Chapitre 40 : La Une des journaux
Joli lundi aujourd'hui aussi ! :) Ça fait pile deux semaines que j'ai publié le chapitre précédent, être régulière dans mes publications me fait tout bizarre (ne riez pas ! xD) J'aimerais vous promettre le prochain chapitre dans deux semaines mais je ne suis pas sûre de tenir le rythme, je vais essayer, promis ! C'est déjà un miracle que vous ayez ce chapitre aujourd'hui, je l'ai relu un nombre incalculable de fois mais je le trouve assez mal rythmé alors je le publie comme ça, en espérant que ce problème de rythme ne gêne pas trop la lecture. D'ailleurs il doit rester quelques erreurs et maladresses, excusez-moi pour elles ! Je vous remercie pour l'accueil que vous avez donné au chapitre précédent et j'espère que vous aurez le temps de me laisser votre avis sur celui-ci !
« HARRY POTTER, CHAMPION DE POUDLARD, TUE UNE MANTICORE ! »
Ce gros titre était à la Une des journaux du monde entier, moins de 48 heures après le drame survenu durant la première épreuve du Tournoi des Trois Sorciers à Ilvermorny.
Il était accompagné de l'article suivant :
« Il y a quelques heures, une équipe d'Aurors prévenue par une fusée de détresse a retrouvé le cadavre d'une Manticore proche d'une tente où Harry Potter, Thomas Gaunt et Evan Diggory s'étaient réfugiés après l'attaque.
Evan Diggory, empoisonné et blessé par la créature, a déclaré après son réveil à l'hôpital national magique des États-Unis d'Amérique : qu'Harry Potter avait combattu et vaincu la Manticore. Le héros s'étant déjà illustré par ses exploits durant la dernière Grande Guerre Magique est actuellement en soins intensifs en compagnie des meilleures médicomages du pays. La directrice adjointe de l'hôpital a annoncé que sa vie n'était plus en danger, bien qu'il ait été grièvement blessé durant l'attaque.
Les rescapés de cette épreuve encore sains et saufs ont été accueillis à l'hôpital. Ils sont actuellement gardés en observation. Clara Orchard, 11 ans, a déclaré avoir réussi à s'échapper grâce à Evan Diggory. Quant à Thomas Gaunt, après que monsieur Potter ait vaincu la Manticore, c'est lui qui a prodigué les premiers secours permettant la survie des blessés alors qu'il était encore entravé par les bracelets anti-magie imposés par le directeur durant l'épreuve.
La question que se pose le monde entier est : comment Agilbert Fontaine a pu penser qu'une épreuve d'orientation à travers le Mont Greylock, territoire inhospitalier habité par des créatures magiques de classe XXXXX, était appropriée pour des apprentis sorciers ?
Le directeur d'Ilvermorny est actuellement mis en examen et retenu au MACUSA où il sera entendu à ce sujet. Nous vous tiendrons au courant de l'évolution de sa situation dans le prochain numéro.
Accordons encore une fois toutes nos félicitations à Harry Potter et à Evan Diggory sans lesquels nous déplorons certainement la mort de sorciers et sorcières durant cette première tâche. À Thomas Gaunt pour avoir su préserver la vie de ces champions et à Clara Orchard pour avoir eu l'intelligence de prévenir au plus vite les secours, qui malgré la pleine possession de leurs pouvoirs auront eu besoin d'une journée entière pour retrouver et secourir les blessés. »
L'article était suivi d'une photographie choquante où l'on voyait le cadavre de la Manticore, démembrée et mutilée, couchée sur le sol boueux et escarpé de la forêt du Mont Greylock.
— Hermione ! Cesse de tourner en rond, je comprends ce que tu ressens mais je t'en prie, si tu continues comme ça tu vas tous nous rendre malades et ça ne va rien changer à la situation.
C'était Dean qui venait de parler et Seamus renchérit aussitôt.
— Il a raison, tu vas creuser une tranchée dans le plancher si tu continues et ça ne va pas faire apparaître Potter comme par magie. Il est à l'hôpital à l'autre bout du monde, on ne peut pas l'aider.
La Salle sur Demande, la maison des dernières années de Poudlard, était sens dessus dessous, en état de siège. De multiples copies de journaux, parfois dans d'autres langues, avaient échoué sur le sol. D'autres traînaient sur les fauteuils ou sur les tables. Certaines d'entre elles, moins chanceuses, avaient fini leur course dans la cheminée où elles alimentaient un feu furieux dont le mur de flammes aurait suffi à réchauffer la Grande Salle tant il était flamboyant.
Au milieu du désastre, il y avait ces dernières années, réunies en cercle, d'une façon dont elles ne l'avaient plus fait depuis longtemps, depuis qu'Harry était parti en réalité. Quadrillant le groupe de par ses allers-retours incessants, Hermione Granger marmonnait des paroles qu'elle avait répétées pratiquement toute la nuit et qui n'étaient que des questions sans réponses.
Comment allait Harry ? Avait-il vraiment réussi à abattre une Manticore ?
Pourquoi Tom Jedusor aurait porté secours à Harry alors que c'était pour lui l'occasion rêvée de le voir mourir ?
Qui était le directeur d'Ilvermorny et qu'avait-il à faire dans cette histoire ?
Est-ce qu'Harry était en sécurité ? Avait-il mal, peur ?
Des interrogations inutiles, laissées invariablement sans réponse. Bien que des embryons de théories pussent répondre à chacune d'entre elles, l'inquiétude qu'elles reflétaient n'avait rien de rationnelle et elle ne pouvait pas être combattue par quelques possibilités.
Hermione s'arrêta brusquement dans son incessant cheminement entre les tables et les chaises de leur réunion improvisée et elle déclara, mortellement sérieuse.
— Il se trame quelque chose, je le sens. Il faut se rendre à Ilvermorny.
Puis elle releva la tête vers le groupe qui l'observait dans un silence lourd de sens et elle soupira, consciente que c'était impossible dans l'immédiat.
Elle se sentait incapable, idiote presque, parce que après des heures à tourner en rond elle n'avait pas d'autres solutions que celle-là. Aller à Ilvermorny n'était pas possible. Peut-être qu'en négociant avec la directrice elle pourrait obtenir le droit de rendre visite à Harry pendant les vacances de Noël mais ça paraissait si loin. Si long. Harry aurait certainement le temps de s'attirer d'autres ennuis d'ici là.
Du coin de l'œil, elle vit Drago se lever pour la rejoindre. Celui-ci lui sourit un peu faiblement, il paraissait inquiet lui aussi.
Ensemble ils avaient fait des recherches sur les problèmes qu'Harry rencontrait avec sa magie et les conclusions qu'ils avaient obtenues n'étaient pas bonnes. Elles étaient même extrêmement inquiétantes. Ils l'avaient sous-entendu par courrier à Harry et le Survivant ne leur avait jamais répondu.
Hermione était persuadée qu'Harry n'avait pas eu sa lettre et elle se disait qu'il n'avait pas eu le temps de lui en écrire une lui-même ou qu'on l'en avait empêché. Le résultat était le même, ils ne pouvaient pas communiquer...
En absence de nouvelles, la préfète arrivait une fois sur deux à se convaincre qu'il allait bien mais avec cet article à la Une de tous les journaux sorciers, elle ne le pouvait plus du tout.
Drago saisit sans mal là où ses pensées s'étaient arrêtées car il lui souffla.
— Il est fort et débrouillard, il va se remettre. De notre côté, on va trouver un moyen pour le contacter à distance et convaincre la directrice d'organiser une visite pour les prochaines vacances.
Hermione se sentit un peu mieux après ces paroles rassurantes. Ce jour-là, les élèves de Poudlard ne purent que faire des théories, des plans sur la comète et prier aussi fort qui leur était possible qu'Harry irait bien. Quoiqu'il se trame à Ilvermorny.
Drago Malefoy demeurait celui d'entre eux qui était le plus calme, convaincu que Severus Rogue allait tout mettre en œuvre pour aider Potter.
Peut-être était-il plus proche de la vérité qu'il ne le pensait.
Rogue était un Mangemort notoire mais il était avant tout de chose un espion pour le compte de Dumbledore, pour Potter, et même si sa manière de le montrer pouvait paraître particulière, le Maître des potions était certainement son plus fervent défenseur.
Fervent défenseur qui, au même moment, se trouvait au pied de l'hôpital national magique des États-Unis d'Amérique.
La nuit s'était éveillée depuis peu, le ciel était encore un peu grisâtre, pas tout à fait obscur comme à la nuit tombée mais pas assez clair pour qu'on puisse y distinguer d'autres nuances qu'un gris bleuté tirant de plus en plus sur le noir.
Les seules sources de lumière venaient de l'hôpital et des journalistes qui, regroupés devant le bâtiment, semblaient avoir pris la décision de rester ici jusqu'à ce que les héros du jour ne daignent en sortir. Ou bien jusqu'à ce qu'ils obtiennent une quelconque information intéressante à raconter dans ces torchons qu'ils osaient appeler des articles.
Severus Rogue se trouvait parmi ces journalistes, bien malgré lui, puisqu'il tentait tant bien que mal d'atteindre l'entrée du bâtiment. Là où il était attendu. L'hôpital était fermé au public, seule la famille des patients et le personnel soignant étaient autorisés à l'intérieur.
Contrairement à la majorité des infrastructures du monde magique aux États-Unis, l'hôpital n'était pas enterré dans le sol où suspendu sur une haute montagne, il se trouvait dans un coin perdu en pleine campagne moldue et les seuls habitants du coin le voyaient comme un lieu désaffecté, une ruine. En réalité l'hôpital était camouflé par un charme de protection qui ne révélait sa véritable apparence qu'aux sorciers, ainsi il restait dans l'anonymat.
Ce n'était pas un endroit fantastique, il n'y avait rien de magique ou d'impressionnant dans sa structure. Il ressemblait trait pour trait à un vieil hôpital moldu, sinistre et austère. Il était repoussant mais il s'agissait aussi du seul hôpital qui acceptait d'accueillir les sorciers étrangers.
Ce constat ne faisait qu'empirer le mélange d'angoisse, de colère et de fatigue que ressentait Severus et c'est ce mélange qui empêcha le professeur de potions de réagir lorsqu'une sorcière équipée d'un calepin et d'une plume à papote le bouscula.
Perdu dans ses pensées, il était trop inquiet, trop choqué, trop dépassé par les événements pour se mettre en colère contre elle si bien qu'il laissa Ulrich Tiare repousser l'imprudente en lui recommandant de faire plus attention.
Ulrich n'avait cessé d'être derrière lui depuis que la fusée de détresse avait été lancée et que Severus avait commencé à craindre pour ses élèves. Il était comme une ombre qui le suivait partout mais qui aurait pour capacité particulière de répondre et d'agir à sa place alors que l'ancien Mangemort se sentait absent, déconnecté de la réalité, son esprit trop focalisé sur son objectif.
Rejoindre Harry Potter et Tom Jedusor pour constater leur état par lui-même. Pour entendre de leurs bouches le récit véritable de leurs exactions. Pour pouvoir se décharger de ces craintes en leur hurlant dessus. La photographie de la Manticore, le récit des Aurors, les rumeurs et les articles des journaux, étaient autant de choses qui rendaient Severus fou de colère et d'inquiétude.
Comment les événements avait-il pu prendre une telle ampleur sans qu'il n'en ait le contrôle ?
Rogue était leur représentant légal ici, aux États-Unis, c'était à lui de décider si Potter devait ou non faire la Une des journaux, et jamais il n'aurait accepté qu'on l'exhibe encore comme un héros alors qu'il avait subi les machinations d'Agilbert Fontaine. Quant à Thomas Gaunt, il était censé faire preuve de discrétion jusqu'à l'obtention de son diplôme et être dans les gros titres de plusieurs articles n'était pas discret. S'il avait eu son mot à dire, il aurait interdit la diffusion de ces nouvelles par les médias internationaux.
Le Maître des potions en voulait aux médias, et aux autorités aussi, car les Aurors avaient pris cette horrible photo où Severus avait reconnu, peut-être parce qu'il savait quoi chercher, les marques que laisse un Obscurial sur sa victime.
À l'heure qu'il était, le monde sorcier dans son intégralité avait vu cette photographie. Rogue s'en voulait d'avoir sous-estimé Fontaine et il haïssait le fait d'avoir dû attendre que la situation soit moins compliquée et que l'enquête se dénoue avant de pouvoir se rendre à l'hôpital.
Maintenant qu'il était là, ce n'était pas quelques journalistes qui l'empêcheraient de passer.
Le potionniste utilisa sa magie pour éloigner quiconque de sa trajectoire jusqu'à la porte de l'établissement. Laissant dans son sillage des journalistes qui, avec un temps de retard, reconnurent le professeur de Poudlard, espion de la dernière Grande Guerre Magique accompagné par le professeur d'Ilvermorny, Ulrich Tiare, dont le nom faisait naître des noms d'oiseaux dans la bouche de n'importe quel sorcier américain.
Les deux hommes se frayèrent un chemin sans mal jusqu'à l'accueil de l'hôpital. Accueil où Rogue demanda où il pourrait trouver Harry Potter et Thomas Gaunt et où, au lieu de lui répondre, on le redirigea vers le bureau du directeur et de la directrice adjointe.
Situé au rez-de-chaussée, le bureau en question était affreux, trop blanc, trop impersonnel, l'endroit ne fit que renforcer les craintes des deux professeurs. Severus songea au miracle qu'était le simple fait qu'il ne soit rien arrivé de grave durant les douze longues heures que Jedusor et Potter avaient passées ici sans surveillance.
Lorsqu'ils franchirent la porte du bureau, le directeur les salua. Il était accompagné de la directrice adjointe dont on voyait la photographie dans les journaux, puisque c'était elle qui avait accepté de répondre aux questions des chroniqueurs. Severus la haïssait pour ça et il ne voulait pas avoir affaire à elle.
Le directeur était un homme assez âgé, portait une paire de lunettes en plastique et avait l'air soulagé de le voir arriver. Il lui serra la main et lui expliqua qu'il était content qu'il soit là. Cela empira le sentiment de malaise de Severus et, mû par un mauvais pressentiment, le professeur de Poudlard demanda sans ambages.
— Comment vont mes élèves ?
Le directeur de l'hôpital se racla la gorge, lança un regard à la directrice adjointe puis son visage se déforma dans une expression incompréhensible et il lui indiqua.
— Monsieur Potter est toujours en soins intensifs, il va mieux. Il a subi de nombreuses interventions mais il est hors de danger. Nous attendons qu'il se réveille pour choisir la marche à suivre. Nous avons dû le plonger dans un sommeil artificiel pour pouvoir le soigner. Sa magie était dans un état de retrait lorsqu'il est arrivé, si bien qu'il est possible qu'il reste inconscient encore un petit moment.
Puis après un autre regard vers la directrice adjointe, il ajouta.
— En vérité nous sommes davantage inquiets au sujet de monsieur Gaunt et c'est pour lui que nous avons fait appel à vous. Depuis que ce garçon a été amené ici, il n'a pas prononcé le moindre mot. Il refuse de se faire examiner. Il ne semble pas posséder de blessures trop importantes mais nous craignons que l'attaque ne lui ait causé un traumatisme d'ordre… disons plus…
Il envoya de nouveau un regard suppliant vers la directrice adjointe qui, le prenant en pitié, se décida à expliciter ce que le directeur essayait de dire sans y parvenir.
— Monsieur Gaunt montre tous les signes d'un choc psychologique certainement lié au traumatisme qu'il a vécu durant l'épreuve et après celle-ci lorsqu'il a dû s'assurer de la survie de ses camarades et, si nous savons soigner les blessures mêmes les plus graves, nous ne sommes pas forméspour traiter de ce genre de cas. Il refuse de nous parler ou d'être examiné, nous ne pouvons rien faire.
Elle s'arrêta, inspira profondément et termina.
— C'est pourquoi nous sommes heureux que vous ayez pu vous libérer, nous pensons que parler à un proche pourrait l'aider. Nous pensons également qu'il serait mieux qu'il rentre avec vous à Ilvermorny.
Severus Rogue, d'abord surpris par ce discours, conscient que la médecine magique avait quelques défauts, surtout concernant les blessures qu'on ne voyait pas sur le corps, se laissa quelques secondes pour traiter de l'information avant qu'il ne comprenne que les deux médecins en face de lui n'étaient pas inquiets de l'état de Jedusor mais terrifié par lui et souhaitaient qu'il les débarrasse au plus vite du mage noir.
C'est alors que, devant les directeurs de l'hôpital, le professeur de Poudlard se mit à sourire, un sourire sans joie, qui précéda ces quelques paroles.
— Thomas Gaunt a des problèmes psychologiques, ce n'est pas nouveau. Qu'a-t-il fait exactement pour que vous vouliez absolument le mettre dehors ? Il vous intimide sans prononcer le moindre mot alors même qu'il est privé de sa magie ? Je suppose qu'il veille Potter envers et contre vos recommandations. Vous voulez que je le raisonne et que je l'emmène avec moi hors de cet hôpital, c'est bien ça ?
Ils acquiescèrent, le Maître des potions renifla de mépris et leur envoya un regard noir.
— Si c'est le cas, vous pouvez vous retirer cette idée de la tête. Mais vous avez raison sur une chose, Gaunt vient de subir une expérience traumatisante où il a vu Harry Potter être blessé et presque tué. Cela l'a peut-être rendu muet et intimidant pour le moment mais vous pouvez me croire, ce n'est rien comparé à ce qu'il se passera si vous prenez la décision de le tenir à l'écart. Alors je ne vais pas le faire sortir de cet hôpital, je compte rester ici jusqu'à ce que je puisse les ramener tous les deux à Ilvermorny.
Sur ces derniers mots, il se détourna, s'avança vers les escaliers qui menaient aux étages supérieurs et précisa, sans même se retourner.
— Dorénavant ils sont sous ma responsabilité, donnez-moi le numéro de leur chambre. Contrairement à vous, on peut dire que j'ai reçu une formationqui me permet de traiter avec eux.
Les dirigeants de l'hôpital se contentèrent de lui donner le numéro 106 et d'appeler un infirmier pour que celui-ci les accompagne jusqu'à l'espace réservé aux patients gardés en soins intensifs.
Ulrich Tiare présenta ses excuses pour Severus Rogue, arguant que celui-ci était très inquiet et qu'il avait passé une journée affreuse. Par conséquent, lui suggérer de raccompagner l'un de ses élèves hors de l'hôpital était assez maladroit.
Bien qu'Ulrich comprenne que le jeune Seigneur des Ténèbres soit difficile à gérer lorsque Potter n'était pas capable de garder un œil attentif sur lui, il n'aimait guère que les directeurs sous-entendent que, sans ça, ils n'auraient pas laissé Severus entrer dans le bâtiment.
Ils pénétrèrent dans l'aile de l'hôpital réservée aux soins intensifs sans problème, l'infirmier qui les accompagnait les fit traverser un long couloir blanc, qui était plongé dans la pénombre et où la lumière ne provenait que des interstices sous les portes des chambres. Tout était très calme, presque trop calme. Ils ne croisèrent pas un chat et lorsqu'ils arrivèrent devant la porte numérotée 106, l'infirmier eut l'air de vouloir s'enfuir à toute vitesse.
Il bégaya.
— Voici la chambre 106, je vais chercher le responsable de ce service, il vous ouvrira.
Ulrich fronça profondément les sourcils alors que Severus Rogue répétait, d'une voix dangereuse.
— Il nous ouvrira ? Vous voulez dire que cette porte est fermée par un enchantement ? Alors que des patients se trouvent à l'intérieur ?
L'infirmier pâlit et se mit à triturer le col de sa robe d'uniforme en murmurant frénétiquement dans un flux ininterrompu.
— Je ne suis pas responsable. Je n'y suis pour rien, c'est le responsable du service qui a verrouillé. Il a dit qu'une alarme le préviendrait si monsieur Potter se réveillait et que d'ici là il fallait le laisser se reposer. Il n'a pas voulu mal faire, c'est à cause du directeur et de la directrice adjointe, elle ne cessait de venir et de demander des nouvelles et le directeur insistait pour que monsieur Gaunt soit emmené dans un autre service, ce qu'il refusait de faire alors comme cela créait trop d'agitation mon responsable a fermé la porte et à décrété que cela resterait comme ça jusqu'à ce que le patient se réveille. Alors le directeur a décidé de vous contacter et…
L'infirmier médicomage dut s'arrêter, à bout de souffle.
Se pinçant l'arête du nez, Severus Rogue déclara qu'il avait compris et qu'il pouvait disposer. Le jeune médicomage s'enfuit sans demander son reste et Ulrich déclara.
— Au moins le responsable de ce service semble plus consciencieux.
Ce à quoi le Maître des potions répondit.
— Peut-être ou pour pouvoir s'occuper d'autres patients il a enfermé ceux qui posaient problème. Gaunt ne peut pas se servir de sa magie et Potter est inconscient, les enfermer seuls tous les deux, sans assistance, est une folie.
Il était facile de juger l'hôpital et les médicomages sur ce qu'ils avaient fait ou non mais Severus Rogue n'aurait certainement pas été capable de mieux faire et il le savait. S'il avait été meilleur qu'eux, ses élèves n'auraient jamais atterri dans un endroit comme celui-ci.
Il aurait dû les empêcher de participer à la première tâche. Exiger de Fontaine des explications concernant la cage de Faraday n'était pas suffisant. Il aurait dû faire plus. Pour éviter à Harry Potter et à Tom Jedusor de nouveaux traumatismes.
Tout ce qu'espérait Rogue était qu'Harry ne se soit pas réellement changé en Obscurus sur le Mont Greylock car il ne savait pas comment il pourrait affronter ça. Comment il pourrait protéger Potter de son auto-destruction. Il ne savait déjà pas quoi penser du fait qu'Harry avait protégé le Seigneur des Ténèbres lors de l'attaque de la Manticore. Il aurait dû protéger sa propre vie et certainement pas celle de Voldemort.
Les Aurors les avaient retrouvés tôt ce matin puis ils les avaient laissés à l'hôpital, c'était tout ce que Rogue savait. Il ne connaissait pas les détails de l'attaque ni même ce qui s'était passé après celle-ci mais il était clair pour lui qu'Harry s'était battu pour défendre le mage noir. Potter était comme ça.
Le reste des informations qu'il possédait était venu par les journaux. Journaux qui n'avaient pas attendu plus de quelques heures pour s'emparer de l'information et la diffuser au monde entier, créant une situation de panique sans précédent à Ilvermorny, où le directeur avait longuement été interrogé puis conduit au MACUSA.
C'est à ce moment-là que Severus et Ulrich avaient été réquisitionnés pour faire régner l'ordre à l'école et lorsque le calme était à peu près revenu chez les élèves, l'ex-Mangemort avait reçu un message de l'hôpital lui demandant de se rendre sur place.
Ulrich l'avait accompagné, probablement parce que l'autre homme était inquiet pour lui. Ulrich avait tendance à s'introduire dans sa vie et Severus était dans l'incapacité à l'en faire sortir complètement. La plupart du temps, il était reconnaissant de l'avoir derrière lui. Sans réellement être capable d'expliquer pourquoi.
Le professeur suppléant fouilla dans sa poche pour en sortir un artefact qui ressemblait à une banale clé mais qui était en fait le mécanisme permettant de retirer les bracelets pour criminels que le directeur d'Ilvermorny avait placés sur Jedusor.
En réalité ces bracelets étaient pires que les bracelets réservés aux criminels, Agilbert Fontaine les avait renforcés en utilisant les fragments restants de la cage de Faraday et seul un artefact spécialement conçu pour, pouvait les rouvrir une fois qu'ils avaient été placés sur les poignets d'un sorcier. Tom était prisonnier de ces bracelets sans aucun moyen de pouvoir les retirer depuis le début de l'épreuve. L'unique solution pour Voldemort de les retirer aurait été de s'arracher les bras.
Il va sans dire que cette information n'avait pas été divulguée aux médias.
Severus le savait car Fontaine le lui avait révélé lorsque le professeur de potions lui avait demandé des comptes avant que le MACUSA ne l'emmène.
Fontaine lui avait tout avoué en souriant comme un dément, la photographie de la Manticore démembrée trônait sur son bureau comme une preuve irréfutable que Potter était bien ce qu'il était. Puis il lui avait confié l'artefact pour libérer les bracelets et s'en était allé avec les Aurors. Visiblement peu inquiet de son arrestation ou seulement trop heureux pour s'en soucier.
Agilbert Fontaine était maintenant convaincu qu'Harry Potter était un Obscurial et il avait raison. Cet homme était immonde.
Ça l'avait rendu malade, rien que d'y penser Rogue sentait un sentiment irrépressible de rage et de dégoût bouillir en lui et c'est dans cet état qu'il vit arriver le responsable du service.
Celui-ci déverrouilla la porte sans un mot puis il leur ouvrit et c'est sans pénétrer à l'intérieur, qu'il déclara.
— Vous êtes priés de ne pas faire trop de bruit et de ne pas déranger les patients.
Il fit volte-face et les quitta, Severus ne le retint pas, trop furieux pour s'énerver face à quelqu'un qui n'était même pas capable de comprendre sa colère.
Au lieu de ça, il s'avança dans la chambre. Dès qu'il approcha, il sentit une odeur métallique qu'il ne connaissait que trop bien, celle d'un mélange de sang et de désinfectant. Odeur écœurante et pourtant familière. Très vite, il oublia ces odeurs et les souvenirs qu'elles provoquaient chez lui. Ceux de sa convalescence à Sainte-Mangouste après qu'il fut mordu par Nagini, lors de la bataille de Poudlard.
Ses sens se concentrèrent sur une seule chose. Le corps alité de Potter dont l'épaule était recouverte de pansements. Son visage était extrêmement pâle et sa respiration semblait trop faible et trop mécanique pour paraître naturelle.
Il paraissait si fragile, si faible, allongé ici que Severus Rogue eut cette désagréable impression de se retrouver dans ce cauchemar où il voyait le petit Harry devenir grand pour être assassiné par Fontaine en personne.
On n'utilisait pas de pansements en médicomagie, sauf lorsqu'on était incapable de soigner complètement une blessure. Comme celle que Nagini lui avait faite à la gorge et dont Rogue gardait toujours la cicatrice. Heureusement, la sienne n'était pas trop visible. Elle ne le gênait pas tant que ça.
Potter n'aurait pas cette chance. La Manticore lui avait déchiré les muscles et les os de l'épaule sur une blessure si large qu'elle atteignait son cou. Ses cicatrices seraient visibles et gênantes, probablement douloureuses durant un long moment.
Paralysé par la vue de son élève, il fallut quelques secondes à Severus pour détourner son regard dans la direction de la seconde personne présente dans cette chambre pratiquement vide. Celle qui faisait aussi partie de ses cauchemars. Tantôt comme une autre victime d'Agilbert Fontaine, tantôt comme son bourreau personnel.
Le Seigneur des Ténèbres était assis sur une banquette qu'on avait placée à un mètre du lit où Potter était relié à d'innombrables sortilèges de contrôles magiques qui vérifiaient sans cesse ses constantes.
Si la vue d'Harry Potter dans ce lit d'hôpital avait provoqué une paralysie chez Severus, la vue du jeune Seigneur des Ténèbres ramassé sur lui-même serrant ses genoux contre sa poitrine, eut le don de faire disparaître tout sentiment de colère chez lui pour les transfigurer en une angoisse crasse et froide qui remonta jusqu'à sa gorge et accompagna ses paroles lorsqu'il demanda.
— Que s'est-il passé ?
Tom Elvis Jedusor ne releva pas la tête vers lui, ne cilla même pas, si bien que le professeur de Poudlard eut la pensée que Voldemort devait être inconscient lui aussi. Qu'il s'était endormi, trop épuisé par les événements.
Pendant que Ulrich Tiare fermait la porte derrière eux, Severus s'approcha de Potter pour pouvoir l'ausculter et c'est à ce moment qu'il entendit un sifflement rude et violent. Dans un sursaut, il s'éloigna du lit. Lançant un regard surpris dans la direction du Seigneur des Ténèbres, il fut déstabilisé en remarquant que celui-ci n'avait pas bougé.
Le fourchelang provoquait chez Severus une terreur sans nom à cause de l'époque où il avait été Mangemort et si entendre quelques mots en fourchelang de la bouche de Potter était tolérable pour lui, en entendre de la bouche du Seigneur des Ténèbres lui-même, avec cette intonation, avait le don de lui provoquer des sueurs froides.
Le potionniste était capable de comprendre un avertissement lorsqu'il en entendait un, même si celui-ci était prononcé dans une langue qui n'était pas la sienne. Il s'éloigna du lit et lança un autre regard vers le mage noir puis, dans un effort pour se sortir de cette situation, il précisa.
— J'ai amené de quoi retirer vos bracelets anti-magie.
Aucune réaction. Severus passa une main sur son visage, sentant ses nerfs longuement mis à rude épreuve proche de la rupture, il ajouta en utilisant volontairement le prénom de Potter.
— Harry va se réveiller puis nous partirons d'ici.
Cela ne manqua pas, à l'utilisation du prénom de Potter, Voldemort releva la tête vers lui et Severus remarqua - en essayant de ne pas en être trop affecté - que le Seigneur des Ténèbres avait les yeux d'un noir profond et que son regard était affreusement cerné, comme s'il n'avait pas dormi depuis des décennies.
Comme s'il était là à attendre que Potter se réveille depuis des siècles. L'image mentale de Voldemort attendant à jamais que le Survivant revienne à la vie le rendit nauséeux et Severus essaya de chasser à tout prix cette sensation qui lui nouait les entrailles.
En dévisageant Jedusor, Rogue remarqua qu'en dehors de ces cernes et de la couleur opaque de ses yeux, il y avait autre chose de notable sur son visage...
Des sillons, qui ressemblaient à ceux de larmes, parcouraient ses joues et pour éviter que cet élément ne déteigne sur sa santé mentale, Rogue détourna le regard, prenant la décision de les effacer de sa mémoire.
Un Seigneur des Ténèbres ne pouvait pas pleurer. Il n'était pas censé éprouver de sentiments. Il ne pouvait pas aimer et encore moins être blessé.
C'était faux bien sûr, mais Lord Voldemort avait trop longtemps incarné cette figure invulnérable, cruelle et immortelle pour que l'espion puisse accepter son humanité.
Puisqu'il avait gagné l'attention du mage noir, Severus redemanda, en insistant sur le prénom.
— Qu'est-il arrivé à Harry ?
Rien. Il attendit une bonne minute et rien ne vint, le regard de Jedusor s'égara vers Potter et il sembla s'abîmer dans la contemplation de son âme-sœur meurtri.
Il les ignorait complètement. Le monde aurait pu flamber sous ses yeux que Jedusor n'aurait pas bougé. Surveillant avec une attention obsessionnelle le corps du Survivant.
Grinçant des dents, Severus se rapprocha du mage noir et en arrivant à sa hauteur, il s'agenouilla et lui demanda.
— Montrez-moi vos poignets.
Le Seigneur des Ténèbres ne lui accorda même pas un regard, toujours perdu sur son observation minutieuse du moindre souffle s'échappant de la bouche de Potter.
Sa patience était sur le point de céder lorsque Ulrich atterrit à leurs côtés. Celui-ci lui chuchota, comme si Gaunt ne pouvait les entendre. Comme s'il n'était pas en face d'eux.
— Il est en état de choc. Peut-être vaut-il mieux ne pas insister. On devrait s'asseoir et attendre que Harry Potter se réveille.
En état de choc ? Le Seigneur des Ténèbres était beaucoup de choses mais il n'était pas en état de choc. Dans un mouvement de colère et parce qu'il ne pouvait accepter qu'un homme comme Lord Voldemort se montre si démuni face à lui, Severus tira sur les bras du garçon pour lui retirer ses bracelets et, à cet instant précis, un flot discontinu de magie provenant de derrière eux l'attaqua, écartant le Maître des potions du Seigneur des Ténèbres.
Cette magie qui venait de le bousculer parcourut le corps de Jedusor un instant, comme pour vérifier son intégrité avant de s'évanouir dans les airs, comme si elle n'avait jamais été là.
Abasourdi, Severus se retourna pour voir d'où provenait l'attaque, mais il ne vit que Potter, allongé dans son lit d'hôpital.
Harry demeurait inconscient mais son visage arborait à présent une grimace de douleur. Comme s'il souffrait davantage.
Quelques secondes plus tard, le médicomage responsable des soins intensifs apparut dans la pièce. L'homme avait l'air inquiet. Il vérifia les constantes de son patient puis il envoya un regard noir à Rogue qui était en train de se relever pour finalement chuchoter avec fureur.
— Je vous ai demandé de ne pas faire de bruit et de ne pas déranger les patients. Êtes-vous incapable de comprendre une consigne aussi simple ? Monsieur Gaunt est un patient et comme vous avez pu le remarquer le contraindre à faire quelque chose qu'il ne veut pas et même si ce n'est que bouger, provoque une réaction chez monsieur Potter qui utilise sa magie pour le protéger. C'est pourquoi j'ai fermé la porte. Pour éviter qu'un infirmier trop zélé ne cause d'autres dommages.
C'est après avoir stabilisé les sortilèges de surveillance de l'état du Survivant, que le médicomage leur asséna froidement.
— Vous ne faites pas exception, comme le reste de cet hôpital, vous êtes priés de sortir si vous n'êtes pas capable de rester ici sans agresser mes patients.
Ulrich tenta d'arrondir les angles avec le médecin en remarquant la confusion sur le visage de son ami et confrère.
— Nous sommes désolés, nous n'étions pas au courant. Nous ne ferons rien de plus, nous allons attendre le réveil de monsieur Potter ici avec Thomas Gaunt, si vous nous le permettez.
Le médicomage les jaugea du regard un instant avant de repartir avec un dernier avertissement.
— Si je dois intervenir de nouveau, vous attendrez dans le couloir ou à l'accueil. Je n'ai pas besoin de travail supplémentaire.
Il partit et referma avec délicatesse la porte derrière lui. De toute évidence l'homme avait passé la journée à expliquer à tout l'hôpital qu'essayer d'aider Gaunt empirait la santé de Potter et qu'il fallait les laisser en paix.
D'où la volonté des dirigeants de l'hôpital de les prévenir pour qu'ils viennent chercher Jedusor au plus vite, ceux-ci espéraient se débarrasser du problème si quelqu'un de confiance arrivait à l'aider.
Or Severus Rogue venait d'échouer lamentablement. Sous le coup de l'énervement, il avait essayé de contraindre le Seigneur des Ténèbres. Ses intentions étaient bonnes mais l'exécution était mauvaise.
Ulrich le comprit sans mal et il sut précisément à quel moment Severus le comprit lui aussi. La honte d'une mauvaise action se lisait très facilement sur le visage pourtant neutre qu'il avait appris à décrypter. Il lui fit signe de s'asseoir près de lui en tapotant le bord de la banquette, presque comme il l'aurait fait avec un enfant.
Si Potter était alité et que le jeune Seigneur des Ténèbres ne se portait pas bien non plus, tous les repères de Severus partaient en poussière et il se retrouvait aussi démuni que s'il avait été blessé lui-même. Pendant un temps tout du moins.
Puisque le talent particulier de Severus Rogue était d'être un homme borné, capable de s'extirper de situations fâcheuses lorsqu'elles se présentaient à lui.
Après un moment passé côte à côte dans le silence, Ulrich vit Rogue se relever et commencer à traverser la petite pièce de long en large en se massant les tempes.
Il chuchota.
— Ce n'est pas la bonne méthode.
Puis il s'arrêta brusquement, attrapa sa baguette magique et la déposa sur la table de chevet, proche de Potter. Il lança d'ailleurs un regard appuyé à celui-ci. Comme s'il lui adressait quelques paroles silencieuses.
Je dépose mon arme. Je ne vais pas le blesser. Cessez de me voir comme une menace.
Puis il s'approcha à nouveau du mage noir et cette fois-ci il décida de ne pas se mettre entre Jedusor et le lit où Potter était alité. De manière à ne tourner le dos ni à l'un ni à l'autre, il s'assit à côté du Seigneur des Ténèbres.
Ulrich observa l'action se dérouler avec une légère appréhension, il ne savait pas ce que Severus tentait de faire, même s'il avait la conviction qui le faisait avec l'objectif de venir en aide aux garçons.
Il y avait peu de manière pour sortir quelqu'un d'un choc qui provoquait un état de mutisme comme celui que présentait Thomas. Tiare était conscient que le jeune Seigneur des Ténèbres n'était pas n'importe qui et que les méthodes habituelles pour ce genre de cas ne fonctionnaient pas, surtout si un autre sorcier veillait à ce qu'on ne le touche pas.
Potter utilisait le peu de forces qu'il était capable de manifester pour envelopper Jedusor d'une protection infaillible et destructrice, pour l'un comme pour l'autre. À cause d'elle, Potter ne parvenait pas à récupérer des forces et personne ne pouvait venir en aide au mage noir.
Malgré ce constat, Severus Rogue s'essaya à une nouvelle tentative, en s'adressant à Lord Voldemort avec prudence.
— J'aimerais que vous me montriez vos mains pour que je puisse retirer vos bracelets. Votre magie vous sera rendue dès que j'en aurai fini.
Cette tentative n'aboutit nulle part, si Gaunt avait entendu le Maître des potions s'adresser à lui, alors il l'ignorait complètement.
Rogue n'abandonna pas pour autant.
— Comme vous voulez. J'imagine que cela vous plaît de rester immobile et impuissant à attendre que Potter vole à votre secours à la moindre frayeur.
Ulrich crut s'étouffer, il pensait que Rogue tenterait une approche douce et rassurante, comme c'était recommandé, puis il comprit que c'était cette approche que les médicomages avaient déjà tentée et qui n'était pas la bonne méthode.
À la surprise de Tiare, Jedusor remua et lança à Severus Rogue un regard sombre, comme si malgré son état, une partie de lui avait parfaitement saisi l'insulte.
Rogue enfonça le clou en précisant, d'un ton cassant.
— Non seulement vous le forcez à vous emmener avec lui pendant cette épreuve mais en plus il se blesse par votre faute et désormais, s'il peine à récupérer des forces c'est parce qu'il les mobilise pour vous. N'est-ce pas ironique ? C'est exactement pour ne pas en arriver là qu'il souhaitait que vous restiez à Ilvermorny.
Ensuite, il acheva son allocution par les mots suivants.
— Comme d'habitude vous prenez des décisions et c'est lui qui doit en subir les conséquences. Dites-moi, ce doit être confortable d'utiliser son âme-sœur comme souffre-douleur ?
Jedusor bondit de son siège, les yeux étincelants, il étrangla Severus en le saisissant par la gorge, sifflant dans un anglais terriblement proche de la langue des serpents.
— Répétez ça encore une fois et vous ne pourrez plus jamais prononcer le moindre mot.
C'était terrifiant. Gaunt était terrifiant, en moins d'une seconde il était passé d'un blessé qu'il ne fallait pas brusquer à un tueur sans pitié. Sans transition.
Ulrich, qui s'était levé, hésita à aller aider Severus, même sans sa magie Jedusor paraissait capable d'abattre le Maître des potions.
Le professeur d'Ilvermorny fut soulagé lorsque Rogue adressa un sourire mauvais au Seigneur des Ténèbres pour lui signaler d'une voix étouffée.
— Je préfère ça. Prenez l'artefact dans ma poche et retirez vos bracelets. Potter restera inconscient tant que sa priorité ne sera pas de se rétablir.
C'était une manière alambiquée de transmettre un message bienveillant.
Il va continuer de vous protéger tant que vous ne serez pas capable de le faire vous-même alors aidez-le à s'aider et aidez-moi à vous aider.
Ulrich constata avec effarement que la manière forte fonctionnait presque trop bien sur Gaunt. Severus savait parfaitement comment le Seigneur des Ténèbres allait réagir. Il connaissait Potter et Jedusor, il connaissait leur manière de fonctionner.
Il était même peut-être le seul à pouvoir traiter avec le Seigneur des Ténèbres et le Survivant à la fois, comme s'il avait adhéré depuis longtemps à ces deux camps autrefois ennemis.
Dans ces conditions, il n'était pas étonnant de voir Jedusor se pencher pour récupérer la clé de ses bracelets.
Severus vit les mains du Seigneur des Ténèbres quitter sa gorge pour récupérer l'artefact dans sa poche, puis le mage noir dirigea celui-ci vers ses bracelets et le professeur de potions constata l'état dans lequel étaient les poignets et les mains de Gaunt.
Ses bracelets comportaient des éraflures prononcées mais ce n'était rien comparé à l'état de ses poignets. Ses ongles étaient couverts de sang et le Maître des potions détourna les yeux des mains de son élève lorsqu'il vit qui lui en manquait.
Gaunt portait un vêtement donné par l'hôpital par-dessus les siens alors Severus était incapable de voir si les dégâts sur ses mains allaient plus loin mais il était évident que Jedusor avait essayé de retirer ses bracelets anti-magie par lui-même et qu'il avait essayé de manière compulsive. Au point de s'en arracher les ongles.
Les médicomages n'avaient-ils rien fait pour l'en empêcher ?
Ce devait être récent autrement le sang sur ses mains aurait été sec. Gaunt s'était pratiquement mutilé devant eux et personne n'avait réagi.
Fallait-il que Jedusor s'arrache les mains pour que quelqu'un lui vienne en aide ? Ils avaient fait le strict nécessaire puis il l'avait laissé là, comme un animal blessé dont on craignait la morsure.
Severus était obligé de combattre le profond sentiment d'injustice qui le poussait à vouloir prendre la défense du Seigneur des Ténèbres. En lui se disputaient deux visions des choses, celle qui considérait encore Tom Jedusor comme Lord Voldemort lui criait que le traiter comme une bête n'avait rien de surprenant.
Il était un monstre à visage humain qui n'éprouvait pas la moindre hésitation à abattre ceux qui lui étaient fidèles. Une autre partie de lui, encore émergente et grandissante, commençait à associer Harry Potter à Tom Jedusor.
Rogue savait que le mage noir était un sorcier devenu Obscurial parce qu'il avait trop souffert. Comme Harry. Et la simple pensée de laisser un être ayant vécu dans la violence toute son existence s'infliger d'autres blessures le révoltait.
Si cela avait été Harry, il aurait attaqué l'hôpital pour négligence. Cependant comme il s'agissait de Voldemort et que Rogue était incapable de prendre la défense de l'homme qui avait fait de sa vie un enfer, il se contenta de serrer les dents et d'ignorer ce qu'il venait de voir. Tout comme il préférait chasser de ses pensées l'idée que le Seigneur des Ténèbres eût pleuré.
Il n'était pas bien différent de ces médecins qui avaient négligé la souffrance de Jedusor par peur, puisque lui-même la négligeait par ressentiment.
Parce qu'il avait connu le Seigneur des Ténèbres comme un être sans cœur, sans âme ni émotions, comme une créature immortelle à qui on ne pouvait plus associer de traits humains et qui ne méritait ni considération ni pitié. Comme un être incapable de ressentir peine ou souffrance.
Jedusor apposa l'artefact sur le premier bracelet qui tomba à terre dans un fracas métallique. Puis il fit de même avec le second et alors que celui-ci poursuivait sa course vers le sol, la magie noire et sulfureuse, vengeresse, qui était la sienne s'écoula dans toute la pièce.
Comme une chape de brume tombe du ciel.
Elle était suffocante, lourde et épaisse, invisible à l'œil nu mais terriblement présente et mortelle.
Comme pour vérifier qu'elle lui obéissait de nouveau, Jedusor invoqua un serpent de feu qui parcourut un instant ses bras, naissant de sa main et grandissant à vue d'œil avant de s'évanouir au-dessus de sa tête. Plongeant la pièce dans une chaleur brusque et éphémère. Un aperçu de l'enfer.
Un Feudeymon. Une version minimale de ce feu incontrôlable. L'un des sortilèges les plus complexes à réaliser en ce monde. Manié avec tellement de virtuosité qu'on aurait dit un simple Lumos.
Un acte qui replaça sans mal l'identité réelle de l'être qui se trouvait devant lui.
Voldemort ne paraissait avoir que seize ans mais il restait surdoué. Même lorsqu'il était blessé physiquement et psychologiquement, il restait ce psychopathe ayant commis des crimes impardonnables avec lequel il fallait traiter avec précaution.
Severus Rogue allait devoir apprendre à faire cohabiter ces deux parties de lui qui voyaient tantôt Jedusor comme un étudiant dont il avait la garde tantôt comme le tyran qui l'avait réduit en esclavage.
Le plus difficile était de saisir que Tom était tout ça à la fois. Parce qu'il incarnait à la fois cet homme face à qui il s'était agenouillé et un garçon bouleversé par ce qu'il venait de vivre, Severus tentait de ne pas commettre l'erreur de le voir uniquement comme l'une ou l'autre de ces deux facettes.
C'était l'erreur que faisait chaque personne que rencontrait Jedusor. Toutes sauf une. Une âme n'avait pas besoin de faire la distinction entre ces deux versions, puisqu'elle le percevait tel qu'il était sans mal, sans avoir à concilier deux images incompatibles de lui.
Une âme appelée par la présence de cette magie si similaire à la sienne. Une âme qui ne pouvait que lutter pour s'éveiller et retrouver sa moitié.
À peine quelques instants après que Voldemort ait retrouvé la capacité de se servir de sa magie, les constantes de Potter s'agitèrent.
Severus vécu cet instant au ralenti, ce fut comme si le monde entier avait été sujet à un enchantement.
Gaunt se détourna du Maître des potions pour se concentrer uniquement sur Potter, une seconde avant que celui-ci n'ouvre les yeux, sa poitrine se soulevant et s'abaissant âprement. Comme s'il reprenait son souffle pour la première fois. Avec brutalité, sa cage thoracique se libéra par un à-coup rude du poids qu'elle portait. Celui du devoir de protéger.
À suivre…
Une petite review pour m'encourager avec l'écriture du chapitre suivant ?
