...


Mise à jour !

Ce chapitre a eu plusieurs soucis de publication, pour régler ces problèmes j'ai dû le supprimer pour le publier à nouveau. L'alerte envoyée à 03:26 le samedi 28 août est la bonne. J'espère qu'elle vous amènera à ce chapitre. Merci encore de me lire ! :)