Chapitre 38 : Épreuves argentiques

Je vous réveille aux premières lueurs du jour et je suis en retard, je suis une horrible personne, à n'en point douter ! Je tiens à vous avouer que ce chapitre et moi-même on a eu des moments difficiles. Mais nous nous sommes réconciliés ! Enfin... presque. Il lui reste encore à passer la douloureuse épreuve de la publication. En fonction de comment il réussira cette épreuve, je verrai si je dois revoir mon jugement sur lui ou pas. Ce chapitre est un interlude, un intermède dansant entre deux actes. Entre celui qui introduit et le suivant qui saura se démarquer de par sa fougue ! Par conséquent vous pouvez voir ce chapitre comme un entre-deux au titre mystérieux et au contenu douteux. J'espère de tout mon cœur qu'il fera chavirer le vôtre et je vous laisse en vous invitant élégamment à laisser une review que je dégusterai promptement au-dessus des flammes de la forge de laquelle je compte écrouir (oui, ce verbe existe ! J'ai vérifié) le chapitre 39 !


Essoufflé. Fuite. Protection. Combattre. Protéger. S'essouffler. Souffle, essoufflement. Se battre. Fuir. Être à bout de souffle. Encore des ennemis. Activer la balise, courir, se protéger, se battre, fuir. Être en bout de course. Nuit. Froid. Souffrir. Souffre, souffle.

Brume… blanche et froide, neige ? Haleter. Inspirer, expirer. Flocons ?

Harry Potter leva tout à coup les yeux au ciel. Renversant la tête à l'instant où des flocons se mirent à danser au-dessus de lui. L'un d'eux s'écrasa contre son front. Agréablement froid. Glacial mais doux. Il s'arrêta, figé par le spectacle. Tout à coup frigorifié par la simple pensée qu'il s'était mis à neiger.

Pendant leur course, quelque part entre la pente rocheuse qu'ils avaient traversée à toute vitesse et la forêt noire et sombre qui s'étendait devant eux : la nuit était tombée et le ciel s'était givré. La brume s'était faite un peu moins dense qu'au matin. Elle paraissait accompagner les flocons légers dans leur danse de plus en plus agitée. De plus en plus violente. À l'image de leurs deux respirations saccadées.

Stoppé dans son élan, la main agrippée à celle de son compagnon de mésaventures, le Survivant expira dans le silence rendu épais et inquiétant par sa soudaine immobilité.

— Il neige.

L'automne était loin d'être terminé. La neige pouvait-elle tomber dès octobre ? Sur le Mont Greylock ça paraissait plausible. Beaucoup de choses semblaient possibles sur le Mont Greylock. Après la journée qu'il venait de passer, Harry aurait dû considérer les intempéries comme naturelles. Une tempête de neige ne semblait pas plus ardue à surmonter que ce qu'ils avaient déjà traversé. Elle se serait seulement ajoutée aux autres embûches et peut-être auraient-ils pu continuer leur chemin malgré elle.

Potter songea à cela, à reprendre son chemin. À continuer. Son esprit encore perdu dans le schéma de pensées qui les avait amenés jusqu'ici sains et saufs. Combattre, courir, protéger, activer une balise. Oublier de respirer.

Toutefois, à l'instant où il amorça un nouveau pas en avant, il sentit une résistance. La pression d'une main contre la sienne. Il se tourna vers celui qu'il n'avait pas lâché depuis leur chute dans la crevasse de la troisième balise et, pour la première fois depuis des heures, ses yeux se fondirent dans ceux de Tom Jedusor.

Lui aussi avait des difficultés à reprendre son souffle. Peut-être même avait-il davantage de mal à récupérer qu'Harry lui-même. Tom était de faible constitution. Sa magie était forte mais sans elle, son corps ne pouvait suivre un rythme aussi soutenu. Sa respiration formait de petits nuages blancs et vaporeux devant sa bouche, il paraissait exténué, gelé. Il avait une stature moins adaptée pour les activités sportives que celle de l'attrapeur de Gryffondor. Élancée et aristocratique mais pas appropriée.

Potter savait que Jedusor finirait par être un homme plus grand que lui, comme Voldemort l'était. Plus grand et certainement plus athlétique aussi. Cependant, il avait actuellement la stature d'un garçon de seize ans, pas particulièrement musclé. Pas fragile pour autant, mais définitivement pas appropriée pour des parcours d'orientations en pleine montagne.

Cette réflexion percuta le lion lorsqu'il réalisa qu'il était évident que le jeune Seigneur des Ténèbres ne pouvait pas avoir autant d'endurance que lui. La guerre l'avait entraîné, trop pour qu'il puisse se rendre compte de la différence qu'il existait entre ses capacités physiques actuelles, lui qui était en pleine possession de sa magie, et celles de son compagnon qui en était privé et n'avait pas été endurci par une année entière à courir derrière la mort.

C'est ce qui fit sortir Harry Potter de sa transe où seule la survie semblait prédominer. Il prit brutalement conscience qu'il ne pouvait pas juste faire cavaler Tom derrière lui pendant qu'il le protégeait. Cette prise de contact avec la réalité réussit à briser sa concentration et il reprit connaissance de l'espace, de son environnement. Après avoir constaté qu'il faisait nuit et qu'il neigeait, l'Oiseau-tonnerre fronça les sourcils et il demanda franchement.

— Il est quelle heure ?

Puis avec une expression encore plus grave, lorsqu'il se rendit compte qu'il ne s'en souvenait pas.

— On a validé combien de balises ?

Jedusor le dévisagea un instant avec circonspection avant qu'un sourire vacillant ne gagne ses lèvres, il lui siffla, les yeux rétrécis par l'amusement que la situation provoquait chez lui.

§ On a passé la septième il y a quelques minutes. §

Tom vit la bouche du Gryffondor former un "oh !" ébahi et il se retint de répliquer, trop épuisé pour taquiner Potter sur sa capacité à oblitérer son environnement lorsqu'il se sentait menacé. Son instinct de survie dépassait l'entendement. Depuis la chute qu'il avait faite dans le précipice de la troisième balise, Harry était passé d'un rôle d'accompagnateur à celui de protecteur.

Bottant en touche les chauves-souris vampires de la quatrième balise, les trolls des montagnes de la cinquième, la nuée de pixie de la sixième et les goules à l'apparence de hyènes plutôt agressives de la dernière.

Tom ne lui en voulait pas. Il avait sa part de responsabilité dans ce qui venait de se passer, s'il n'était pas tombé lors de leur descente dans la crevasse après leur conversation, Harry ne se serait certainement pas comporté de la même façon. C'était cet événement qui avait changé la conduite de Potter.

En chutant à ce moment-là, Tom avait fait rejaillir toutes les inquiétudes du Gryffondor et par la suite Potter avait agi en le surprotégeant, en accélérant le rythme. Probablement dans l'objectif inconscient de terminer au plus vite cette tâche qui les mettait en danger.

Harry essayait de le protéger. De les protéger. Il était doué pour ça. Pour le combat, la fuite, pour échapper ou affronter le danger. Rien ne pouvait l'arrêter... excepté l'épuisement.

Le Seigneur des Ténèbres se savait à bout physiquement, contrairement à Harry qui ne mesurait son état de fatigue qu'au moment de s'effondrer, Gaunt savait très bien où se situait sa limite et il n'en était plus très loin. Potter aussi n'en était pas loin. Seulement le Survivant n'en prendrait conscience qu'au moment où il ne serait plus capable de tenir debout. Jusqu'à l'effondrement. Le Choixpeau avait peut-être hésité mais Potter avait bien choisi ; seul un lion rugissait jusqu'à ce qu'on lui tranche la gorge.

Il était minuit passé lors de l'activation de la dernière balise et une nuit noire comme de l'encre les enveloppait. La forêt n'était pas l'endroit rêvé pour camper mais ils allaient devoir monter le camp ici. Au moins les arbres les protégeraient en partie du vent et de la neige. Ils reprendraient leur route au lever du jour, dormir quelques heures et manger semblait être une priorité.

C'est ce que le mage noir expliqua à son partenaire. Harry avait toujours l'air un peu hébété lorsqu'il sortit la tente de son sac sans fond pour la déplier. La fatigue se mit peu à peu à marquer ses traits, comme si, en même temps que sa conscience, son corps comprenait les événements qu'il avait traversés.

Tom songea alors qu'ils devaient être premiers. Peu de sorciers auraient été capables de réaliser les prouesses magiques qu'Harry avait effectuées cette après-midi. Et même en supposant que Fontaine leur avait donné le parcours le plus difficile des quatre, le mage noir présuma que les autres équipes devaient s'être arrêtées à la tombée de la nuit. Aucun champion n'irait affronter les dangers de la première tâche dans le noir avec le peu de visibilité que leur offrait la brume. Eux avaient pu seulement grâce à leurs connaissances préalables sur le terrain. La carte qu'ils avaient créée il y a plus d'une semaine constituait leur meilleur atout.

D'un regard alarmé, le mage noir constata que son âme-sœur continuait d'émettre une aura magique particulièrement chaotique autour d'eux. Cela avait commencé après leur chute. Depuis cet évènement, Harry semblait incapable de retenir entièrement l'aspect anarchique de ses pouvoirs.

Pour combattre les malheureuses créatures magiques qui s'étaient présentées à eux après ce moment, l'Obscurial n'avait utilisé que des malédictions instinctives. Généralement informulées. Expelliarmus en tête de liste, suivi par Stupéfix, Immobulus ou Incarcerem, en fonction de la situation.

Potter avait utilisé les formes de magie les plus brutes qu'il connaissait. Il aurait pu user de la métamorphose à petites doses, alterner avec des enchantements ou sortilèges plus simples mais il ne l'avait pas fait. Pas parce qu'il ne le voulait pas mais parce qu'il en était incapable. Sa magie reflétait son âme. Une âme menacée qui agissait par intuition.

Tom s'abaissa pour aider Harry avec l'installation, laissant son regard dériver vers le Gryffondor, dont les cheveux et les épaules se recouvraient peu à peu de flocons d'un blanc éclatant, seulement éclairés par l'orbe de lumière qui les suivait depuis plusieurs heures maintenant. Un Lumos involontaire, probablement inconscient, qui suivait Harry partout où il allait depuis que la nuit était tombée.

Cela rappela au mage noir le cauchemar qu'il avait fait au sujet de l'enfance de son âme liée. L'instant où il était devenu un Obscurial. Tom jugea que ce n'était pas le moment pour aborder ce sujet avec Harry alors il fit comme si cette lumière ne volait pas autour du Survivant, éclairant sporadiquement son visage et son corps, faisant miroiter la neige qui l'enveloppait.

Il l'ignora du mieux que possible et lorsqu'ils se réfugièrent à l'intérieur de la tente éclairée, il contempla la disparition de l'orbe. La sphère de lumière se fit transparente avant de s'atténuer de plus en plus et de s'éteindre dans la lueur plus crue délivrée par la lampe à huile présente dans la tente. Elle s'évanouit quelque part devant la poitrine de Potter, comme un mirage, un spectre qui n'avait jamais été là.

La première chose que fit le Gryffondor en entrant dans la tente fut de la recouvrir de sortilèges de protections, des incantations particulièrement précises. Qu'ils n'avaient pas vus ensemble. Que Tom ne reconnaissait même pas. Elles paraissaient inadaptées. Elles sonnaient affreusement mal. Dissonantes. Comme si elles appartenaient à un autre temps, à un autre monde où Harry Potter aurait été un fugitif. Pourchassé pour être tué.

Un autre temps que Tom n'avait pas connu mais dont il se savait l'instigateur. Le jeune Seigneur des Ténèbres s'approcha d'Harry qui était dos à lui, et avec lenteur, il posa sa main sur le poignet de l'Élu, pour l'arrêter, pour le retenir. Pour l'empêcher de le fuir, pour le rassurer aussi. Si la possibilité que l'instigateur de tout ça puisse rassurer celui qui en avait souffert n'était pas chimérique.

Potter cessa immédiatement tout mouvement et sans lui faire face, sans même bouger, il sembla prendre peu à peu conscience de ce qu'il était en train de faire, puisqu'il lui dit.

— Mauvais réflexe.

Son timbre de voix était un peu rauque. Il ne tenta pas de le fuir, Tom pensait qu'il essaierait. Malgré leur conversation où Harry avait promis de lui parler de ses blessures au cœur comme au corps, le mage noir pensait que Potter tenterait de lui échapper. Cependant l'Oiseau-tonnerre ne tenta rien, au contraire même, ses muscles se relaxèrent un peu alors qu'il lui sifflait.

§ Cette tente, la fatigue et la peur… ça me rappelle des souvenirs. L'année dernière, je cherchais les Horcruxes. Je voulais trouver un moyen pour renverser la situation. J'étais poursuivi, nous étions poursuivis. C'était dur. Nous n'avions aucun moyen de les détruire. L'un d'entre eux était avec nous et… il avait un effet désastreux sur notre état mental. On le portait à tour de rôle. On n'avait aucune chance de gagner. §

Harry se sépara de lui et se retourna pour lui faire face. Lorsque son regard se posa sur le visage de l'Élu, Tom sentit comme un coup de poignard lui transpercer l'estomac. Le déchirer de l'intérieur alors que le lion lui sifflait.

§ Je n'avais aucune chance de gagner face à toi. §

C'était douloureux. Harry exprimait avec tant de résignation la souffrance qui avait été la sienne, qu'elle paraissait insurmontable. Il n'y avait pourtant aucun ressentiment dans cette souffrance, aucune rage, pas de haine. Il ne lui en voulait pas. Il ne lui en voulait plus.

Cette constatation était peut-être la plus difficile à digérer de toutes. Accepter que Potter le tolérait parce qu'il était amnésique, dissocié de celui qui avait ruiné son existence, était facile. Ça permettait à Tom de se sentir lui-même isolé des actes que Voldemort avait commis. De ne pas être responsable des horreurs qu'on lui attribuait. Il savait qu'il était le meurtrier de la famille Potter. Il se savait responsable de beaucoup d'infamies. Seulement savoir une chose et y être véritablement associé était complètement différent.

Jedusor était en paix avec l'idée d'avoir fait un Horcruxe. Un seul. Les autres n'étaient pas les siens. Il ne considérait pas les actes de Lord Voldemort comme lui appartenant. Il n'associait pas son existence à la sienne. Comme si le Seigneur des Ténèbres n'était qu'une version alternative de lui. Il ne le considérait pas comme son propre passé. Juste une facette misérable de son existence. Il n'avait été Voldemort que durant un court instant, celui où il avait choisi ce nom jusqu'au moment où il avait récupéré sa baguette au 12 Square Grimmaurd. Quelques mois tout au plus... jusqu'à cet instant où il avait compris la véritable différence qui existait entre lui et le Seigneur des Ténèbres.

Harry l'avait prévenu. Il le lui avait dit. Que s'il insistait pour qu'il lui parle de la guerre, de leur passé en commun, il allierait passé et présent. Qu'il évoquerait Lord Voldemort comme ce qu'il était réellement. Son identité.

Lord Voldemort n'était pas qu'un concept, une possibilité d'avenir manquée. C'était son passé. Tom pensait être prêt à accepter ce fait, à reconnaître les actes de Voldemort comme siens. La douleur qu'il ressentait lui prouvait qu'il s'était mépris à ce sujet. Ça faisait mal. Trop pour qu'il puisse considérer cette douleur comme étant seulement associée au lien qui lui transmettait les émotions d'Harry.

Jedusor pensait que le Gryffondor exprimerait un certain ressentiment en évoquant leur passé. Que la haine qu'il avait ressentie pour lui alors qu'il était Voldemort reparaîtrait, il s'était attendu à ça. Il s'était préparé à affronter un fantôme du passé. Sauf qu'il n'y a pas de fantôme. Pas de mort. Pas de haine. Pas de passé.

Lord Voldemort n'était pas mort. Il était Lord Voldemort. Pour Harry il n'y avait que quelques mois le séparant de la guerre et de l'identité du Seigneur des Ténèbres. Ce monstre et lui était la même personne.

Voldemort c'est lui.

Harry ne les dissociait pas. Il ne le haïssait pas, ne le haïssait plus.

Parce qu'il considère Voldemort comme son passé véritable. Alors si Harry ne le hait pas, il ne hait plus non plus le Seigneur des Ténèbres.

Harry ne parle pas de lui au passé, ne l'évoque pas comme s'il était mort. Il ne fait pas comme s'ils étaient deux entités séparées. Lorsqu'il parle de Voldemort il dit " toi " comme s'il s'adressait véritablement à lui. C'était normal. Il était celui qui avait tort, celui qui n'y était pas préparé.

C'était ce que le Survivant avait essayé de lui expliquer en refusant de lui parler de la guerre. En évoquant Voldemort, il n'évoquait pas seulement le passé, il s'adressait à lui. À lui dans son entièreté, avec ses souvenirs perdus. Avec tout ce qu'il avait été, avec ce qu'il pourrait être, en considérant toutes ses possibilités.

Harry le faisait, il le voyait tel qu'il était. Amnésique mais entier. Tom ignorait quand c'était arrivé. Quand Potter avait réussi cet exploit. Celui d'être en paix avec l'idée qu'il soit à la fois Tom Jedusor et Lord Voldemort.

Peut-être que Potter n'avait jamais vraiment fait la différence. Harry semblait être capable de le voir à la fois comme innocent et coupable, comme un ennemi et un ami. Comme l'homme de ses cauchemars et celui à qui il tenait la main.

Jedusor resta immobile, figé par cette réalité qui s'imposait à son esprit. N'était-ce pas ridicule ? Il était celui qui discourait sur sa volonté de connaître leur passé, tout en considérant Voldemort comme un être à part. Il ne supportait pas qu'Harry l'associe à sa souffrance. Il ne supportait pas le regard de son âme-sœur lorsque celui-ci avait utilisé le pronom " toi " pour parler de lui.

Alors qu'il était toujours plongé dans ses pensées, Harry passa près de lui et lui souffla, en retirant son manteau détrempé par la neige fondue.

§ Je suis désolé. Je suis fatigué. On pourra parler de ça plus tard. §

Quand tu auras accepté que tu sois autant mon bourreau que celui qui veut mon bonheur.

Jedusor le comprit comme ça, il savait que le lion ne l'avait pas pensé ainsi mais il ne pouvait le voir autrement. Potter ne se rendait pas compte des enjeux véritables de leur conversation, Potter restait terriblement innocent et naïf malgré les épreuves qu'il avait vécues. Il ne comprenait pas pourquoi il s'était figé en entendant sa déclaration. Tout comme il ne se rendait certainement pas compte d'à quel point sa manière de consentir l'impossible était incroyable.

Le Serpentard sut que cette capacité était sa meilleure chance. Si Harry pouvait lui tenir la main en le considérant à la fois comme Lord Voldemort et Tom Jedusor alors peut-être avait-il une chance d'être aimé en retour. Parce que là où le mage noir pensait que son âme-sœur ne faisait que lui tenir la main, il tenait aussi celle de celui qui l'avait profondément blessé. Sans distinction.

Et si Harry avait la force de tenir la main de Voldemort alors peut-être pourrait-il l'aimer. Ça ne paraissait pas inatteignable. Pas impossible.

Tom retira son propre manteau, s'installa à sa place et commença à manger. Sous les yeux d'un Gryffondor à moitié endormi qui se demandait pourquoi tout à coup l'humeur du Seigneur des Ténèbres semblait meilleure. Il n'y avait rien d'amusant dans le fait de manger un plat à peine cuit dans une tente où il ne faisait guère plus chaud qu'à l'intérieur d'un réfrigérateur, si ?

L'Oiseau-tonnerre jugea qu'il était trop épuisé pour s'interroger sur le comportement de Jedusor et après avoir mangé, il se débarrassa de ses vêtements mouillés sans prêter attention aux yeux posés sur lui, ne gardant que son caleçon et une robe pour dormir avant d'aller s'emmitoufler dans une couverture d'un des lits de camp de la tente. Jugeant qu'avec les protections qu'il avait placées autour d'eux Tom ne risquait rien, il ferma les yeux et lâcha dans le silence rythmé par les roulements du vent à l'extérieur.

— Bonne nuit, Tom.

Il songea que l'héritier Gaunt devait récupérer lui aussi et il espéra que celui-ci arrivera à dormir mais ses pensées étaient complètement embrumées par la fatigue alors il ne les exprima pas à voix haute. Au lieu de ça, il sentit ses paupières devenir lourdes et le contrôle, déjà amoindri, qu'il avait sur sa magie lui échappa.

À peine assoupi, il fut plongé dans ce qui ressemblait à une réminiscence du passé. Le passé proche, celui qui se mélangeait avec ses souvenirs plus lointains. C'était quelques heures plus tôt seulement.

Le ciel était encore bleu et la température plus clémente sur le Mont Greylock. Harry tourna la tête vers Tom, conscient que celui-ci était là. Une partie de sa conscience savait qu'il était en train de rêver mais il lui semblait impossible d'arrêter le film de ses souvenirs. Pourtant il n'avait pas la moindre envie de revivre une seconde fois cet accident.

Il s'approcha du bord du précipice pour en contempler le fond, là où se tenait la troisième balise qu'ils étaient censés rejoindre et activer en y apposant l'un des bracelets anti-magie du Seigneur des Ténèbres. Et après un instant d'observation, il se redressa pour déclarer à celui qui se tenait derrière lui. Leurs deux voix lui parurent désincarnées, comme s'il les entendait d'un vieil enregistrement plein d'artefacts. Il eut d'abord la sienne, et Harry sut par avance ce qu'il allait entendre.

— Je peux peut-être transfigurer un escalier en pierre. Il faut qu'on puisse y descendre ensemble pour activer la balise.

Puis, derrière lui, il entendit le Tom de son rêve lui répondre, alors qu'il ne pouvait détacher ses yeux de la large crevasse dans laquelle il savait qu'ils allaient tomber.

— Ce n'est pas une bonne idée. La métamorphose use beaucoup de magie et a tendance à rendre instable les sorciers qui n'en ont pas une bonne maîtrise. Fontaine compte certainement sur le fait que tu vas l'utiliser.

Harry serra les poings, il connaissait la suite de l'histoire, il savait que ce n'était pas une bonne idée, que dans tous les cas, sa magie ne conserverait pas sa stabilité et qu'ils allaient tous deux se mettre en danger pour rien mais il ne pouvait changer ce qui allait advenir, quand bien même il enrageait à l'idée de souffrir une seconde fois.

L'Élu sentit le Harry Potter du cauchemar reprendre la main et celui-ci considéra que Tom devait avoir raison à ce sujet. La métamorphose et la transfiguration étaient des formes de magie destinées aux sorciers ayant une maîtrise absolue et sans conteste de leurs pouvoirs. Comme avait pu l'être Albus Dumbledore.

Or, Harry savait qu'il en était loin et c'est pourquoi il se retourna vers Gaunt pour lui demander.

— Tu as une meilleure idée ?

Le rêveur voulut hurler que non ! Tom n'avait pas d'autre idée, aucune idée valable ! Cependant il était comme piégé à l'intérieur de son propre corps et alors que le Harry du songe était profondément plongé dans ses pensées, il fut tout à coup rejoint par le mage noir au bord du précipice. Leur proximité perturba le Harry du passé et il ne put qu'acquiescer lorsque le mage noir lui présenta son plan.

Au grand désarroi du rêveur, Tom lui demanda s'il pouvait se contenter de faire apparaître quelques prises dans la roche. Juste le nécessaire pour descendre sans pour autant en faire un escalier et le Gryffondor du passé accepta cette idée sans difficulté.

Immédiatement il créa les prises et descendit le premier, bientôt suivi par l'ex-Seigneur des Ténèbres.

Seulement, après quelques mètres sans souci, les prises se firent plus difficiles à atteindre. Ce qui eut pour effet de rendre la descente bien plus complexe.

L'Élu du monde sorcier leva les yeux vers Tom, connaissant très bien la suite des événements, il essaya de se détacher de ce qu'il vivait mais à l'instant où Tom manqua la prise sur laquelle il aurait dû poser le pied ; Harry fut absorbé par son cauchemar et il le vécut de la même manière que la première fois. Incapable de s'éloigner de ses émotions passées.

En un clin d'œil, une fraction de seconde, Jedusor se retrouva en chute libre, il chuta si proche de lui qu'Harry fut déséquilibré à son tour et ils tombèrent tous deux à la renverse dans le vide.

Dans un réflexe instinctif, l'Oiseau-tonnerre rattrapa le jeune Seigneur des Ténèbres et le serra contre lui, le souffle coupé, incapable de penser clairement. Il ferma les yeux un instant, par réflexe. Submergé par la sensation de son cœur chutant dans sa poitrine. Lorsqu'il les rouvrit, il vit de la poussière, des cailloux qui les avaient suivis dans leur chute et la paroi de pierres striées de fissures inquiétantes qui défilaient à une vitesse innommable devant ses yeux.

Deux choses l'empêchèrent de perdre pied et de céder complètement à la panique. Deux mots. Les plus instinctifs pour lui.

Protéger. Survivre.

Il ressentit le sortilège de blocage, de gel, bien avant qu'il ne sorte de sa bouche, bien avant qu'il ne le crie dans le vent.

— IMMOBULUS !

Ils s'arrêtèrent, en suspension dans le vide. À quelques mètres à peine du sol. À quelques secondes d'une chute mortelle. Ils n'avaient rien. Pas la moindre égratignure. Tout s'était arrêté autour d'eux. La poussière s'était suspendue dans les airs comme des particules figées dans le temps.

Eux-mêmes paraissaient comme bloqués parmi les méandres de poudre blanche et de pierres. Statufiés dans le néant.

Son cœur, qui avait cessé de battre un instant, se mit tout à coup à tambouriner comme un fou et Harry tenta de respirer de nouveau.

Il avait la tête en bas, réalisa-t-il avec incrédulité. Il était suspendu dans le vide et il serrait si fort le corps de Tom contre le sien qu'il était certain que celui-ci garderait la marque de ses doigts imprimée sur la peau pendant longtemps.

Le simple fait de poser les yeux sur le dos de Jedusor, dont il entendait le cœur battre contre le sien, lui inspira une terreur sans nom.

Il aurait pu se tuer.

Harry était trop affolé pour songer que Tom était protégé par le collier, il ne pouvait que penser à la possibilité que le Seigneur des Ténèbres se blesse mortellement en chutant de cette hauteur. Qu'il aurait pu en mourir.

Cette idée tourbillonnait dans son esprit, créant un ouragan de frayeur. Seulement apaisé par la pensée qu'ils étaient sauvés. Pensée pas assez forte pour rassurer le lion troublé, l'adrénaline parcourant encore chaque cellule de son corps.

Dans son cœur un sentiment de terreur était peu à peu en train de se subsister au reste de sa conscience. Une terreur alimentée par l'horreur qu'il ressentait à l'idée de ce qui aurait pu se passer.

Harry ne sut pas quoi faire, il eut l'envie de parler pour se rassurer mais sa gorge était trop nouée pour qu'il puisse le faire. Il voulait relâcher Tom mais une partie de lui avait peur que celui-ci ne tombe à nouveau. La partie irrationnelle de sa conscience le poussa à le garder près de lui. Il ne le lâcha que d'un bras, pour passer une main sur son visage. Il essayait désespérément de se reconnecter à la réalité. Son souffle était encore trop court.

Potter comprit qu'il aurait dû essayer de les faire bouger, briser le sort de gel pour franchir les derniers mètres les séparant du sol. Il l'aurait fait, briser le sortilège pour les faire chuter. Mais il en fut incapable.

Sa magie les maintenait sains et saufs, figés dans l'espace avec tellement de force que briser le sort alors qu'il se sentait encore en proie à la panique lui semblait impossible. Ils restèrent un long moment ainsi, piégés dans le temps.

Jusqu'à ce que leurs cœurs se calment à l'unisson, jusqu'à ce que, l'un comme l'autre, ils puissent de nouveau bouger et penser. Parler et agir.

C'est à cet instant précis qu'Harry se réveilla pour la première fois. Après ce cauchemar horrible, il en fit d'autres et encore d'autres. À chaque fois qu'il refermait les yeux, c'était pour se retrouver en enfer, entre ses souvenirs et ses cauchemars qui déformaient de plus en plus la réalité. La rendant encore plus traumatisante qu'elle ne l'avait été.

Il lui sembla n'avoir pas dormi du tout lorsqu'il se réveilla en un énième sursaut une bonne heure plus tard. Des images de la guerre passaient à toute vitesse devant ses yeux alors qu'il était plongé dans le noir complet. Il se redressa pour s'asseoir, sa couverture était en boule au pied du lit et il frissonna, tremblant et fiévreux. Incapable de penser clairement. Seule la peur de se rendormir le tenait éveillé.

Il ne se souvenait que très mal du dernier cauchemar qu'il avait fait mais il était certain que celui-ci avait un lien avec la recherche des Horcruxes. Et sa mort aussi. En l'espace d'une heure, Potter avait l'impression d'être mort plusieurs fois. La sensation était horrible.

Le brun se replia sur lui-même en essayant de récupérer un peu de chaleur, profondément ébranlé par cette suite de cauchemars qui ne voulait pas s'arrêter.

Il tenta de chasser les images incohérentes qui lui revenaient sans cesse en tête pour se détendre un minimum mais rien ne fonctionna et il eût très vite la sensation de suffoquer. Harry savait que son état de fatigue et de panique n'allait rien arranger, il sentit sa magie lui échapper davantage et cela ne fit que renforcer sa détresse. Il éprouva l'envie irrépressible de se lever, lorsqu'il entendit quelqu'un d'autre le faire.

Le lion se figea avant de se rappeler qu'il n'était pas seul, qu'il n'était plus seul. Un lit de camp fut replié, transporté puis déposé à côté du sien et Harry sentit la présence d'un autre corps proche de lui. Un corps d'où émana une voix sifflante.

§ Je n'arrive pas à dormir et tu fais cauchemar sur cauchemar depuis que tu t'es endormi. §

Ça ne sonnait pas comme un reproche mais plutôt comme un constat. Un constat qui amenait vers une conclusion. Conclusion qui venait avec l'affirmation.

§ On dort mal lorsqu'on est séparé. §

Harry se sentait trop démuni pour contredire Tom à ce sujet. Il avait raison. Ils dormaient bien ensemble. Ça ne voulait pas dire qu'ils ne pouvaient pas dormir l'un sans l'autre. Ça signifiait juste qu'ils dormaient mieux à deux.

Même s'il se sentait plus en sécurité, le champion ne réussit pas à chasser complètement les images qui obnubilaient son esprit. Harry ne cessait de changer de position pour tenter de gagner un peu de chaleur. Chaleur qui n'osait pas s'insuffler par magie, de peur que celle-ci ne se retrouve encore plus chaotique qu'elle ne l'était déjà. Et lorsqu'il se sentait proche de l'endormissement, une image de son cauchemar lui revenait et le sortait du sommeil dans un sursaut désagréable. La peur l'empêchait de se rendormir.

Après un moment de ce manège, Tom ne le supporta plus et alors qu'Harry lui tournait le dos, il lui demanda.

§ Est-ce que je peux te prendre dans mes bras ? §

Tom avait froid, ils avaient froid et Harry ne semblait pas capable de surmonter ses cauchemars seul. Ça semblait être une solution aux deux problèmes. Potter souffrait et Jedusor le supportait difficilement, il lui fallait trouver une solution. Un câlin paraissait en être une. Le Seigneur des Ténèbres ne l'avait jamais vécu mais il savait que les personnes qui s'aimaient se prenaient dans les bras lorsqu'elles se sentaient mal, lorsqu'elles faisaient de mauvais rêves.

Tom en avait envie. Il y pensait depuis un moment maintenant mais même s'il avait voulu le faire dès qu'il avait rejoint son compagnon, le mage noir savait qu'il ne le pouvait pas. Il lui fallait demander la permission avant. Il avait donné sa parole à Potter qu'il ne ferait rien de ce genre sans son aval. Le prendre dans ses bras semblait moins intime qu'un baiser alors le jeune mage noir jugea qu'Harry pouvait dire oui. Il avait ses chances mais même en sachant ça, il ne voulait pas le faire sans autorisation. Les promesses semblaient importantes pour le Survivant et si elles l'étaient pour Harry, elles l'étaient pour lui aussi.

Pour autant, Tom ignorait s'il était capable de supporter un refus maintenant qu'il avait demandé. Son cœur était prêt à faire des concessions, demander la permission en était une. Accepter un refus était tout autre chose.

Harry retint son souffle. Son esprit rejoua la phrase que Tom venait de prononcer en boucle, comme le morceau d'une musique qu'on ne pouvait se sortir de la tête. Jedusor voulait… le prendre dans ses bras ? Ça sonnait comme quelque chose qu'il ne fallait pas qu'il accepte. Ça sonnait comme une demande personnelle, quelque chose d'intime.

Le lion s'interrogea un instant sur le sens de ce que venait de dire le Serpentard. Tom éprouvait-il le besoin de l'aider, de le consoler de ses cauchemars ? Puis dans un sursaut de conscience Potter se secoua en réalisant que penser de cette manière n'allait pas l'aider à refuser. Parce qu'il allait refuser. C'était ce qu'il devait faire.

D'un autre côté, ce ne serait pas la première fois qu'ils se tenaient dans les bras l'un de l'autre… serait-ce réellement mal de dire oui ?

Harry le considéra sérieusement. À demi conscient, épuisé et frigorifié, l'idée ne paraissait pas si mal. Le Gryffondor lutta pendant ce qui lui sembla être une éternité. Il lutta contre. Contre l'idée d'accepter, contre le froid, contre l'épuisement. Contre lui-même, contre Jedusor, contre le monde entier... et il finit par céder. Le cœur sens dessus dessous et l'esprit embrumé, il souffla en espérant presque que Jedusor se soit endormi entre-temps.

§ D'accord. §

La seconde d'après Tom était dans son lit de camp. Il se blottit derrière lui et Harry tenta de penser à autre chose qu'au fait qu'il ne possédait aucune volonté. Il oublia facilement ce détail lorsque Tom l'enlaça. Se collant à son dos et passant ses bras autour de son ventre.

En quelques secondes à peine, le froid qui brûlait son âme disparut. Harry sentit son cœur se mettre à battre la chamade sans pouvoir s'arrêter alors qu'il pouvait entendre celui de Tom faire la même chose. La sensation était différente des fois où ils s'étaient tenu dans les bras l'un de l'autre, ça paraissait beaucoup plus intime. Trop pour qu'Harry ne se sente pas troublé.

À cet instant, Tom lui souffla.

§ C'est la première fois que je tiens quelqu'un comme ça. J'en avais envie. J'avais envie de te tenir dans mes bras. §

Silence... respiration coupée, haletante. Souffle erratique, affaibli est trop fort tout à la fois.

Harry eut l'impression que son cœur allait imploser. Pourquoi fallait-il que Tom soit si sincère, si brute dans ses émotions ?

En remarquant l'immobilité d'Harry, Tom ne bougea plus et analysa la situation. Se demandant si c'était trop ou si ça allait. Est-ce qu'Harry souhaitait qu'il le relâche dès maintenant ou est-ce qu'ils pouvaient rester comme ça encore un peu ? Pour quelques minutes de plus, pour quelques heures. Pour toute la nuit.

C'était agréable. Chaud et confortable. Pendant un instant, Tom se sentit complet. Comme s'il n'avait jamais divisé son âme. Puis la sensation se confondit avec la pensée que c'était la première fois qu'il désirait si fortement tenir quelqu'un contre lui, Harry était le seul dont la proximité ne le dérangeait pas. Le seul qu'il voulait.

Jedusor avait déjà tenu Potter dans ses bras mais c'était encore différent cette fois-ci. Ça réchauffait de l'intérieur. C'était doux. Pourquoi ne pourraient-ils pas être plus que des amis ? La prophétie et leur lien n'étaient rien. Rien en comparaison de ce qu'il ressentait, de ce qu'il éprouvait. Rien ne pourrait l'empêcher d'avoir Harry.

Il espérait qu'Harry ressentirait la même chose tôt ou tard. Il craignait que cela ne soit pas le cas. Parce que les battements du cœur de son âme-sœur ne semblaient pas s'apaiser. Potter souhaitait probablement s'échapper. Tom savait qu'il devait s'éloigner un peu, laisser au Survivant le temps dont il avait besoin pour lui retourner ses sentiments. Laisser leur relation évoluer. Attendre. Il n'en avait pas envie mais le Serpentard ne voulait pas qu'Harry se sente piégé, qu'il finisse par le fuir. Le simple fait de l'imaginer creusait un trou dans sa poitrine.

Alors après un instant supplémentaire, Tom réussit à demander.

§ Est-ce qu'on peut rester comme ça ou est-ce que tu préfères que je m'éloigne ? §

Harry aurait voulu acquiescer, dire à Tom de s'éloigner parce que son cœur ne pouvait en supporter davantage. Sauf qu'il était rare que l'ex-Seigneur des Ténèbres lui demande son avis. Il ne le faisait pas, ce n'était pas dans ses habitudes, il ne fonctionnait pas comme ça alors s'il le faisait maintenant, c'était pour une bonne raison. Pour quelque chose qui lui importait véritablement. Jedusor était inquiet et pas seulement à cause de cette situation, de cette étreinte. La question semblait plus profonde, plus générale. Elle les concernait de manière plus intégrale.

Le Serpentard ne lui demandait pas seulement s'il devait le lâcher maintenant mais s'il devait prendre ses distances dans leur relation ou si ça lui allait. En définitive, Tom lui demandait s'il était d'accord pour garder la proximité qui s'était créée entre eux ces derniers temps.

Harry se souvient de son sentiment d'impuissance à ce sujet. Tom l'aimait et lui ne savait pas quoi faire de cet amour. Ses sentiments flous ne lui permettaient pas de répondre à ceux du mage noir mais il ne voulait pas le rejeter pour autant. Être aimé était quelque chose de nouveau pour le Survivant et il ne savait pas s'il avait le droit de l'être si ce n'était pas réciproque. Il ne voulait pas demander à Tom d'arrêter de l'aimer par respect mais il ne pouvait pas non plus lui rendre ses sentiments. Ça le faisait se sentir mal. Ça paraissait injuste.

C'est ce sentiment-là qui s'exprima à travers lui lorsqu'il répondit.

§ Tu te souviens de ce que tu m'as dit après la répartition et que tu as répété ensuite le soir ou tu as découvert la prophétie ? Ça ne va pas s'en aller, n'est-ce pas ? Ça ne va pas partir. §

Tom sentit son cœur se lester puis se libérer lorsqu'il comprit qu'Harry ne lui posait pas la question, il lui affirmait que ça ne partirait pas. Il avait l'air moins confiant qu'il aurait dû l'être mais il ne doutait pas de lui. Harry acceptait qu'il l'aime et savait que ce sentiment ne partirait pas.

Néanmoins, Jedusor préféra appuyer cette affirmation par une déclaration pour que Potter soit certain que son amour n'était en rien factice ou éphémère.

§ Ça ne va pas s'en aller. Je pensais ce que je t'ai dit ces deux fois-là. Ça ne partira pas. Jamais. §

Puis avec plus de douceur.

§ Je t'aime. §

Dos à lui, Potter sembla s'étouffer et suffoquer, paniquer complètement avant de se raisonner. Comme si une partie de lui avait déjà accepté ce fait. Il s'immobilisa complètement entre ses bras et Tom hésita à lui laisser de l'espace, oscillant entre l'envie de prolonger le contact et éviter un rejet qu'il savait ne pas être capable de supporter. Relâcher Harry paraissait moins affreux qu'être contraint de le faire par la force.

Seulement, le Gryffondor recommença à inspirer et expirer sans avoir de geste de rejet à son égard alors le Seigneur des Ténèbres maintient son emprise sur lui. Affamé par ces années passées dénuées du moindre signe d'affection.

Après cette déclaration, Harry fut obligé de se résoudre à l'idée que le sentiment d'amour envahissant que le Seigneur des Ténèbres ressentait pour lui n'allait pas s'évaporer. Qu'il resterait piégé à l'intérieur du cœur de l'héritier de Salazar Serpentard pour l'éternité. Il capitula et décida de faire face à ce sentiment. À cet amour. De l'affronter.

Il tenta de rationaliser la situation en se retournant entre les bras de celui qui l'enlaçait, pour pouvoir voir de ses propres yeux sa réaction.

§ J'imagine que… tu attends une réponse ? §

Lorsqu'on disait à quelqu'un qu'on l'aimait on attendait sa réponse. Ça paraissait être comme ça que fonctionnaient les choses. Même si Harry ne savait pas quoi répondre. Même s'il était encore incapable de reconnaître ou de définir l'amour pour lui, si Tom attendait une réponse, il était bien obligé de dire quelque chose. Pour soulager ce sentiment de culpabilité qui le rongeait. Pour tirer un trait sur ses angoisses. Même si ça devait être un refus, si Jedusor demandait il devait répondre.

Cependant, Tom n'exigea rien de tel, il contempla les yeux verts et fuyants du lion malgré tout empreints de détermination et il se contenta de lui rendre son regard en déclarant.

§ Tu n'es pas obligé de me répondre maintenant. Ça ne va pas s'en aller alors ce n'est pas grave si tu ne sais pas quoi répondre tout de suite. J'attendrai. §

Harry ne sut pas quoi dire. Surpris que Jedusor ne profite pas de l'occasion pour exiger de lui une réponse immédiate. Tom semblait sincèrement d'accord pour attendre. Comme s'il savait bien avant qu'ils aient cette conversation qu'Harry ne pourrait rien lui répondre de concret.

La première fois qu'il lui avait avoué l'aimer, il lui avait demandé de ne pas le détester. Jedusor avait l'air de pouvoir se contenter de ça, tant qu'il ne le détestait pas, qu'il restait proche de lui, il pouvait attendre. Attendre combien de temps ? Harry l'ignorait mais une partie de lui se doutait que le Seigneur des Ténèbres attendrait une éternité à condition qu'au final, il obtienne ce pour quoi il patientait.

Le Survivant se fit à lui-même la promesse de trouver une réponse aussitôt que possible. Pour que Tom puisse l'accepter quelle qu'elle soit.

Il oublia, avec naïveté, que peu importe le temps qui passait, le Seigneur des Ténèbres n'était pas du genre à accepter qu'on lui refuse quoi que ce soit. Cette possibilité était abrogée pour Harry car elle aboutirait à un combat, puisque ni Harry Potter ni Tom Jedusor n'accepteraient d'être contraints de se plier à quelque chose qu'ils ne voulaient pas.

Après ça Tom se tint à une distance raisonnable de quelques centimètres de lui et Harry se retourna, se recroquevilla dans un coin et réussit à s'assoupir. Ses cauchemars ne revinrent pas le hanter et même s'il eût préféré être persuadé que c'était le mélange de confusion et d'harassement qui les empêchait de l'atteindre de nouveau, une partie trop lucide de sa conscience savait qu'il n'aurait jamais aussi bien dormi seul dans son lit.

Harry se réveilla quelques heures plus tard. Il devait faire jour dehors songea-t-il en ouvrant un œil, et il faisait chaud aussi. Anormalement chaud. Pourquoi avait-il si chaud ? Son esprit était encore engourdi par le sommeil et c'est lorsqu'il se décida à ouvrir les deux yeux qu'il sut pourquoi il avait chaud. Quelque chose d'assez lourd ou plutôt quelqu'un était allongé sur lui. Jedusor était au-dessus de lui, étendu de manière à entraver complètement son corps.

Harry sentit son cœur rater un battement en remarquant qu'il ne pouvait faire le moindre mouvement sans réveiller le mage noir, leurs jambes semblaient s'être emmêlées et Tom avait niché sa tête dans son cou, rendant toute tentative de se redresser impossible.

Potter se tortilla pour tenter de s'échapper mais Jedusor se mit à gigoter dans son sommeil. Il se logea plus confortablement contre lui, le bras qu'il avait passé entre son dos et le matelas se referma sur le lion qui tentait justement de s'éloigner.

Potter grinça des dents, tout à coup grincheux et irrité, cette scène lui rappelait la dernière fois qu'ils avaient passée la nuit ensemble et l'idée que la possessivité du Seigneur des Ténèbres empire avec le temps ne le rassurait pas du tout. Il voulut réveiller Tom en le secouant mais lorsqu'il en eut l'intention, il fut désarmé par la vue de Jedusor, les cheveux mal peignés, dormant à poings fermés. L'air trop innocent pour qu'il puisse lui en vouloir sereinement.

L'Oiseau-tonnerre poussa un profond soupir de découragement et se recoucha, se dégageant juste assez pour se sentir mieux sans pour autant le réveiller, jugeant que si Tom dormait encore c'était qu'il avait besoin de plus de repos et que le réveiller maintenant serait contre-productif pour le reste de l'épreuve. Harry tenta d'ignorer l'image qu'il se faisait de leur position actuelle ainsi que celle de la crise cardiaque que ferait Rogue s'il les trouvait ainsi. La mort imaginaire du Maître des potions lui tira un sourire nerveux malgré lui.

Après une seconde supplémentaire, Harry eut la désagréable impression d'être épié. Pas vraiment regardé mais plutôt comme s'il y avait quelque chose qui guettait alentour. Il pouvait sentir comme une présence à l'extérieur de leur abri.

Plus il y pensait, plus il en était certain. Il y avait quelque chose dehors qui les attendait. Cela le mit de plus en plus sur ses gardes, il n'était pas certain de véritablement ressentir la présence de ce truc mais il se sentit de plus en plus menacé. Sa magie, qui avait fini par s'apaiser au matin, s'agita de nouveau et Harry fut certain d'avoir entendu la chose à l'extérieur bouger à ce moment-là. Réagir en conséquence.

Le Gryffondor tendit l'oreille, maintenant persuadé qu'il y avait bien quelqu'un qui les épiait au-dehors. Un être vivant. Probablement une créature magique. Peut-être qu'elle avait été attirée par sa magie malgré les protections qu'il avait placées sur la tente. Certains animaux fantastiques étaient naturellement attirés par la présence d'une forte magie et Harry savait que la sienne rayonnait particulièrement fort, surtout lorsqu'il n'en avait pas la maîtrise.

Le Survivant inspira un grand coup et se résigna à réveiller son partenaire. Il se redressa en empêchant Jedusor de tomber entre leurs deux lits et siffla.

§ Tom. Tom, réveille-toi ! Il y a quelque chose dehors. §

À suivre…


Petit message à mon bêta-lecteur qui vient de créer son compte ! (Et qui est certainement le seul à pouvoir saisir le titre de ce chapitre.)

Bienvenu ! :D Je ne peux pas faire de cœur car ff ne le supporte pas mais le cœur y est ! x) Si tu vois ce message c'est que tout fonctionne à merveille ! J'espère que l'application te plaira et je te ferai faire une petite visite guidée des lieux dès que nos emplois du temps coïncideront de nouveau. Passe une merveilleuse journée !